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Fondements de la représentation cinématographique UEF11
Cours de Licence Arts du Spectacle
Programme du Cours Magistral |
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Descriptif du cours
Ce cours magistral, qui s'appuie sur la projection de près de 70 extraits de films (classiques du cinéma, films de genre...), a pour vocation de fournir aux étudiants des outils méthodologiques leur permettant d'approcher les films (documentaires et fictions) tournés pour le cinéma par le biais des techniques de la mise en scène et des techniques narratives. Une attention particulière est apportée à la caractérisation des personnages, la construction du récit et de l'intrigue. Sans jamais perdre de vue les liens qu'entretiennent ces divers éléments avec la notion de "point de vue", deux approches combinatoires sont abordées :
Les éléments externes au film (conditions de production et de réception) :
- l'époque de tournage ;
- l'époque de sortie (la réception publique, les polémiques ou controverses éventuelles ayant accompagné cette sortie) ;
- la diffusion (nationale, internationale) et les différentes versions (s'il y a lieu)
- les résultats économiques (entrées, recettes, pertes) ;
- la réception critique
- la représentation éventuelle d'éléments historiques ou sociaux contemporains du tournage
Les éléments internes du film :
- le temps : linéaire (respect du temps chronologique dans la narration), non linéaire (flash back, ellipse , etc.) ;
- l'espace : choix et traitement des lieux (champ et hors-champ, profondeur de champ, échelle des plans, plongée et contre-plongée, cadre et mouvements de caméra, caméra subjective, etc.) ;
- l'image : lumière, couleur, contraste, surimpression des images ;
- : matière sonore ("in" et "off"), bruits, paroles, silences.
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Evaluation : examen terminal
Niveau :Licence 1 (aucun prérequis necessaire)
Horaires : mardi 10h30-13h00
Lieu : bâtiment SHA, Amphi Hanna Harendt
Modalités d'examen (pour le TD consécutif au cours magistral)
contrôle continu (un exposé sur l'analyse de film - film au choix - groupes de 2 étudiants max) :
- 50% de la note concerne l'analyse audiovisuelle d'une séquence ,
- 25% l'analyse des conditions de production
- 25% l'analyse des conditions de réception.
La méthode de l'analyse de film (fiche pratique)
Bibliographie indicative
Le vocabulaire utilisé lors de l'analyse d'un film |
Les éléments de la mise en scène |
Eléments non spécifiques |
La conduite du récit |
Chronologie : flash-back , ellipse, période de temps couverte par l'histoire
Focalisation sur un personnage principal ou sur plusieurs. Caractéristiques du personnage principal. Gestion des ressorts dramatiques, Humour |
Les acteurs |
Acteurs professionnels ou non, attitude minérale ou surjeu. |
Dialogues-Musique |
Dialogues (littéraires, historiquement datés...) Musique (in ou off...). |
Eclairages, couleur |
Impressionnisme, expressionnisme |
Le décor |
Utilisation symbolique, réaliste ou exotique. Décors réels ou construits en studio.
: le décor de film |
Eléments spécifiques |
L'image |
format , cadre (champ/hors champ), profondeur de champ .
Seul le format relève vraiment de l'image cinématographique. La notion de cadre renvoie aussi au plan, ainsi que la profondeur de champ, souvent associée au plan séquence. |
Le plan |
nombre des plans, durée ( plan-séquence ), déplacements (plan fixe, travelling , panoramique ) et axe de la caméra ( plongée , contre-plongée )
Échelles des plans |
La séquence |
Nombre |
Le montage |
Fonctions syntaxiques et sémentiques |
Le son |
Effets signifiants |
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Plan
général
Décrire Informer |
Peintures ou photographies de paysages. Vignettes de B.D., plans de romans-photos intervenant au début du récit ou correspondant à la perception qu'a un personnage du contexte dans lequel il est plongé. |
Permet de mettre en avant le contexte en montrant l'ensemble d'un décor, d'un paysage, dans lesquels peuvent être intégrés des personnages. Surtout utilisé dans les scènes d'action (pour en mettre la globalité en évidence), mais aussi pour montrer par exemple la solitude et / ou la petitesse d'un personnage dans un paysage (personnage réduit à l'état de silhouette ou de point dans l'immensité du plan).
