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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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LE CINÉMA FRANÇAIS


1. Le temps des inventeurs

L'invention du cinématographe, attribuée à Louis Lumière, est en fait l'aboutissement d'une recherche collective qui s'inscrit sur près d'un siècle. De l'invention de la photographie par Nicéphore Niepce vers 1816 aux recherches sur le mouvement, le XIXe siècle est ponctué de découvertes techniques et scientifiques autour de l'enregistrement du son et de l'image, dont le cinéma est la synthèse.

Le docteur Paris, inventeur du thaumatrope en 1826, Joseph Plateau, avec le phénakistiscope en 1836, et Emile Reynaud, qui présente avec succès à l'Exposition universelle de 1878 le praxinoscope, s'intéressent à la persistance rétinienne. Celle-ci permet de créer l'illusion du mouvement à travers une succession d'images rapidement déroulées. Les travaux d'Edward J. Muybridge (1878) et d'Etienne-Jules Marey (1882) sur la décomposition du mouvement par la multiplicité des prises de vue photographiques, viennent compléter ces innovations. De la décomposition à la recomposition du mouvement, il n'y a qu'un pas qu'Edison franchit avec son kinétographe (1891), véritable juke-box à images qu'il va commercialiser.

L'invention du "cinématographe" en 1895, avec son procédé spécifique de défilement régulier de l'image à l'aide d'une griffe qui entraîne la pellicule perforée, vient couronner cette succession de recherches. Étrange processus qui transforme une série d'innovations aussi diverses en un seul objet, durable : le cinéma.

C'est sans doute que l'invention technique en elle-même n'est rien sans ce qu'elle apporte à l'imaginaire. Dès la première projection publique et payante, le 28 décembre 1895, au Grand Café, à Paris, puis dans les théâtres et les foires, le cinématographe suscite un extraordinaire enthousiasme auprès d'un public ébahi devant ces images qui bougent.

1900 - 1910 : Du grand magasin à la salle de cinéma

Cette première décennie voit le passage du cinéma forain aux projections en salle. La distribution s'organise et l'on assiste aux premiers et timides efforts de standardisation du format des films. Pour autant, le cinéma reste un objet technique incongru et divertissant, une sorte d'attraction, pas encore un art. Louis Lumière filme tout simplement la sortie de ses usines, ou le repas de bébé, pour expérimenter sa nouvelle machine. Ferdinand Zecca, employé par les frères Pathé pour réaliser de petites fictions, ne revendique pas plus le qualificatif d'artiste que celui de metteur en scène.

C'est dans ce contexte, apparemment peu favorable sur le plan créatif, qu'apparaît Georges Méliès. Son oeuvre est à l'opposé de la démarche de Lumière. Quand l'inventeur lyonnais voit dans le cinéma une façon documentaire de capter le réel, Méliès le conçoit comme un prolongement du théâtre populaire et de ses fantasmagories. Le cinéma français oscille depuis ses débuts entre ces deux pôles, le documentaire et la fiction, avec, à mi-chemin, les feuilletons magnifiques de Louis Feuillade.

Charles Pathé et Louis Gaumont créent, après Méliès, leurs grands studios et s'entourent de cinéastes remarquables (Louis Feuillade pour Gaumont, Ferdinand Zecca et Max Linder pour Pathé). Décidant en 1904 d'abandonner la vente des films au profit de leur location, Pathé pose les bases de la diffusion moderne en salle. Il est suivi par Gaumont l'année suivante et l'idée est reprise aux États-Unis en 1897.

