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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Dziga VERTOV (1895-1954)


BIOGRAPHIE

Très marqué par le futurisme de Maïakovski, Denis Kaufman prend le pseudonyme de Dziga (« toupie » en ukrainien) Vertov (dérivé du russe vertet, « tourner, pivoter »). Passioné par la musique, montant sons et bruits divers empruntés au réel et il fonde, en 1917, le Laboratoire de l'ouïe. Mais c'est l'image et le cinéma qui vont guider sa carrière.

Rallié avec enthousiasme à la Révolution, il se met, en 1918, à la disposition du Comité du cinéma de Moscou et devient rédacteur en chef et monteur du Kino-Nédélia (« Ciné-Semaine »). Jusqu'en juin 1919 il réalisera une quarantaine de films d'actualité. Fin 1919 il est correspondant de guerre et ramène des images pour La Bataille de Tsaritsyne . Début 1920 il part avec le train Révolution d'Octobre sur le front du Sud-Ouest et à chaque arrêt projette son film L'anniversaire de la Révolution (montage de ses films d'actualité) ; en même temps il filme le voyage. Il réalisera des documentaires sur divers sujets (procés, guerre civile, voyages).

En 1922 il sort différent numéros de Ciné-Vérité (Kino-Pravda ) magazine filmé composé de différents reportages. Avec sa femme ( Elisabeth Svilova ) et son frère ( Mikhaïl Kaufman ) ils forment le Conseil des Trois qui lance à destination des cinéastes soviétiques un "Appel au commencement" qui sera publié dans LEF, la revue de Mayakovski . Vertov rédige son manifeste théorique Kinoki.

Sa double formation artistique et scientifique fait de lui un inlassable expérimentateur. Ill expose dans le manifeste « kino-glaz/ciné-oeil » une succession de réflexions théoriques à la façon des futuristes, marqué par les mots clés : « kino-pravda/ciné-vérité », « vie à l'improviste »... Sa pensée théorique est, de ce fait, peu aisée à cerner, d'autant qu'elle a varié au fil des années et que la pratique du cinéaste est souvent loin de lui correspondre. Le point central et invariable de cette pensée est le refus du « ciné-drame artistique » (avec scénario, studio, décors, acteurs), nouvel « opium du peuple » auquel il reproche d'« hébéter et de suggestionner » le spectateur.

Les films de Vertov et ses théories du Ciné-oeil commencent à avoir de l'influence sur les cinéastes d' avant-garde européens (Richter, Jean Lods, A propos de Nice de Jean Vigo - auquel participera l'autre frère de Vertov : Boris Kaufman , etc.).

En 1929, sort L'Homme à la caméra , film muet sans intertitres : un travail de montage, de mouvement et de rythme, où différents effets (ralentis, accélérés, surimpression, découpage de l'écran...) apparaissent. Le film reprend le principe, en l'intégrant à un propos plus large (le ciné-oeil contre le ciné-drame), de filmer une grande ville d'un matin au soir. C'est le dernier film que Vertov fera avec son frère (Mikhaïl) en raison des dissensions nées au sujet travail sur le film. Le film est projeté à Paris, au Studio 28 , en juillet 1929.

En 1930 sort Enthousiasme (ou la symphonie du Doubass) , documentaire sonore, réalisé, monté et scénarisé par Vertov, et l'un des tout premier long métrage soviétique à utiliser le son.

En 1931 Dziga Vertov et sa femme voyagent un peu partout en europe et présentent L'Homme à la caméra et Enthousiasme . L'accueil est fervant ( Chaplin est admiratif devant le travail de sonorisation effectué sur Entousiasme).

Vertov continuera de tourner, principalement des actualités au service du régime. Il meurt le 12 février 1954, à Moscou, des suites d'un cancer.



