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Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences |
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le son au cinéma Source : Michel Chion : Le son au cinéma, ed. Cahiers du cinéma, 1985. Synthèse réalisée par le ciné-club de Caen. La thèse que défend Michel Chion est que le son est un moyen parmi d'autres de rendre compte de l'impression souhaitée par le metteur en scène. Il n'est pas souhaitable qu'il existe un son indépendant de l'image qui vaudrait pour lui-même (attention par exemple à l'effet de coulisse). Il définit ainsi trois catégories de son qui ne se définissent que par rapport à l'image que l'on voit à l'écran :
Michel Chion montre que même chez Tati, ce grand maître du son, celui-ci vient souligner les effets d'images préexistantes. L'important étant que Tati utilise le son pour produire trois types d'effets majeurs : les effets d'insonorisation, de localisation douteuse, et d'incongruité.
La porte qui ne claque pas qu'un inventeur allemand expose dans le salon des arts ménagers de PlayTime et dont le slogan est : "Slam your door in a golden silence" claquez vos portes dans un silence d'or. Le comique c'est qu'évidemment qu'elle casse le coup de celui qui veut exprimer sa colère avec elle, c'est aussi que nous ne pouvons pas nous empêcher d'entendre en nous le son, de combler son absence. En même temps, nous ne sommes pas au cinéma muet, dans lequel la porte silencieuse, en toute connaissance de l'infirmité de ce cinéma sourd, serait perçue comme naturelle. Ici, nous entendons l'ambiance du salon, les paroles des visiteurs ; seule au milieu de tout cela, la porte muette non re-sonorisée, devient irréelle. Et PlayTime comporte beaucoup d'autres gags semblables sur l'insonorisation (la conversation derrière une vitre, qu'on ne perçoit d'abord pas, entre le gardien de l'immeuble et un ouvrier et le changement de position de la caméra en dehors de bâtiment ou à l'intérieur lorsque Hulot attend M. Giffard
L'enchaînement classique des plans, dans un film dramatique fonctionne très souvent sur un appel, c'est à dire sur une question posée par le plan A dont on attend que le plan B donne la réponse : ce qui contribue à ce que le film "move forward", comme disent les traités américains d'écriture du scénario. Le son hors champ provoque dans le plan une tension vers l'ailleurs, un appel à lui donner sa réponse ou son complément visuel que l'on imagine dans le vis à vis du champ, mais aussi une tension vers le futur, en faisant attendre la réponse que promet le plan suivant ou la suite du même plan. Ce même effet centrifuge dans l'espace et dans le temps se retrouve dans les anticipations ou les prolongations du son par rapport aux changements de plans qui donnent au montage de l'allant et du liant. Dans Trafic , un concours de circonstances assez complexe aboutit à réunir dans un même plan Maria, la public-relations américaine d'Altra, Peter, un jeune dragueur de rencontre qui rodait dans le coin et qui tente sa chance avec elle et enfin son "rival" Hulot lui-même caché dans le tableau. Il fait nuit, la scène se déroule tard le soir devant une petite maison hollandaise dont la façade est recouverte d'un rideau de lierre installé sur ses supports. Hulot a défait ce rideau en tirant dessus et il veut réparer sa maladresse. Il monte le long du mur en s'accrochant au rideau de lierre pour atteindre le support auquel il veut le raccrocher convenablement. A l'intérieur de la maison, au premier étage, on entend les voix du vieux couple qui l'habite et qui ne sait pas sa présence. Et puis Hulot bascule, et il se retrouve plaqué contre le mur dans une position acrobatique, la tête en bas et les pieds accrochés au lierre. Fausse attribution du son à la fin de Trafic. La scène se déroule dans le grand hall d'exposition d'Amsterdam, où le salon de l'Auto vient de se terminer. La voiture de démonstration d'Altra est arrivée trop tard, et il faut payer la location de l'espace inutile, avec son dérisoire décor forestier. Fureur et désolation du patron d'Altra, un petit homme hypocondriaque. Il lui faut un bouc émissaire sur lequel décharger son mécontentement. Avisant Hulot son employé qui attend tranquillement à quelques mètres de lui à la porte du hall et qu'il voit de dos, il trouve intolérable son sifflotement décontracté. Le directeur s'avance alors et donne brutalement congé à Hulot ahuri et silencieux, sans s'apercevoir que le sifflotement continue. Car un contre-champ en plan général sur la façade nous a révélé (à ceux du moins qui veulent bien le voir) que c'était un ouvrier, perché dehors sur une échelle, qui émettait le sifflotement faussement attribué au héros
Tati ne s'intéresse guère aux erreurs que l'on peut créer sur la nature de la source du son (prendre par exemple un son humain pour un bruit de machine). Le dragueur prend pour venant de lui des bruits de chutes d'objets qu'il reconnaît pour ce qu'ils sont et le directeur entend bien un sifflotement. Tati en s'intéresse pas plus aux conséquences de la méprise sonore (Dans les Lumières de la ville, la jeune aveugle prenait Chaplin pour un milliardaire à cause du bruit d'une portière), n'exploitant pas dramatiquement la situation. Il est sensible au pur effet hallucinatoire, à l'effet comique du déboussolement spatial, à l'effet troublant sur le responsable d'un bruit incongru. De là aussi son amusement des petits bruits d'un monde moderne qui se voudrit assepisé quise révèlent génat organique comme le bruit de "pff." que font les sièges plastifiés quand on s'assied et qu'on se lève.
Le décrochement spatial : décrochement entre le point de vue, très global voir cosmique, de l'image et le point de vue extrêmement proche du son utilisé couramment dans les films de véhicules : road movies, films poursuites, aventures aériennes et spatiales. Tandis que l'image nous montre la totalité spectaculaire du champ de bataille, le son, avec les voix en gros plan, nous maintient dans une intimité sans coupure avec les protagonistes dont nous suivons l'histoire. Si l'on voulait rester cohérent avec le point de vue spatial, les plans d'ensemble nécessaires pour déployer le spectacle seraient autant de moments où se trouverait rompu le fils de l'identification aux personnages Le point d'écoute : focalisation sur le point d'écoute d'un personnage pour nous faire sentir sa difficulté à comprendre un signal qui lui est adressé (A la fin de La Dolce vita , la voix de la jeune fille qui appelle Marcello, couverte par la distance et la mer) ou plus généralement sa difficulté du moment (respiration de Hal quand il est débranché dans 2001 , ou bruits de déglutition dans Elephant man ) ou ses sensations aberrantes ou déformées lorsqu'il est en état de crise ou d'ébriété (la gueule de bois dans le film de Jerry Lewis The nutty Professor, lorsqu'au lendemain de sa première expérience de transformation, le malheureux professeur soufre de tous les bruits qu'il entend dans sa classe de chimie : la craie du tableau, le chewing-gum mâchouillé par une élève. Dans la scène d'infarctus de Rod Scheider dans All that jazz de Bob Fosse dramatisation par le parti pris de couper subitement tous les sons de l'entourage bruyant du héros pour ne laisser entendre très agrandis que de tout petits bruits qu'il fait lui-même avec un crayon, un briquet et sur lesquels se concentre son écoute. Effet de coulisse : si le personnage sort du champ par la droite et que le son de sa voix ou de ses pas quitte le centre de l'écran pour passer dans le haut-parleur de droite, il en résulte ce que l'on pourrait appeler un effet de coulisse : tout d'un coup, les coulisses sonores de l'écran deviennent réelles |
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