1.1 - Un essai de définition du multiplexe : Les textes législatifs et réglementaires en vigueur en France ne donnent pas de définition juridique du « multiplexe ». Ils s'abstiennent même d'utiliser le terme. La loi du 5 juillet 1996 qui a introduit dans notre droit un dispositif d'autorisation d'ouverture pour ce type d'équipement se borne ainsi à indiquer que le dispositif s'applique lorsque l'on est en présence d'un ensemble de salles d'une certaine taille, définie par le nombre total des places : fixé à 1500 par cette première loi, le nombre de places à partir duquel la création ne peut se faire sans autorisation a été abaissé par la suite à 1000 par la loi du 2 juillet 1998. Dans la pratique, il est désormais cependant communément admis qu'un multiplexe est un complexe cinématographique d'au moins 10 salles disposant d'une capacité d'accueil d'au moins 1500 fauteuils. Encore faut-il noter que les complexes d'au moins 8 salles, dont la capacité dépasse 1000 places, sont désormais également classés dans la catégorie des multiplexes par les statistiques du Centre national de la cinématographie (CNC) depuis l'abaissement du seuil opéré par la loi de 1998.
Cette définition, fondée sur la taille de l'équipement, est plus restrictive que celle utilisée dans certains autres pays. Le terme de multiplexe peut ainsi désigner, au Royaume-Uni, les établissements cinématographiques d'au moins 5 salles. Dans la plupart des pays européens, le seuil se situe néanmoins à 8 salles. C'est d'ailleurs celui que retient l'organisme européen MEDIA Salles, dans l'annuaire statistique qu'il publie sur les chiffres clefs du cinéma européen .
Quelle que soit sa taille, le multiplexe se caractérise en France par de vastes espaces d'accueil et par des salles gradinées, climatisées, confortables et de dimension importante, dotées d'écrans de grande taille (plus de dix mètres de base en général) et offrant au spectateur une très grande qualité de projection. Il est doté, en outre, de facilités d'accès et de stationnement -tout au moins lorsqu'il est implanté en périphérie-, de services complémentaires de confiserie, voire de restauration et d'espaces de jeux vidéo dans son enceinte ou à proximité immédiate. Certains équipements proposent même des services de garde d'enfants.
Au total, on peut énoncer que les multiplexes sont des ensembles de salles de cinéma de nouvelle génération, qui offrent au spectateur, sur un même site, un grand choix de films et un confort nettement amélioré 2.
1.2. L'historique des multiplexes :
1.2.1. Les origines :
Il est généralement admis que le concept de multiplexe a été inventé par la société AMC aux Etats-Unis. Le mouvement de restructuration du secteur de l'exploitation cinématographique a été engagé dans ce pays dès la fin des années 1960. De grands complexes --en fait les premiers multiplexes- ont alors été créés dans les banlieues, à l'intérieur ou à proximité de centres commerciaux. Puis la société AMC, suivie par d'autres, est passée à une seconde génération d'équipements, de taille encore plus grande, qu'elle appellera " mégaplexes ". Elle ouvrira les premiers à Houston et à Nashville en 1987. Depuis lors, le nombre de ces établissements n'a cessé de croître aux Etats-Unis : il est passé de 72 en 1995 à 242 en 1998 et 66 nouvelles ouvertures étaient programmées en 1999. Le mégaplexe le plus important à ce jour, qui abrite 30 salles, a été créé par la société AMC à Ontario Mills en 1996. L'impact sur les salles uniques, souvent mal équipées et installées dans des centres-ville en déclin économique et démographique, a été brutal : les fermetures ont été nombreuses. Le développement des multiplexes et des mégaplexes a ainsi eu sur le parc des salles un double effet : d'une part l'augmentation du nombre des salles qui a plus que doublé de 1980 à 1998 (il est passé de 14.029 à 33.440) et, d'autre part, la réduction du nombre des emplacements. On doit également observer qu'après avoir privilégié la périphérie des villes, les circuits on amorcé, à partir du milieu des années 1990 une reprise des investissements en centre-ville. Parallèlement à l'augmentation du nombre des salles, la fréquentation n'a cessé de croître de 1990 à 1998. On est ainsi passé aux Etats-Unis de 1 189 millions de spectateurs à 1 481 millions, soit une augmentation de plus de 15%. La fréquentation annuelle par habitant y atteint le chiffre record de 5,5 (il n'était que de 4,5 en 1980) . A titre de comparaison, ce chiffre n'est que de 2,18 en Europe. Un phénomène comparable s'est produit en Australie à partir de 1986. De 1990 à 1998, le nombre des salles de cinéma y a presque doublé, passant de 851 à 1576, en raison de l'ouverture de nombreux multiplexes de grande taille. Les deux premiers " mégaplexes " ont été ouverts en 1997, l'un de 30 salles à Adélaïde, l'autre de 20 salles à Melbourne. Durant la même période, la fréquentation est passée de 41 millions de spectateurs à 82 millions et l'indice de fréquentation annuelle par habitant de 2,55 à 4,25.