TEXTES THEORIQUES

En 1923, dans son manifeste théorique "Kinoki", Vertov écrit :

" Je suis un oeil. Un oeil mécanique. Moi, c'est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir. Désormais je serai libéré de l'immobilité humaine. Je suis en perpétuel en mouvement. Je m'approche des choses, je m'en éloigne. Je me glisse sous elles, j'entre en elles. Je me déplace vers le mufle du cheval de course. Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l'assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent. Voeilà ce que je suis, une machine tournant avec des manouvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres les assemblant en fatras. Libérée des frontières du temps et de l'espace, j'organise comme je le souhaite chaque point de l'univers. Ma voie, est celle d'une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas. "

Puis :

" Le cinéma dramatique est l'opium du peuple.
A bas les rois et les reines immortels du rideau. Vive l'enregistrement des avants-gardes dans leur vie de tous les jours et dans leur travail !
A bas les scénarios-histoires de la bourgeoisie. Vive la vie en elle-même !
Le cinéma dramatique est une arme meurtrière dans les mains des capitalistes ! Avec la pratique révolutionnaire au quotidien nous reprendrons cette arme des mains de l'ennemi.
Les drames artistiques contemporains sont les restes de l'ancien monde. C'est une tentative de mettre nos perspectives révolutionnaires à la sauce bourgeoise.
Fini de mettre en scène notre quotidien, filmez-nous sur le coup comme nous sommes.
Le scénario est une histoire inventée à notre propos, écrite par un écrivain. Nous poursuivons notre vie sans avoir à la régler au dire d'un bonimenteur.
Chacun de nous poursuit son travail sans avoir à perturber celui des autres. Le but des Kinoks est de vous filmer sans vous déranger.
Vive le ciné-oeil de la Révolution !

NOUS

Nous, afin de nous différencier de la meute de cinéastes ramassant pleinement la saleté des poubelles, nous nommons les " Kinoks ". Il n'y a aucune ressemblance entre le " cinéma réaliste des Kinoks " et le cinéma des petits vendeurs de pacotilles. Pour nous, le cinéma dramatique psychologique Russe-Allemand lourd de souvenir infantile ne représente rien d'autre que de la démence. Nous proclamons les films théâtralisés, romanisés à l'ancienne ou autres, ensorcelés.
Ne les approchez pas !
N'y touchez pas des yeux !
Il y a danger de mort !
Ils sont contagieux ! Nous pensons que l'art du cinéma de demain doit être le reflet du cinéma d'aujourd'hui. Pour que l'art du cinéma survive, la " cinématographie " doit disparaître. Nous voulons accélérer cette fin. Nous sommes opposés à ceux que beaucoup appèle le cinéma de " synthèse ", mélangeant les différents arts. Même si les couleurs sont choisies avec soin, le mélange de couleurs affreuses donnera une couleur affreuse, on ne peut obtenir le blanc. La véritable union des différents arts ne pourra se faire que quand ceux-ci auront atteint leur apogée. Nous nettoyons notre cinéma de tout ce qu'y s 'y est insinué, littérature et théâtre, nous lui cherchons un rythme propre, un rythme qui n'ait pas été chapardé ailleurs et que nous trouvons dans le mouvement des choses. Nous exigeons : à la porte
Les étreintes exquises des romances
Le poison du roman psychologique
Les griffes du théâtre amoureux
Le plus loin possible de la musique. Avec un rythme, une évaluation, une recherche d'outils propres à nous même, gagnons les grandes étendues, gagnons un espace à quatre dimensions (3 + le temps).

L'art du mouvement qu'est le cinéma ne nous empêche en aucun cas de ne pas porter toute notre attention sur l'homme d'aujourd'hui. Le désordre et le déséquilibre des hommes autant que celui des machines nous font honte. Nous projetons de filmer l'homme incapable de maîtriser les évolutions. Nous allons passer du lyrisme de la machine à l'homme électrique irrécusable. En dévoeilant l'âme de la machine, nous allons faire aimer le lieu de travail de l'ouvrier, le tracteur de l'agriculteur, la locomotive du machiniste. Nous allons rapprocher l'homme et la machine. Nous formerons des hommes nouveaux. Cet homme nouveau, épuré de ses maladresses et aguerri face aux évolutions profondes et superficielles de la machine, sera le thème principal de nos films. Il célèbre la bonne marche la machine, il est passionné par la mécanique, il marche droit vers les merveilles des processus chimiques, il écrit des poèmes, des scénarios avec des moyens électriques et incandescents. Il suit le mouvement des étoeiles filantes, des évènements célestes et du travail des projecteurs qui éblouissent nos yeux. "