- Il s'agit d'informer ou de susciter une émotion esthétique. |
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Plan
large
Situer |
Paysages d'accompagnement servant de toiles de fond à des scènes (qu'on présente, plus que les particularités éventuelles de personnages) religieuses ou profanes présentées en peinture. |
- Se focaliser sur une action précise, sur une partie du contexte à "échelle humaine".
- Permet de présenter le personnage dans son environnement. Il propose au spectateur à la fois des données objectives générales tout en introduisant éventuellement des situations psychologiques particulières. |
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Plan
moyen
Attester |
Images privilégiant un personnage en action ou non :
- portraits officiels (peintures ou photographies). ;
- vignettes de B.D. correspondant au moment où l'intrigue privilégie un personnage. |
Distinguer un personnage de ce qui l'entoure, lui accorder une importance, le présenter en action. - Selon le contexte, son effet varie : simple introduction du héros ou d'un protagoniste, menace, humour, attente... |
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Plan
italien
Attirer l'attention |
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Plan
américain
Attirer l'attention |
Portraits laissant à l'attitude et au costume un rôle dans la signification. |
Prend le personnage un peu au dessus des genoux. Il est très utilisé, par exemple pour organiser une conversation entre deux personnages (champ / contrechamp). Il accorde une importance croissante au personnage et à ses gestes, intensifie éventuellement l'action |
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Plan
rapproché
Attirer l'attention |
Cadre le personnage à la poitrine. |
Entraîne une appréhension plus intime du personnage, de sa situation morale, psychologique, de ses intentions, de son caractère. |
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Gros plan
Dramatiser, émouvoir |
Portraits cherchant à traduire une dimension intérieure.
Pour Deleuze , le visage est gros plan et tout gros plan est un visage. En s'appuyant sur les propos de l'historien d'art Wolfflin , il distingue deux types de visages :
surface réfléchissante de visagéification exprimant l'admiration mais aussi parfois le mépris ou le désespoir. Le visage comme un contour, une ligne enveloppante qui pense à quelque chose Avec un minimum de mouvement pour un maximum d'unité réfléchissante et réfléchie sur le visage. Griffith
traits de visagéité, micro mouvements intensifs exprimant le désir (mais aussi parfois la colère, la tendresse) chaque partie du visage prenant une sorte d'indépendance momentanée. les traits du visage sont dispersés, pris dans la masse, lignes fragmentaires et brisées qu'indiquent le tressaillement des lèvres ou l'éclat d'un regard, et qui entraînent une matière plus ou moins rebelle au contour, inséparable de petites sollicitations ou d'impulsions qui composent une série que les parties du visage traversent successivement jusqu'à un paroxysme. Le visage sent ou ressent quelque chose : qu'est-ce qui te prend, qu'est-ce que tu as ? Eisenstein Il s'agit de deux pôles, tantôt l'un prévalant sur l'autre et apparaissant presque pur, tantôt les deux se mélangent dans un sens ou dans l'autre. |
- Exprimer la sensibilité, communiquer au spectateur les sentiments du personnage.
Supprime les distances, favorise le rejet ou l'identification, trahit les sentiments et les émotions, met en évidence un objet. |
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Très gros
plan (ou insert)
Détailler |
Images publicitaires jouant sur la valeur d'un détail (objet à valoriser, attitude servant de support à l'argumentaire, etc.)
- Photographies et peintures à caractère symbolique ou fantastique.
- Vignettes de B.D. suggérant l'intensité de l'émotion. |
- Saisir un détail pour lui accorder une valeur symbolique ou fantastique.
