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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Grandeur et décadence d'un petit commerce du cinéma
Une enquête sur le financement du cinéma en France (avant-propos)


Grandeur et décadence d'un petit commerce du cinéma
Une enquête sur le financement du cinéma en France (avant-propos)


par Jean-Philippe Renouard

Automne 2001. La profession, presque unanime, salue la bonne santé du cinéma français. Depuis la crise de fréquentation qui marqua le début des années 1980, jamais les indices économiques n'ont été aussi bons : hausses de la fréquentation, de la production et des exportations, créations de salles...
Sortie du placard, Amélie of Montmartre casse la baraque, j'mens pas, c'est la vérité... On ne compte plus depuis un an les films français qui ont dépassé le million, voire les cinq millions de spectateurs en salles. Dans ce climat de douce euphorie, Vivendi, ex Générale des Eaux, prend la tête des studios américains Universal, les films produits par Luc Besson rivalisent avec les block-busters hollywoodiens, le Petit Poucet français fait la nique au Goliath américain. Pourtant ici et là affleurent d'intrigantes réflexions qui laissent entendre qu'un pacte entre loups a été signé sur le dos de ce même cinéma français.
Dans une brève titrée « Boom de la production française en 2000 » datant d'avril 2001, les Cahiers du cinéma écrivent : « Se propage alors, dans l'ambiance euphorique que n'a pas manqué d'engendrer la spectaculaire hausse de la production des films français en ce début d'année mais sur fond de fusion Vivendi-Universal-Canal+ et de réunion des salles Pathé et Gaumont, une légère bien qu'ancienne inquiétude : que les plus gros se partagent l'essentiel du gâteau, et que les miettes destinées aux petits se réduisent encore un peu plus. » Peter Bart, rédacteur en chef de Variety , référence américaine en matière de cinéma, est plus direct : « L'argent français de Vivendi va financer ces films américains que les Français ont constamment attaqués, protestant sans cesse contre l'impérialisme de la culture américaine (...) La quantité extraordinaire d'argent qu'apporte Vivendi ne signifie pas qu'on va produire des films plus intéressants. Au contraire, on va faire des films de plus en plus commerciaux. »
Certains s'inquiètent très discrètement comme David Kessler, patron du CNC : « En l'absence de questions brûlantes, nous réfléchissons aux sujets dont on sent venir l'importance, avec deux questions majeures : d'une part, le problème des sources de financement, avec la place majeure qu'ont pris la télévision et Canal+. Il ne s'agit pas de remettre en question cette place, mais de se dire que le cinéma gagnerait sans doute à diversifier ses sources de financement ne serait ce que pour éviter une rupture si la principale venait à diminuer » ( Écran total , oct. 2001). Doux euphémismes qui masquent mal l'inquiétude de voir la télévision, devenue le premier argentier du cinéma français, privilégier des films qui rivaliseraient avec la machine de guerre hollywoodienne. « J'adore le cinéma, mais j'ai une responsabilité vis-à-vis de nos actionnaires. Je ne ferais pas un film simplement parce que je l'aime. Un film doit être un succès commercial. Le plus important, dans un groupe comme Vivendi-Universal, c'est la réussite commerciale » expliquait le 20 juillet 2001 à Libération Ron Meyer, coprésident aux côtés de P.Lescure de Vivendi-Universal-Canal+.

Au début des années 1980, l'industrie cinématographique traverse une crise née de la concurrence avec la télévision. Désertion des salles et baisse de la production conduisent à un déclin qui va s'avérer inéluctable pour bon nombre de cinématographies. Les États-Unis surmontent la crise en s'assurant une position hégémonique au plan mondial. L'Europe n'a pas cette chance. Déjà dans les années 1980, le président de United Artists expliquait : « Naturellement, les films européens sont beaucoup plus difficiles à commercialiser internationalement parce qu'ils sont faits pour une mentalité plus étroite. Les films américains sont par nature internationaux. » De fait les cinémas italien, britannique, allemand connaissent une crise qu'on qualifierait presque de définitive tellement les structures de production dans ces pays ont été laminées. À ce moment-là, le Poucet français fait de la résistance. En mettant en place différents systèmes d'aide étatique (avance sur recettes, soutiens sélectifs à la production, à la distribution, l'exploitation) et des incitations à investir dans le cinéma (Sofica), en obligeant les chaînes de télévision à investir une partie de leurs recettes dans la production cinématographique, la France a vu son cinéma sauvé pour un temps. Une fois passée la tempête, le système de financement du cinéma français a perduré en l'état.
Depuis dix ans, la production cinématographique française est stable - 156 films en 1991, 171 en 2000 avec une pointe de 183 films en 1998 -, et se situe à un niveau deux fois plus élevé que celui qui subsiste ailleurs en Europe. Les investissements financiers dans le cinéma français sont passés de 3 700 MF en 1991 à 5 270 MF en 2000. Au cours de la même décennie, le coût moyen des films français a progressé de 23,7 MF à 30,7 MF. La répartition de cette « manne » a tendance à s'orienter de plus en plus vers de grosses productions : les treize films les plus chers produits en 2000 (tous ayant coûté plus de 70 MF, certains plus de 200 MF), représentent plus du tiers des investissements totaux, contre le quart les années précédentes. Toujours selon les chiffres du CNC, 93 % de ces films sont tournés en français. Bémol : sur les six films français tournés en anglais, trois font partie des très très gros devis de l'année.
D'où la multiplication des interlocuteurs de ce dossier - producteurs, cinéastes, gens de télévisions - reflétant l'éclatement de partenaires concernés par un art et une économie étroitement imbriqués. Choix partiaux de rencontrer Patrick Sobelman, producteur de cinéma à Ex Nihilo & Agat Films ; un homme de télévision, Antoine Dellugat, secrétaire général de France2 Cinéma ; un cinéaste, Pascal Thomas, réalisateur de Mercredi folle journée  ; un enseignant (et cinéaste), Luc Moullet ; un jeune producteur, Vincent Dietschy, dont la société a fait faillite ; une jeune cinéaste, Marie Vermillard, qui s'est tournée un moment vers la télévision ; un producteur atypique de films de télévision, Pierre Chevalier, qui dirige le département Fictions d'Arte.
OK. Le cinéma français a eu, a besoin de la télévision pour exister. Des signes disent la mainmise toujours croissante en terme de création et de financement de la deuxième. Difficile d'y voir clair. D'où cette tentative mineure de répondre à quelques interrogations. C'est quoi produire un film aujourd'hui ? Comment un producteur, un cinéaste se confrontent-ils à l'argent ? Depuis le cinéma, comment regarde-t-on la télévision et depuis la télé, le cinéma, ça ressemble à quoi ? Que coproduisent aujourd'hui les chaînes ? Et si la télévision sauvait encore une fois le cinéma ?

source : http://www.vacarme.eu.org/article238.html