2. L'âge d'or

1920 : Les avant-gardes

Dans les années 20, trois avant-gardes vont se succéder. Les artistes s'emparent du cinéma. Qu'ils soient photographe surréaliste, comme Man Ray, ou musicienne impresionniste, comme Germaine Dulac, ils s'enthousiasment ensemble pour les films de Griffith et Chaplin, exportés après-guerre. Le cinéma américain avait fait des progrès que le conflit n'avait pas permis d'accomplir en Europe où le cinéroman poursuit sa carrière grâce à des spécialistes du genre (Ferdinand Zecca, Victorin Jasset, Edouard Violet, Luitz-Morat ou Jean Kemm). Il est critiqué par les auteurs d'avant-garde et leurs théoriciens, Louis Delluc en tête. Sous sa houlette, la première avant-garde tente de donner ses lettres de noblesse à ce nouveau langage sans vocabulaire ni grammaire.

Marcel L'Herbier compose des plans stylisés, promenant les personnages de "L'inhumaine" (1924) dans un univers imaginaire créé de toutes pièces par l'architecte Robert Mallet-Stevens et le peintre Fernand Léger. Jean Epstein recourt dans "Finis Terrae" (1929) à des procédés techniques jusque-là inusités (passage de la bande-son à l'envers, ralentis, accélérés, surimpressions), plus à même de suggérer la fluidité de ses impressions. Germaine Dulac construit "La Fête espagnole" (1919) comme une partition musicale, usant du montage comme d'une baguette de chef d'orchestre. Enfin, Abel Gance réalise ses oeuvres les plus novatrices. Dans "La Roue" (1923) et "Napoléon" (1927), il expérimente de nouvelles techniques de prise de vue, des effets de montage audacieux. Anticipant même sur l'avènement du parlant, Gance oblige ses comédiens à réciter précisément leur texte dans le but de sonoriser, lorsque la technique le permettra, ses films muets.

La deuxième avant-garde, elle, est dadaïste et surréaliste. René Clair inaugure ce mouvement avec "Entr'acte" (1924), bientôt suivi par Jean Grémillon, Man Ray, Marcel Duchamp, Antonin Artaud, Salvador Dali et bien sûr Luis Buñuel. Ils font du cinéma un art subversif ("L'Âge d'or" de Buñuel est censuré dès sa sortie, en 1930). Les récits en forme de "cadavres exquis", sautant du coq à l'âne, les associations d'images et d'objets incongrus, effets de flous, de superposition, juxtaposition de scènes souvent provocatrices et absurdes font peu de cas de la narration traditionnelle et cherchent avant tout à provoquer et à innover.

La troisième avant-garde se veut plus sociale. On y retrouve Georges Lacombe "La Zone", 1928), Jean Vigo, franchement libertaire ("À propos de Nice", 1930) et Marcel Carné ("Nogent, Eldorado du dimanche", 1930). Ils portent un regard sans complaisance sur la réalité. Leur vocation est plus documentaire, bien qu'ils aient recours aux effets expérimentés par leurs prédécesseurs.

Mais l'avant-garde ne résiste pas à l'avancement du parlant qui accentue les orientations narratives et réalistes du cinéma. En effet, de leur côté, Henri Fescourt, Raymond Bernard, Jacques Feyder, Léon Poirier, Jacques de Baroncelli développent les fondements du cinéma français classique, basé sur des adaptations littéraires ou théâtrales.

Les indutriels et les techniciens continuent leurs recherches. L'invention du phonographe, en 1877, par Thomas Edison, autorisait déjà l'enregistrement et la restitution du son. L'invention de la bande magnétique (1898), le développement du phonographe en accompagnement des films (1912), les premiers essais de prise de son avec un matériel spécifique (1921) permettent le développement du cinéma sonore et le cinéma apparait dès 1929 ("Le Collier de la reine" de Gaston Rouvel ; "Les Trois Masques" d'André Hugon). Autre axe de recherche : le formet. Abel Gance en est, comme pour le son, un précurseur. Il projette son "Napoléon" sur trois écrans juxtaposés en 1926. Mais le procédé, trop complexe et coûteux, n'est pas exploité.

