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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Sociologie des usages du DVD


Le DVD, qui connaît en France un essor exponentiel (76 millions vendus en 2003, contre 24 millions de VHS) a été au centre des réflexions, tables rondes et rapports de l'AFCAE. Voici en substance quelques points de vue et témoignages entendus ou lus lors des 3èmes Journées Répertoire à l'Élysées Biarritz à Paris, ou de l'Assemblée générale à Cannes.

Patrick Brouiller a souligné que le DVD peut à terme modifier le comportement du public et de son rapport au film, un rapport risquant d'en être banalisé. Il a également fait observer qu'au-delà de la concurrence de supports, il faut dénoncer le fait que la vente ou la location des DVD ne recouvrent pas la transparence existant dans le domaine de la diffusion en salles. Ce qui risque de poser des problèmes concernant la rémunération des ouvres. Le président de l'AFCAE s'est félicité que les pouvoirs publics se nourrissent de la réflexion des professionnels, comme c'est le cas lors de la table ronde organisée « sans aucun esprit de masochisme » par l'AFCAE sur le numérique.

Jacques Fretel a fait remarquer que ce sont les salles de cinéma qui assurent le travail au quotidien pour la diffusion des ouvres et que rien ne peut se faire sans elles. Il a fait observer que dans un contexte de fréquentation morose, le cinéma de patrimoine résiste plutôt bien, avec parfois des résultats égaux ou supérieurs aux nouvelles sorties. Il n'y a pas, a insisté le responsable du Groupe Répertoire, d'opposition de principe contre le DVD, qui est une réalité qu'il convient d'apprivoiser. Ce n'est pas la première fois que le cinéma connaît une évolution technologique et qu'il relève le défi, mais il serait naïf et irresponsable aussi de taire nos interrogations et nos inquiétudes. La salle ne devient-elle pas un outil marketing dans un plan de sortie général du DVD ? Pourquoi une sortie DVD provoque-t-elle une couverture presse parfois supérieure à celle d'une ressortie en salle ? 


C'est dans le temps et la durée que nous pouvons inscrire notre travail en faveur des ouvres du passé. La présence chaleureuse de l'exploitant, celle - compétente - d'un intervenant, celle - fervente - d'un public, c'est aussi un exceptionnel et irremplaçable "bonus". À l'heure de la grande uniformisation et du formatage généralisé des images, quand l'industrie du spectacle provoque un inquiétant phénomène d'aliénation dans nos sociétés, le Répertoire peut être une bonne leçon non seulement esthétique mais citoyenne. L'exploitant Art & Essai est ainsi un passeur culturel, et non une passoire consumériste.


Pour Jean-Claude Georgel on ne peut se permettre d'ignorer l'impact du DVD sur e sens de notre mission patrimoniale. Il en va de la bonne utilisation des fonds publics, de la cohérence de nos soutiens, de la continuité de notre action qui est de présenter des grandes ouvres sur copies neuves dans une salle confortable, en éditant un programme, en faisant venir des intervenants, en organisant des mises en réseau d'exploitants volontaires et passionnés. « Au sein de l'AFCAE, a-t-il rappelé, nous sommes de plus en plus nombreux à nous mobiliser pour engager et développer ce travail sur la mémoire. Au-delà de Paris et de quelques grandes villes émergent de nouveaux lieux, mais pour donner le désir, créer l'événement et inscrire le travail dans la durée, il faut du temps, et il est évident que plusieurs mois sont nécessaires pour protéger la salle d'une concurrence frontale avec le DVD pour continuer d'encourager notamment la petite exploitation à reconquérir un marché fragile. Un DVD de qualité, prolongement d'une vision en salle, peut être un outil pédagogique formidable. Mais laissez-nous quelques mois tranquilles sans DVD, 6 mois entre la sortie en salle d'une réédition et le DVD me semble une mesure raisonnable. Nous voulons demeurer des partenaires économiques et artistiques incontournables dans la diffusion des ouvres du patrimoine », a encore ajouté l'administrateur de l'AFCAE, membre du Groupe Répertoire et membre de la Commission d'aide à la réédition du CNC.

Simon Simsi, exploitant et distributeur, a admis lui aussi que le DVD pouvait être un vecteur de cinéphilie, mais s'est inquiété des sorties simultanées salles-DVD qui nuisent à la fréquentation en salle. Il y a une véritable question de timing. « Il s'agit de trouver une bonne gestion commune du temps », estime le responsable des Acacias, qui a déploré certaines contre-performances de plusieurs ressorties et regretté qu'il y ait pour celles-ci une portée médiatique moindre que pour la diffusion DVD.


