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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Les problèmes du sonore


Avec les caméras enfermées dans des cabines insonorisées et les acteurs obligés de rester près des micros, tourner un film devient problématique ; même les leçons tirées du muet semblent désormais inutilisables.

Lorsqu'il fut évident, à la fin de l'année 1928, qu'il n'y aurait plus jamais de retour au cinéma muet, les plus importantes firmes cinématographiques de Hollywood se consacrèrent avec enthousiasme au cinéma parlant, y investissant des capitaux considérables ; on estime que ceux-ci, au milieu de l'année 1929  atteignaient 50 millions de dollars. La MGM reconstruisit pratiquement ses studios et la Paramount dépensa 400 000 dollars pour un studio sonore, qui fut ensuite complètement détruit par un incendie, en 1929. Les dépenses engagées par Universal pour convertir au parlant ses propres installations et pour la construction de trois studios sonores se montèrent, elles, à 2 millions de dollars ; l'un de ces studios, le plus grand jamais réalisé jusqu'alors, fut spécialement aménagé pour les prises de vues de la superproduction Broadway (1929), réalisée par Paul Fejos.

Malgré ces efforts très coûteux, installations et studios étaient encore insuffisants pour le nombre de films produits, et ce, à un point tel qu'Universal, par exemple, calcula que pour respecter le calendrier des ouvres programmées, elle aurait dû occuper ses studios 24 heures sur 24 en employant plusieurs équipes de techniciens se relayant toutes les huit heures.

A la recherche du silence

Se posait un autre grave problème : l'isolation acoustique, qui, dans de nombreux studios, laissait souvent à désirer. La Warner, par exemple, qui avait utilisé comme premier studio sonore les vieux locaux new-yorkais de la Vitagraph, avait bien cherché par tous les moyens à atténuer les bruits indésirables, mais elle ne réussit pas à éliminer le vacarme produit par le métropolitain et dut rapidement se transférer dans de nouveaux locaux ; elle s'installa, entre autres, dans l'ancienne Opéra House de Manhattan, là où allait commencer, quelques semaines plus tard, la construction d'un nouveau tronçon du métro. Les caméras Vitaphone, en effet, enregistraient fidèlement tous les bruits, y compris leur propre ronflement et le sifflement des réflecteurs.

Pour échapper aux difficultés et pallier le manque de studios isolés sur le plan acoustique, on fit aussi des expériences dans des studios ordinaires. C'est ainsi que pour le tournage des scènes de cabaret du Fou chantant (The Singing Pool, 1928), il fallut avoir recours à des équipes spéciales de vigiles chargées de dévier le trafic durant le tournage du film et d'interrompre le travail des charpentiers occupés dans les rues proches du studio.

Frank Capra, évoquant l'atmosphère de cette période, rappelle que même à l'intérieur des studios d'enregistrement la , situation n'était pas rosé, les acteurs venant du muet, étant pris de panique quand on tentait de créer autour d'eux le silence absolu, avec des dizaines de personnes qui criaient « Silence ! ». De plus, cette exigence de silence contribuait encore à leur malaise : il n'y avait plus autour d'eux les cris ininterrompus qui accompagnaient le tournage des films muets ; ils n'entendaient plus les ordres hurlés par le metteur en scène ou les imprécations des opérateurs. Seuls les acteurs venant du théâtre s'adaptaient facilement à cette nouvelle situation ; pour t ceux qui venaient du cinéma muet, le fait de jouer dans le silence le plus complet, entourés de personnes muettes et immobiles, était un véritable supplice.

De fait, le parlant avait révolutionné non seulement les structures et les installations du cinéma, mais aussi, et surtout, la technique de réalisation d'un film. En effet, dans les débuts, ce qui comptait pour le public, c'était seulement que le film fût parlant ; il était par conséquent disposé à accueillir favorablement n'importe quelle ouvre répondant à cette exigence.

A ce sujet, il faut rappeler que les premiers films synchronisés, comme Don Juan (Don Juan, 1926) et le Chanteur de jazz (The Jazz Singer, 1927), ressortissaient fondamentalement de l'esthétique du muet, avec mimique et sous-titres ; on y avait ajouté, pour les rendre plus attirants, des commentaires musicaux, des chansons et des fragments de dia­logues. Par la suite pourtant, devant les premiers talkies (c'est-à-dire les films vraiment et totalement parlants), le public prouva qu'il avait affiné ses propres goûts et qu'il était devenu plus critique, au point que l'industrie cinématographique et ses chroniqueurs commencèrent à nourrir quelques doutes et même des regrets.

