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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Le Prix de la Culture


EDITO

Si, aujourd'hui encore, l'analyse économique de ta culture paraît pour une partie des professionnels et certains économistes relever d'une "économie pas sérieuse", il n'en reste pas moins que, depuis une Trentaine d'années, l'économie de la culture s'est développée, élargissant progressivement son champ d'action et affinant ses méthodes.

Plusieurs facteurs ont contribué à cette reconnaissance institutionnelle, en particulier la mise en avant que les secteurs culturels sont générateurs de revenus et d'emplois. En France, en 1999, prés de 5% de la population active exercent une profession culturelle. En Grande-bretagne, 1.300.000 personnes (1997). Aux Etats-Unis, on estime que la consommation culturelle domestique s'élève à 138,6 millions de dollars, suit 3% des consommations totales (1995).

La culture est donc entrée dans une logique économique. De nouveaux enjeux se dessinent tendant à une professionnalisation croissante du secteur. Le concept d'industrie culturelle est désormais couramment accepté.

Si les acteurs culturels s'accordent sur la place centrale que doit conserver la création, ils doivent faire face à l'optimisation de la gestion des institutions et des entreprises culturelles, souhaitent fidéliser leurs publics et mieux répondre à leurs demandes. Mais, les différents secteurs ne présentent pas les mêmes réponses à cette logique économique. Autant de secteurs, autant de situations différentes.

L'intervention de l'État, souvent mise en cause, est partout présente, a des degrés divers, selon les domaines et les pays. En France, où elle esï particulièrement importante, elle contribue fortement à infléchir la politique culturelle, même si les partenariats privés constituent, désormais, un nouvel axe de financement qui doit être pris en compte.

Pour répondre a ces nouvelles exigences de professionnalisation et de règles de gestion de plus en plus soumises à des logiques économiques des métiers liés à la culture, Sciences Pô a créé, en 2001, dans le cadre de la réforme de la scolarité, une majeure «Gestion des entreprises culturelles » dans le cycle du diplôme. Cette majeure se propose de donner aux étudiants une intelligence des métiers de la culture, la maîtrise des outils fondamentaux du management, une connaissance théorique et pratique des techniques, des structures, des enjeux et des contraintes propres a ce secteur. Par ailleurs, elle offre des modules d'enseignement couvrant l'ensemble des domaines du secteur culturel. Cette formation s'effectue en liaison directe avec les acteurs du champ culturel, conservateurs, administrateurs, politiques ou artistes.

Richard DESCOINGS

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A quoi peut donc servir l' économie de la culture ?

par Jean-François Chougnet, directeur du Parc de La Villette

The Franco-French cultural exception is dead. » Cette phrase de Jean-Marie Messier, dépourvue de sens pour la plupart des non-spécialistes des négociations multilatérales et du financement des industries culturelles (1) , a réveillé l'intérêt pour la réflexion sur les liens, complexes et controversés, entre économie et culture. S'il faut replacer ces propos dans la volonté affirmée de renégo­cier avec le gouvernement français et avec les professionnels, les contraintes de Canal Plus, le discours général mérite d'être analysé : « Plus les entreprises sont globales, plus leur sort est lié à la marche du monde et de la société civile. Et plus elles doivent en retour exercer leur responsabilité non seulement économique mais aussi sociale, environnementale, culturelle...» (2). Brutalement, la mise en parallèle des deux termes d'économie et de culture a pris une nouvelle actualité. Ne nous attardons pas sur les questions terminologiques : l'exception culturelle n'est pas une fin en soi, mais un moyen. Né dans les années 80, ce terme a d'ailleurs été supplanté par celui de « spécificité culturelle » et, aujourd'hui, tous se réclament de la « diversité culturelle » qu'ils s'agissent des pouvoirs publics, des instances de régulation, des entreprises.

