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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Comparatif des systèmes d'aides nationaux en Europe : des caractéristiques nationales affirmées pour les principaux pays



Par des ruptures ou des évolutions progressives, la plupart des pays européens ont intégré dans leur mode de financement la double dimension - culturelle et commerciale - du cinéma et de l'audiovisuel. On peut toutefois, et ce sans pour autant minimiser les spécificités parfois complexes de chaque pays, relever quelques différences: la prédominance des prêts à taux bonifiés ou garantis en Italie, celle des subventions en Espagne, la composante fédérale en Allemagne, la volonté française, au niveau national, d'appréhender comme une globalité la totalité des domaines concernés et d'accompagner au plus près l'évolution de l'industrie cinématographique et audiovisuelle tant au niveau de la mise en place des modes d'interventions que du financement de l'aide publique, ou encore l'attention britannique aux recettes commerciales et aux ressources privées.

La répartition entre les interventions nationales et régionales indique, sans doute le plus clairement, les disparités basées sur un fonctionnement politique et institutionnel très différent. A cet égard, la France et l'Allemagne se trouvent aux deux extrêmes, l'Espagne constituant un cas de figure intermédiaire tandis que l'Italie est le seul de ces cinq pays à ne pas connaître encore d'aides régionales.

L'Allemagne, la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni sont considérés comme les cinq pays européens dont les industries cinématographiques et audiovisuelles sont les plus développées. En 1995, près de 80% des longs métrages produits en Europe l'ont été dans l'un de ces pays. La France, puis l'Italie et l'Allemagne sont les pays qui, de loin, distribuent le plus d'aides publiques à ces secteurs en Europe, respectivement 257,87 millions d'Euros, 92,24 millions d'Euros et 91,67 millions d'Euros en 1995. A partir de 1995, grâce aux nouveaux fonds disponibles de la Loterie nationale (19,13 millions d'Euros qui viennent s'ajouter aux 11,38 millions d'Euros distribués par des organismes tels que le British Screen Finance et le BFI), le Royaume-Uni arrive en quatrième position. L'Espagne, quant à elle, avec 23,41 millions d'Euros distribués en 1995, vient en sixième position après les Pays-Bas.

Si l'Italie a choisi de soutenir principalement la production à l'aide de prêts garantis avec ou sans intérêts bonifiés (87% des aides accordées), l'investissement en coproduction est le mode d'intervention de prédilection au Royaume-Uni où 73% des aides à la production sont accordées sous cette forme. En Espagne, 94% des aides à ce secteur et 100% de celles de l'ICAA sont accordées sous forme de subvention. En France, les subventions représentent 89% des aides accordées à la production. Mais ce chiffre est à rapprocher des montants accordés aux aides automatiques considérées comme des subventions. Les aides sélectives attribuées sous forme de subventions ne représentent plus que 62% des aides sélectives distribuées à la production et environ 19% de l'ensemble des aides accordées à ce même secteur.

Si l'on distingue des variations dans l'organisation des soutiens publics d'un pays à l'autre, on constate toutefois des convergences plus grandes qu'il n'y paraît à première vue entre ces cinq pays. En France et en Espagne, l'organisation de l'aide publique est similaire: une structure centralisée et nationale - l'ICAA en Espagne, le CNC en France - a en charge l'aide publique et l'organisation de l'industrie cinématographique et audiovisuelle nationale, sous la tutelle du Ministère de la culture. En Allemagne, si un organisme, le FFA, gère l'aide publique fédérale sous la tutelle cette fois du Ministère de l'économie, deux autres structures apportent au niveau fédéral un soutien plus modeste: le Ministère de l'intérieur (BMI) et la Fondation pour le jeune cinéma (Kuratorium Jünger Deutscher Film). Au Royaume-Uni, deux structures distinctes, chacune avec sa vocation, existent au niveau national: le BSF, à vocation économique, soutenu en partie par le département de l'industrie et du commerce apporte le soutien le plus important tandis que le BFI, soutenu par le département de la culture, a une vocation culturelle. Suite aux travaux de réflexion du Film Policy Review Group, ayant rendu public son rapport A Bigger Picture [1] en mars 1998, il est question de créer une structure centralisée à l'instar du Centre national de la cinématographie en France, regroupant l'ensemble de mécanismes d'aide (National lottery, BSF,etc.).