1.2.2. Le développement des multiplexes en Europe :
L'implantation des multiplexes n'a pas suivi un processus linéaire dans les différents pays européens. Elle n'y a pas été simultanée dans les différents pays et son rythme de leur développement a été plus ou moins soutenu selon les cas. Tous les pays de l'union Européenne sont néanmoins touchés aujourd'hui par le phénomène, à des degrés divers. Premiers bâtisseurs de multiplexes en Europe, les groupes américains tels que UCI, Warner et AMC ont préféré investir d'abord dans les pays où l'implantation de nouveaux cinémas paraissait répondre à un besoin immédiat. Au milieu des années 1980, l'exploitation anglaise, très affaiblie par la crise cinématographique des décennies précédentes, comptait, pour une population équivalente, quasiment trois fois moins de salles que la France. L'énorme potentiel de fréquentation inexploité qui en résultait a fait du Royaume-Uni la première cible des investissements américains. L'interpénétration économique et culturelle très forte des industries cinématographiques britannique et américaine a dû aussi compter dans cette stratégie d'investissement. Il en est résulté que le Royaume-Uni a joué, en Europe, un rôle de pionnier en ouvrant les premiers multiplexes à partir de 1985. Le mouvement d'investissement a touché ensuite la Belgique et, dès 1990, l'Allemagne et l'Espagne. Il s'est étendu aujourd'hui à tous les pays européens, les derniers à s'être engagés dans ce processus d'investissement étant l'Italie et les Pays-Bas. Dans l'ensemble de l'Union européenne , les multiplexes abritaient en 1998 15 % du total des salles. Mais les chiffres varient beaucoup d'un pays à l'autre : presque 50 % du total des salles au Royaume-Uni, 46,4 % au Luxembourg, 43 % en Belgique alors qu'il n'est que de 3,3 % en Italie. Les évolutions ne sont pas non plus uniformes . Les multiplexes ne représentaient encore que 20,9 % du total des salles en Espagne en 1998, mais cette proportion a augmenté très rapidement puisqu'elle n'était que de 13,2 % en 1997. A l'inverse, bien que l'Allemagne soit un des premiers pays européens à avoir connu le processus, les multiplexes n'y abritent que 16,7 % du total des salles. Mais si l'augmentation y est plus lente, elle y est néanmoins très régulière. Quant à l'Italie, qui elle est restée jusqu'à présent à l'écart du mouvement, puisque les multiplexes n'y comptent que 3,3 % du total des salles, mais tout porte à penser que celui-ci va s'y développer rapidement. On recensait, en 1998, 389 multiplexes dans les 15 pays de l'Union, soit un total de 4133 salles. Sur ce total, 22 multiplexes avaient 16 salles ou plus. Le nombre de ces équipements de taille importante, parfois qualifiés, comme aux Etats-Unis, de " mégaplexes " croît rapidement, notamment en Espagne et au Royaume-Uni. Les pays de l'Union européenne où le nombre des multiplexes est le plus élevé étaient, en 1998, par ordre décroissant, le Royaume-Uni (113 multiplexes), l'Allemagne (72) puis l'Espagne (60). La Belgique a par ailleurs un niveau d'équipement très élevé, en proportion de sa population, avec 16 multiplexes. Parallèlement, la fréquentation de l'ensemble des salles dans l'Union européenne est passée de 600 millions de spectateurs en 1989 à 815 millions en 1998.