 

Économie et culture peuvent être combinées selon trois points de vue complémentaires

•  L'analyse des industries cultuelles, en essayant de dépasser la seule description des stratégies d'acteurs ;

•  l'analyse de l'économie de l'activité culturelle, en se concentrant sur ses aspects matériels (biens produits) et sur ses dimensions financières. On peut aussi analyser l'économie de la subvention ou du partenariat privé. On peut également, en particulier pour le marché de l'art, examiner les fluctuations, la spéculation, la profitabilité de certains biens. On peut, enfin, examiner l'impact économique du spectacle vivant ou du patrimoine ;

•  enfin, l'application d'une méthodologie «économique» aux activités culturelles (comme c'est le cas aussi à d'autres sujets, la famille, la santé, etc.).

Sur les industries culturelles, la réflexion n'en est qu'à ses débuts

Le terme d'industrie culturelle a été forgé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par l'École de Francfort (3), en donnant à l'expression une connotation critique. Il n'y a que peu d'années que la réflexion dans ce domaine a commencé en essayant de définir le secteur, la « grappe » des industries culturelles, comme on le dit au Canada, dans ses spécificités et sa dynamique. Lancée en 1997 par le Premier ministre britannique, la Créative Industries Task Force, a procédé à un état des lieux (4) . Celle-ci a retenu une définition large incluant culture, médias, mais aussi marché de l'art et publicité. Les «créative industries » britanniques génèrent un chiffre d'affaires d'environ 112,5 milliards de £ et emploient 1,3 million de personnes. Les exportations de ces secteurs contribuent à hauteur de 10,3 milliards de £ à la balance des paiements. Elles représenteraient plus de 5 % du PIB. En 1997-1998, leur croissance est de 16 %, contre 6 % pour l'ensemble de l'économie. Au-delà du poids de ces secteurs dans l'écono­mie (dont l'expertise systématique reste à faire en France), c'est sur les stratégies de concentration qu'est périodiquement attirée l'attention. Si les logiques de concentration sont multiples, une récente étude (5) montre qu'il n'existe aucun lien positif entre le positionnement des groupes sur différents secteurs des industries culturelles et leurs performances économiques ou boursières . L'enjeu, redouté ou dénoncé, est donc celui de la « financiarisa tion de la culture ». Mais, la concentration ne représente pas un frein au pluralisme de la création culturelle si elle ne menace pas ou n'enraye pas le flux d'entrées sur le marché de petites entités réputées plus créatives ou plus réactives. On a mis en avant, dans ses limites comme dans son intérêt, les modèles d'« oligopoles à franges» (6) : l'exemple de Vivendi Universal et des ses principaux compétiteurs, Bertelsmann et AOL Time Warner, en fournit une sorte de démonstration expérimentale. Aux limites de la culture, l'écono­mie des réseaux a trouvé dans les situations de guerres des standards informatiques, électroniques un terrain d'analyse privilégié. Et, les industries culturelles, souvent qualifiées d'« industries de prototypes», trouvent leurs véritables débouchés dans les produits dérivés.

 

De nombreux auteurs ont cherché à montrer le lien (positif) entre culture et développement socio-économique

Ce thème a fait l'objet de travaux de la Commission européenne et du Parlement européen (7) qui ont décrit le secteur culturel comme un moteur de développement en cherchant à montrer une corrélation positive croissante entre culture et emploi.

Il s'agit tout d'abord des emplois des professions culturelles et ceux du secteur culturel (8) . Les emplois créés sont qualifiés d'emploi indirects lorsqu'ils dépendent directement d'activités culturelles ou d'induits lorsque la relation avec l'activité même est moins directe tout en étant influencée par un événement culturel : emplois directs, indirects (hôtellerie, restauration, tourisme et industries concernées), et induits (exploitation de l'image de marque résultant de l'événement culturel). L'effet multiplicateur total est estimé supérieur à 1 (un emploi culturel direct crée un ou plus d'un emploi indirect ou induit). Or, ces considérations sont d'importance, le tourisme étant devenu la première industrie mondiale. En France, des études portant sur des festivals ont mis en avant des effets multiplicateurs souvent vertigineux mais difficiles à étayer sur le plan méthodologique.