Les années 20 sont aussi celles des premières crises économiques qui ne cessent de ponctuer l'histoire du cinéma français. La guerre de 14-18 a des conséquences désastreuses pour Pathé et Gaumont. Les usines sont réquisitionnées, les ouvriers mobilisés et le prix de la pellicule est multiplié par trois. Les deux sociétés françaises sont obligées d'interrompre leur production pendant les premières années du conflit, n'assurant que de façon inégale la distribution des copies et l'exploitation des salles. La concurrence américaine de l'immédiat après-guerre accentue la crise : Pathé liquide ses succursales étrangères, sa propre maison de production française et son usine de pellicule en 1926. Désormais, Eastman Kodak détient le monopole de la fabrication des films.

1930 : Les réalismes

L'arrivée du parlant a des effets considérables. D'une part, la restitution du son oblige à uniformiser la vitesse de défilement des films (24 images/seconde), ce qui améliore la qualité de la projection. D'autre part, l'enregistrement du son impose de nouvelles contraintes. "Rien ne m'amuse davantage, déclare Méliès en 1935, que les efforts des opérateurs actuels qui sont forcés, à cause de l'immobilité des acteurs engendrée par le dialogue, de faire visiter toute la pièce aux spectateurs". Les sujets changent, car les dialogues permettent d'aborder la psychologie des personnages et le jeu des acteurs doit s'adapter. Enfin doté du pouvoir de représenter la société dans ses subtilités, le cinéma de cette période reflète les états d'âme du peuple français à travers le réalisme poétique et le réalisme noir d'avant-guerre. Des cinéastes, auparavant liés, ont rejeté son formalisme mais conservé sa rigueur artistique ; ils créent des chefs d'oeuvre : Jean Vigo film "L'Atalante" (1934), Jean Renoir tourne "La Chienne" (1931), "Toni" (1934), "La Grande Illusion" (1937), "La Règle du jeu" (1939). Jean Grémillon réalise "Dainah la métisse" (1931), "L'Étrange Monsieur Victor" (1938), "Remorques" (1939-1941). Le réalisme poétique appraît sous l'influence de la littérature populaire (Pierre Mac Orlan, Francis Carco) et de l'esthétique expressioniste, révélée par les chefs opérateurs allemands comme Eugen Schüffman.

Les récits pessimistes racontent les destinées tragiques de héros populaires dont Jean Gabin est la parfaite incarnation. La lumière en clair obscur, l'artifice des décors, la verve des répliques et du jeu donnent un style lyrique prononcé. René Clair ("Sous les toits de Paris", 1930), Pierre Chenal ("L'Homme de nulle part", 1936), Julien Duvivier ("Pépé le Moko", 1937), et Marcel Carné ("Quai des brumes" et "Hôtel du Nord", 1938) en sont les maîtres incontestés. Le Front populaire inspire deux films en 1936 : "La vie est à nous", de Jean Renoir et "La belle Équipe", de Julien Duvivier, qui reflètent bien l'euphorie du moment. La même année, deux grands écrivains du théâtre, séduits par le parlant, réalisent des ouvres majeures : "Le Roman d'un tricheur", de Sacha Guitry et "César", de Marcel Pagnol, au naturalisme novateur.

Cette période se caractérise par son unité et une parenté esthétique entre les différentes formes de réalisme, qui rattache les unes aux autres les ouvres les plus importantes de cette décennie. Malgré cette richesse, la production est en crise : Pathé, après s'être associé avec les frères Natan, fait faillite en 1939. Gaumont, qui dépose son bilan en 1938, est renfloué par les banques. La production s'émiette en de multiples sociétés.

Les années 30 sont aussi celles d'une prise de conscience, encore très minoritaire, du problème de la conservation des films : Georges Franju et Henri Langlois créent la Cinémathèque française en 1936.

3. Le cinéma français durant la guerre

L'élimination des Juifs de la production est organisée dès 1940, par le gouvernement de Vichy. La censure traque tout ce qui va à contresens de la propagande de Vichy. Une partie de la profession s'est repliée en zone libre autour des studios de la Victorine à Nice et de ceux de Marcel Pagnol à Marseille.