1.2.3. Le cas français :
En France, le phénomène a d'abord été observé avec scepticisme. Le parc des salles y était ample, bien réparti sur le territoire et le plus dense de tous les pays d'Europe, en dépit d'une constante diminution depuis le milieu des années 1980, due à l'érosion de la fréquentation (on était passé de 5026 salles en 1987 à 4237 en 1992). Grâce au soutien de l'Etat, de nombreux équipements avaient de plus été modernisés dans les années 1970 ; avaient alors vu le jour ce que l'on appelait les " complexes ", c'est à dire des ensembles de salles, souvent de taille réduite, mais qui permettaient d'offrir au spectateur, en un même lieu, un choix de films. Une nouvelle vague d'investissements ne paraissait dès lors pas s'imposer. Les groupes étrangers qui avaient multiplié les effets d'annonce s'abstenaient d'ailleurs de les concrétiser en France, à l'inverse de la démarche qu'ils suivaient dans des pays voisins. Cependant, devant la relance spectaculaire de la fréquentation des salles de cinéma au Royaume-Uni (doublement entre 1985 et 1992), à l'évidence due à la création de multiplexes, et en Belgique, où l'exemple britannique venait d'être suivi avec succès par un opérateur national, le groupe Bert, avec la construction du premier multiplexe " Kinépolis " à Bruxelles, en 1987, les principaux opérateurs français ont décidé de s'engager à leur tour dans un programme d'investissement. Ils l'ont d'abord fait avec prudence en 1993 et 1994, puis à un rythme de plus en plus soutenu à partir de 1995. Conscients que certaines agglomérations importantes étaient sous-équipées, les grands circuits nationaux d'exploitation se sont lancés dans un programme de construction de multiplexes souvent en périphérie mais aussi en centre-ville, chaque fois que cela était possible, par la restructuration des complexes existants, avec l'adjonction de salles supplémentaires le plus souvent. C'est le circuit d'exploitation Pathé qui, le premier, s'est engagé dans cette politique. Les deux autres grands circuits nationaux, UGC et Gaumont, ont, dans un premier temps, suivi le mouvement d'investissement, dans un premier temps avec prudence, ce qui a néanmoins permis de se prémunir contre le risque d'une baisse de leurs parts de marché qui aurait pu naître de l'arrivée sur le marché français d'opérateurs étrangers. Puis leur stratégie d'investissement est devenue plus offensive au fur et à mesure que les bons résultats obtenus par les multiplexes confirmaient la rentabilité de ces équipements. Le processus n'a cessé de s'accélérer, jusqu'à s'étendre aujourd'hui à des villes moyennes, les grandes agglomérations étant d'ores et déjà quasiment toutes pourvues en multiplexes. Les premiers multiplexes français ont été implantés en 1993 par la société Pathé en périphérie d'agglomérations importantes : " Pathé Grand Ciel " à La Garde, près de Toulon (12 salles, 2643 places) et " Pathé Belle Epine " à Thiais, en région parisienne (12 salles, 2617 places), par extension et rénovation d'un complexe dans ce dernier cas. Deux nouvelles opérations ont été réalisées en 1994. Les deux étaient des extensions ou des rénovations de complexes (le " Pathé Wepler " à Paris et l' " UGC Ciné Cité " de Lille). Le rythme s'accélérera ensuite : 7 multiplexes vont ouvrir en 1995, 3 en périphérie (" Pathé Cap Sud " à Avignon, " Gaumont Cité Europe " à Coquelles, près de Calais et " Kinépolis " à Saint-Julien les Metz) et 4 en centre-ville (Gaumont à Nantes et à Paris- Montparnasse, " UGC Ciné Cité Les Halles " à Paris, CGR à La Rochelle). L'année 1995 est marquée par ailleurs par l'arrivée sur le marché français d'un opérateur belge, le groupe Bert, déjà fortement implanté en Belgique, qui va ouvrir le " Kinépolis " de Saint-Julien les Metz. Cet équipement présente la caractéristique d'offrir un nombre de places (4085) très supérieur à celui des autres multiplexes déjà en service, le nombre des salles (14) demeurant quant à lui dans la norme. Le marché français ne constitue donc plus, dés 1995, un " sanctuaire " protégé, à l'abri des investissements d'opérateurs étrangers. Le mouvement de création des multiplexes se poursuivra à un rythme très avec 11 ouvertures en 1996 (5 en centre-ville et 6 en