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Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences |
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HISTOIRE de l'INTERMITTENCE dans le SPECTACLE
Extraits du rapport KERT (12 décembre 2004) Un été 2003... La France ne souffre pas que de la canicule ; la France a également mal à ses festivals. Le 26 juin paraît un accord signé par les partenaires sociaux destiné à revoir les modalités d'application du régime de l'assurance chômage du spectacle, plus communément appelé régime de l'intermittence du spectacle. Sa publication met le feu aux poudres : la plupart des grandes manifestations estivales seront annulées ou se dérouleront a minima. Le ministre de la culture et de la communication, M. Jean Jacques Aillagon, tentera vainement de dégager les voies de l'apaisement. Quelques mois plus tard, il sera «sacrifié » pour n'avoir pu ni sauver l'été 2003, ni prendre les initiatives qui auraient permis de dédramatiser la situation. Mais la révolte des intermittents ne laissera pas que le goût amer de l'échec et de l'inachevé. Elle permettra tout d'abord de réaliser l'importance vitale de ce régime d'assurance chômage dans la vie culturelle et sociale du pays. Parallèlement, elle va révéler les ambiguïtés d'un système qui a en partie transformé ce régime en un mode d'aide directe à la création et à la diffusion. Ce mouvement va également révéler un volume préoccupant d'abus en tous genres, notamment et principalement dans l'audiovisuel, qui plus est dans l'audiovisuel public, qui recourt depuis des années et de façon abusive à l'intermittence. Enfin, il va mettre en évidence l'absence de définition des « métiers artistiques » et celle du périmètre de ces métiers. Le gouvernement, arbitre jusqu'à cette période du conflit, réalise que la situation est totalement bloquée, admet que certaines insatisfactions sont légitimes et s'efforce de reprendre le dialogue et la négociation avec les différentes parties. C'est la tâche que va entreprendre le nouveau ministre de la culture et de la communication, M. Renaud Donnedieu de Vabres, sitôt après sa nomination le 31 mars 2004. L'Assemblée nationale ne souhaitait pas rester hors du débat. L'ensemble des groupes politiques s'est ainsi saisi de cette question en traduisant leur intérêt et leur préoccupation soit par la demande d'une mission d'information, soit par le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Trois propositions de résolution ont ainsi été déposées : - la proposition n° 1054 de M. Dominique Paillé, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les abus et fraudes dans l'intermittence et l'avenir du financement de la création et de la diffusion du spectacle vivant ; - la proposition n° 1063 de M. Jean-Pierre Brard, relative à la crise dans les domaines du spectacle vivant et de la création audiovisuelle en France ainsi qu'aux mesures nécessaires pour permettre leur essor et garantir à leurs professionnels un statut protecteur ; - la proposition n° 1099 de M. Jean-Marc Ayrault visant à analyser la situation des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel après l'agrément du protocole d'accord du 26 juin 2003 et de son avenant du 8 juillet 2003 et de l'avenir du spectacle vivant dans notre pays et à évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour le tissu culturel français. « La réponse à la question : ? comment soutenir le développement des métiers artistiques ? ? est forcément complexe. Cela revient à se demander comment consacrer la reconnaissance d'un individu dans sa qualité d'artiste. Cela peut paraître abstrait mais c'est une question au c our de toutes les politiques menées par le ministère de la culture, qu'il s'agisse de ses actions de soutien, de formation ou d'information. » Afin de ne pas être abstrait, il y a donc lieu de cerner la notion des métiers artistiques par une définition exhaustive. Les métiers artistiques sont ceux relevant de tous les secteurs de la vie culturelle. Ils regroupent d'une part tous les artistes professionnels, qu'ils occupent un emploi salarié à titre permanent ou intermittent, ou encore qu'ils travaillent en indépendant dans :
Ils regroupent d'autre part les emplois de techniciens, permanents ou intermittents, qui contribuent à la création et à la représentation d'un spectacle, vivant ou audiovisuel . La notion de métiers artistiques se rapproche, sans la recouper totalement, de la notion de « professions culturelles » au sens de l'INSEE. Répartition des actifs des professions culturelles selon la profession
Source : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004