En zone occupée, la production, soumise à un contrôle permanent se réfugie dans le cinéma d'évasion et les films de genre, comédies ("Premier Rendez-vous" d'Henri Decoin, 1941 ; "La Fausse Maîtresse", premier film d'André Cayatte, 1942), policiers ("L'Assassinat du père Noël" de Christian-Jaque, 1941 ; "Le Dernier des six", 1941, et "L'Assassin habite au 21", 1942, premiers films d'Henri-Georges Clouzot). Les films historiques et les adaptations vont bon train. "Mam'zelle Bonaparte", de Maurice Tourneur en 1941, "La Symphonie Fantastique" de Christian-Jaque (1941). Tous ces films sont produits par la Continental Films, société de production allemande créée en 1940 et dirigée par Alfred Greven. Après l'exil de Jean Renoir et de Julien Duvivier, Marcel Carné est isolé. Il tourne dans des conditions difficiles "Les Enfants du paradis", aux studios de la Victorine. Le film ne sort qu'après la Libération.

4. De la libération à la "qualité française"

Sous la pression de la CGT, le gouvernement crée en 1945 l'Union générale cinématographique. L'UGC réunit producteurs, distributeurs et exploitants. Elle a pour vocation de gérer les biens allemands mis sous séquestre. Dans le même temps, les accords Blum-Byrnes entre la France et les États-Unis ouvre la marché français aux longs métrages américains. En 1948, une taxe est prélevée sur chaque billet pour relancer l'industrie cinématographique. André Malraux va poursuivre cet effort de relance par une politique d'aide au cinéma.

En 1945, le festival de Cannes attribue son premier trophée, une Palme d'or, à "La Bataille du rail", de René Clément.

1950 : L'euphorie des nouvelles inventions

Les entrées en salle battent tous les records : 423 millions d'entrées en 1947, plus de 400 millions d'entrées par an dans les dix ans qui suivent. Le cinéma français connaît alors une période faste. Des innovations techniques comme la généralisation de la couleur, le cinéma en relief et la commercialisation du cinémascope (1953) jouent en faveur de ce regain d'intérêt du public. Pour lutter contre la concurrence américaine, les producteurs misent sur un cinéma de qualité puisant plus que jamais dans la tradition littéraire française. L'essentiel de la production se cantonne à un cinéma de vedettes et de scénaristes : Jean Gabin, Charles Vanel, Michel Simon, Danielle Darrieux, Michèle Morgan sont les nouvelles stars aux côtés des jeunes premiers comme Gérard Philippe, Simone Signoret et Martine Carol. Les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost écrivent pour la nouvelle génération de cinéastes. Ils adaptent ainsi "Douce" (1943), de Michel Davet et "Le Diable au corps" (1946), de Raymond Radiguet pour Claude Autant-Lara, "La Symphonie pastorale", d'André Gide pour Jean Delannoy (1946), "Les Jeux inconnus", de François Boyer, devenus à l'écran "Jeux interdits", de René Clément (1951). Leur académisme esthétique que François Truffaut, alors critique aux Cahiers du cinéma, qualifie sur un ton polémique de "qualité française". Ce cinéma de studio, hiérarchisé et organisé en corporations, n'est pas vraiment favorable à la nouveauté, mais il ne manque pas de grands stylistes. Yves Allégret perpétue les ambiances glauques, dans le droit-fil du réalisme poétique comme dans "Dédée d'Anvers" (1947) ou "La Fille de Hambourg" (1958). Henri Georges-Clouzot s'affirme dans la veine du réalisme noir, avec "Le Salaire de la peur" (1953) et "Les Diaboliques" (1954). "Monsieur Ripois" (1953), de René Clément illustre par son dépouillement, une forme de réalisme qui va bientôt faire école. Jacques Becker, formé par Jean Renoir, réalise "Casque d'Or" (1952) et "Touchez pas au grisbi" (1954). Robert Bresson annonce, par son travail d'épure, l'arrivée de la modernité à travers "Le Journal d'un curé de campagne" (1950) et "Un condamné à mort s'est échappé" (1956). Jacques Tati réinvente le cinéma burlesque dans "Les Vacances de Monsieur Hulot" (1953) ou "Mon Oncle" (1958). Alain Resnais choque en affirmant un style littéraire et distancié pour traiter des grands sujets et drames contemporains : les camps de concentration dans "Nuit et brouillard" (1956), l'ère nucléaire dans "Hiroshima mon amour" (1958). Jean-Pierre Melville, s'inspirant du film policier américain, impose, par la pureté et la rigueur de sa mise en scène, une nouvelle approche du genre.