Une baisse de qualité

Mais si le parlant représenta sans nul doute pour le cinéma un grand pas en avant sur le plan technique, les premiers films parlants marquèrent un recul évident sur le plan artistique et déçurent l'attente générale. Semblèrent soudain perdues l'énergie, l'agilité et la fluidité qui avaient caractérisé les films muets, et que le public avait appris à apprécier. Cette baisse de qualité des premiers films parlants était due essentiellement à deux raisons, directement liées au problème de l'enregistrement du son. La première difficulté émanait de la caméra, dont le ronflement était fidèlement enregistré par le micro. Pour éviter cet inconvénient, opérateur et caméra durent être enfermés dans une cabine minuscule, isolée sur le plan acoustique et pourvue de petites lucarnes, l'une d'elles lais­sant passage à l'objectif, lui-même enveloppé d'un manchon en matériel insonorisant. On raconte qu'à la Vitaphone on en arriva à enfermer à clé l'opérateur dans sa cabine ou, plus exactement, dans sa boîte, après qu'un de ces malheureux eut inopinément laissé la porte ouverte lors d'un tournage.

Il ne faut .cependant pas exagérer la gravité de ce problème, car, très rapidement, les stu­dios dotèrent ces cabines de roues et de chariots qui permettaient plus de souplesse et de latitude à la prise de vue ; dans un deuxième temps, la caméra fut également « réduite au silence» par un boîtier adéquat qui en garantissait l'isolation acoustique tout en lui rendant son ancienne mobilité, laquelle semblait définitivement perdue avec l'avènement du parlant.

Mais la menace la plus grave pour la liberté de mouvement de l'image venait du fait que les acteurs étaient obligés, à cette époque, de parler directement tournés vers le micro, et de rester constamment à sa proximité immédiate. Évidemment les micros devaient être cachés, et l'on recourut donc, dans les premiers films parlants, à l'expédient qui consistait à les placer aux points stratégiques du plateau : dissimulés dans un vase de fleurs ou même fixés sur le dos d'un acteur, lequel était alors contraint à l'immobilité la plus totale pour toute la durée du tournage de la scène.

Dans son livre « The Birth of thé Talkies », Harry M. Geduld nous fournit un compte rendu amusant de ce qui arrivait sur le plateau à cette époque : « Pour chaque scène de Lights of New York, on eut recours à deux micros seulement ; ils étaient bien entendu cachés, et les acteurs, quand ils parlaient, ne devaient plus s'en éloigner. Cela donnait lieu à des situations souvent très comiques : des personnages, engagés dans un long discours, restaient debout comme s'ils avaient pris racine ; d'autres qui, lancés dans un dialogue, se tenaient appuyés les uns contre les autres de manière grotesque. Dans une autre scène, curieusement, Eddie ne parle que lorsqu'il se tient debout près d'un fauteuil vide de coiffeur : le micro avait été caché dans le repose- tête. Toujours dans la boutique du coiffeur, Gène traverse toute la pièce, et ce n'est que lorsqu'il se trouve tout près d'Eddie qu'il lit, en hurlant presque, les titres des journaux. Quand Hawk bat le rappel de ses « gars », ceux-ci se pressent autour d'un téléphone qui se détache au premier' plan et qui, naturellement, cache un micro. Le présentateur, au Night Hawk, danse et chante « Morning Glory » sans s'éloigner d'un centimètre d'un rideau auquel le micro était accroché. On obtenait d'autres effets sonores involontaires des plus cocasses quand plusieurs micros étaient dispersés dans une même pièce : les acteurs commençaient à parler près d'un premier micro, puis traversaient la pièce sans parler, reprenant la parole dès qu'ils se trouvaient à nouveau près d'un autre micro. »

Mais ce problème trouva rapidement sa solution grâce à l'utilisation de la « girafe » ; c'est ainsi qu'on a baptisé la perche amovible montée sur chariot ou tenue à la main, à laquelle on suspendait le micro. Nombreux furent ceux qui s'attribuèrent l'invention de cet accessoire, à commencer par les metteurs en scène William Wellman et Dorothy Arzner, mais il est probable que l'idée de fixer le micro sur une perche pour pouvoir le déplacer dans les endroits « stratégiques » est apparue plus ou moins simultanément dans les différents studios.