 

Au cours des trente dernières années, les arts et la culture ont gagné leur place, comme terrain d'analyse, chez les économistes

À partir de l'ouvrage souvent cité de William J. Baumol et William G. Bowen (9) , des auteurs ont réfléchi sur les aspects économiques des arts : comportement en termes de prix des institutions culturelles, décisions en termes d'offres (supply décisions) des artistes, politique publique, problématique de la subvention. Une littérature s'est développée sur le marché de l'art, vu sous l'angle de ses performances financières. Ces analyses restent marquées par les paradigmes de la pensée économique anglo- saxonne, l'analyse partant de l'agent économique et de ses choix. Le modèle de Baumol (la «loi» de Baumol) vient d'une interrogation de son commanditaire, la fondation Ford : pourquoi le déséquilibre financier des organismes culturels croît-il dans le temps ? La réponse, jamais démentie, pour le spectacle vivant provient d'une constatation empirique : le spectacle vivant ne peut dégager de véritable productivité; il «importe» dans ses coûts salariaux celle du reste de l'économie et subit un besoin de finance­ment croissant.

Le marché de l'art a intéressé les économistes qui y voient une sorte de point limite : le prix de l'ouvre se détermine par référence à la théorie économique de la Valeur alors même que la notion économique de rareté du bien s'efface au profit de la notion d'unicité de l'ouvre d'art. Le prix, sans rapport direct avec le coût de production, indique davantage un niveau de transaction qu'une valeur, et nécessite souvent des délais d'intégration de l'ouvre dans l'économie. Les économistes ont déterminé un certain nombre de variables « cruciales » dans la fixation de la valeur : coût de production, intensité des activités promotionnelles de la galerie, effet des prévisions de ventes futures et enfin cette constatation, mystérieuse mais stimulante : «plus la valeur esthétique de i 'ouvre d'un artiste telle qu'elle est appréciée par les experts est élevée, plus le prix de ses productions représen­tatives est élevé. » (10) Questions depuis longtemps mises à jour par les sociologues, notamment avec les travaux de Raymonde Moulin (11) .

 

NOTES :

1. Aux Etats-Unis, si la presse commente largement, dès son annonce mi-décembre, la stratégie d'achat de Vivendi Uni vers al et de son opérateur Barry Diller, il faut attendre le 24 décembre pour que le New York Times consacre un article aux déclarations de portée générale de Jean- Marie Messier. En ajoutant la précision suivante : « We are now in a period of cultural diversily. What dous that mean? It means we must be both global and national», le président de Vivendi Universal avait d'ailleurs considérablement atténué la portée de ses propos.

2. Jean-Marie Messier, «Construire les ponts de l'aprés-n septembre» Le Monde, 19 décembre 2001).

3. Theodor Adorno et Max Horkheimer, Dialeclic oj Enlightenment (1947), traduction française Dialectique de la Raison, Éditions Gallimard.

4. Rapp, Le Creative Industries Mapping Document 2OO1. Publié par de Département of Culture,
Media and Sport.

5.  N. Coutinet, F. Moreau et S. Peltier, Analyse stratégique des grands groupes dans les secteurs marchands de la culture, rapport au département des études et de la prospective du ministère de la Culture, mars 2001.

6.  Voir Françoise Benhamou, Economie de la culture. La Découverte, 3eme édition, 2001.

7.  Rapport PE i 67,889 - 50 (1998). Les industries culturelles et l'emploi dans les pays de l'UE qui reprend les conclusions d'un rapport de la commission.

8.  En France, les deux agrégats (qui se recoupent mais ne se superposent évidemment pas) correspondent tous les deux à 410000 emplois (Source; enquête emploi de l'INSEE en 1999) soit 2 % de la population active occupée, mais ces chiffres auraient cru de près de 45 % depuis les années 80.

9.  Performing Arts: The Economie Dilemma, The Twentieth Century Fund, New York, 1966,

10. Bruno Frey et Walter Pommeiehne, La culture a-t-elle un prix? Plon, 1993.

11. Raymonde Moulin, Le marché de la peinture, éditions de Minuit, 1962.

 

 

POINT DE VUE

La culture a un prix : ce n'est pas une révélation. Les architectes des cathédrales, les peintres de la Renaissance flamande faisant figurer leurs donateurs sur leurs tableaux, les compositeurs illustres mais accablés de dettes du XVIIIe et du XIXe siècles, en étaient particulièrement conscients.