- Focalise l'attention sur un détail (expression, objet, etc.) significatif. . |
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http://analysefilmique.free.fr (rubrique "les bases de l'audiovisuel")
Les différents types de montage |
http://analysefilmique.free.fr (rubrique "les bases de l'audiovisuel")
Quelques questions à se poser pour faire l'analyse d'un film |
NOTE PRELIMINAIRE : Premier principe élémentaire : il n'y a pas une méthode d'analyse de film, mais des approches complémentaires. Nous privilégions ici l'approche socio-historique et socio-économique.
Second principe élémentaire: le fond et la forme ne peuvent être dissociés lorsque l'on analyse un film (22).
Toute critique de fond passe évidemment par une connaissance suffisante des codes de la forme, sous peine de commettre de grossières erreurs de lecture (23).
A/ L'INDUSTRIE :
1) Quelle est la maison de production ? quelle est sa politique habituelle ?
Le problème se corse évidemment lorsqu'il s'agit de coproductions.
2) Qui est le producteur ? A-t-il influencé le contenu du film ou sa présentation, de quelle manière, avec quelles justifications et dans quel but ?
On connaît, par exemple, l'influence de « géants » comme David 0. SELZNICK (1), Irving THALBERG, Darryl F. ZANUCK (2). Il en est de même d'acteurs-producteurs indépendants comme Kirk DOUGLAS (3), Randolph SCOTT ou John WAYNE (4).
3) Comment le film a-t-il été financé; combien a-t-il coûté ? Jusqu'à quel point le montage financier a-t-il pu influencer la composition de l'équipe et le contenu du film ? (17)
4) Qui est le scénariste ?
Certains scénaristes hollywoodiens ont été «blacklistés» à l'époque du maccarthysme (5) en raison de leurs opinions «de gauche»; que savons-nous des idéaux de celui qui a rédigé le texte du film étudié (qu'il figure ou non au générique) et à quel point ont-ils pu influencer le traitement du sujet ? Attention, il arrive souvent que plusieurs personnes travaillent sur cette étape essentielle de la préparation du film; dans ce cas, il est important de déterminer leurs parts respectives.
S'il s'est inspiré d'un écrit littéraire, qui en est l'auteur ? quelles modifications le scénariste a-t-il apportées (6) au texte de base ?
Si le scénario évoque un événement ou une époque historique, sur quelles bases repose-t-il ?
Y a-t-il des distorsions par rapport à la « réalité socio-historique » ? de quelle nature sont-elles, ont-elles été justifiées et comment ?
Il est bon d'entreprendre ces recherches en toute connaissance du mode de «fabrication» d'un scénario (7).
5) Qui est le réalisateur ?
A l'époque de l' «Age d'or» des studios, un metteur en scène est largement polyvalent. Ainsi, Howard HAWKS (8) réalise-t-il en 1948 un western «Red River», une comédie musicale «A Song is Born» (remake de la comédie «Ball of Fire» qu'il avait dirigée en 1941, l'année de «Sergeant York», deux films avec Gary COOPER) et une comédie «I Was a Male War Bride»; Raoul WALSH (9) met en scène en 1951 deux westerns «Along the Great Divide» et «Distant Drums» (remake du film de guerre «Objective Burma !» qu'il avait réalisé en 1945), un film noir «The Enforcer» (pour lequel il n'apparaît pas au générique) et un film d'aventures maritimes «Captain Horatio Homblower»; et Anthony MANN signe en 1955 trois westerns «The Far Country», «The Man from Laramie» et «The Last Frontier» ainsi qu'un film de guerre «Strategic Air Command», le tout entre une biographie romancée «The Glenn Miller Story» en 1954 et un film musical «Serenade» en 1956; on pourrait multiplier les exemples... (10). On reconnaît pourtant la «patte» de chacun d'entre eux; qu'apportent-ils donc de personnel dans ce qui ressemble fort à un «travail à la chaîne» ? Comme pour les scénaristes supra, le problème se complique toutefois lorsqu'on sait que plusieurs metteurs en scène peuvent intervenir sur un film sans être pour autant crédités...