Le micro : terreur des studios

Les problèmes purement techniques étaient de toute façon plus simples à résoudre que les difficultés éprouvées par les acteurs. Si une star du muet, dotée d'un visage angéliq ue, pouvait en effet se permettre de parler dans la vie courante avec l'accent disgracieux du Bronx, avec l'avènement des films parlants, elle se trouvait désormais handicapée d'un vice rédhibitoire.

Benjamin Hampton rappelait à ce sujet : « Le seul fait de parler au micro donnait (aux acteurs) des frissons ; devoir parler dans ce petit truc créait en eux ce trac typique qu'on éprouve sur scène. Certaines jeunes actrices, dont Bessie Love et Lois Wilson, profitèrent intelligemment des longues périodes d'inactivité du cinéma pour retourner fouler les scènes du music-hall ou pour rejoindre des compagnies du répertoire, ou même, simplement pour tenir des seconds rôles au théâtre. Le temps leur donna raison : durant ces mois d'entraînement elles purent perfectionner la pose de leur voix, et revenir aux studios sûres d'elles-mêmes, pour y faire carrière dans des films parlants... Les améliorations apportées aux appareils d'enregistrement permirent aux techniciens du son de renforcer le ton de certaines voix particulièrement faibles ou d'en adoucir d'autres, par trop perçantes. Cependant, de nombreux acteurs ne réussirent pas à s'adapter aux conditions imposées durant les projections ne pouvaient certainement pas obtenir les résultats réalisables avec la piste sonore. Toutefois, mes gags perdirent en rapidité et en rythme, et moi-même je ne fus plus en mesure de hurler des ordres aux techniciens durant le tournage ; au début en effet nous perdîmes le rythme de façon assez sensible sinon irrémédiable. L'emploi systématique du micro fut, dans un premier temps, une opération terrible : tout le monde avait la sensation désagréable qu'avec son installation nous allions perdre la mobilité que la caméra nous avait assurée. Pour remédier à cette immobilité forcée j'avais même imaginé de cacher le micro sous la veste de l'acteur ou de l'attacher sur son dos avec des fils qui descendaient le long du pantalon et se raccordaient à tout le réseau de câbles qui se trouvait sous le sol du studio, au moyen de plaques d'acier attachées aux semelles des chaussures de l'acteur. »

Parmi les grands acteurs de l'époque, le duo formé par Laurel et Hardy, alors en pleine ascension, découvrit justement dans le parlant une nouvelle dimension comique, mais Charlie Chaplin tourna astucieusement la difficulté : Les Lumières de la ville, (City Lights, 1931) et Les Temps modernes (Modem Times, 1936) sont en effet des films pratiquement muets, avec des commentaires musicaux et des effets sonores synchronisés de manière ingénieuse. Ce n'est qu'en 1941, avec Le Dictateur (The Great Dictator) que Chaplin surmonta son aversion pour le parlant et s'exprima à l'écran.

Par contre, pour le grand comique Buster Keaton, le problème que lui posait le parlant était moins technique - c'était un metteur en scène très habile et il aurait sans doute su utiliser le parlant pour améliorer son art - que financier. La réalisation d'un film parlant entraînait en effet des dépenses beaucoup plus grandes : les coûts étaient multipliés, la technique et les techniciens avaient acquis de l'importance, et leur poids était donc plus lourd dans le financement d'une production. Il est clair que, dans ces conditions, Keaton ne pouvait plus se permettre de fignoler un gag pendant des semaines entières, de refil mer les scènes à volonté, de reprendre entièrement le film au montage après l'avoir vu en avant-première. L'époque des producteurs était désormais venue et les comiques n'allaient plus pouvoir jouir de la totale liberté qui leur permettait de perfectionner leur art. En fait, Buster Keaton et Harry Langdon ne résistèrent pas à l'avènement du parlant et leur étoile déclina rapidement, bien que tous deux eussent continué à tourner des films dans les années 30.

De la scène à l'écran

Pour tenir, Hollywood se tourna alors vers le théâtre. Parmi les acteurs qui passèrent de Broadway à la côte ouest en ces débuts du parlant, il faut citer Bette Davis, Ann Har- ding, Ruth Chatterton, Fredric March, Edward G. Robinson, Katharine Hepburn et le chanteur-danseur de l'époque, James Cagney. En même temps que les acteurs, arrivèrent à Hollywood les maîtres de diction et de pose de la voix, dont certains étaient d'anciennes gloires du théâtre, comme Constance Collier et Mrs. Patrick Campbell. Ces dernières, ayant aidé respectivement Colleen Moore et Norma Shearer afin de résoudre leurs problèmes vocaux, purent participer à certains films dans des seconds rôles.

