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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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LE TOURISME CULTUREL EN EUROPE VAUT LE DETOUR


par Anne-Marie AUTISSIER
Culture-Europe, Le tourisme culturel ,
n°18, mai - juin 1997

Face aux effets souvent destructeurs du tourisme de mase, le "produit touristique culturel" a une carte à jouer en multipliant les centres díintérêts et en répondant mieux à la demande extra-européenne.


"Me voilà maintenant à Rome et en paix, à ce qu'il semble, apaisé pour toute ma vie. C'est en effet commencer une vie nouvelle, que de voir de ses yeux l 'ensemble que líon, connaît en déttail intérieurement et extérieurement (...) Où que jíaille, je trouve quelque chose de connu dans un monde nouveau ; tout est comme je me le figurais et tout est neuf" , écrit Johann Wolfgang non Goethe de Rome, le 1er novembre 1786. A lire ce texte, nous voilà loin de la boulimie destructrice des voyagerus déambulants selon le stéréotype le plus sinistre du tourisme culturel de masse - expression contradictoire dans les termes. En effet, plus de 90 % du tourisme culturel se pratique aujourd'hui sur une base individuelle et ne relève donc pas d'activités organisées pour des groupes. Pourtant, plusieurs raisons conduisent à considérer le tourisme culturel organisé d'un úil favorable: il peut en effet jouer un rôle d'incitateur à l'égard de la culture... mais aussi à l'égard du tourisme !

En 1992, plusieurs études ont été réalisées sous l'égide de la Commission européenne, dont une confiée au Groupement d'étude et d'assistance pour l'aménagement du territoire, le tourisme et l'environnement (GEATTE) et consacrée au tourisme culturel en Europe. Il s'agissait d'établir un état de l'offre actuelle du tourisme culturel et de cerner les atouts et contraintes que rencontre l'élaboration "du produit touristique culturel" face aux préférences ou aux desiderata des touristes. En préambule, les rédacteurs de líétude notent que si le chiffre díaffaire global du tourisme international est passé de 2 milliars de dollars, en 1950 à 278 milliards en 1991, líEurope accueuillait 91 % du tourisme mondial en 1991, contre 72% en 1975. Effet auodestructeur du tourisme de masse, concurrence de pays tiers, la tendance ne s'est pas inversée depuis lors. Le tourisme européen doit donc retrouver un développement significatif, en misant notamment sur une plus grande diversité de l'offre touristique. L'arrivée massive de touristes dans un même site provoque de graves per-turbations. En multipliant les centres d'intérêt, en effaçant les saisons, en imposant des groupes peu nombreux, le tourisme culturel peut "corriger peu à peu les effets pernicieux du tourisme de masse" . Toutefois, soulignent les rédacteurs du rapport, on ne saurait passer sous silence quelques-unes des contradictions à l'úuvre dans le tourisme culturel: les visites rapides sont incompatibles avec l'acquisition d'une véritable culture, et l'expérience du tourisme semble, par définition, réservée à de petits groupes. Ces difficultés exigent de proposer une définition relativement claire du concept même de "tourisme culturel". Au déplacement touristique devraient donc s'ajouter trois conditions: un désir de connaissance, la consommation d'un produit ayant une signification culturelle (monument, úuvre d'art, spectacles, échange d'idées), et enfin l'intervention d'un "médiateur" (personne, document écrit ou matériel audiovisuel qui mettent en valeur le monument ou l'úuvre).