Le principe du ciné-oeil repose sur l'idée que la caméra, « oeil plus parfait que l'oeil humain », enregistre des faits, mais est dirigée par une pensée qui choisit le sujet et organise les prises de vues préalablement au tournage ; d'où l'idée du montage ininterrompu et la formule : « Le montage précède le tournage. » Le ciné-oeil ne court pas, comme le lui reproche Eisenstein, « derrière les choses telles qu'elles sont », mais procède à un « ciné-déchiffrement communiste du monde ». Comme la réalité dans la dialectique marxiste, le mouvement du montage est conçu comme contradiction.

La perspective de Vertov est doublement pédagogique : analyse et explication du monde et, par la méthode des « intervalles » consistant à renforcer les ruptures qu'introduit le montage, désignation de ces contradictions à un spectateur devenu actif, qui dispose ainsi des moyens de procéder à sa propre analyse du réel, voire de devenir cinéaste lui-même.

"Articles, journaux, projets", textes terminés en 1929, furent publiés en langue française (traduction et notes de Sylviane Massé et Andrée Robel) par l'Union Général d'éditions en 1972.

FILMOGRAPHIE

1919

L'Anniversaire de la révolution

1920

La Bataille de Tsaritsyne
Le Procès Mironov
Ouverture du reliquaire de Serge Radonej

1921

Film-voyage

1922

Histoire de la guerre civile

1922-25

Ciné-calendrier de l'état
Cinéma-vérité

1924

Ciné-oeil

1926

Soviet en avant
La sixième partie du monde

1929

L'Homme à la caméra

1930

Enthousiasme (ou la symphonie du Doubass)

1934

Trois chants sur Lénine

1937

Berceuse

1938

Trois héroïnes

1941

Sang pour sang, mort pour mort

1944

Le Serment de la jeunesse

1944-45

Nouvelles du jour


ANALYSE DE FILM
(L'HOMME A LA CAMERA, 1929)


On peut résumer le film de deux manières : Une journée de la vie d'une ville (Odessa, en l'occurrence) ou "Je suis un oeil / Un oeil mécanique / Moi, c'est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir / Désormais je serais libéré de l'immobilité humaine / Je suis en perpétuel mouvement / Je m'approche des choses, je m'en éloigne / Je me glisse sous elles, j'entre en elles / Je me déplace vers le mufle du cheval de course / Je traverse les foules à toute vitesse, je précède les soldats à l'assaut, je décolle avec les aéroplanes, je me renverse sur le dos, je tombe et me relève en même temps que les corps tombent et se relèvent.Voeilà ce que je suis, une machine tournant avec des manouvres chaotiques, enregistrant les mouvements les uns derrière les autres les assemblant en fatras. Libérée des frontières du temps et de l'espace, j'organise comme je le souhaite chaque point de l'univers. Ma voie, est celle d'une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas." (Extrait du manifeste du Ciné-oeil - 1923)

De la Théorie à la Pratique

"Le scénario est l'invention d'une seule personne ou d'un groupe de personnes. C'est une histoire que ces personnes veulent faire vivre à d'autres. Nous ne trouvons pas ce désir criminel, mais que l'on hisse cette sorte de travail au rang de tâche essentielle du cinéma, que l'on supplante les vrais films par ces ciné-histoires, qu'on étouffe toutes les possibilités merveilleuses de la caméra au nom du culte à rendre au dieu du drame artistique c'est ce que nous ne pouvons comprendre et que bien entendu, nous n'acceptons pas." C'est par ces mots qu'en 1928, Denis Kaufman (alias Dziga Vertov) proclame l'indépendance du cinéma en tant qu'art à part entière permettant une représentation du réel avec ses propres règles, une grammaire universelle de l'image en mouvement (qui pourrait trouver son application dans le montage) et l'absence d'artifice. Le Concept du Ciné-oeil est né. L'homme à la caméra en sera le manifeste.

Mais avant d'aborder la pièce maîtresse il n'est pas inutile de faire les présentations.