La création de la prime à la qualité en 1953, l'instauration d'une loi autorisant l'auto-production et la création de l'avance sur recettes en 1959, par André Malraux, permettent qu'apparaissent, en marge des circuits traditionnels, de petites unités qui donnent naissance à un cinéma novateur.

Les années 50 sont aussi celles de l'éclosion d'une réflexion théorique dont André Bazin, créateur de la revue des Cahiers du cinéma s'affirme comme l'un des grands maîtres.

5. Le triomphe de la "nouvelle vague" et le début de la crise

1960 : La déferlante

Les années 60 sont marquées par l'apparition d'une nouvelle génération de cinéastes, dont les plus marquants gravitent autour du groupe de la "Nouvelle Vague" (Jean-Luc Godard, François Truffaut, Jacques Rivette, Éric Rohmer, Jacques Demy, Claude Chabrol). Leur approche du cinéma s'avère en rupture plus ou moins radicale avec le cinéma de studio et de scénaristes, dans la continuité de grands cinéastes comme Jean Renoir, Max Ophuls, Georges Franju, Jean Vigo ou Robert Bresson dont la jeune génération se réclame. L'affaire Henri Langlois, qu'André Malraux tente d'évincer de la Cinémathèque en 1968, provoque un mouvement de révolte autour des cinéastes venus des Cahiers du cinéma qui s'étend au festival de Cannes, interrompu pour cause de Mai 1968. Des revendications exprimées naît la création de la Quinzaine des jeunes réalisateurs, l'année suivante, qui va permettre la découverte de nombreux jeunes auteurs.

On voit apparaître une nouvelle façon de produire, de tourner, de fabriquer des films qui s'oppose aux traditions et aux corporations. L'invention du Nagra, magnétophone portable, celle de la caméra 16mm, légère et silencieuse, le goût des tournages en extérieur imposent une nouvelle esthétique plus proche du réel. Le cinéma direct, dont Jean Rouch est l'un des chefs de file français, invente une nouvelle façon de faire du documentaire. L'arrivée d'une nouvelle génération d'acteurs (Jean-Paul Belmondo, Brigitte Bardot, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Léaud, Jeanne Moreau...) et de techniciens, le soutien d'une poignée de producteurs-mécènes fait le reste.

Georges de Bauregard produit "À Bout de souffle", de Jean-Luc Godard (1959), "Lola", de Jacques Demy (1961) et "Adieu Philippine", de Jacques Rozier (1962). Pierre Braunberger produit les courts métrages de Jean Rouch et des cinéastes critiques des Cahiers du cinéma. Anatole Dauman mise sur les films ambitieux d'Alain Resnais comme "Hiroshima mon amour" (1958) et "L'Année dernière à Marienbad" (1961). Parallèlement, la télévision commence à devenir un phénomène de masse, tant sur le plan de la diffusion que de l'achat de téléviseurs (1,4 millions en France en 1960). Tandis qu'en 1964 naît la deuxième chaîne (la première chaîne émet de façon plus ou moins continue depuis 1950), on prépare déjà le passage à la couleur, inauguré sur cette même chaîne en 1967.