Mais la question prend, avec le double mouvement de mondialisation et de numérisation, un sens nouveau. La montée en puissance de groupes multinationaux pose la question de la spécificité du marché des biens culturels, au moment où le centre de gravité du pouvoir en la matière semble être passé de la rue de Valois à un appartement de Manhattan. La progression des technologies de l'information bouleverse les réglementations édifiées, tant bien que mal, par les pouvoirs publics pour assurer une juste rémunération de la création.

Comment dans ces conditions repenser les rapports de l'argent et de la culture ? Abandonner tout esprit de régulation, en considérant que les grands groupes ont un intérêt commercial, voire éthique, à diffuser des produits culturels divers et que fa priorité est de diminuer le prix d'accès à ces produits? Cette logique conduit à affaiblir la richesse et l'indépendance de la création, source irremplaçable de diversité culturelle. S'arquebouter sur nos règlements, prendre l'exception culturelle dans sa conception la plus défensive peut rassurer un temps ... au prix de renoncer à notre rayonnement international. Si ARTE est devenue une référence dans le monde entier, elle le doit à son ouverture européenne et à son engagement concret en faveur de la diversité , pas au fait d' être à moitié français. Dans cet environnement, trois chantiers doivent s'ouvrir : l' éducation artistique et culturelle, seule à même d'aider à décrypter cette galaxie croissante de produits, afin que Vivendi, Viacom ou News Corp puissent trouver en face d'eux, non pas des consommateurs, mais de véritables citoyens; un systeme de régulation puissant, au niveau européen, à même d'empêcher la mainmise absolue de deux ou trois groupes; enfin une rémunération juste des auteurs, garantissant une création et une diffusion diversifiées.

JERÔME CLÉMENT président de ARTE FRANCE

 

 

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Argent et théâtre

par Pascale Goetschel, Maître de conférences à l'Université Paris - I Panthéon

 

Le théâtre s'est-il progressivement laiss é d é vorer par l'argent? Plusieurs le déplorent aujourd'hui (1), et ce d'autant plus que le th éâ tre public s'est d é velopp é , au-del à de l'id é al de d é mocratisation de la culture, dans la lignée de Jacques Copeau qui entendait « réagir contre toutes les lâchetés du théâtre mercantile (2) » .

 

Théâtre public, théâtre privé

Depuis la Seconde Guerre mon­diale, les scènes subventionnées par les pouvoirs publics se sont multipliées : théâtres nationaux, Centres dramatiques nationaux, Maisons de la culture créées sous André Malraux, devenues scènes nationales. Or souvent leurs coûts - obéissant en cela à la loi de Baumol - n'ont cessé de croître. Alors que les dépenses liées à la masse salariale augmentent, dé­cors et mises en scène de plus en plus sophistiqués contribuent à grever les budgets des théâtres publics. Des programmes fondés sur quelques grandes productions, des spectacles de prestige fortement médiatisés et l'embauche d'acteurs renommés alimentent les dépenses. Pour rentabiliser leurs saisons, ces «entreprises de théâtre » ont, dès lors, recours à des tournées hors de leur zone de prospection habituelle et procèdent à des montages financiers de plus en plus complexes (système de financement à l'image des avances sur recettes comme au cinéma ou mise en place de coproductions). De ce fait, les administrateurs à la tête de ces établissements sont de moins en moins les comédiens metteurs en scène des années 50, les animateurs ou les administrateurs issus de formations universitaires généralistes des années suivantes mais davantage des hauts fonctionnaires ou d'anciens étudiants ayant suivi de multiples formations en management culturel. Quant au théâtre privé, dont les difficultés ont été nombreuses depuis la Libération, il tente de trouver des recettes pour attirer des spectateurs dont le nombre a baissé. Des acteurs célèbres s'allient à des metteurs en scène. C'est autour d'Isabelle Adjani que l'« événement théâtral», La Dame- aux camélias, a pu être créé en 2000. Des événements théâtraux peuvent parfois aboutir à la création de produits dérivés comme les spectacles de Robert Hossein qui sont d'ailleurs montés en dehors des théâtres proprement dits, au Palais des Congrès ou au Palais de Glaces. Monumentalité des décors, nombre considérable d'acteurs et de figurants, moyens techniques démesurés : tout est mis en ouvre pour assurer le «spectacle». Le nombre de spectateurs est à chaque fois à la hauteur: Un homme nommé Jésus réunit, par exemple, en 1983-1984, 700.000 spectateurs.