périphérie, avec l'opération la plus importante réalisée en France à ce jour, " le château du Cinéma ", implanté à Lomme, à la périphérie de Lille, par le groupe Bert, qui comporte 23 salles pour 7403 places), 12 en 1997, 11 en 1998 et 20 en 1999, ce qui a porté à un total de 65 le nombre des multiplexes en activité en France au 31 décembre 1999. Au cours de cette période, le poids des multiplexes dans l'exploitation française n'a cessé de croître. Les 22 multiplexes alors en activité réalisaient déjà plus de 10,8 % de la fréquentation globale, fin 1996, tout en ne constituant encore qu'environ 6,5 % du parc total des salles. Ce pourcentage monte à 17,3 % des entrées en 1997 et à 22,7 % en 1998 ( pour 12 % du total des salles). Il atteint 27,3 % au premier semestre 1999 pour un nombre de salles égal à 14,3 % du parc total. L'année 1999 verra l'ouverture des premiers multiplexes de deux groupes étrangers : le groupe américain AMC (mise en service en novembre 1999, à Dunkerque, d'un multiplexe de 20 salles proposant 4142 places) et la Société australienne Village Road Show (ouverture en décembre 1999, en périphérie de Nice, d'un multiplexe de 10 salles pour 1500 places). L'intérêt du groupe belge Bert pour le marché français a par ailleurs été confirmé par l'ouverture par cet opérateur de deux nouveaux multiplexes à l'enseigne de cet opérateur, à Thionville, en septembre 1999, et à Mulhouse, en décembre 1999. Entamé plus tardivement en France que dans plusieurs autres pays européens, le mouvement de création de multiplexes n'en a donc pas moins, en six ans, pris une ampleur qui fait désormais de notre pays l'un des mieux équipés en Europe en multiplexes. Compte-tenu du nombre des projets définitivement autorisés mais non encore réalisés (53 au 31 décembre 1999), il est vraisemblable que le nombre des multiplexes en activité dans notre pays dépassera la centaine au cours de l'année 2001.
1.3. Panorama de la situation des multiplexes en France en 1999 :
1.3.1. Un parc des multiplexes en extension :
65 multiplexes sont en activité au 31 décembre 1999, pour un total de 825 salles. La plupart des agglomérations de plus de 100 000 habitants sont désormais pourvues d'un multiplexe. Certaines en comptent même plusieurs. Le mouvement d'implantation des multiplexes s'étend à quelques villes moyennes, sur des marchés plus restreints, notamment lorsque les investissements sont initiés par des exploitants locaux déjà en place qui veulent conforter leur situation sur ces marchés (Saint-Omer, Auxerre, Hagueneau notamment). On voit ainsi apparaître une nouvelle génération de multiplexes, plus petits, qui abritent en général seulement 8 salles. Une certaine diversité existe au sein du parc des multiplexes. Le coût d'investissement varie de 50 à 250 millions de francs. Il est fonction de la taille de l'équipement , de sa localisation (une implantation en centre-ville entraîne des coûts supplémentaires qui peuvent être très importants) et de la qualité de l'architecture et des équipements. Certains opérateurs sont notoirement plus attentifs que d'autres à ce dernier aspect.
1.3.2. Une répartition encore inégale sur le territoire :
La répartition de l'implantation des ces 65 multiplexes français n'est pas équilibrée entre centre-ville et périphérie. La majorité des multiplexes (34) est implantée en périphérie des agglomérations. 18 sont en centre-ville, 13 en situation urbaine excentrée. La répartition demeure par ailleurs inégale sur le plan géographique, même si le mouvement d'implantation gagne progressivement l'ensemble du territoire. Certaines régions, notamment le Nord Pas de Calais (7 multiplexes) et l'Île de France (12), sont beaucoup mieux pourvues que d'autres. Cette situation peut s'expliquer par le fait que ces régions souffraient d'un sous-équipement manifeste en matière d'exploitation cinématographique au regard de la densité de leur population urbaine. Les multiplexes sont, dans une large mesure, venus corriger ce sous-équipement. Fin 1999, 18 des 22 régions françaises et 38 départements sont dotés d'au moins un multiplexe. Le mouvement de progression est à cet égard rapide : 8 départements seulement avaient un multiplexe en 1996 ; le chiffre est passé à 26 en 1998.