La fréquentation en salles, elle, commence à chuter : en dix ans, elle va diminuer de moitié. C'est donc à cet étrange paradoxe que l'on assiste : d'un côté, on a l'impression d'une naissance, celle d'un courant esthétique majeur et nouveau qui draine un public assez large sur des objets parfois déroutants ; de l'autre, on assiste à un effritement progressif et durable des entrées. Une part non négligeable du public est entrain de lâcher les salles de cinéma. La crise s'avance masquée, elle éclatera au grand jour dans la décennie suivante. Sur le plan technique s'impose enfin le safety film, à base de triacétate de cellulose, qui remplace le film nitrate, support périssable et très inflammable utilisé depuis les origines du cinéma.

1970 : Expériences militantes et symptômes de crise

Où l'on voit les premiers signes importants d'une crise qui couve depuis le début des années 60 et dont le cinéma français n'est pas encore sorti. Avec le développement de la télévision, l'accroissement de son rôle de co-producteur dans le financement des films, les structures ancestrales du cinéma sont touchées de plein fouet. On assiste à une diminution sensible du nombre de salles de quartiers, à la disparition de nombreux exploitants indépendants et donc à une concentration du parc de salles. De même, les ciné-clubs, qui avaient fleuri dès la Libération, souffrent de désaffection. Parallèlement, le marché des vidéo-cassettes est en plein essor et va continuer à se développer dans la décennie suivante.

Les structures de production se modifient également. UGC est privatisée et rachetée par la fédération française des cinémas en 1971. Une troisième chaîne apparaît en 1972. FR3 lance, tout comme l'INA (Institut National de l'Audiovisuel), une production d'ouvres originales qui permet l'éclosion de jeunes metteurs en scène. On assiste donc à un recentrage qui n'est encore qu'une esquisse de ce qu'on appellera, quinze ans plus tard, le paysage audiovisuel français (PAF). On croit encore alors à l'utopie d'une télévision telle que la rêvait Roberto Rossellini, outil de démocratie, venant soutenir le nouveau cinéma.

Les années 70 sont aussi les années politiques du cinéma, marquées par les mouvements féministes, militants, les coopératives de tournage la défense des autonomies, des séparatistes, des grandes luttes ouvrières de l'époque. Jean-Luc Godard rejoint "Dziga Vertov" (du nom d'un documentariste de la révolution russe) pour éloborer un cinéma politique nouveau. Il réalise "Vent d'est" avec Chris Marker, en 1969 et "Pravda", en 1970. Le féminisme trouve ses porte-parole auprès du grand public avec Agnès Varda et Yannick Bellon. Ce cinéma est en prise directe avec la réalité sociale.

Sur le plan technique, le son connaît d'importantes transformations avec l'utilisation du quartz (permettant le contrôle de la synchronisation de la caméra et du magnétophone), l'utilisation de micros émetteurs et l'application du son Dolby au cinéma (1975).

De nouveaux réalisateurs apparaîssent dans la lignée de la Nouvelle Vague (Jean Eustache, Jacques Doillon, André Téchiné...) ou de façon plus indépendante voire réactive (Bertrand Tavernier, Claude Sautet, Michel Deville...), chantres d'une nouvelle "qualité française". Mais tous ont en commun une forte culture cinéphilique. Les années 80 s'annoncent déjà avec une dispersion esthétique qui confirme une marginalisation du cinéma comme son imprégnation par d'autres formes d'images venues de la télévision, du clip ou de la publicité. La création des Césars, en 1976, marque aussi le grand retour des "professionnels de la profession", comme dirait Godard, et la fin des utopies du cinéma français.