 

Le théâtre n'a pas bénéficié de la hausse des pratiques culturelles des trente dernières années. Il ne saurait être dominé par la logique de la rentabilité : c'est un secteur sous perfusion !

 

Un secteur peu rentable

Pour autant, il est difficile de ré­duire le théâtre public ou privé à quelques grandes productions et de parler de «marchandisation» du théâtre public. Si la « spectacularisation » concerne quelques grands noms qui emploient les recettes des comédies musicales et utilisent des méthodes déjà éprouvées, le théâtre de rue, le théâtre amateur, et la multitude de troupes qui fleurissent un peu partout dans le pays ne dépensent pas de sommes considérables en décors et costumes et ne peuvent être catalogués parmi ces « coups » de théâtre qui occupent le devant de la scène médiatique. En outre, le théâtre rapporte peu comme en témoignent les déboires de théâtres privés parisiens. Même les aventures financières de Robert Hossein sont des paris financiers risqués. Les mé­dias qui diffusaient du théâtre - la radio dans les années 30, la télévi­sion après-guerre - rechignent à le faire aujourd'hui. La production des dramatiques se révèle trop onéreuse pour les chaînes généralistes. Le théâtre est parfois retransmis, mais en deuxième ou troisième partie de soirée, ou il reste confiné aux chaînes thématiques, souvent sous la forme de sketches de cafés- théâtres plutôt que de longues re- présentations. Il ne peut, par conséquent, constituer la manne financière de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui l'industrie culturelle. Enfin le système théâtral ne saurait être complètement dominé par la logique de rentabilité dans la mesure où il est en grande partie sous perfusion. Le théâtre privé et une partie des compagnies indépendantes bénéficient aussi de fonds publics. Sans l'État ouïes collectivités locales, guère de possibilité donc de faire vivre le théâtre. Parler d'envahissement de l'argent reviendrait à nier que les subsides publics sont comptés, plus qu'il n'y paraît au premier abord. On remarquera en dernier lieu que le théâtre n'a pas bénéficié de la hausse des pratiques culturelles des trente dernières années malgré l'offre accrue du secteur subventionné et les prix relativement modiques pratiqués (3) . Si le tassement du public ne doit pas masquer le fait que d'autres formes de théâtres, compagnies indépendantes, théâtres municipaux, festivals, ont connu une croissance de leurs publics, il n'en reste pas moins que la base du théâtre ne s'est pas élargie. Les catégories socioprofessionnelles concernées demeurent pour l'essentiel les cadres et les professions intellectuelles supérieures (4) . Ainsi, la forte progression du marché des biens culturels concerne de façon limitée le théâtre par rapport à d'autres domaines artistiques.

 

NOTES :

1. Voir Pierre-Etienne Heymann, Regards sur les mutations du théâtre public (1968-1998). La mémoire et le désir, Paris, L'Harmattan, «L'univers théâtral», 2000.

2. Jacques Copeau, Les Registres du Vieux-Colombier I, Paris, Gallimard, 1979, p. 115.

3. Voir Olivier Donnat, Les Pratiques culturelles des Français 1973-1989, Paris, La Documentation française, 1990 et Les Français face à la culture, Paris, La Découverte, 1995.

