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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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La politique cinématographique de Renaud Donnedieu de Vabres (entretien)


Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture et de la Communication

Dans un entretien exclusif au Film français, le locataire de la Rue de Valois évoque l'ensemble des dossiers sensibles de la profession : réforme du soutien à la production, crise des intermittents, piratage, télévision numérique terrestre et réforme de la redevance. Premier bilan, six mois après une arrivée controversée.

Alors que va sortir Un long dimanche de fiançailles, quelle est votre position sur la polémique liée à 2003 Productions ?
Mon sentiment est double. Tout d'abord, je n'ai pas à interférer dans un dossier actuellement examiné par la justice. Mais quelle que soit l'issue de cette procédure, une question est néanmoins posée, celle de l'emploi et de l'attractivité française en matière de tournages. Je ne suis pas satisfait de la situation actuelle. La France doit pouvoir accueillir le maximum de tournages et nous devons réfléchir à adapter en ce sens notre politique de soutien. C'est ainsi que j'ai obtenu que le plafond du crédit d'impôt passe en 2005 de 500 000 à 1 ME pour favoriser l'accueil de grosses productions, génératrices d'emplois.

Qu'arrivera-t-il au cas où la justice tranche dans le sens des plaignants dans ce dossier ?
La décision de justice, quelle qu'elle soit, posera un problème pour l'avenir. À nous de remettre ensuite le dossier sur la table.

Cela signifie-t-il qu'il faudra changer de système ?
Cela voudra dire qu'il faut redéfinir le périmètre de manière incontestable. Le soutien à la production est pour moi un sujet essentiel et je souhaite donc qu'une concertation s'engage sous l'égide du CNC, avec les uns et les autres, sur cette question.

Cette question figure sûrement dans la feuille de route de Catherine Colonna, qui vient d'arriver au CNC ?
La mission de Catherine Colonna s'inscrit directement dans la lignée de celle menée par son prédécesseur David Kessler. Pour moi, Catherine Colonna a d'abord pour mission de défendre tous les maillons de la chaîne cinématographique et audiovisuelle. En effet, les bons chiffres observés cette année ne doivent pas nous faire oublier la vigilance.

Et sur le fait que ce soit pour la première fois une femme qui dirige le CNC.
J'en suis très heureux ! Catherine Colonna a une grande expérience des négociations internationales, ce qui est précieux dans la période actuelle où la défense de notre système d'aide au plan international est cruciale. J'ai pu m'en rendre compte la semaine dernière à Shanghai où j'ai rencontré certains de mes homologues étrangers qui considèrent encore que la création n'a besoin d'aucune règle !

Le fait qu'elle ne soit pas issue du secteur peut-il être un avantage ?
Catherine Colonna saura défendre avec énergie et talent les dossiers dont elle a la charge. Car je pense qu'elle ne manque ni d'énergie ni de talent.

Concernant les intermittents, où en sommes-nous aujourd'hui ?
J'ai fixé à mon arrivée un certain nombre d'étapes dont celle d'organiser à l'issue des festivals d'été un débat national sur l'avenir du spectacle vivant. C'est ainsi que le 18 octobre, à mon initiative, 800 artistes et techniciens ont parlé de leurs métiers, de leurs perspectives, de leur enthousiasme, de leurs difficultés, pour mieux faire comprendre à nos concitoyens les particularités de leur vie professionnelle et donc les spécificités de leur régime d'indemnisation chômage. Mon but est de parvenir à la mise en place d'un système nouveau et définitif. Dès le mois de juillet, des mesures provisoires de soutien aux intermittents ont été appliquées mais elles n'ont bénéficié, pour l'instant, qu'à un nombre encore limité de personnes réintégrées dans le dispositif. Un expert remettra au début du mois de novembre un rapport sur l'ensemble des questions en suspens. Dans la continuité des entretiens du spectacle vivant organisés le 18 octobre, je tiens également à l'organisation d'un débat parlementaire sur les intermittents car le soutien de la représentation nationale est indispensable à la réussite de toute évolution. Ce débat aura lieu le 7 décembre et il prouvera que la question de l'activité culturelle est essentielle pour l'avenir de notre pays. Et ce n'est pas moi, qui reviens de Chine pour le lancement de l'année culturelle, qui vous dirais le contraire.

La question essentielle pour les intermittents demeure aujourd'hui encore les indemnisations.
Pas uniquement car les questions de reconnaissance de la spécificité des métiers culturels, de leur précarité, sont aussi importantes. Si cela était seulement un problème d'argent, ce serait trop facile. Pour autant, toutes les Assedic ont reçu début juillet une instruction afin de réintégrer dans le dispositif les intermittents ayant réalisé leurs 507 heures en 12 mois, contre 11 mois auparavant. Le budget alloué à cette mesure était illimité et les montants avancés au printemps ne l'étaient qu'à titre indicatif. Il s'avère aujourd'hui qu'il y a moins de personnes que prévu à avoir fait des démarches en ce sens. J'ai reçu les syndicats et réuni le Conseil national des professions du spectacle en septembre. Et je me suis engagé sur une nouvelle campagne d'information afin que toutes les personnes concernées soient bien informées. Nous travaillons actuellement sur les mesures qu'il faudra mettre en place en 2005. Il n'y aura pas de no man's land.