6. La terrible concurrence

1980 : Le temps de l'imagerie et des vieilles recettes

L'apparition du magnétoscope, le développement des complexes multi-salles et des salles d'art et essai sont autant de symptômes de la mutation du cinéma français. La vitesse de rotation des films programmés s'accroît, pénalisant les premiers longs métrages et les oeuvres sans relais promotionnels. Pour la première fois, l'audience des films américains dépasse celle des films français. La télévision devient de fait le premier producteur de films : en 1988, 53% des films sont co-produits par des chaînes françaises. La création de Canal +, de M6, de la 5 en 1985, puis de la Sept en 1989 (devenue Arte en 1993), confirmera le déplacement des spectateurs vers le petit écran et renforcera le pouvoir des responsables de la télévision sur les choix esthétiques du cinéma.

Arrivée au pouvoir, la gauche décide de prendre une série de mesures d'aide au cinéma pour favoriser la création, la diffusion, la conservation des films et prévoit une restructuration de la Cinémathèque française. Mais une politique assez paradoxale d'aide aux films à gros budgets va accroître la tendance à l'uniformisation. Une nouvelle esthétique apparaît, influencée par la publicité. Jean-Jacques Beineix fait un triomphe avec "37°2", Luc Besson avec "Le Grand bleu" et "Subway". Sur le plan de la comédie, les influences du café-théâtre (le Splendid), du clip ("Delicatessen"), et de la publicité (Etienne Chatiliez) remplacent le burlesque des années 60 façon Jacques Tati ou Pierre Etaix, le vaudeville ou la comédie à la française. La production renoue avec des films à grand spectacle comme "Jean de Florette", de Claude Berri, 1986 ou "Le Nom de la rose", de Jean-Jacques Annaud, 1987.

D'autres formes de cinéma, plus marginales, survivent en petits clans ou en utopies solitaires. Avec elles souffle encore l'esprit de la Nouvelle Vague dans des styles souvent différents (Paul Vecchiali, Benoît Jacquot, Olivier Assayas, Philippe Garel, ...). Quant aux pionniers du renouveau des années 60 (Jacques Rivette, Éric Rohmer, Claude Chabrol), de la modernité (Alain Resnais) et du réalisme (Maurice Pialat), ils occupent désormais une place centrale, à côté des auteurs de facture plus traditionnelle (Pierre Granier-Deferre, Claude Berri, Bertrand Tavernier, Claude Sautet).

1990 : Sursaut d'une génération

Paradoxe des années 90, c'est par la télévision (notamment Arte) que s'affirme une génération de jeunes réalisateurs : Cédric Kahn, Patricia Mazuy, Cédric Klapisch, Philippe Faucon peuvent réaliser un premier ou un second long métrage. Le développement de petites structures de production souvent éphémères autour de jeunes auteurs comme Philippe Garel ou Arnaud Despleschin et la multiplication des festivals, donnent, en ce début de décennie, l'apparence d'un renouveau.

Pendant ce temps, les auteurs de la Nouvelle Vague continuent leur chemin (Rohmer, Rivette, Godard). Les comédies, influencées par le café-théâtre remplissent les salles ("Les Visiteurs", de Jean-Marie Poiré, 1993) et de nombreux cinéastes reconnus continuent à réaliser des films à succès : "Cyrano", de Jean-Paul Rappeneau (1990), "L'Amant", de Jean-Jacques Annaud (1992) ou "Germinal", de Claude Berri (1993).

À ce jour, beaucoup d'idées reçues estiment que les films de la nouvelle génération de cinéastes français font preuve de narcissisme. Mais en analysant de plus près, on peut se rendre compte, au contraire, qu'ils sont parfaitement ancrés dans la réalité et dans leur temps.

Parmi ces nouveaux cinéastes, on peut relever les noms de Desplechin, Kassovitz, Ferran, Klapisch, Dridi, Denis, Audiard... Mais qu'on ne s'y trompe pas : ils ne forment pas ce que l'on pourrait appeler la nouvelle "nouvelle vague". On pourrait plutôt traduire cela par un "pôle d'alliances multiples", "un ensemble de pratiques singulières".

Source : http://www.maydayweb.com/div-effect/index.asp?fichier=histoire_cinema