4. Voir «Les spectateurs du Festival d'Avignon», Développement culturel, n° 129, juillet 1999.

 

LE ROLE DU MÉCÉNAT EN FRANCE


La place du mécénat en France est révélatrice des particularités d'un pays qui a toujours donné à l'État, un rôle central dans l'accomplissement des missions d'intérêt général, particulièrement dans le domaine culturel. Certes, par rapport aux États-Unis et au Japon où la vie culturelle dépend presque exclusivement des ressources du marché et du mécénat, tous les pays européens consacrent des fonds publics importants à la culture, mais souvent au niveau local et de façon moins systématique qu'en France. Surtout depuis la création d'un ministère des Affaires culturelles en 1959 avec Malraux, l'État joue un rôle majeur, que certains jugent même excessif, même si, à l'inverse, les milieux culturels se plaignent constamment de l'insuffisance du budget de la culture.


Le mécénat n'a donc joué en France, depuis la dernière guerre, qu'en rôle marginal sous ses formes traditionnelles et le mécénat d'entreprise y a été longtemps inexistant. Ce n'est qu'à fa fin des années 70 qu'avec ADMICAL (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial) est née une initiative pour l'acclimater en France, dans le domaine de la culture puis de la solidarité et, depuis peu, de l'environnement.


Vingt ans après, le mécénat d'entreprise a acquis droit de cité en France. Beaucoup d'entreprises ont compris qu'il leur offrait une nouvelle forme de communication, moins utilitaire, plus gratifiante et propre à enrichir l'image de l'entreprise et, à l'intérieur de celle-ci, le sentiment d'appartenance ; en outre, quand le mécénat ne se borne pas à une aide financière mais conduit à un véritable partenariat, la créativité de l'entreprise peut être stimulée par la fréquentation des artistes, des chercheurs et du milieu associatif. Les bénéficiaires du mécénat ont compris que l'entreprise, loin de porter atteinte à leur indépendance, accroissait par son concours leurs marges de liberté par rapport aux inévitables contraintes des financements publics. Dans bien des cas, le mécénat d'entreprise soutient des initiatives originales, des expériences novatrices ; il leur donne ainsi une première chance et leur permet d'atteindre une crédibilité qui les rend ensuite éligibles aux aides publiques.


Contrairement à une idée reçue, le mécénat n'est pas l'apanage des très grandes entreprises. Certes, EDF, France Télécom, la Caisse des dépôts, LVMH, BNP-PARIBAS, Vivendi ou le Crédit agricole, pour ne citer que quelques exemples, ont un engagement fort, mais on voit de plus en plus des petites et moyennes entreprises agir dans ce domaine, soit individuellement, soit en se regroupant pour soutenir une institution culturelle (musée, orchestre, théâtre) ou contribuer de façon générale à la vitalité culturelle d'une ville,
Les entreprises ne peuvent être des philanthropes. Elles savent que le mécénat n'est pas rentable et qu'il ne faut pas en attendre des retombées chiffrables. Pour autant, le mécénat d'entreprise n'est pas la <« danseuse du président » et ne saurait exposer les mandataires sociaux au risque de l'abus de biens sociaux. Il doit s'intégrer dans la stratégie raie de l'entreprise, dont il peut d'ailleurs enrichir et rehausser la vision.
En dépit des améliorations obtenues depuis une quinzaine d'années, son statut juridique et fiscal archaïque,
complexe et trop peu incitatif. Dans une réflexion d'ensemble sur les rapports entre l'État et la société civile, le temps est venu d'une plus grande participation des citoyens et des personnes morales à des missions d'intérêt générai qui ne peuvent plus être te monopole de la puissance publique, alors surtout que celle-ci est soumise à des contraintes budgétaires de plus en plus sévères. L'avenir du mécénat dépend de la modernisation de son statut.


JACQUES RIGAUD, PRESIDENT DE L'ADMICAL.

 

 

 

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Quels enjeux politiques pour le cinéma ?

par Sylvie Perras, directrice de la Cinéfondation

 

Le premier siècle du cinéma s'est ouvert sur une sortie : celle des ouvriers des usines Lumière, à Lyon. Son

deuxième, sur les déclarations de Jean-Marie Messier, raillant, à New York, l' « archaïsme » de l' « exception culturelle » à la française.

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Entre les deux, et spécialement depuis 1946 (création du Centre national de la cinématographie - CNC) et 1948 (première loi d'aide au cinéma), la France avait pourtant été l'inventeur - et le promoteur, d'un modèle français de financement du cinéma.