6) A quel «genre» (11) le film appartient-il ? quelles en sont les règles habituelles ? ont-elles été respectées ?
On sait combien les codes en relation avec les grands genres (western, policier, musical, guerre, etc.) sont contraignants, particulièrement dans le cinéma américain; mais pensons également aux conventions morales dont le fameux «code Hays» est un exemple typique (12); on peut en dire autant des normes idéologiques des cinémas des républiques populaires à commencer par l'U.R.S.S. et la Chine.
Il faudrait en étudier les évolutions, ainsi que l'histoire de leurs transgressions...
7) La réalisation a-t-elle connu des problèmes concernant le contenu du film ou son montage ?
On connaît les mésaventures du «Greed/ Les rapaces» d'Erich VON STROHEIM (1925) au nom de la rentabilité celles d' «Ivan le Terrible» d'EISENSTEIN (surtout la deuxième partie, en 1946, la troisième n'ayant jamais été tournée) du fait de l'idéologie, et celles des films de Sam PECKINPAH comme «Major Dundee» (1965) et «Pat Garrett and Billy the Kid» (1973) sous le prétexte de leur violence (13). C'est dire combien il est indispensable d'effectuer des recherches dans ce domaine avant de commencer l'analyse d'un film, afin de vérifier de quelle version vous disposez.
8) Quels sont les acteurs (14) principaux ? quel rôle ont-ils eu dans la structure du scénario ou dans la constitution de son équipe de production ?
Clark GABLE aurait provoqué le départ de George CUKOR du plateau de «Gone with the Wind» et son remplacement par Victor FLEMING moins «féministe»; Kirk DOUGLAS, également producteur, exige le remplacement d'Anthony MANN par Stanley KUBRICK sur celui de «Spartacus»,...
Autant de coups portés à la théorie «auteuriste», dans la mesure où les séquences déjà tournées sont naturellement maintenues dans le montage final - coût oblige.
9) Le film a-t-il fait l'objet d'une censure (15) par un office commercial ou institutionnel (politique ou d'origine religieuse, cf. note 12) quelconque ?
Y a-t-il eu auto-censure (16) au sein de la production ?
Dans l'un et l'autre cas, quelle en fut l'origine et sous quelles formes s'est-elle exercée ? Pensons, par exemple, aux célèbres « cotes catholiques »...
10) Comment la diffusion a-t-elle été organisée ? quel succès le film a-t-il obtenu ? comment s'est-il classé au box-office ? a-t-il obtenu des prix ?
N'oublions pas que le succès d'un film peut ne pas être immédiat et n'intervenir qu'après la sortie d'une nouvelle copie, en vidéo par exemple (17).
11) Comment la critique (18) l'a-t-elle reçu ? Y a-t-il un hiatus entre l'accueil critique et celui du public ?
Il est essentiel de parcourir la critique du pays producteur, aux fins de déterminer les rapports entre le contenu d'un film et l'audience première à laquelle il est destiné.
Il faudrait, idéalement, vérifier à quel type d'opinion (démocrate ou républicaine, catholique ou laïque, etc.) appartient le journal (19) ou la revue qui publie chaque critique analysée.
B. L'EPOQUE :
1) Quelles sont l'année de début de production ou de préparation, de réalisation, et de sortie du film étudié ?
S'il y a un décalage de plus de deux ans entre le premier projet connu et la diffusion en salle ou en vidéo, à quoi est-il dû si la cause n'appartient pas à l'industrie cinématographique proprement dite ?
La préparation de «Gone with the Wind» (1939) a commencé, selon les «Mémos» de SELZNICK (20), en mai 1936 - soit un mois avant la sortie du livre en librairie! - et l'aventure de cette production s'arrête en octobre 1941 lorsque le célèbre producteur renonce définitivement à tourner une suite...
2) Quels sont les éléments internes au pays producteur qui ont pu influencer le contenu du film ?