Quelques metteurs en scène de théâtre, dont Rouben Mamoulian, furent aussi appelés à Hollywood en toute hâte, et assimilèrent rapidement les nouvelles techniques imposées par le parlant. George Cukor, qui allait devenir un des grands metteurs en scène de Hollywood, arriva de Broadway avec la qualification de directeur des dialogues (un des premiers films dans lesquels il travailla fut A l'ouest rien de nouveau). Cukor se souvient : « Quand je débutai, tout semblait très étrange : les acteurs n'étaient pas préparés, les studios n'étaient pas équipés et les techniciens du son, autant que je m'en souvienne, avaient été opérateurs-radio sur les navires. L'ensemble était plutôt gauche. »

Mais Hollywood s'aperçut bien vite que, pour conserver la faveur du public, on ne pouvait se contenter simplement de transférer de la scène à l'écran des comédies de boulevard en trois actes. Les frères Warner l'apprirent à leurs dépens lorsqu'ils engagèrent le grand acteur autrichien Alexander Moissi pour lui faire interpréter le rôle d'Edmund Kean dans l'adaptation cinématographique, sous le titre Queen of thé Night, de son triomphe théâtral «The Royal Box» (1929). Le film fut un échec et ce fut la seule apparition de Moissi sur les écrans américains.

L'adaptation au cinéma et sous le même titre d'un des plus grands succès de Broadway révolutionna complètement le style comique. Noix de coco (The Cocoanuts), interprété par les frères Marx, allait confirmer, à l'écran, la popularité dont ces artistes de vaudeville jouissaient à la scène depuis 1925. Noix de coco fut tourné en 1929 à New York dans les studios Astoria et,,l'année suivante, les frères Marx tournèrent dans les mêmes studios Animal Crackers, un autre de leur succès de théâtre. Leurs comédies musicales excentriques au style inimitable plurent beaucoup au public et rencontrent, aujourd'hui encore, un certain succès.

L'avènement du parlant coïncida avec l'âge d'or du music-hall ; il était donc inévitable que Hollywood fît main basse sur celui-ci, comme du reste il avait fait main basse sur tout ce que Broadway était en mesure d'offrir. Joan Crawford avait déjà interprété à l'écran, en 1928, une adaptation muette du succès théâtral « Rosé Marie », réalisée par Lucien Hubhard ; on pouvait entendre John Boles dans Le Chant du désert (The Désert Song, 1929), Helen Morgan recréait le rôle joué dans Show Boat (1930) et Lawrence Tib- bett tenait un premier rôle dans Le Chant du bandit (The Rogue Song, 1930). Jeanette MacDonald, autre « transfuge » du music-hall de Broadway, débuta avec succès au cinéma dans le premier film parlant d'Ernst Lubitsch Parade d'amour (The Love Parade, 1929) et chanta, en 1930, dans cinq films dont Let's Go Native de Léo McCarey, Monte-Carlo (Monte Carlo) d'Ernst Lubitsch et Le Roi des vagabonds (The Vagabond King) de Ludwig Berger. L'adaptation cinématographique d'un des premiers succès théâtraux du genre, Chercheuses d'or (Gold Diggers of Broadway), tournée en 1929, servit à la Warner de modèle permanent pour ses « musicals » des années 30 et du début des années 40.

La revue hollywoodienne

Simultanément, Hollywood commença à développer son propre genre de revues : la comé­die musicale, produit typique de ces années, dont les numéros pouvaient être filmés sur de petites scènes, tandis que le son était enregistré séparément sans difficulté. Qui plus est, la revue servait à mettre à l'épreuve les capacités vocales des interprètes : Hollywood chante et danse (Hollywood Revue of 1929) de la MGM révéla les talents vocaux de Laurel et Hardy, de Joan Crawford, de Bessie Love et de Marie Dressler ; quant à l'extraordinaire succès de Paramount en Parade (Paramount on Parade, 1930), il revint en grande partie à Maurice Chevalier, qui chantait dans les trois épisodes dirigés par Ernst Lubitsch. Pour Show of Shows (1929), la Warner utilisa un présentateur insolite pour introduire chaque numéro de variétés, le chien RinTinTin.