L'histoire de l'intermittence porte en germe la précarisation du marché de l'emploi artistique a) Les origines de la précarisation : l'extension de la notion de « périmètre des ayants droit » Contrairement à certaines idées reçues, le régime des intermittents n'est pas une innovation de la dernière décennie. C'est dans les années 60 qu'il faut trouver la source des premières délimitations formelles de ce régime. C'est à ce moment, en effet, que des catégories professionnelles sous contrat à durée déterminée sont autorisées à intégrer une annexe particulière du régime d'assurance chômage. Tous les secteurs du monde artistique ne sont pas logés à la même enseigne : en 1964, cette intégration est offerte aux ouvriers, techniciens, réalisateurs de la profession cinématographique et télévisuelle, au sein de l'annexe VIII. Deux ans plus tard, ces droits seront ouverts à certains de leurs collègues du spectacle vivant et aux artistes, au sein de l'annexe X. Pendant vingt-cinq ans, seule la fonction exercée par le salarié intermittent sera prise en compte pour cet accès au régime d'indemnisation. A partir de 1992, pour l'annexe VIII (et en 1999 pour l'annexe X), un second critère s'ajoute, celui de l'activité de l'employeur, qui va désormais figurer sur une liste limitative arrêtée par les partenaires sociaux. On ne s'étonnera pas que cette limitation se soit concrétisée par une accalmie de l'augmentation du déficit de 1993 à 1994. Mais, à la faveur d'une réforme de la codification INSEE, les catégories d'entreprises éligibles à l'annexe VIII se trouvent sensiblement augmentées et la courbe des déficits s'en ressent : elle reprend son allure devenue habituelle, à la hausse. Au cours de la décennie 1990-2000, on va assister à un processus d'extension régulière du périmètre des ayants droit. C'est l'accord interbranches du 12 octobre 1998, dit « accord Michel », qui va donner le ton. En effet, il achève l'élargissement en englobant la production de spectacles vivants entendue au sens très large : salariés des cabarets concerts, mais également « hôtesses» de peep show dont les frais vestimentaires sont assez limités et qui deviennent elles aussi des « intermittentes » d'un spectacle ô combien vivant ! Le nouveau siècle s'ouvre sur des velléités de renégociation. En 2000 et 2001, ce sont quatre organisations représentatives des employeurs et des salariés qui travaillent à un « projet d'accord professionnel sur une proposition de réforme du régime », projet qui n'aborde pas la question du périmètre des bénéficiaires, alors que quatre autres organisations professionnelles entreprennent, en 2002, de resserrer le champ d'application des annexes VIII et X en diminuant le nombre de métiers éligibles. Toujours en 2002, les travaux de M. René Klein, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, et de M. Jean Roigt, inspecteur général des affaires sociales, préconisent également un resserrement du périmètre, proposition alors mal perçue par les partenaires sociaux. b) Le développement des pratiques artistiques a fait bondir le nombre des allocataires et laisse s'affoler les déficits En réalité, 2001 porte en germe la crise de 2003. A l'occasion de la signature de la nouvelle convention du régime général d'assurance chômage, on se refuse à renégocier les deux annexes VIII et X, alors que toutes les autres le sont. La loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, d'initiative parlementaire, proroge la validité de ces deux annexes jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord : ce sera celui du 26 juin 2003, destiné à couvrir la période 2004-2005. La crise ouverte par cet accord sera aussi aiguë que les déficits sont devenus conséquents.
Les chiffres de la décennie 1992-2002 sont particulièrement éloquents : 41 038 intermittents indemnisés en 1992, 102 600 intermittents indemnisés en 2002, soit une multiplication par 2,5. Selon les chiffres avancés par l'UNEDIC, certes contestés par les intermittents mais actuellement seule source d'information exhaustive sur ce déficit, Evolution de l'intermittence du spectacle de 1992 à 2002
Source : rapport de M. Bernard Latarjet « Pour un débat national sur l'avenir du spectacle vivant », au ministre de la culture et de la communication, avril 2004 Etat des lieux des annexes VIII et X en 2002
Source : rapport de M. Bernard Latarjet au ministre de la culture et de la communication, avril 2004 Le problème qui se pose à tous les acteurs culturels, comme aux élus et responsables politiques, c'est qu'au fil de ces années, le régime spécifique est devenu le seul régulateur des salaires, des contrats de travail, des carrières professionnelles. Il est devenu le seul garant de la permanence des activités artistiques et techniques. Or, fin 2002, chacun sent bien qu'à marche forcée ce régime est condamné. L'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises du secteur, y compris celles de l'audiovisuel (et notamment de l'audiovisuel public), le MEDEF, la CGPME, les syndicats de salariés et les salariés eux-mêmes doivent faire leur mea culpa : la société toute entière a bénéficié de la manne financière de ce régime interprofessionnel, lequel banalisait, en outre, un détournement tacite du code du travail et des conventions collectives.