Et au niveau des contrôles dans les entreprises ?
Beaucoup de contrôles sont en cours et il y a plusieurs cas de figure. Il faut parfois requalifier les contrats de travail en emploi permanent. Et puis, il y a des cas de fraude patente qui nécessitent une exclusion du système et des sanctions. Mais, le plus compliqué demeure la reconversion de nombreux emplois. Cela nécessite des budgets absolument colossaux. Nous procédons donc par étapes. J'ai pour objectif de maintenir l'intermittence et les annexes 8 &10. Je ne veux pas qu'elles disparaissent. Un certain nombre d'activités artistiques, et tout particulièrement le cinéma, reposent en effet sur un emploi partiel. Je veux un système pérenne et équitable.

Le court métrage pourrait être le plus touché par la réforme de l'intermittence. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Je peux vous dire que le court métrage ne sera pas la cible privilégiée des contrôles menés actuellement par les inspecteurs du travail. Le court métrage est un genre qui doit être soutenu car il participe à la découverte de nouveaux talents et à la formation des créateurs. De plus, il sera bientôt aidé par les fonds régionaux que l'État va abonder. En renfort de l'action de soutien du CNC, ces fonds régionaux apportent une aide d'autant plus déterminante et légitime qu'elle s'inscrit dans les politiques de formation professionnelle dont les régions ont la responsabilité. Je suis confiant dans l'action conjuguée de l'État et des régions au service de l'emploi culturel et, dans le cinéma, cela passe par le court métrage. N'oubliez pas qu'en tant que député, j'ai largement aidé à la création dans ma région de l'APCVL, un organisme à la pointe dans l'aide à la production régionale.

Le piratage est un problème essentiel. Mais y a-t-il pour autant des mesures réglementaires réellement capables d'endiguer un tel phénomène ?
C'est un dossier difficile qui suppose du courage et de l'intelligence. L'intelligence, c'est de n'être ni censeur ni castrateur. Je pense qu'il peut y avoir une large exposition de la culture via Internet, contrairement à ce que certains veulent me faire dire. Je pense que les internautes, pour la plupart des jeunes qui pianotent et téléchargent sur Internet, ne se rendent pas compte des enjeux. Pour bien les faire comprendre aux plus jeunes, je les compare à ceux de l'environnement. Il faut dans les deux cas des mesures de protection afin d'éviter l'épuisement des ressources. Il nous appartient également de qualifier les pratiques frauduleuses, notamment vis-à-vis des auteurs. Aujourd'hui je n'attends qu'une chose : qu'il y ait un maximum de diffusion en ligne légale et payante. Dans le domaine de la musique, j'organiserai dès ce que cela sera possible, une nuit de la musique en ligne afin de montrer que le ministère de la Culture n'est pas la maison des ringards mais celles des responsables. Dans le domaine du cinéma, les choses n'ont pas été aussi vite car il était jusqu'à maintenant plus difficile et plus long de télécharger des films. Mais avec la brutalité des évolutions technologiques, le décalage est en train de se combler. Nous avons donc lancé des groupes de travail avec les professionnels du cinéma et les fournisseurs d'accès. Nous devrions, à nouveau, nous réunir début novembre.

Quand sera signée cette charte avec les professionnels du cinéma ?
Aucune date n'est fixée mais qu'il prenne la forme d'une charte ou pas, un accord serait souhaitable avant la fin de l'année car c'est une question urgente, étroitement liée à la chronologie des médias.

Est-ce que le gouvernement envisage de taxer les fournisseurs d'accès, notamment France Télécom, comme on avait taxé auparavant la K7 vidéo ou le CD enregistrable ?
Nous verrons le moment venu quelles sont les mesures les plus efficaces. Rien n'est exclu. La réunion sur le piratage au Festival de Cannes, en mai dernier, nous a montré qu'il y avait des convergences d'esprit entre l'Europe et Hollywood. Mais, encore une fois, je ne serai jamais l'ennemi d'Internet.

Passons aux dossiers audiovisuels. Les ministres se succèdent et le discours des producteurs sur la carence des moyens octroyés à la création audiovisuelle demeure, notamment pour Francetélévisions.
Je sais que les recettes de Francetélévisions viennent aux deux tiers de la redevance et au tiers à la publicité et que la logique d'audience s'impose aussi au président de la holding. J'ai tout de même veillé à l'augmentation des moyens de la création audiovisuelle via le budget de Francetélévisions mais aussi par l'extension du crédit d'impôt du cinéma à l'audiovisuel. 34 ME, ce n'est tout de même pas rien ! Cela devrait aider à relocaliser les tournages de fiction en France.