1.3.3. Une certaine diversité des opérateurs :
La majeure partie des multiplexes en activité sont la propriété de groupes nationaux. Les trois grands circuits d'exploitation en détiennent plus de la moitié : 12 pour UGC ; 12 pour Pathé ; 13 pour Gaumont, soit 37 au total dont 5 en association avec des exploitants locaux (1 pour UGC, 3 pour Pathé et 1 pour Gaumont). Des sociétés de moindre importance et actives uniquement dans le secteur de l'exploitation sont à l'origine de 16 autres implantations : la société CGR détenue par M. Georges Raymond, implantée fortement dans le grand Sud Ouest, en possède 12 ; M. Friedmann en exploite 2 et M. Lemoine 3 (Mégarama). Les autres créations réalisées par des opérateurs français sont le fait d'exploitants locaux déjà en place. En dépit du nombre relativement élevé d'opérateurs de multiplexes, on constate que les cinq groupes les plus importants (Gaumont, UGC, Pathé, CGR et Bert) possèdent 82,9 % des salles de multiplexes, ce qui leur donne un poids prépondérant. Par ailleurs, les groupes étrangers ne sont pas totalement absents du développement de ces nouveaux cinémas en France. Sur les 65 multiplexes en activité, 6 sont détenus par des sociétés étrangères. Le groupe Bert, qui fut le précurseur européen de ce type d'investissement en Belgique détient 4 multiplexes dont le Kinépolis de Lomme qui est à ce jour le plus important en taille (7408 places) et en résultats (près de 2,75 millions de spectateurs en 1999, et près de 50 000 spectateurs par semaine). Deux autres groupes étrangers viennent d'amorcer leur entrée sur le marché français : AMC à Dunkerque et Village Road Show à la périphérie de Nice.
1.3.4. Un poids croissant dans le parc des salles :
Le parc des salles a renoué, de façon significative, avec un mouvement d'extension alors qu'il avait connu une érosion constante entre 1985 et 1994. Il est ainsi passé de 4530 salles en 1996 à 4985 salles au 31 décembre 1999. Les multiplexes sont à cet égard devenus le principal moteur de la création de salles. Ces dernières années, l'essentiel des cinémas nouveaux sont en effet des multiplexes. Ainsi, pour l'année 1999, 233 des 265 salles qui ont ouvert, c'est à dire plus des 4/5 ème, sont localisées dans des multiplexes, le solde étant essentiellement constitué de salles associatives ou de salles municipales. L'équipement cinématographique n'en demeure pas moins bien réparti sur le territoire. Même si la forte expansion du parc des multiplexes modifie visiblement la géographie du parc français, la France a en effet conservé un maillage du territoire en salles de cinéma qui est plus serré que celui des autres pays européens et la répartition des équipements reste assez harmonieuse. A l'inverse de ce qui existe dans ces pays, les salles ne sont pas absentes des petites agglomérations et des communes rurales. En 1999, plus de 1600 communes étaient ainsi équipées d'un cinéma.
1.4 L'adoption d'un cadre législatif et réglementaire
1.4.1. Les exemples étrangers :
Le phénomène des multiplexes s'est développé, dans un premier temps, dans les différents pays européens, sans qu'aucun mécanisme d'encadrement ne soit mis en place. La perception générale était que ces nouveaux équipements permettaient une relance de la fréquentation qu'il ne fallait pas entraver. Au fur et à mesure de la croissance du nombre des multiplexes, une prise de conscience de l'impact négatif possible des implantations désordonnées de ces équipements sur l'aménagement du territoire est apparue. Ce n'est qu'assez tardivement que le risque d'une dévitalisation des centres des villes, en cas de multiplication des équipements et notamment implantations des multiplexes en périphérie, a été perçu dans le premier pays européen où le phénomène était suffisamment avancé pour produire ses effets, le Royaume-Uni. Au milieu des années 1990, le gouvernement britannique a défini un plan d'aménagement du territoire donnant la priorité aux centres villes, en fixant des lignes de conduite que les autorités locales devaient respecter. Il a plus récemment, en février 1999, durci les conditions dans lesquelles une implantation peut être réalisée en dehors du centre-ville. C'est au demandeur qu'incombe la charge de prouver qu'une implantation est impossible en centre-ville; s'il y parvient, il doit alors rechercher prioritairement une implantation en bordure du centre-ville; si cette deuxième option ne peut être mise en oeuvre, il doit démontrer que la réalisation de son projet en périphérie répond bien à un besoin. Une certaine marge d'interprétation est évidemment laissée aux autorités locales mais cette nouvelle réglementation paraît suffisamment contraignante, ne serait-ce que par l'allongement des délais d'instruction qu'elle induit (jusqu'à 5 ans entre le projet et sa réalisation), pour avoir très fortement ralenti les projets d'implantation en périphérie. Encore faut-il noter que la réglementation s'applique à tous les projets