c) Conséquence : la lente marche vers la précarisation
Durant cette décennie, on assiste en effet à une explosion du nombre des salariés dans les métiers du spectacle vivant et enregistré. La mission a convenu dès son origine qu'elle se garderait de revenir longuement sur des statistiques déjà livrées par d'autres. Comme le souligne le tableau suivant, les sources statistiques sont nombreuses, mais toutes ne prennent pas en compte le même périmètre de calcul. Présentation des dix sources statistiques
Source : « Eléments pour la connaissance de l'emploi dans le spectacle », Développement culturel n° 145, septembre 2004. Toutefois, il paraît opportun de rapporter ici quelques uns de ces chiffres qui illustrent la lente mais inexorable marche des artistes vers leur précarisation. En effet, toutes les sources statistiques, même si elles divergent sur leur appréciation du nombre d'intermittents, s'accordent sur un point : la croissance du secteur a été très importante au cours de la dernière décennie.
LES MÉTIERS ARTISTIQUES NON SALARIÉS OU LA FACE CACHÉE DE LA LUNE DES MÉTIERS MAL CONNUS ET PEU ORGANISÉS Aujourd'hui, un artiste indépendant qui veut débuter une activité indépendante d'artiste-auteur doit s'adresser à la Maison des artistes (pour les auteurs d' ouvres graphiques et plastiques) ou à l'AGESSA (pour les photographes, illustrateurs d' ouvres littéraires ou scientifiques diffusées par la voie de l'édition, auteurs de logiciels et auteurs d' ouvres audiovisuelles) pour faire une déclaration de début d'activité. Il doit ensuite remplir un formulaire de déclaration d'activité artistique fourni par le centre des impôts de son domicile en vue de son inscription au répertoire SIRENE par l'INSEE. L'artiste doit également s'inscrire auprès de l'Institution de retraite complémentaire de l'enseignement et de la création (IRCEC), qui gère le régime obligatoire de retraite complémentaire du régime des professions libérales. L'artiste qui ne veut pas relever de ce statut peut choisir le statut juridique des professions libérales. Dans ce cas, il doit s'inscrire auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) situé à l'URSSAF de son département. Il peut également relever du statut d'artisan d'art. Dans ce cas, il doit s'inscrire auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) de la chambre des métiers de son département. La mission n'a abordé que la question du statut d'artiste-auteur, plus communément appelé « artiste indépendant ». De qui s'agit-il ? Il s'agit de populations très éclatées, très cloisonnées, très attachées à leur statut d'artiste indépendant. Un certain nombre d'organismes relaient leurs préoccupations, gèrent leurs droits ou leur régime social, mais aucun de ces organismes ne disposent de chiffres exhaustifs sur l'état des « artistes indépendants ». Les plus connus de ces artistes sont les artistes plasticiens, les artistes-interprètes ou les auteurs.