Selon une convention internationale - The World Heritage Convention - signée en 1974 sous l'égide des Nations unies et ratifiée par 71 pays, 322 sites ou monuments étaient classés en 1991, dont 80 pour l'Europe communautaire. Usines, fermes, quartiers font aujourd'hui partie intégrante de ce patrimoine entretenu et montré aux visiteurs. L'augmentation du nombre des musées en Europe s'est accompagnée de leur diversification [voir Culture Europe n° 10]. Quant aux festivals ou aux manifestations culturelles, leur influence indirecte sur la fré-quentation des lieux où ils se déroulent est confirmée [voir Culture Europe n° 16]. L'expérience des Villes européennes de la culture a été également concluante sur ce point - même si les retombées touristiques sont de courte durée. Les pèlerinages et les grandes cérémonies religieuses constituent également des sources de revenus non négligeables. Les rédacteurs de l'étude évaluent à 30 millions en France et à 4 millions en Espagne le nombre de personnes effectuant des visites dans le cadre de ces activités. Enfin, le tourisme industriel et technique (visites d'usines ou d'installations contemporaines en activité) semble un secteur promis à d'intéressants développements. Sur ce point, le Royaume-Uni et l'Allemagne multiplient les expériences. En 1991, en France,10 millions de visiteurs se sont rendus dans 5 000 sites industriels. Le taux moyen de départ en vacances dans l'Union européenne est de 52 %. Cette clientèle européenne (80 % du tourisme en Europe) effectue environ un voyage et demi par an et se révèle donc particulièrement encline à donner à son second voyage un caractère culturel. Sur une clientèle potentielle de 500 millions de personnes, on peut estimer à 20 % les personnes particulièrement intéressées par le tourisme cultu-rel. Dans cette perspective, la distinction traditionnelle entre pays "récepteurs" - France, Espagne, Italie, Portugal, Grèce et, depuis peu, Irlande - et pays "émetteurs" - Allemagne, Royaume-Uni, Bene-lux, Danemark- s'estompe. Dans cet ensemble, les retraités (environ 20 % de la population européenne), les 15-24 ans (16 %) et les hommes d'affaires constituent des cibles spécifiques privilégiées. Pour ce qui est des touristes extra-européens, l'étude identifie trois groupes.

Dans le premier groupe figurent les Américains (7,5 millions), les Canadiens (1 million) et les Japonais (2 millions). ll s'agit d'une petite fraction de la totalité des touristes qui sortent du pays. A peine 2 % des Américains sortent de leurs frontières et 16 % de ces 2 % vont en Europe. Quant aux Japonais, sur 0,8 % de ressortis-sants voyageant à l'étranger, 8 % vont en Europe. Les motivations de ces touristes sont essentiellement culturelles: les uns sont à la recherche de leurs racines et de la civilisation de leurs ancêtres, les autres veulent s'initier à une culture étrangère, dont la connaissance leur est nécessaire, y compris en termes d'échanges économiques.

Le deuxième groupe se compose de ressortissants de Etats d'Europe centrale et orientale, soit au total 400 millions de personnes, ex-URSS incluse. Il s'agit d'une réserve de clientè plus importante encore que 1es touristes américains et japonais, estiment les rédacteurs de líétude. Des liens historiques "artificiellement et douloureusement rompus" constituent une motivation très forte pour ces voyageurs.

Le troisième groupe - Afrique, Amérique Latine, Asie hors Japon - se caractérise par une réserve de clientèle potentielle de milliards de personnes, dont la venue quoique aléatoire, doit díores déjà être prévue dans la concep-tion des programmes de tourisme culturel. "Ainsi , concluent les rédacteurs de l'étude, du point de vue de la demande, I'Europe est, comme en matière d'offre, devant une problématique de surabondance." Face à ces possibilités nombreuses et inexploitées, les professionnels du tourisme et de la culture se heurtent à divers obstacles, dont le premier est la méconnaissance que ces milieux ont les uns des autres, et ce dans tous les pays européens. Autre difficulté: le risque de concentration dangereuse sur quelques monuments phares alors que bien d'autres sites peuvent intéresser les visiteurs. C'est ainsi qu'au Royaume-Uni les pouvoirs publics ont, avec l'aide du National Trust, recensé plusieurs milliers de maisons et jardins répartis sur l'ensemble du territoire et dignes de "classement" pour l'ouverture au public. Autres problèmes, I'atomisation et le fractionnement des marchés, la disparité des demandes, la complexité d'un dispositif de tourisme culturel qui suppose l'organisation des transports, de l'hébergement, de la restauration et de l'accueil sur les lieux de visite, le tout en fonction de la segmentation de la clientèle. A cet égard, seules les grandes villes présentent un ensemble géographiquement unifié de prestations. Pour élaborer le produit, étudier sa faisabilité et son marché potentiel, il faut des investissements initiaux, difficiles à envisager pour les seuls professionnels, en dehors de la participation d'entités publiques nationales, régionales ou européennes et de fonds privés substantiels. Alors que les tour-opérateurs généralistes disent réaliser moins de 3 % de leur chiffre d'affaires avec le tourisme culturel, qu'ils considèrent comme une activité marginale et aléatoire, les tour-opérateurs spécialisés, parti-culièrement représentés en Grande-Bretagne et en Allemagne, font état de réussites importantes mais limitées en volume dans ce secteur. En collaboration avec des associations culturelles, ils s'appuient sur l'identification de groupes auxquels ils proposent des activités adaptées à leurs centres d'intérêt: opéra, arts plastiques, architecture, sciences...