La Toupie Tournante

Dziga Vertov (littéralement la toupie tournante) est le pseudonyme choisi par Denis Kaufman, qui débutera sa carrière artistique par la poésie et la littérature (il est notamment auteur de romans de science-fiction) et s'inscrira d'emblée dans le mouvement futuriste. Menant des études de médecine, il se passionnera très vite pour la relation entre le son et l'image, menant des expériences bruitistes associant graphie, mots et sons. On trouvera d'ailleurs un très bel exemple de poème visuel dans le documentaire de Bernard Eisenschitz consacré au montage.

Cet homme passionné par l'avenir sera paradoxalement très ancré dans le réel puisqu'il est le créateur du premier journal d'actualité cinématographique russe (le "Kino-Nédélia" ou Ciné-Semaine). Il réalisera même des montages d'actualités dépassant les deux heures !

Très vite, passionné par la matière brute des images d'actualité que lui rapporte sa petite équipe il réalisera des films à caractère documentaire et engagé. On ne sera donc pas étonné de le retrouver instigateur de campagnes d'agit-prop. organisées par le parti. Mais il sera aussi l'animateur du "Kino-Pravda" (Ciné-Vérité, émanation du célèbre quotidien), séquences d'actualité composées de véritables reportages qui mettent en évidence son sens du montage, de la pertinence du regard et son acuité, ainsi que cette appréhension de l'espace et du mouvement de la caméra.

Dès 1923, Vertov lance un appel aux cinéastes russes sous forme d'un manifeste appelé Kinoks-Revolution. C'est à partir de cette date que les premières expérimentations de Ciné-oeil verront le jour : La vie à l'improviste (1924), Vive l'air (1925), La sixième partie du monde (1926), etc. jusqu'à l'Homme à la Caméra en 1929 et Enthousiasme en 1930. Vertov entreprend alors une tournée des grandes villes européennes pendant deux ans, pour présenter son ouvre, où il reçoit un accueil enthousiaste et unanime. Charlie Chaplin lui écrira son admiration lors de son passage à Londres en 1931. Pendant près de dix ans, Vertov multipliera les écrits concernant le Ciné-oeil et ses possibilités.
Du Ciné-oeil comme instrument de culture des masses


L'entreprise peut surprendre, même encore aujourd'hui. Dès les premières secondes du film, le postulat de base est posé. Pas d'intertitres - pas de scénario - pas de décor - pas d'acteur - etc. Cette ouvre expérimentale a pour but de créer un langage cinématographique absolu et universel complètement libéré du langage théâtral ou littéraire.

Le film est donc présenté comme une expérience. Mais il ne s'agit en aucun cas d'improvisation ! Un manuscrit de 141 pages préexiste au tournage du film. Il s'agit de déconditionner le spectateur au cinéma dramatique dont il est abruti pour le préparer à l'expérience du Ciné-oeil, destiné à établir la connexion entre le réel, tel qu'il est filmé, et le spectateur.

Cette gageure passe par la démystification du médium. Il devient alors nécessaire de montrer les artifices qui contribuent à endormir l'attention du spectateur. La salle de projection, le matériel, le fauteuil, l'écran et ses rideaux de velours (symbole de théâtralisation du cinéma). Le cinéma industriel montré comme un abêtissement des masses, avec ses fauteuils qui s'abaissent mécaniquement et les spectateurs qui s'avancent docilement, sans expression, à l'image de robots obéissants et démunis de volonté.

Le spectacle peut commencer. pourtant tout va se passer à l'extérieur de ce lieu. Le chef opérateur est parti dans la ville encore endormie avec une simple caméra relativement légère et un trépied. Le dispositif est simple et promet une mobilité et une réactivité sans commune mesure avec le travail d'une équipe de tournage classique de l'époque (une sorte de DOGMA avant l'heure). Pourtant le biais est déjà là dans le dispositif. L'homme censé nous renvoyer ses images est lui-même filmé, il est donc mis en scène par le réalisateur. A vouloir nous forcer à ne pas oublier la réalité du dispositif, l'auteur est obligé de recourir à un artifice de présentation. La caméra n'est pas subjective mais se veut objective et par la même elle introduit toute l'artificialité du médium. C'est en acceptant l'intrusion de cette caméra tout le long de cette essai de diffusion d'images "visuelles" que l'oeil du spectateur peut alors s'identifier lui-même à la caméra et établir la connexion avec la réalité de l'image. Ce que mon oeil voit est vrai puisque je perçois le dispositif qui me permet de capter cette réalité. Ce n'est pourtant pas le propos du cinéaste. Il est évident que ce biais, il l'a perçu dès la conception de cette expérience, et que c'est à l'intelligence du spectateur qu'il fait appel. Je vous renvoie une image en miroir du dispositif pour que vous acceptiez l'absence de manipulation.