Répartition des actifs des métiers artistiques entre travailleurs indépendants et salariés (en %)
Sources : Notes de l'Observatoire de l'emploi culturel, n° 36, octobre 2004 Ainsi, la Maison des artistes, qui gère les droits sociaux des artistes plasticiens, a entrepris un important travail de recensement et a aujourd'hui identifié 34 000 artistes et diffuseurs plasticiens. Ce travail est cependant loin d'être terminé puisqu'on peut, selon cet organisme, évaluer cette population à environ 50 000 personnes en France. Le recensement en cours montre bien le potentiel d'accroissement de cet effectif puisque, lorsque la Maison des artistes a été agréée en 1975, il y avait 3 000 artistes affiliés au régime de sécurité sociale. Il y en a aujourd'hui 18 000 et le recensement identifie 34 000 plasticiens. Comme l'a souligné M. Gilles Fromonteil, président du conseil d'administration de la Maison des artistes, « bien évidemment, le champ professionnel couvert est très vaste et encore mal délimité ; il recouvre des réalités de carrière très différentes mais, de l'artiste qui vend ses ouvres dans les grandes foires internationales aux artistes régionaux qui animent la vie artistique locale, tout le monde a sa place et son intérêt ». La Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP) reconnaît également que le secteur des arts plastiques est plutôt mal connu en France et qu'il n'existe pas aujourd'hui de recensement clair des artistes. L'Agence pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), créée en 1955, qui est une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes (comédiens, solistes de musique et de danse, artistes de variété), réunit quant à elle 20 500 sociétaires. Enfin, selon le Syndicat national de l'édition (SNE), les 400 principales maisons d'édition représentent 90 % du secteur de l'édition, qui compte 650 000 ayants droit (auteurs et descendants). Pour autant, comme le soulignait à juste titre la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) « un certain nombre d'auteurs a également un contrat de salarié (permanent ou plus couramment intermittent), comme par exemple les scénaristes ou les auteurs de théâtre », ce qui complique d'autant plus la donne statistique. 2. Des rémunérations fragiles et sous dépendance Comme le rappelait la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), « les trois quarts des auteurs ont aujourd'hui des revenus inférieurs au SMIC et vivent dans une très grande précarité économique et sociale. Certes, celle-ci est le lot des artistes depuis des siècles, mais elle demeurait acceptable tant qu'elle s'accompagnait d'une reconnaissance de la valeur de leur travail. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ». La précarité de leur statut a pu être contrebalancée jusqu'au XX e siècle grâce au mécénat et au système des commandes, mais aujourd'hui la situation est devenue explosive, sous la pression de la concurrence désormais exacerbée dans l'audiovisuel, le cinéma et le spectacle vivant. Beaucoup d'auteurs travaillent pour rien, simplement pour être embauchés ou voir leur ouvre retenue par un producteur... Plus globalement, les revenus des artistes indépendants sont généralement de trois ordres : les droits d'auteur, les ventes d' ouvres - notamment pour les artistes plasticiens - et la rémunération par honoraires des interventions et des activités d'enseignement. Une vente d' ouvre est la cession à titre commercial de la propriété matérielle de l'objet qui sert de support à son oeuvre (par exemple, la toile d'un tableau). Elle n'entraîne pas pour autant la cession des droits d'exploitation sur l' ouvre au bénéfice de l'acheteur. Un artiste perçoit des « honoraires » lorsqu'il effectue une prestation de services ou en contrepartie de la conception (honoraires de création) et de la réalisation de l' ouvre. Enfin, il perçoit des « droits d'auteur » lorsqu'il cède ses droits patrimoniaux sur la propriété immatérielle de ses oeuvres (par exemple, droits de reproduction d'un tableau). Le droit d'auteur est la dénomination courante des droits de la « propriété littéraire et artistique ». Il permet à l'auteur d'autoriser les différents modes d'exploitation de son oeuvre et d'en percevoir en contrepartie une rémunération par l'attribution de droits patrimoniaux : droit de reproduction, droit de représentation et droit de suite (pour les seuls artistes des arts graphiques et plastiques). Il reconnaît également à l'auteur un droit moral, dont la finalité est de protéger le caractère strictement personnel de son oeuvre. Le droit moral est perpétuel. Les droits d'exploitation durent pendant toute la vie de l'auteur et soixante-dix ans après sa mort (article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle). A la mort de l'auteur, les droits sont transmis à ses ayants droit (héritiers, légataires...). Le contrat entre un auteur et un éditeur doit prévoir une rémunération en contrepartie de la cession des droits. Le principe est celui de la rémunération proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation (pourcentage fixé de gré à gré, l'assiette étant le prix de vente public de l' ouvre). Comme l'a souligné la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) devant la mission « la rémunération des auteurs se fait de plus en plus sous forme de droits car cela coûte moins cher à l'éditeur. Auparavant, la répartition se faisait à 50/50 entre les droits et le salaire ; aujourd'hui, cette répartition est plutôt de 70/30 ». La Société des gens de lettres (SGDL) fait le même constant : depuis plusieurs années, on enregistre une forte dégradation du métier et de sa rémunération. Autrefois, les droits s'élevaient à 10 % des ventes mais aujourd'hui, les contrats prévoient 8 % ou 8,5 %. Les