D'autres voix plus favorables au DVD se sont exprimées. Serge Toubiana, nouveau directeur général de la Cinémathèque, faisant allusion à son travail pour le coffret Maurice Pialat édité par Gaumont, a comparé le DVD à l'édition, une édition qui fait référence. Le film est une matière vivante. Il s'agit de rétablir l'ouvre de Pialat dans toute sa plénitude, ce que permet le DVD. Le premier volume de cette intégrale Pialat très attendue vient de sortir (le deuxième, incluant La Maison des bois, sera prêt pour Noël 2004). Serge Toubiana a indiqué que Maurice Pialat lui avait donné son accord pour travailler sur l'édition de son ouvre en DVD, et qu'il avait bénéficié de la collaboration amicale de Sylvie Pialat. Concernant l'absence d'analyse esthétique des bonus, il a précisé que ce parti pris était volontaire, « Pialat étant un cinéaste de l'instinct, de l'émotion, qui n'a pas besoin de commentaires théoriques ».


D'une façon générale, plutôt que d'opposer le DVD et la diffusion en salle, Serge Toubiana pense qu'il convient d'instituer une nouvelle alliance entre les supports, avec un apport bénéfique réciproque et qui aidera et suscitera la cinéphilie en général.


Vincent Paul-Boncour surenchérit en affirmant que le DVD peut faire exister le film et que le renouvellement de la cinéphilie passe par le DVD, qui ne doit pas être considéré comme un rival mais comme un allié capable, en toute complémentarité, en toute émulation, de donner l'envie de voir les classiques en salle. La curiosité du futur spectateur est ainsi aiguisée, stimulée. Il en veut pour preuve le développement de l'exposition patrimoniale dans des salles de province. Ce n'est plus un phénomène seulement parisien mais national et exemplaire au regard de ce qui se fait dans les autres pays du monde. Le distributeur, responsable de Carlotta Films, a enfin suggéré que certains bonus qui font la richesse des DVD puissent être projetés en salle à l'occasion de soirées spéciales une fois les problèmes de droits réglés.


À noter enfin qu'au cours des Journées Répertoire/Patrimoine a été proposée une passionnante table ronde technique sur la restauration photochimique et numérique, ainsi que sur les réalités et les perspectives économiques des laboratoires, avec Christian Comte, chef du Service labo-restauration des Archives Françaises du Film, Jean-Pierre Neyrac, dirigeant de laboratoire, et Michelle Aubert, conservatrice des Archives Françaises du Film. 


Cette dernière a rappelé que les films Lumière ont été transférés dans leur intégralité sur support DVD. La conservatrice a indiqué que le plan nitrate allait sauver l'intégralité du patrimoine cinématographique français encore existant, grâce à une politique de restauration exemplaire de la part de l'État, et ce en réelle cohérence avec d'autres secteurs de la culture.

Intervention de Jean-Michel Gévaudan

« Nous sommes à la confluence de plusieurs évolutions. Tout d'abord la stabilisation de l'expansion exponentielle du DVD - mécanisme classique du développement industriel et commercial de chaque nouvelle technologie -, mais cette expansion a sans doute été encore plus rapide avec le DVD. Il est évidemment nécessaire qu'il y ait une gestion commune de cette évolution entre les distributeurs et les salles.


Ce qui est fondamental ici, c'est de bien identifier et rendre visible ce que l'on appelle l'utilité du cinéma en salle, c'est-à-dire l'avantage que tout spectateur peut retirer de sa pratique du cinéma en salle. Et depuis longtemps, depuis toujours quasiment, les salles y ont travaillé : par les évolutions technologiques, par la qualité du lieu lui-même et enfin par la qualité de leurs démarches socio-culturelles dans leurs territoires.


D'autre part, le consommateur d'images est confronté aujourd'hui à un grand nombre de possibilités, dont beaucoup sont domestiques, ne nécessitant pas d'autre effort que financier. Il est donc encore une fois impératif de ne pas se tromper d'utilité entre la salle de cinéma et les autres possibilités de diffusion des films. Que chacun trouve ses marques, sa vraie place, sans chercher à remplacer l'autre, ce qui ne serait pas un véritable avantage pour le spectateur-consommateur.


Enfin, nous pouvons constater que dans tous les domaines des industries culturelles - musique, édition littéraire - la même préoccupation et inquiétude se développe, y compris du côté des majors parfois : il faut de vrais lieux qualitatifs de diffusion si l'on veut préserver la diversité et la qualité de ces activités, il faut des disquaires, des libraires. 


Le cinéma a sans doute besoin de "DVDaires", nous savons que la majorité des DVD est diffusée par les hypermarchés, et que ce sont les blockbusters qui sont ainsi valorisés dans ce contexte.
Les salles de cinéma ne seraient-elles pas un lieu d'accès, de vente, qualitatif pour les DVD ? Ne contribueraient-elles pas ainsi à la diffusion d'une culture cinématographique, au-delà des ressources financières potentielles, le DVD pouvant être par ailleurs, comme on le sait, un véritable outil pédagogique, et ludique, de découverte du cinéma tout court. »