L'Allemagne marquée par sa composante régionale

Le système de soutien public au cinéma et à l'audiovisuel allemand présente une particularité avec la présence de fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel dans la plupart des Länder, compétents en matière de politique culturelle et audiovisuelle. Ces fonds d'aide régionaux sont, de par leurs moyens financiers, comparativement plus puissants que les mécanismes d'aide au niveau fédéral. Le développement de fonds tels que la Filmstiftung Nordrhein Westphalia, Filmboard Berlin-Brandenburg, le fonds du Bade-Wurtemberg, Filmförderung Hamburg et FilmFernsehFonds Bayern qui participent à l'aménagement et au développement régional de l'activité audiovisuelle se trouvent presque en concurrence pour attirer les productions vers leurs régions. Cependant, reconnaissant les effets négatifs que peut avoir une telle escalade, les cinq grands fonds régionaux ont récemment créé une structure de coordination qui se réunit 2 à 3 fois par an.

Le montant cumulé des budgets de ces fonds représente 64% de l'aide publique allemande: 94,425 millions d'Euros contre 52,78 millions d'Euros pour les trois structures de soutien existant au niveau fédéral, la FFA, le BMI et le Kuratorium Jünger Deutscher Film.

Pour les budgets, les trois principaux sont les fonds constitués en société privée: la Filmstiftung Nordrhein-Westphalia, en tête avec un budget de 27,15 millions d'Euros par an (ce qui fait de lui le deuxième fonds à l'échelle nationale, derrière le CNC français), le FilmFernsehFonds Bayern avec 26 millions d'Euros et le Filmboard Berlin-Brandenburg avec 20 millions d'Euros. Vient ensuite le fonds de soutien au film de Hambourg avec un budget de 9,7 millions d'Euros et le fonds créé en Basse-Saxe grâce à la contribution de la chaîne publique NDR, dont le budget annuel s'élevait en 1995 à 9,5 millions d'Euros.

La prédominance de l'investissement en coproduction au Royaume-Uni et son financement original par la Loterie nationale

Le cas du Royaume-Uni est particulièrement intéressant, par l'organisation et le mode opératoire des organismes d'aide d'une part et d'autre part par le choix de créer un fonds de soutien à partir des recettes de la Loterie nationale, qui, en soutenant essentiellement des groupes d'entreprises à travers des franchises, a augmenté le niveau de l'aide publique à 173% de son niveau en 1994/95.

Au Royaume-Uni, les structures publiques d'aide telles que le British Screen Finance, BFI Production ainsi que les fonds régionaux interviennent principalement en investissement en coproduction et c'est le seul pays à recourir aux financements via la Loterie nationale, tandis que de nouvelles dispositions fiscales favorisant l'investissement privé pourraient être également adoptées prochainement.

Hormis BFI Production et le Arts Council of England, l'ensemble des structures tant régionales que nationales qui gèrent les aides publiques à l'industrie cinématographique sont des structures de droit privé.

Cette caractéristique se prolonge également dans la gestion des aides, principalement sous forme de prêts, et par l'exigence d'une parfaite transparence des comptes et des recettes des films soutenus. Ainsi, les films recevant des prêts provenant des fonds administrés par British Screen Finance (European Coproduction Fund, Greenlight Fund de la Loterie nationale) doivent systématiquement mettre en place un collection-account pour faciliter le contrôle des comptes et le recouvrement des recettes d'un film. Ceci permet au BSF d'être à la tête d'un palmarès encore méconnu, celui du meilleur taux de remboursement (environ 70%, alors que celui de nombreux fonds nationaux ou européens oscille entre 2 et 10%) des fonds d'aide publics en Europe.

Les choix des modes d'intervention sont significatifs du rôle de partenaire financier actif que souhaite jouer des organismes comme British Screen Finance.

La France privilégie la redistribution de ressources prélevées sur le marché et adopte une approche systématique de son intervention

Si en France l'aide publique dispose des moyens financiers les plus importants (371,57 millions d'Euros contre 147,21 pour l'Allemagne), c'est grâce aux taxes prélevées sur les recettes des chaînes de télévision qui alimentent ce budget à hauteur de 59% contre seulement 32% en Allemagne.

La France occupe une place originale par rapport aux autres pays européens dans l'organisation de son système d'aide.

En premier lieu, l'essentiel de ses moyens financiers provient de ressources prélevées sur le marché: les dotations publiques ne représentent que 17% de ces moyens, tandis que les taxes sur l'exploitation en salles et sur l'édition vidéo représentent 24%. La plus grande part provient des prélèvements sur les recettes des chaînes de télévision privées et publiques: 59% du budget total des aides publiques en 1995 contre 32% en Allemagne. Ce mode de financement lié aux performances du marché explique, en grande partie, que la France dispose des moyens financiers les plus importants en Europe: 371,57 millions d'Ecu devant l'Allemagne avec 147,21 millions d'Ecu. L'importance de ce financement est également la conséquence d'une intervention puissante de l'aide en faveur de la production d'ouvres audiovisuelles qui reçoit 66% des aides globales à la production en France.