d'équipements, et non aux multiplexes de manière spécifique. L'Italie est le seul pays européen avec la France à disposer d'une réglementation spécifique pour l'implantation des multiplexes. Elle s'est d'ailleurs inspirée de l'exemple de la réglementation française pour élaborer la loi du 8 janvier 1998 et le décret du 29 septembre 1998 qui s'appliquent à l'implantation des complexes cinématographiques de plus de 1300 places. L'autorisation de réalisation du projet est délivrée par le ministre des biens et des activités culturels, après avis d'une commission consultative, à deux conditions : le respect sur la base de ratios destinés à qui permettent de vérifier que l'implantation ne va pas créer un risque n'est pas en situation de suréquipement et la souscription d'engagements de programmation de films italiens ou européens. Des dérogations sont cependant possibles, notamment dans deux cas : en premier lieu pour les projets de moins de 2500 places situés dans des centres commerciaux, ou si des engagements sont pris sur des quotas de séances consacrées aux films italiens ou européens et si l'implantation se fait à deux kms au moins de la salle la plus proche, et, en second lieu, si ferment simultanément dans la commune des salles de même capacité. Du fait des dérogations, cette réglementation qui paraît très rigide dans sa philosophie, va sans doute s'avérer assez souple dans sa mise en oeuvre. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, 26 autorisations ont été accordées, dont 17 par le biais de dérogations. Dans les autres pays européens, il n'y a pas de règles particulières pour l'implantation des multiplexes. Seules s'appliquent les règles d'urbanisme, plus ou moins contraignantes selon les pays. Les implantations peuvent parfois être restreintes par des réglementations locales comme cela semble être le cas aux Pays-Bas. 1. 4.2. L'élaboration de la réglementation française :
Les pouvoirs publics français ont mis du temps à prendre la mesure de l'ampleur et du rythme de réalisation des implantations de multiplexes et de leurs répercussions, tant sur l'exploitation cinématographique que sur l'aménagement du territoire et la politique urbaine. Il est vrai que ce n'est qu'à partir de 1995 que les investissements dans les multiplexes se sont réellement développés et ce n'est qu'en 1996 que les effets des premières ouvertures ont pu être mesurés. Jusqu'en 1996, l'implantation de multiplexes n'est donc soumise à aucune règle propre à ce type d'établissements cinématographiques. Seule s'applique la réglementation de droit commun relative à l'autorisation d'exercice pour les exploitants de salles de cinéma. En vertu de l'article 14 du code de l'industrie cinématographique un exploitant d'une salle de cinéma ne peut exercer son activité qu'après avoir obtenu une autorisation d'exercice. Aux termes de la " décision réglementaire " n° 12 du 2 mars 1948 du directeur général du CNC, plusieurs fois modifiée, cette autorisation est en fait délivrée de droit par celui-ci dès lors que sont remplies certaines normes techniques et que le demandeur n'est pas sous le coup de certaines condamnations ou d'une interdiction d'exercice d'une activité commerciale. Cette réglementation, qui vise en fait les exploitants de salles, ne permettant pas de contrôler la création des multiplexes, il a fallu pour cela élaborer un dispositif nouveau. L'initiative d'instaurer un mécanisme d'encadrement de l'ouverture des multiplexes est venue du Parlement. Elle s'est déroulée en deux temps. 1.4.2.1. L'institution d'un régime provisoire :
C'est à l'occasion d'un amendement déposé à l'Assemblée Nationale par M. Saint-Ellier, député du Calvados, soucieux des conséquences d'un projet d'implantation d'un multiplexe à Caen que le débat s'est engagé au Parlement. Il conduira celui-ci à faire entrer, de façon transitoire, les équipements cinématographiques d'une certaine taille dans le champ d'application de la législation sur l'urbanisme commercial. L'article 89 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a ainsi soumis à l'autorisation des commissions départementales d'équipement commercial instituées par la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 - dite " loi Royer " - les projets de constructions nouvelles ou de transformation d'immeubles entraînant la création d'un ensemble de salles de spectacles cinématographiques comptant plus de 2000 places. L'autorisation était requise préalablement à la délivrance du permis de construire ou avant la réalisation si le permis de construire n'était pas exigé. Institué pour une durée de six mois, le dispositif avait pour but de freiner l'implantation non contrôlée des multiplexes. Trois séries de raisons avaient été invoquées dans le débat parlementaire à l'appui de cette mesure :
- le risque de fermeture de salles de cinéma, en centre-ville, en raison de la baisse très importante de leur fréquentation après l'ouverture de multiplexes à la périphérie ;