Les producteurs et créateurs viennent de lancer une pétition estimant que les exonérations de redevance "portent un coup fatal au service public". Que leur répondez-vous ?
Je comprends tout à fait qu'ils demandent plus de moyens. La seule limite est le cri d'Antigone : "Tout, tout de suite, ou alors je refuse." Je trouve un peu audacieux de dire que le produit de la redevance est figé alors que j'ai fait en sorte que son évolution soit garantie en adossant son recouvrement à la taxe d'habitation, qui permet tout de même un meilleur contrôle et un meilleur taux de recouvrement. C'est déjà une victoire d'avoir maintenu une ressource affectée au secteur. Les modes de consommation de la télévision vont évoluer du poste de télévision vers l'ordinateur ou d'autres supports mais les téléspectateurs resteront concernés par la redevance. Ce n'est plus tout à fait une taxe fondée sur le téléviseur mais plutôt sur la réception de la télévision. Nous nous sommes battus dans le même temps pour que les exonérations sociales soient plus importantes et soutenues par l'État. Il ne s'agissait pas d'intégrer directement le financement de l'audiovisuel dans le budget de l'État, ce qui aurait été perçu par l'opinion publique comme une privatisation. Je rappelle que la privatisation de l'audiovisuel public n'est pas à l'ordre du jour des réflexions gouvernementales.

L'exonération de redevance des résidences secondaires est, pour sa part, très mal perçue.
Nous avons juste pris en compte une réalité : trois quarts des foyers français ne paient qu'une redevance. Je sais que plusieurs amendements parlementaires vont demander à ce que les résidences secondaires soient taxées à 50% du coût de la redevance. Je donnerai alors la position du gouvernement à ce sujet.

D'autres projets d'amendements, provenant de l'UMP, visent à relever le montant de la redevance de 3 € afin de financer le projet de chaîne d'information internationale.
Le gouvernement répondra à cela devant les députés en séance.

Selon vous, ces amendements vont-ils dans le bon sens ?
J'ai toujours dit que je me ferai porteur des besoins de financement de l'audiovisuel public. Je le dis et je le redirai en séance. Il est évident qu'en contrepartie, la notion de service public doit être très clairement intelligible. Il ne doit pas y avoir d'uniformisation des programmes entre les chaînes publiques et privées.

Concernant la TNT, un report de quelques mois, comme il pourrait s'amorcer, ne serait-il pas finalement une bonne chose pour ne pas en rater le lancement ?
Il est tout d'abord essentiel que le lancement de la télévision numérique terrestre se fasse dans une clarté financière, juridique et technologique. Il n'est pas possible de lancer ces nouvelles chaînes dans un climat de confusion. J'attends donc les conclusions du rapport de monsieur Boudet de Montplaisir. Il appartiendra alors au Premier ministre, au gouvernement et au CSA de prendre en temps et en heure les décisions qui s'imposent. Il faudra notamment que la norme choisie soit la meilleure pendant un nombre d'années suffisant. Mais surtout, il est nécessaire que les Français comprennent qu'ils auront à disposition une offre élargie gratuite. La sémantique a beaucoup d'importance. De même que vous ne m'entendez pas parler d'intermittents mais d'artistes et de techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, je ne parlerai jamais, concernant la TNT, de décodeur. Je pense que ce mot, dans l'esprit des Français, est connoté à la télévision payante. Il faut trouver un autre mot (boîtier ou adaptateur par exemple) afin que la compréhension soit parfaite.

La date de lancement, fixée encore aujourd'hui à mars 2005, ne vous paraît-elle pas utopique ?
Je reconnais que l'actualité contentieuse et technologique ne nous facilite pas la tâche. Mais je reste très volontariste sur ce dossier.

Vous avez, en six mois de responsabilité, été très présent, notamment sur le terrain. Quel premier bilan tirez-vous de votre action ?
Ma volonté première est mettre la vie culturelle au cour de l'activité et du rayonnement dans notre pays. Comme je l'ai dit récemment de manière un peu polémique, je ne suis pas le ministre des vieilles pierres et des troubadours. Je ne suis pas non plus Monsieur La Fête ou Monsieur La Distraction. J'adore tout cela mais dans le contexte actuel de mondialisation et de violence, la culture doit être avant tout un lieu de rayonnement. Elle demeure un domaine régalien de l'État. En passant de la danse classique au hip hop ou de la musique électronique aux archives nationales, je privilégie le décloisonnement, l'ouverture, la reconnaissance des uns par rapport aux autres.

Vous avez plutôt séduit la profession après un accueil pour le moins circonspect lors de votre nomination.
C'est vrai. J'ai beaucoup lu et entendu sur mon compte. Peut-être ai-je finalement un peu plus de discernement et de racines culturelles que les gens ne pouvaient l'imaginer. Mais j'ai conscience de diriger une maison qui peut rapidement devenir très "électrique". Il faut rester sur le qui-vive !

Propos recueillis par Sophie Dacbert et Fabrice Leclerc (Le film Français, novembre 2004)