Le 7eme art, entre création et industrie

Le caractère hybride du cinéma remonte en France à sa naissance : un art qui est aussi, par ailleurs, une industrie (André Malraux). Ce formidable combat intérieur est, au­jourd'hui plus que jamais, à l'origine des luttes intestines qui le déchirent. Dernière bataille en date : les critiques de cinéma accusés d'être totalement coupés du public des salles ou encore le cas «Amélie Poulain», chouchou des politiques, boudé par le Festival de Cannes (et les mêmes critiques).

Le «modèle» français

Ces divisions, pourtant, restent de surface. Car politiques, professionnels, tout autant que le pu­blic, ne peuvent qu'applaudir le succès d'un certain cinéma français, au moins au nom de sa par­ticipation à la bonne santé générale du secteur. Le consensus existe aussi - celui qu'a cherché à rompre Jean-Marie Messier - sur le système actuel du financement et de la réglementation du secteur mis en place depuis le lendemain de la guerre dans de permanents pourparlers entre l'État et la profession (obligations de production et taxe parafiscale sur le chiffre d'affaires des télévisions, taxe sur les entrées en salles, y compris de films étrangers, redistribués aux films français, abris fiscaux...).

L'échéance européenne de 2004

Le problème, c'est que ce modèle n'est garanti que jusqu'à 2004, échéance à laquelle la l'Union européenne va se pencher de nouveau sur un système d'exceptions dont la France a déjà, si souvent, sauvé la tête. C'est même lors d'une de ces occasions que l'expression « exception culturelle » avait été forgée, forte du soutien des cinéastes et des acteurs descendus dans la rue. Depuis, la terminologie officielle, reprise par Jean-Marie Messier, s'est repliée sur la « diversité culturelle », qui décrit, quant à elle, le résultat permis par l'exception culturelle qui en reste toujours le moyen.

Le cinéma dans la tourmente de l'évolution des médias

La polémique survient alors même que le cinéma n'est plus le « fatal détracteur » des masses vers le petit écran. Alain Delon prophétisant récemment que l'avenir du cinéma s'appelle la fiction télévisuelle n'a pas été démenti par les chiffres mirifiques d'audience couronnant la diffusion récente de l'adaptation des romans noirs de Jean-Claude Izzo. D'autres, avec Lars van Trier ou Alain Cavalier, semblent penser que cet avenir passe plutôt par la grande liberté de production qu'autorisé la vidéo numérique.

L'État, régulateur de la diversité culturelle

N'en reste pas moins la nécessité pour l'État d'assurer les fonctions ré galiennes qui sont les siennes dans le domaine, piliers d'une action forte en direction du public. En effet, les enjeux propres à la production et à la diffusion sont indissociables des actions en faveur du patrimoine, de l'enseignement et de l'aménagement du territoire, qui sont si précieuses à toute «diversité culturelle » digne de ce nom.

 

 

L'IRRÉSISTIBLE PROGRESSION DE L'AUDIOVISUEL

Équipement audiovisuel et fréquence d'usage

Sur 100 Français de 15 ans ou plus 1973 1981 1989 1997

possèdent dans leur foyer...

 

 

 

 

. un téléviseur 86

93

96

96

 

. plusieurs téléviseurs

*

10

24

45

. un magnétoscope

*

2

25

7

. un appareil pouré couter des disques

 

 

 

 

ou cassettes dont :

*

*

79

86

- une chaîne hi-fi

8

29

56

74

- un appareil non hi-fi

53

53

31

33

- un lecteur de CD

*

*

11

67

- un baladeur (walkman)

*

*

32

45

regardent la t é l é vision...

 

 

 

 

- tous les jours ou presque

65

69

73

77

- plus irrégulièrement

22

21

17

14

- jamais

12

9

10

9

écoutent des disques ou des cassettes...

 

 

 

 

- au moins un jour sur deux

15

31

32

40

- plus irrégulièrement

51

44

41

36

- jamais

34

25

27

24

 

Source : Olivier Donnat, « L' évolution des pratiques actuelles » , Futuribles, septembre 1999. Données issues du dé partement des Études et de la Prospective du ministère de la Culture et de la Communication.