Le maccarthysme et ses méthodes ont influencé le scénario de films tels que «High Noon» de Fred ZINNEMANN en 1952, «On the Waterfront» d'Elia KAZAN et «Silver Lode» d'Allan DWAN en 1954; il en est de même pour les guerres dans lesquelles les Etats-Unis ont été successivement impliqués, pour les divers mouvements en faveur de la reconnaissance de droits civiques pour les multiples «minorités» américaines, etc.
3) Quels sont les éléments de politique extérieure qui ont pu influencer ce même contenu ?
La commande d'une adaptation cinématographique de l'ouvrage «Mission to Moscow» de l'ambassadeur DAVIES, faite par les services du président ROOSEVELT aux studios WARNER BROS. en 1943, est justifiée (entre autres projets parmi lesquels «La bataille de Russie», documentaire de Guerre dirigé par Frank CAPRA la même année comme «The North Star» de Lewis MILESTONE) par le souci de susciter l'adhésion du public américain à une intervention des Etats-Unis dans le «conflit européen» aux côtés de la Russie de STALINE contre l'Allemagne de HITLER; pour mener à bien cette oeuvre de propagande, on choisit un réalisateur connu, Michael CURTIZ, un immigré d'origine hongroise qui mit en scène la même année le mythique «Casablanca».
4) Où se place le film dans l'Histoire du Cinéma en général, du genre en particulier ? A-t-il des antécédents ? Constitue-t-il une suite, une séquelle, un «remake» ? Avec quelles variantes au niveau des thèmes ?
A-t-il eu des suites, des séquelles ou a-t-il fait l'objet d'un ou de plusieurs «remake» ? Il est évidemment toujours intéressant de comparer l'évolution d'un scénario d'une version à l'autre (21).
C. ANALYSE DES ELEMENTS INTERNES DU FILM :
1. Quelle est la structure du film ?
Si la linéarité chronologique est la plus fréquente, un film peut présenter une structure plus éclatée incorporant un ou plusieurs «flash back», jusqu'à prendre la forme d'une enquête à voix multiples - tels par exemple «Citizen Kane» (1941) d'Orson WELLES, «The Barefoot Contessa» (1954) de Joseph L. MANKIEWICZ, «Sergeant Rutledge» (1960) de John FORD ou «Salvatore Giuliano» (1961) et «Il caso Mattei» (1973) de Francesco ROSI.
Les cinémas français et italien des années '40 à '60 ont développé le modèle des films «à sketches» autour d'une idée générale, tels entre autres exemples «Le mouton à cinq pattes» (1954) de Henri VERNEUIL ou «I mostri» (1963) de Dino RISI; les éléments peuvent en être réalisés par des metteurs en scène différents, comme «Tre passi nel delirio/ Histoires extraordinaires» (1968) de Louis MALLE, Roger VADIM et Federico FELLINI.
2. Existe-t-il plusieurs versions du film (durée, montage voire fin, différents) ? Ces dernières années ont vu l'apparition des «director's versions», posthumes tels «Ludwig» de Luchino VISCONTI (1972 et 1983) et «Pat Garrett and Billy the Kid» de Sam PECKINPAH (1973 et 1990), ou en vidéo tels «Heaven's Gate» (1980) de Michaël CIMINO et «Dances with Wolves» (1990) de Kevin COSTNER. «Blade Runner» de Ridley SCOTT (1982) s'est vu restituer sa structure originale en 1993 (suppression de la «voix off» et du final optimiste imposé par les producteurs). Francis Ford COPPOLA a donné en 2000 sa version «redux» d' «Apocalypse Now» de 1979, l'augmentant de 45 minutes essentielles.
Dans le même ordre d'idées, je possède trois versions du «Napoléon» d'Abel GANCE datées respectivement de 1932 (version sonorisée abrégée), de 1971 (version sonorisée complète, sans triple écran) et de 1981 (version intégrale muette, mais avec musique de Carmine COPPOLA, la plus fidèle à l'original).
