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Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences |
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La Commission de Classification des Films Enquête Les Nouvelles Fiches du Cinéma, 19 juin 2002. Propos recueillis par Jean-Christophe BERJON À l'heure o ù un fait divers nantais relan ç ait le d é bat sur les dangers du cin é ma sur les jeunes esprits, nous avons rencontr é Philippe Rouyer, critique à « Positif » et repr é sentant de la critique depuis 8 ans à la Commission de Classification des films. Pour mieux comprendre. La Commission de Classification des films sert à protéger la jeunesse. Précédemment, il s'agissait d'un "comité de censure", devenu par la suite "de contrôle", puis très justement "de classification". Notre commission représente la société civile (contrairement aux États-Unis où elle représente la profession). 77 personnes y siègent. Pédopsychiatres, juges pour enfants, travailleurs sociaux, représentants des familles, représentants des jeunes (18-25 ans), représentants des ministères et des professionnels (réalisateurs, producteurs, distributeurs, exploitants...). Cette commission ne coupe plus les films depuis la réforme de 1982». Tous les films sont vus par une sous-commission qui classifie le tout venant. S'il n'y a ni évidence ni unanimité, ou si le distributeur rejette la classification choisie, le film est projeté en commission (4 films par semaine, au maximum). 26 voix (1 voix pour le président ou son vice-président et 25 voix réparties sur 3 personnes : il est matériellement impossible d'être toujours disponible pour les réunions plénières tous les mardis et jeudis soirs, pour une indemnité de 14 euros !). «C'est du militantisme !» Cette commission n'est que consultative. Le Ministre de la Culture tranche ou peut demander un réexamen. Mme Tasca a décidé, elle, de faire totalement confiance aux décisions de la commission, évitant ainsi les pressions de tout bord. Chaque votant doit impérativement assister à la projection (même s'il a déjà vu le film). À l'issue de chaque projection, «le président lit les conclusions de la sous-commission et ouvre le débat qui peut durer de 5 minutes à une heure. On prend le temps qu'il faut, mais chacun dit ce qu'il a envie de dire, dans le calme et le respect de la parole de l'autre. L'ironie peut être de rigueur : "Je ne vous étonnerais pas en disant... Je reconnais bien là mon camarade... ". Une fois que tout le monde a parlé, s'est clairement exprimé, on passe aux voix à bulletin secret. Et l'arithmétique décide. L'abstention et le vote blanc étant interdits ». «Si cette classification n'existait pas, le pouvoir reviendrait aux maires qui ont le droit d'interdire un film en tant que menace à l'ordre public. Hors, aujourd'hui, lorsqu'un maire interdit un film sur sa commune, cela veut dire qu'il surenchérit sur le Ministre de la Culture. Ce qui revient à dire : "Je ne tiens pas compte de l'autorisation donné par le Ministre de la Culture..." Ce qui limite ce genre de prises de position qui deviennent rarissimes. Et heureusement. Sinon, les maires seraient soumis aux groupes dépression locaux. Et parfois, les maires tiennent beaucoup à être réélus...» Sont visionnés des longs métrages, des courts métrages et même parfois des bandes-annonces. Indépendamment du film qu'elle présente, une bande-annonce peut avoir une restriction. Elle ne pourra alors passer que dans les salles qui diffusent des films correspondant à l'interdiction concernée. Les distributeurs connaissent parfaitement la loi et font très attention, et généralement, même un fi m interdit aux moins de 16 ans a une bande-annonce tout public. «Quant aux exploitants, ils sont assez fins pour ne pas passer une bande-annonce trop crue ou trop violente avec LE ROI LION ».
«En France, on refuse les critères. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que nous sommes laxistes. Mais pour prendre un exemple, nos confrères anglais ont des normes très strictes : ils comptent les morts, comptent aussi les "fuck" ! On a le droit à deux "fuck" de suite, mais pas à trois... En France, on ne compte pas. On regarde chaque film dans sa globalité. Il faut aussi tenir compte du genre. On ne va pas voir un western ou un film de guerre en se disant : "II y a cent morts, on va mettre la sanction maximale !" Il est évident qu'un drame social au Forum des Halles où une seule personne se fait poignarder peut être beaucoup plus traumatisant qu'un western où il y a un massacre. On tient compte du contexte, de la mise en scène : champ ou hors champ, selon qu'il y ait ou non des repères. La grande question que l'on se pose est "est<e incitatif ou non ?". On fait aussi très attention aux images. Les enfants de moins de 12 ans n'ont quasiment pas de défense : une image agressive ou violente risque d'entraîner un "12 ans". Beaucoup de films d'horreur simple, de série, se retrouvent à moins de 12 ans : les choses sont très classiques, il y a un peu de sang, un peu d'images effrayantes... Les psys nous disent qu'à dix ans, l'enfant a fait la part des choses entre réalité et fiction. Mais c'est entre 12 et 16 ans qu'il se structure, qu'il est le plus vulnérable. On considère qu'à partir de 12 ans, les enjeux du film sont très identifiables, on voit bien qui est le méchant, qui a les super-pouvoirs. Quand on arrive dans les films de psycho-killer, ça devient tout de suite beaucoup plus trouble...»
«On a vite découvert que cet adolescent préparait son coup depuis un an. Personne dans son entourage n'a vu que cet enfant déraillait... C'est ça qui est terrible. C'est très facile d'accuser le cinéma. Un film ne sera jamais un appel au crime pour une personne normalement constituée. Jack l'éventreur n'avait pas vu de films d'horreur ! Le film a pu agir comme déclencheur, mais n'importe quoi d'autre aurait pu le faire. J'évoquerais beaucoup plus une soc/été qui fait croire aux gens que tout le monde peut être célèbre, et pas par des actes méritoires, mais tout aussi bien par sa médiocrité. La société du «Loft»... Ce garçon l'a dit : «j'en avais marre d'être le bon copain, le bon fils, le bon frère, ma vie était monocorde...». C'est une erreur monumentale d'accuser SCREAM. Il faut regarder le problème en face et trouver de vrais remèdes. Ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on annule la fièvre, et a fortiori, qu'on soigne la maladie qui l'a provoquée.» |
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