 

 

LE RENOUVEAU DE LA MUSIQUE ANCIENNE

Depuis le milieu des années 50, l'interprétation de la musique ancienne s'est r adicalement transformée : un répertoire oublié a été redécouvert, et son nterprétation, fondée sur le retour aux instruments anciens et le respect des t raités d'interprétation de l'époque, a obéi à des canons musicologiques méconnus jusqu'alors. Jusqu'alors confinée aux marges du monde musical, la musique ancienne est devenue un véritable monde de fart : les ensembles, es festivals, les collections discographiques se sont multipliés en France ces vingt dernières années.

Quel fut le rôle du soutien public dans le développement de ce mouvement sans équivalent dans l'histoire de la musique sérieuse de l'après-guerre?

Les subventions directes accordées aux acteurs spécialisés dans la musique ancienne restent très faibles, si on les rapporte à celles accordées aux institutions musicales traditionnelles. Cependant, les sommes nécessaires pour faire exister un ensemble sont très modestes; aussi, en s'appuyant sur des financements épars, ponctuels et réversibles, les ensembles peuvent déve lopper leur activité.

Ces Interventions modestes, omniprésentes et incontrôlées des collectivités publiques ont joué un rôle déterminant dans la professionnalisation du mouvement et dans l'entretien de son dynamisme

Au sein du monde de la musique ancienne, les collectivités publiques ne régulent pas, elles irriguent. Corollaire de ce fonctionnement en irrigation : le oouvoir déterminant des quelques acteurs qui, localement et avec des ressources modestes, décident d'aider tel ou tel ensemble, et le faible contrôle exercé par les collectivités publiques sur les bénéficiaires.

Le soutien des collectivités publiques fut donc à la fois décisif, systématique et incontrôlé pour le développement de la musique ancienne.

PIERRE FRANÇOIS, chargé de recherche CNRS - CSO - sciences PO

 

 

 

LE RENOUVEAU DE LA MUSIQUE ANCIENNE

Depuis le milieu des années 50, l'interprétation de la musique ancienne s'est r adicalement transformée : un répertoire oublié a été redécouvert, et son nterprétation, fondée sur le retour aux instruments anciens et le respect des t raités d'interprétation de l'époque, a obéi à des canons musicologiques méconnus jusqu'alors. Jusqu'alors confinée aux marges du monde musical, la musique ancienne est devenue un véritable monde de fart : les ensembles, es festivals, les collections discographiques se sont multipliés en France ces vingt dernières années.

Quel fut le rôle du soutien public dans le développement de ce mouvement sans équivalent dans l'histoire de la musique sérieuse de l'après-guerre?

Les subventions directes accordées aux acteurs spécialisés dans la musique ancienne restent très faibles, si on les rapporte à celles accordées aux institutions musicales traditionnelles. Cependant, les sommes nécessaires pour faire exister un ensemble sont très modestes; aussi, en s'appuyant sur des financements épars, ponctuels et réversibles, les ensembles peuvent déve lopper leur activité.

Ces Interventions modestes, omniprésentes et incontrôlées des collectivités publiques ont joué un rôle déterminant dans la professionnalisation du mouvement et dans l'entretien de son dynamisme

Au sein du monde de la musique ancienne, les collectivités publiques ne régulent pas, elles irriguent. Corollaire de ce fonctionnement en irrigation : le oouvoir déterminant des quelques acteurs qui, localement et avec des ressources modestes, décident d'aider tel ou tel ensemble, et le faible contrôle exercé par les collectivités publiques sur les bénéficiaires.

Le soutien des collectivités publiques fut donc à la fois décisif, systématique et incontrôlé pour le développement de la musique ancienne.

PIERRE FRANÇOIS, chargé de recherche CNRS - CSO - sciences PO

 

 

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Ouvrages, article et annuaires

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Périodiques

Développement culturel (édité par le département des Études et Prospectives du ministère de la Culture).

 

Sites internet

Site du ministère de la Culture : www.culture.gouv.fr