Pensons notamment aussi aux sorties successives d'une version «2 DVD» puis «4 DVD, longue» du premier film de la trilogie du «Seigneur des Anneaux» à quelques mois de distance.
[Il est indispensable d'indiquer clairement sur quelle version vous travaillez]
2a. Quelles en sont les raisons ?
Généralement les versions courtes ont été introduites par les producteurs sous prétexte de rentabilité. «Spartacus» (1960) de Stanley KUBRICK a, par contre, été amputé d'une scène entre Laurence OLIVIER et Tony CURTIS pour raisons «morales», laquelle fut rétablie en 1993.
2b. En quoi les différences consistent-elles ?
«La belle équipe» (1936) de Julien DUVIVIER se terminait par la séparation des amis et l'échec de l'entreprise commerciale créée par ces prolétaires qui avaient gagné à la loterie et avaient décidé de rester unis; leur belle idée échouait définitivement au niveau des deux derniers équipiers, à cause d'une rivalité amoureuse. Les producteurs ont imposé une fin «optimiste» dans laquelle l'entreprise amicale prenait le pas sur l'amour. Le Ciné-club de minuit de France 3 a diffusé les deux versions.
3a. Qui est/sont le(s) «Héros» ? Par quels codes, quels stéréotypes sont-ils présentés ?
3b. Qui est/sont le(s) «Méchant(es)» ? Par quels codes, quels stéréotypes sont-ils présentés ?
4a. Quels rapports a-t-on établi - ou supposé - entre le contenu du film et l'actualité sociale, économique, institutionnelle, de politique étrangère, ou autres du pays producteur ?
Le massacre de Sand Creek de 1863 et celui de la Wachita River de 1868 illustrés en 1970, respectivement dans «Soldier Blue» de Ralph NELSON et «Little Big Man» d'Arthur PENN, évoqueraient tous deux celui de My Lai au Vietnam le 16 mars 1968.
4b. Vérification de ces rapports, à l'aide d'ouvrages spécialisés en Histoire.
5. Examen de scènes significatives du film.
Il serait aussi fastidieux que peu utile d'étudier des dizaines de films plan par plan. Dans chacun, il faut soigneusement sélectionner des scènes-clé qui seront analysées en détail: composition de l'image, dialogues, musique et sons, etc.
6. Que raconte le film ?
Un bref résumé de l'action clarifie l'analyse des scènes choisies, en les situant dans la continuité filmique.
6a. Quels sont ses thèmes ?
Le racisme, le nationalisme, la Guerre froide, etc.
6b. Véhicule-t-il un «message» évident ?
Celui de «Mission to Moscow» (1943) de Michael CURTIZ est appuyé: il faut que les Etats-Unis s'allient aux Russes de Staline contre Hitler; c'est même dit plusieurs fois, afin qu'il soit compris sans aucune équivoque.
D'autres films sont moins explicites sans qu'il y ait apparemment le moindre doute: ainsi le film français «Les visiteurs du soir» de Marcel CARNE sur un scénario de Jacques PREVERT, dont l'action est située au Moyen âge, aurait été perçu dès sa sortie en 1942 comme une «Résistance» non seulement au Diable mais aussi au nazisme, bien contemporain celui-là.
C'est dire combien l'esprit critique doit ici plus encore que dans les autres aspects de la recherche, être en éveil; il s'agit de percevoir les choses en profondeur, en évitant toutefois de faire dire à une oeuvre de fiction tout son contraire, et d'y projeter nos visions personnelles, sans de solides vérifications.
6c. Les thèmes et le «message» éventuel sont-ils isolés dans l'histoire du cinéma ? sont-ils en concordance ou en divergence avec la production de l'époque ?