à-valoir sont très limités (entre 2 200 et 7 600 euros) et assortis d'un « droit de préférence » très sévère puisqu'il faut s'engager à proposer les prochains livres en priorité à l'éditeur, sans garantie de publication ni de rémunération. D'autre part, tous les frais sont à la charge de l'auteur, qui doit désormais fournir son travail sous forme de fichier informatique, ce qui permet à l'éditeur d'économiser les frais de saisie. Enfin, le paiement des droits d'auteur fait également l'objet d'une « provision sur retour » : l'auteur doit attendre trois ans avant de savoir combien d'exemplaires ont réellement été vendus et, au bout de cinq ans, l'éditeur n'est plus tenu de faire une reddition de comptes. Selon les statistiques de l'Association pour la gestion et la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), 8 000 personnes sont inscrites à ce régime de sécurité sociale, dont environ 1 100 écrivains. Pour bénéficier du régime, il faut déclarer au minimum 6 300 euros de droits d'auteur par an. Avec 8,5 % de droits d'auteur sur le prix de vente - la vente d'un livre de poche rapporte environ 15 centimes d'euro -, cela fait pas mal de livres vendus... Au delà des trois auteurs français les plus riches qui ont respectivement déclarés un revenu annuel d'un million d'euros, de 150 000 euros et de 120 000 euros, l'immense majorité des écrivains a des revenus très modestes. La moyenne du revenu mensuel, qui s'étend à 3 000 euros, est donc faussée par les revenus exceptionnels de quelques écrivains. Selon la Société des gens de lettres (SGDL), on estime aujourd'hui qu'il n'y a que 300 écrivains en France qui vivent exclusivement de leur plume, alors que plus de 30 000 nouveautés sont publiées chaque année. Parallèlement, selon la Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP), les droits d'auteur des artistes plasticiens sont très mal respectés. Les principaux problèmes portent sur : - le droit de représentation, qui prévoit que la présentation d' ouvres dans une exposition fait l'objet d'une rémunération : dans la pratique, ce n'est quasiment jamais le cas car les lieux d'exposition, qui ne sont pourtant pas des lieux de vente, considèrent qu'ils font de la publicité à l'artiste en montrant son ouvre et que cela doit lui suffire ; - le droit de suite : ce droit, défini à l'article L.122-8 du code de la propriété intellectuelle, est réservé aux artistes plasticiens et graphiques. Il leur permet de percevoir un pourcentage (3 %) du prix de revente de leurs oeuvres à l'occasion des enchères publiques ou par l'intermédiaire d'un commerçant. Au niveau européen, une directive harmonisant le droit de suite a été définitivement adoptée le 27 septembre 2001. Elle sera applicable au 1 er janvier 2006 et prévoit que les auteurs de tableaux, collages, peintures, dessins et autres gravures percevront une rémunération lors de chaque cession de leurs oeuvres dans des galeries ou salles de vente. Le seuil minimum de vente à partir duquel un droit de suite est perçu est fixé à 3 000 euros, mais les Etats membres ont la faculté de décider d'un niveau inférieur. Une étude est toujours en cours à l'Inspection générale des affaires culturelles du ministère, mais aucune information, notamment sur les chiffres des deuxièmes ventes par les galeries, n'a été rendue publique. Selon la Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP), « pour que tous les artistes, et pas seulement les plus cotés sur le marché, puissent bénéficier du droit de suite, il serait nécessaire de mutualiser une partie de ces droits afin de financer un fonds d'aide à la création ». Ainsi, du fait de la faiblesse de ces rémunérations, les artistes indépendants sont nombreux à disposer d'une autre activité, annexe ou principale, qui leur permet de vivre. La Fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP) estime que la vente des ouvres dans les galeries représente une part extrêmement réduite des revenus des artistes plasticiens. A côté de ceux qui travaillent avec le réseau institutionnel (Fonds régionaux d'art contemporain, centres d'art) et dans les associations d'artistes, il existe tout une frange de « pratiquants », inscrits à la Maison des artistes - l'affiliation étant automatique dès le premier euro de vente -mais qu'il est très difficile de définir professionnellement. c) Les rémunérations des interventions et activités d'enseignement Selon la Société des gens de lettres (SGDL), mis à part les 300 écrivains qui peuvent vivre de leur plume, tous les autres gagnent leur vie autrement, grâce à des actions dans les écoles ou dans les quartiers difficiles, à l'enseignement et à l'animation d'ateliers d'écriture. Si ces activités sont intéressantes et motivantes, elles ne sont pas toujours bien rémunérées. En outre, les demandes d'interventions gratuites sont de plus en plus nombreuses, notamment de la part du ministère des affaires étrangères, qui propose souvent des interventions à l'étranger, moyennant un simple défraiement, mais sans rémunération de l'artiste indépendant... Par ailleurs, la qualification de cette dernière source de revenu est problématique car s'il s'agit d'activités régulières, les artistes sont renvoyés vers le régime salarié, et dans les autres cas, vers celui des travailleurs indépendants. Dans les deux cas, cela risque à tout moment de les faire sortir du champ professionnel propre aux artistes indépendants. Pourtant, comme le rappelaient les responsables de la Maison des artistes lors de son audition devant la mission « les productions réalisées durant ces interventions portent toujours la marque de l'artiste et constituent donc une élément de son ouvre. Il serait donc intéressant d'intégrer une partie de ces revenus dans les revenus " artistiques " » .