- le risque d'une dévitalisation des centres-villes en cas de disparition des salles de cinéma qui y jouaient un rôle d'animation et d'attraction, essentiel à la vitalité des autres commerces ;
- le risque enfin de voir s'instituer des pratiques commerciales proches de l'abus de position dominante sur une zone donnée, et qui auraient conduiraient à une restriction de la diversité de la programmation, au détriment notamment des films européens. Le décret n° 96-473 du 31 mai 1996 a fixé les modalités d'application de la loi. Il précisait que la demande de création ou d'extension de salles de cinéma devait être accompagnée d'un certificat d'urbanisme, de l'indication de la personne qui demandait l'autorisation d'exercice prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique et d'une étude d'impact. Cette dernière devait comporter l'indication de la zone d'attraction de l'ensemble des salles, l'inventaire des cinémas exploités dans cette zone, avec l'indication du nombre de places de chacun, ainsi que la recette annuelle brute attendue de l'exploitation du projet de multiplexe. Pour accompagner la mise en place de ce dispositif nouveau, le ministère de la culture a créé, en mai 1996, un observatoire de la diffusion et de la fréquentation cinématographiques, qui réunit périodiquement toutes les branches de la profession cinématographique et leur permet de débattre, avec les pouvoirs publics, des évolutions du marché de l'exploitation. 1.4.2.2. La mise en place d'une réglementation pérenne :
Décidé dans l'urgence et pour une durée limitée, le système transitoire mis en place en avril 1996 ne pouvait répondre à l'ensemble des questions posées par la multiplication des implantations de multiplexes, en particulier à la périphérie des grandes villes et des villes moyennes. Il devenait nécessaire d'élaborer une législation qui prenne mieux en compte la nature particulière de ces équipements. C'est le Gouvernement qui, cette fois, a pris l'initiative en présentant au Parlement un projet de loi. L'article 14 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat qui en est résulté a introduit dans la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, dite " loi Royer ", un nouveau chapitre relatif aux équipements cinématographiques. La philosophie du nouveau dispositif n'est pas d'interdire l'ouverture de multiplexes, ou d'empêcher l'adaptation de l'offre de salles de cinéma aux demandes du public, mais de maîtriser les conditions d'implantation des nouveaux équipements. 1.4.2.3. Le contenu de la réglementation :
1.4.2.3.1. Le champ d'application :
Les articles 36-1 à 36-6 ajoutés à la loi du 27 décembre 1973 par l'article 14 de la loi du 5 juillet 1996 soumettent à autorisation la création des ensembles de salles de cinéma de plus de 1500 places ainsi que l'extension au-delà de 1500 places des établissements ouverts depuis moins de cinq ans, ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet, et l'extension au-delà de 2000 places de ceux ouverts depuis plus de 5 ans. Les deux seuils de 1500 et 2000 places ont été respectivement abaissés à 1000 et 1500 places par la loi n°98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier afin de faire échec à certains comportements d'opérateurs qui tentaient de contourner la nécessité d'une autorisation en construisant des équipements juste au-dessous de la taille critique. Le décret n° 96-1119 du 20 décembre 1996, relatif à l'implantation de certains équipements cinématographiques, à la commission départementale d'équipement cinématographique et à la commission nationale d'équipement commercial siégeant en matière cinématographique, ainsi qu'un arrêté du même jour, fixant les modalités de présentation des demandes d'autorisation d'implantation de certains équipements cinématographiques, sont venus compléter le dispositif législatif. 1.4.2.3.2. La procédure d'autorisation :
L'autorisation est accordée par une commission départementale d'équipement cinématographique (CDEC), présidée par le préfet et constituée, pour l'essentiel, sur le modèle des commissions départementales d'équipement commercial. La différence est que siège également dans la commission un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique et que l'instruction des demandes est assurée par la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Les décisions de la commission départementale peuvent faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'équipement commercial (CNEC), à l'initiative du préfet, de trois membres de la commission ou du demandeur. La CNEC siège alors dans une formation particulière : un membre du corps des inspecteurs généraux du ministère de la culture remplace le membre du corps des inspecteurs généraux du ministère chargé de l'équipement ; une personnalité compétente en matière de distribution cinématographique, de consommation ou d'aménagement du territoire désignée par le ministre chargé de la culture remplace la personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du commerce ; la commission est en outre complétée par le président du comité consultatif de la diffusion cinématographique. 1.4.2.3.3. Les critères de décision :