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NOTES :
1. David 0. SELZNICK: Cinéma. Mémos. RAMSAY/ Poche Cinéma n°2, 1993; 448p.
2. Leonard MOSLEY: Zanuck, le dernier nabab. RAMSAY/ Poche Cinéma n°109, 1992; 330p.
3. Kirk DOUGLAS: Le fils du chiffonier. Mémoires. PRESSES DE LA RENAISSANCE, 1989; 511p.
4. Allan EYLES : John Wayne. HENRI VEYRIER, 1983. 244p.; Donald CLARK, Christopher ANDERSON : John Wayne's The Alamo: The Making of the Epic Film. MIDWEST PUBLISHING, 1995. 172p. ; Ronald L. DAVIS : Duke. The Life and Image of John Wayne. UNIVERSITY OF OKLAHOMA PRESS, 1998. 377p.
5. Pour cette époque, consultez par exemple : Richard M. FRIED : Nightmare in Red. The McCarthy Era in Perspective. OXFORD UNIVERSITY PRESS, 1990. 243p.; Victor NAVASKY : Les délateurs. Le cinéma américain et la chasse aux sorcières. RAMSAY/ Poche Cinéma n°78, 1982. 443p. ; Marie-France TOINET : 1947-1957, La chasse aux sorcières. Le maccarthysme. COMPLEXE/ Mémoire du siècle n°32, 1984. 206p.
6. Pour de telles comparaisons, vous pouvez consulter à titre d'exemple concernant le Western : Jim HITT : The American West from Fiction (1823-1976) into Film (1909-1986). McFARLAND, 1990; 374p. ; plus « universel » : John C. TIBBETS, James M. WELSH : Novels Into Film, The Encyclopedia of Movies Adapted from Books. CHECKMARK BOOKS, 1999. 298p.
7. Pierre JENN : Techniques du scénario. FEMIS/ Institut de Formation et d'Enseignement pour les Métiers de l'Image et du Son, 1991. 199p.; John W. BLOCH, William FADIMAN, Lois PEYSER : Manuel du scénario américain. Bxl. : C.I.A.M., 1992. 638p.
8. Jean A. GILI : Howard Hawks. SEGHERS/ Cinéma d'aujourd'hui n°69, 1971. 188p.; Jim HILLIER, Peter WOLLEN (eds.) : Howard Hawks, American Artist. BRITISH FILM INSTITUTE, 1996. 252p.; Joseph Mc BRIDE : Hawks par Hawks. RAMSAY/ Poche cinéma, 1987. 239p.
9. Michel MARMIN : Raoul Walsh. SEGHERS/ Cinéma d'aujourd'hui n°63, 1970. 188p. ; Raoul WALSH : Un demi-siècle à Hollywood. CALMANN-LEVY, 1976. 351p. (à lire, quoi qu'il arrive !) ; CAHIERS DU CINEMA n°555, mars 2001. pp. 62-71.
10. Voir: Georges SADOUL : Dictionnaire des cinéastes. SEUIL/ Microcosme, 1965; Jean TULARD Dictionnaire du Cinéma; tome 1: Les réalisateurs. Robert LAFFONT, 1982 (ou nouvelle édition 1995).
11. Thomas SCHATZ : Hollywood Genres. McGRAW-HILL, 1981. 297p.
12. Richard S. RANDALL: Censorship of the Movies, UNIVERSITY OF WISCONSIN PRESS, 1970, pp. 201-202. Il existe d'autres codes moraux, au moins aussi contraignants; Gregory D. BLACK : Hollywood Censored. Morality Codes, Catholics, and the Movies. CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS, 1994. 336p.; idem : The Catholic Crusade Against the Movies, 1940-1975. CAMBRIDGE UNIVERSITY PRESS, 1998. 302p.
13. "Pat Garrett" est ressorti en "director's version" en 1990, alors que le réalisateur était décédé depuis 1984
14. Voir, par exemple: Luc MOULLET : Politique des acteurs: Gary Cooper, John Wayne, Cary Grant, James Stewart. CAHIERS DU CINEMA/ Essais, 1993. 159p.