La Maison des artistes est une association créée en 1952 et agréée en 1975, afin de gérer le régime de sécurité sociale des artistes plasticiens. L'AGESSA joue le même rôle pour les autres artistes indépendants. Ces deux organismes assurent l'affiliation et l'immatriculation des artistes-auteurs, puis le calcul et l'appel des cotisations. Le recouvrement et le contrôle sont effectués par les URSSAF et les prestations sont servies par les caisses primaires de sécurité sociale.
Un artiste indépendant qui ne remplit pas les conditions pour être pris en charge par le régime des artistes-auteurs - c'est notamment le cas durant sa première année d'activité - sera affilié au régime de la couverture maladie universelle (CMU) pour le bénéfice des prestations en nature de l'assurance maladie, à moins qu'il ne puisse être pris en charge par ailleurs du fait qu'il est salarié, étudiant ou en qualité d'ayant droit d'un conjoint, d'un partenaire d'un PACS ou d'un concubin. Le régime de sécurité sociale des artistes indépendants est financé, d'une part, par les cotisations des artistes et, d'autre part, par les contributions des diffuseurs. La contribution est assise soit sur 30 % du chiffre d'affaires annuel toutes taxes comprises, au taux de 3,30%, ou sur la totalité des commissions toutes taxes comprises, soit sur la rémunération brute versée à l'artiste ou ses ayants droit au taux de 1 %. Contrairement à celui des intermittents du spectacle, le régime des artistes plasticiens est excédentaire : les cotisations se sont élevées à 50 millions d'euros en 2003 alors que les prestations servies par les caisses du régime général peuvent être évaluées à 12,8 millions d'euros pour la maladie et environ 20 millions d'euros pour la vieillesse. De plus, même lorsque des artistes demandent à bénéficier de leur droits à la retraite, ils continuent à travailler et donc à cotiser. a) Il n'existe pas de droit à la formation professionnelle pour les artistes indépendants Alors que la formation continue tout au long de la vie est un droit clairement affirmé par la loi, rien n'existe pour les auteurs. Toute formation doit être directement financée par la personne. Or il existe des secteurs où la création ne peut se faire que si les compétences, techniques notamment, sont régulièrement remises à jour. L'absence d'un droit à la formation continue, tout particulièrement pour l'approche des nouvelles technologies de la communication, mais aussi pour l'acquisition de nouvelles pratiques professionnelles, est problématique. Une mesure législative serait donc la bienvenue. Des discussions sont en cours depuis trois ans pour créer un fonds destiné à la formation professionnelle des auteurs. En novembre 2002, une réunion entre l'AGESSA, la Maison des artistes et tous les syndicats professionnels a permis de trouver un terrain d'entente. Un projet d'accord, qui prévoyait un rattachement au régime des travailleurs non salariés et des cotisations volontaires, a été établi mais depuis, rien n'a évolué b) Il n'existe pas de couverture du risque de maladies professionnelles et de protection en matière d'accidents du travail pour les artistes indépendants Le régime des artistes indépendants ne couvre pas le risque accident du travail, ni le risque maladie professionnelle car il n'existe pas de cotisation employeur comme dans le régime général. Ainsi, pour ces eux cas, l'artiste indépendant qui veut être couvert doit souscrire une assurance volontaire, coûteuse, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de sa résidence habituelle. |
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