Loin de se fonder sur des brochures préexistantes, les programmes sont élaborés à la carte avec les clients. Toutefois, ces professionnels critiquent la faible prise en compte, par les gestionnaires du patrimoine culturel, des attentes et des contraintes des touristes: horaires d'ouverture inadaptés, billetterie peu pratique, absence de régulation des flux, environnement et signalétique des úuvres trop didactiques, manque de mise en scène, de spectacle, d'émotion... Plusieurs suggestions ont été faites au cours des entretiens effectués pour l'étude: constitution d'une banque de données réactualisée en permanence sur les hauts lieux du patrimoine, les manifestations, les spectacles, développement des salons et séminaires consacrés au tourisme culturel, création de grands évènements paneuropéens pour faire connaître l'Europe à partir d'un thème déterminé, formation professionnelle des guides dans une optique européenne. Deux objectifs paraissent aujour-d'hui essentiels : la modernisation de la signalétique et la création de centres d'accueil pour touristes. Au Royaume-Uni, par exemple, les villes touristiques ont été encouragées à établir un "répertoire" des bâtiments historiques mentionnant leur état de conservation et à élaborer des programmes d'action touristique (Touristic Development Action Program). Autre priorité: la multiplication et la décentralisa-tion des lieux de culture en dehors des ensembles monumentaux les plus admirés, par un "processus de notoriété spontanée" . L'English Tourist Board a ainsi mis en place, dès 1985, un programme d'exploitation touristique des grandes villes industrielles (Glasgow, Bradford, Manchester, Leicester...). L'Espagne a également entrepris de valoriser des centres historiques en dehors des grands pôles de renommée mondiale.

Enfin, il semble indispensable d'organiser un marché européen des produits touristiques culturels. Trop souvent en effet, les producteurs culturels offrent des prestations isolées qui n'intègrent pas tous les aspects du produit. Trop souvent aussi, la valeur culturelle du lieu ou du site occulte la nécessité díun accueil de tès bon niveau. européenne. Le groupe de consultants néerlandais ALIAS síest vu confier en 1997 par la Commission européenne une nouvelle étude à mener sur le thème du tourisme culturel dans líUnion européenne. Gageons que cette recherche nous apportera un éclairage nouveau sur une activité difficile à cerner et en rapide évolution, une activité qu'on gagnerait peut-être à assimiler au voyage plutôt qu'au tourisme.
MESURES TOURISTIQUES

La Commission européenne a creé en 1982 un bureau du tourisme auprès de la Direction générale XXIII, Politique d'entreprise, de commerce, de tou-risme et d'economie sociale. 

En 1984, le tourisme culturel était déclaré prioritaire et 1990 fut l'Année européenne du tourisme. Le traité de l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, consacre son article 3 à la nécessité de mesures touristiques à l'échelle de l'Union. Un premier plan d'action communautaire en faveur du tourisme a eté lancé pour trois ans en 1993. ll proposait une triple approche :
ï tenir compte des mesures générales prises dans le contexte de la mise en úuvre du Marché unique,
ï prendre en compte les actions indirectes dérivant de certaines politiques,
ï évaluer la portée des mesures directes prises en faveur du tourisme.

Parmi les mesures indirectes significatives, il faut citer le cinquième programme d'action communautaire en matière d'environnement, la mise en úuvre d'un programme pour la protection et la valorisation du patrimoine culturel (RAPHAEL), les actions soutenues au titre des fonds structurels (Fonds social européen, FSE; Fonds européen de développement régional, FEDER; Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, FEOGA). Enfin, au titre du programme LEONARDO, la Commission s'intéresse à la formation professionnelle dans le domaine du tourisme.


Bibliographie

Les Défis de la société européenne à l'aube de l'an 2000. Stratégie pour un tourisme durable et de qualité,
Strasbourg, Conseil de l'Europe, 1992.

Le Tourisme culturel en Europe , GEATTE, Bruxelles,
Commission des Communautés européennes, unité Tourisme, 1993.

Heinrich von Moltke, Un tourisme de qualité à l'échelle de l'Europe, Bruxelles, Commission européenne, 1993.

Tourisme et culture , LES CAHIERS ESPACES   n° 37, Paris, juin 1994.
Direction: Céline Cherbuy.
Avec le concours de l'Agence française de l'ingénierie touristique.

Travées , revue des Centres culturels de rencontre,
Paris, ACCR, 1992-1997.

Voyage , dossier thématique du MONDE DE L'ÉDUCATION, DE LA CULTURE ET DE LA FORMATION n° 248, mai 1997, Paris, 1997.