15. Plusieurs articles ont été publiés à ce sujet dans la série «Current Research in Film: Audiences, Economics, and Law» dirigée par Bruce A. AUSTIN pour ABLEX PUBLISHING CORPORATION (5 volumes, de 1985 à 1991). Signalons, dans le vol.l: Denise M. TRAUTH, John L. HUFFMAN: Public Nuisance Laws: A New Mechanism for Film Censorship., pp. 197-207; dans le vol.2: Clifford G. CHRISTIANS, Kim B. ROTZOLL: Ethical Issues in the Film Industry., pp. 225-237; et dans le vol.4: Stephen VAUGHN: Financiers, Movie Producers and the Church: Economic Origins of the Production Code., pp. 201-217.
Consultez de même RANDALL: Censorship, op. cit. en note 12, pp. 179-224.
16. Lire, par exemple: Mary Beth HARALOVICH : "Film Advertising, the Film Industry and the Pin-up: The Industry ?s Accomodations to Social Forces in the 1940s." in: AUSTIN 1, pp. 127-164.
17. Joël AUGROS : L'argent d'Hollywood. L'HARMATTAN, 1996. 357p.; Gorham KINDEM (ed.) : The American Movie Industry. The Business of Motion Pictures. SOUTHERN ILLINOIS UNIVERSITY PRESS, 1982. 448p.; Janet WASKO : Movies and Money: Financing the American Film Industry. ABLEX PUBLISHING CORPORATION, 1982. 247p.; John IZOD : Hollywood and the Box Office 1895-1986. M. MACMILLAN, 1988. 240p.; Susan SACKETT : The Hollywood Reporter Book of Box Office Hits. BILLBOARD BOOKS, 1996. 416p.; John DURIE (ed.) : The Film Marketing Handbook. A Practical Guide to Marketing Strategies for Independent Films. AMIA BUSINESS SCHOOL, 1993. 192p.; John W. CONES : Film Finance & Distribution. A dictionary of terms. SILMAN-JAMES PRESS, 1992. 566p.
18. Voir, notamment: Robert 0. WYATT, David P. BADGER : "What Newspaper Film Critics Value in Film and Film Criticism: A National Survey." in: AUSTIN 4, pp. 54-71.
19. Pour les Etats-Unis, on peut consulter: Michael EMERY, Edwin EMERY : The American Press: An Interpretive History of the Mass Media. ALLYN and BACON, 1996. 726p.
20. SELZNICK, Mémos. op. cit. en note 1, pp. 113-220.
21. Lire, par exemple: Thomas SIMONET : Conglomerates and Content: Remakes, Sequels, and Series in the New Hollywood. in: AUSTIN 3, pp. 154-162; CINEMACTION n°53 : Le remake et l'adaptation. octobre 1989, 174p.
22. Christian METZ, «Propositions méthodologiques pour l'analyse du film (1967)» in: Essais sur la signification au cinéma, tome II. KLINCKSIEK, 4è tirage 1986, pp. 97-110; Jacques AUMONT, Michel MARIE : L'analyse des films. NATHAN/ Université Arts, 1989. 231p. ; Francis VANOYE, Anne GOLIOT-LETE : Précis d'analyse filmique. NATHAN/ Cinéma 128 n°17, 1992, 128p.
23. Christian METZ, Langage et cinéma. LAROUSSE, 1971; en particulier le chap. 5: «Du code au système, du message au texte», pp. 53-68 ; Gilles DELEUZE : Cinéma. 2 volumes (1. L'Image-mouvement ; 2. L'Image-temps). Editions de MINUIT, 1983, 298p. et 1985, 379p.
24. L'ouvrage de Wiley Lee UMPHLEIT «Mythmakers of the American Dream: The Nostalgic Vision in Film, Television, Fiction, and Comic-Strip Art», publié par CORNWALL BOOKS en 1983, constitue un intéressant exemple de cette approche complémentaire.
Les questions d'analyse du film sont librement inspirée de l'approche adoptée par
CLAUDE-RENE DE WINTER (Université Libre de Bruxelles)
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