Ensuite, la redistribution de ces ressources financières s'effectue en majeure partie par des mécanismes de nature automatique. Ainsi 71% des soutiens financiers à la production sont des aides automatiques. Par ailleurs, ces mécanismes automatiques, qui n'existent que pour la production dans les autres pays européens, sont étendus en France à l'ensemble des secteurs (exploitation, distribution et vidéo). Pour autant, les montants attribués aux aides sélectives restent plus importants que dans les autres pays européens. L'essentiel de l'attribution de ces aides est coordonné par le Centre national de la cinématographie qui a peu d'équivalent en Europe.

Enfin, l'ensemble de ces mécanismes de redistribution et le champ d'intervention couvert donnent aux pouvoirs publics français les moyens d'assurer d'une part, une régulation efficace des équilibres entre les secteurs et, d'autre part, une articulation dynamique entre les objectifs industriels et les ambitions culturelles: le maintien d'un haut niveau de production cinématographique (autour de 150 films produits chaque année) et le renouvellement important de la création (près de 30 premiers films par an) sont des indices de l'effet de cette politique. Il faut également souligner que l'action des pouvoirs publics ne s'exerce pas uniquement par des aides directes, elle est renforcée par des dispositifs réglementaires qui jouent également un rôle décisif pour la structuration du marché, comme les obligations des chaînes de télévision d'intervenir directement dans le financement de la production cinématographique et audiovisuelle.

Italie: un système reposant sur un mécanisme de crédit et de garantie bancaire

Le système de soutien italien présente de réelles particularités. Tandis que l'Ente Cinema soutient le cinéma public à travers Cinecittà et l'Instituto Luce, le secteur dit de la production privée reçoit le soutien de l'Etat par l'intermédiaire du FUS, le Fonds unique du spectacle. Ce dernier a pour vocation de soutenir l'ensemble des arts et gère directement les soutiens accordés sous forme de subventions. Il délègue à la banque nationale Banco Nationale del Lavoro (BNL), la gestion de l'ensemble des soutiens accordés sous forme de crédit. L'Etat apporte le financement le plus important en dotations publiques, 88,15 millions d'Euros, ce qui représente 92% du financement des aides publiques italiennes.

Les pays d'Europe centrale et orientale: une refonte complète des dispositifs rendue nécessaire par la transition vers une économie de marché

Alors que l'on peut parler essentiellement d'adaptation et d'évolution des systèmes d'aide en Europe occidentale, ceux des pays d'Europe centrale et orientale ont dû subir une refonte complète de leurs aides publiques répartie sur une courte période de 5 à 6 ans.

Cette refonte a été rendue nécessaire par:

  • la réorganisation et la privatisation du secteur de la production dans le cadre de la transition vers une économie de marché;
  • la chute de la fréquentation en salles, engendrant par là-même une diminution significative des recettes de la taxe sur les entrées, souvent la seule source de financement des mécanismes venant compléter les dotations de l'Etat qui stagnent;
  • la quasi absence de sources de financement alternatives;
  • la difficulté d'attirer des investisseurs étrangers au vu des importants risques financiers ;
  • l'introduction d'un type d'acteur nouveau dans le système de production, à savoir le producteur indépendant;
  • la mise en place de structures publiques indépendantes chargées d'organiser les activités du secteur.

La quasi totalité des pays a réformé au moins le fonctionnement des fonds, même si tous n'ont pas procédé à une révision complète du système d'aide comme cela a été le cas en Pologne, en Hongrie et en Russie, pays ayant des économies de production motrices dans la région. Dans le cas de ces trois pays, il faut également souligner le rôle fondamental des chaînes publiques et à péage investissant de manière importante dans la production cinématographique et audiovisuelle locale.

L'accès à des mécanismes de soutien européens, principalement à travers l'accès au Fonds ECO cinéma du CNC au cours de la période 1989-96 et la participation au fonds de coproduction pan-européen Eurimages du Conseil de l'Europe, a facilité d'une part la coproduction et d'autre part la participation des professionnels des pays d'Europe centrale et orientale à des réseaux de production au sein de l'Europe. Pour certains de ces pays confrontés à des graves déficiences de financement, l'accès à ces mécanismes d'aide ont même joué un rôle crucial pour le maintien d'un certain niveau de film d'initiative nationale.

En revanche, les économies locales de production naissantes ne sont pas encore suffisamment mûres pour accommoder de manière efficace des mécanismes d'incitation fiscale ou de garantie bancaire pouvant attirer un volume significatif et nécessaire d'investissement étranger .

 

notes

[1] A bigger picture . The report of the Film Policy Review Group. Department for Culture, Media and Sport, March 1998, DCMSJO285NJ;