De son côté, la Fox réalisa Fox-Follies (Movietone Follies of 1929) et l'Universal La Féerie du jazz (King of Ja2z, 1930), qui présentait l'orchestre de Paul Whiteman, avec Bing Crosby et les Rythm Boys dans un des numéros secondaires. Un film allait influencer durablement le musical hollywoodien : Broadway Melody (1929), de Harry Beaumont, un authentique prototype du genre. Toutefois, parmi toute la production de musicals de ces années, le film Hallelujah (1929) de King Vidor, un drame musical interprété uniquement par des Noirs, reste inégalé. L'emploi de la musique noire et le soin apporté aux scènes qui se déroulent dans les plantations de coton en font un classique du genre.

La grande migration vers l'ouest entraîna aussi celle des musiciens. Mais nombre d'entre eux virent souvent leur carrière brisée, par l'avènement du parlant.

Genres à succès

Avec le parlant d'autres genres cinématographiques allaient connaître un regain de vitalité. Le film de gangster, par exemple, qui au temps du muet jouissait déjà d'une grande popularité, accrut son emprise sur le public ; celui-ci pouvait enfin entendre le vrombissement des moteurs, les coups de feu et le jargon, non sans charme, du milieu. Little Caesar (1930) de Mervyn LeRoy, qui fit d'Edward G. Robinson une vedette, reste aujourd'hui encore un des modèles du genre.

Le western connut lui aussi un surprenant « revival » ; les grands espaces libres cessaient enfin d'être ceux du silence intégral. En 1929-1930 furent tournés, entre autres La Piste de 98 (The Trail of 98), Billy-the-kid, La Piste des géants (The Big Trail) et Cimarron, type même de la saga familiale.

Le parlant renouvela en outre le succès des films de guerre : Les Anges de l'enfer (Hell's Angels, 1930) de Howard Hughes reconsti­tuaient de façon spectaculaire les premiers combats aériens, tandis qu'A l'ouest rien de nouveau (AU Quiet on thé Western Front 1930) de Lewis Milestone, émouvante réflexion sur l'inutilité de la guerre, était reconnu d'emblée comme un classique de l'adaptation cinématographique d'une ouvre littéraire.

Les metteurs en scène étrangers, qui gagnèrent Hollywood à l'avènement du parlant, y connurent un grand succès ; et ce, paradoxalement, parce que, ne parlant qu'imparfaitement la langue du pays, ils étaient obligés d'accorder une plus grande attention au dialogue. Ils semblaient même beaucoup mieux maîtriser cette nouvelle technique. Il en fut ainsi pour Lewis Milestone, par exemple, cinéaste d'origine russe ; de Friedrich W. Murnau, un des nombreux metteurs en scène allemands travaillant alors à Hollywood, qui fut, avec Les Quatre Diables (Four Devils, 1928), le premier de ces metteurs en scène étrangers à adapter le nouveau moyen d'expression. Rouben Mamou- lian, d'origine arménienne, créa une harmonie parfaite entre son et images dans Applause (1929) et dans Les Carrefours de la ville (City Streejts, 1931). L'Autrichien Josef von Stern- berg, qui avait commencé sa carrière à Hollywood à l'époque du muet, y retourna, fort de son triomphe allemand, L'Ange bleu (Der Blaue Engel, 1930), pour y diriger Marlene Dietrich dans le très romantique Cours brûlés (Morocco, 1930). Ernst Lubitsch, allemand lui aussi, commença une nouvelle et brillante carrière hollywoodienne comme créateur du film-opérette avec Parade d'amour, dans lequel il réunit les talents de Maurice Chevalier et de Jeanette MacDonald.

Le cinéma parlant, qui avait donc surmonté l'épreuve initiale de la découverte et la phase difficile de son utilisation, pouvait maintenant recevoir sa juste récompense. Même le grand D.W. Griffith, un des rares metteurs en scène du muet à avoir accueilli avec bienveillance le parlant, se permit de dire : « Pensez, vous pouvez maintenant avoir tout le mouvement, le rythme et l'énergie qui ont caractérisé les meilleurs films muets... et en plus vous pouvez avoir la voix humaine. »

 

Extrait de : Le Cinéma, Grande histoire illustrée du 7° art. Copiright Editions Atlas, Paris, 1982.