Et puis cet homme sera le guide qui va permettre la prise de conscience du spectateur. Il est là pour prendre à témoin le spectateur de la création d'un langage cinématographique universel basé sur une dynamique de l'image. Le mouvement est permanent dans l'homme à la caméra. Un mouvement universel, prégnant et synonyme de vie. Mouvements verticaux, horizontaux, parallèles ou croisés, en pointe de fuite ou en perspective, l'image prise de vertige va même jusqu'à se fractionner pour mieux se fondre, ou se télescoper.Le mouvement va progressivement se développer puis se syncoper jusqu'au paroxysme final. Toutefois, le biais introduit par le caractère fictionnel du personnage du caméraman est gommé par l'indentification progressive du spectateur à la seule caméra qui restera seule en scène, jusqu'à se déplacer par elle-même (avec un art consommé de la pixillation - technique d'animation image par image vieille comme le cinéma) sur son trépied comme animée d'une vie propre, puis à n'être plus représentée que par son propre objectif et réduite principalement à son diaphragme qui se superpose à l'oeil virtuel du spectateur.

Ce qui éblouit aujourd'hui, à la vision de cette expérience cinématographique, c'est la modernité du discours du cinéaste. On est frappé par l'incroyable vitalité d'un montage très élaboré, pensé, sans quasiment aucun effet gratuit, et destiné à frapper l'imaginaire du spectateur. Le réel comme source d'imaginaire. Il fallait un talent visionnaire pour arriver à ce résultat et surtout lui insuffler une force qui défie le temps. Mais le montage n'est pas le seul élément d'émerveillement. On perçoit à quel point la caméra est devenue une sorte d'oeil nous renvoyant une réalité subjective de la société de l'entre deux guerres. La monté en puissance de la mécanisation et du productivisme, de l'aliénation du travail, les prémisses d'une nouvelle société basée sur la communication et sur la culture de masse. et le cinéma comme outil de décryptage de cette nouvelle réalité sociale. Un cinéma paradoxalement social et révolutionnaire, outil d'éducation des masses, mais aussi outil de création artistique à part entière où la liberté de s'exprimer et de regarder le monde avec un oeil neuf existe.

Le Ciné-oeil influencera toute une génération de cinéastes et d'artistes à commencer par Buñuel et Vigo qui feront leurs propres expérimentations. On pense bien évidemment aux surréalistes et au célèbre Chien Andalou de Dali et Buñuel, mais l'influence la plus directe se traduira par le court-métrage A propos de Nice co-réalisé par Jean Vigo et Boris Kaufman, frère de Dziga Vertov et prosélyte du Ciné-oeil... Vigo reprendra les arguments principaux du Kino-Glaz pour définir la nécessité d'un cinéma social face au cinéma de son temps, formaté à l'extrême et réduit à un aimable divertissement permettant au bourgeois de digérer tranquillement dans la pénombre.

Extrait de son discours purement militant, L'Homme à la caméra est un aboutissement, celui d'une réflexion essentielle sur le rapport que le cinéma entretient avec le réel et sur le pouvoir de l'image en tant qu'outil idéologique mais aussi en tant qu'art à part entière, émancipé des arts "bourgeois" et développant sa propre syntaxe
.

Source de l'analyse du film :
http://www.dvdclassik.com/Critiques/dvd_hommealacamera.htm
(analyse du film réalisée par la rédaction de dvdclassik)

Sources de la biographie :
http://histoiredesarts.9online.fr/Vertov.htm et
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