La loi énonce les cinq critères qui doivent être pris en considération par la commission départementale et, le cas échéant, par la commission nationale:
- l'offre et la demande globales de spectacles cinématographiques en salle dans la zone d'attraction concernée : fréquentation cinématographique observée dans la zone par comparaison à la moyenne nationale de fréquentation, situation de la concurrence, accès des films en salles, accès des salles aux films ;
- la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone ; nature et composition du parc des salles ;
- l'effet potentiel du projet sur la fréquentation cinématographique, sur les salles de spectacles de la zone d'attraction et sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes d'offre de spectacles cinématographiques en salles ;
- la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et l'équilibre des agglomérations ;
- les efforts d'équipement et de modernisation effectués dans la zone d'attraction et leur évolution récente, ainsi que les investissements de modernisation en cours de développement et l'impact du projet sur ces investissements. L'article 36-1 de la loi du 27 décembre 1973 précise également que la commission statue dans le cadre des principes définis à l'article premier de la loi, lequel énonce que les implantations doivent répondre aux exigences de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. 1.4.2.3.4. Le cas de la région d'Ile de France :
La région d'Ile de France offrait une situation particulière jusqu'à la publication du décret n° 95.852 du 5 octobre 1999 qui a modifié l'article R 510-6 du code de l'Urbanisme. Deux législations distinctives y étaient en effet appliquées pour la création des multiplexes, le code de l'urbanisme d'une part, et la loi du 5 juillet 1996 d'autre part. La création ou l'extension de multiplexes dans cette région était donc soumise à une double procédure d'autorisation : un agrément délivré par le ministre chargé de l'aménagement du territoire, sur avis du comité de décentralisation, et une autorisation délivrée par la CDEC, pouvant faire l'objet d'un recours auprès de la CNEC. Cette situation était source de complexité. Elle pouvait même en cas de concertation insuffisante des services de l'Etat, déboucher sur l'adoption de décisions contradictoires. Les critères d'aménagement du territoire étant déjà pris en compte dans la procédure d'autorisation en CDEC, le maintien de la procédure d'agrément par le ministre chargé de l'aménagement du territoire n'a pas paru justifié. Le décret du 5 octobre 1999 a ainsi modifié l'article R 510-6 du Code de l'Urbanisme pour exclure les salles de spectacles cinématographiques de son champ d'application. Désormais, seule la procédure de droit commun d'autorisation en CDEC s'applique aux projets présentés en région d'Ile de France. 1.4.2.3.5. Les engagements de programmation :
La réglementation vient d'être complétée par le décret n° 99-783 du 9 septembre 1999. En modifiant un précédent décret du 10 janvier 1983 portant application des dispositions de l'article 90 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relatif aux groupements et ententes de programmation, le nouveau texte a notamment pour objet d'étendre à tout propriétaire de salles de cinéma ayant atteint un certain seuil de part de marché au niveau national, fixé à 0,5 %, le principe d'un engagement de programmation pour toutes les salles où il détient, dans sa zone d'attraction, plus de 25 % du marché, ce seuil étant abaissé à 8 % pour les départements de Paris, des Hauts- de- Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, qui sont regardées comme une zone d'attraction unique. Ainsi, alors que seuls les trois principaux opérateurs de multiplexes (Gaumont, Pathé et UGC) et quatre groupements nationaux étaient antérieurement soumis à des engagements dans leur activité de programmation, une quinzaine d'opérateurs nationaux ou régionaux de taille importante tels CGR, Lemoine, Adira, l'opérateur belge Bert et, à terme, AMC et Village Roadshow vont à leur tour être soumis à la même procédure. Le comité consultatif de la diffusion cinématographique est chargé de négocier avec des entreprises assujetties à la nouvelle procédure la teneur des engagements qu'elles devront conclure avec le directeur général du CNC. Les engagements de programmation que devront souscrire les opérateurs devraient contribuer à la diversité de la programmation des multiplexes en prévoyant notamment un pourcentage minimum de séances consacrées aux films européens et en limitant la pratique du " cealsing " et de la multidiffussion qui consistent à projeter le même film dans plusieurs salles d'un multiplexe. Les négociations sont actuellement en cours. |