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Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences |
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AVANT-PROPOS « Il était temps... Quelle expression pourrait rendre compte de ce qui s'est passé ? Trou de mémoire ? Interruption dans la transmission ? Passage raté ? Chaînon manquant ? Absence de traces ? Ou bien refoulement actif, oubli délibéré, volonté de n'en rien savoir ou de ne plus rien en savoir ? Il était temps que la possibilité soit enfin donnée à chacun de se rendre compte, de façon autre que fragmentaire, erratique, partielle ou dispersée que quelque chose de décisif s'était passé dans le cinéma, un peu partout dans le monde, entre le coup d'éclat de la Nouvelle Vague en France à la fin des années cinquante et l'apparition au milieu des années soixante-dix d'une nouvelle génération de cinéastes. » Jean Narboni « Qu'est-ce qui a bougé dans le cinéma des années 1960 pour quelqu'un qui se préoccupait des relations que le cinéma était susceptible d'établir avec la politique ? Il me semble incontestable qu'au cours de cette période le cinéma a renforcé son rôle d'opérateur critique de la représentation et que l'accomplissement de ce rôle, aux yeux de beaucoup, devenait la condition nécessaire à la réalisation de toute interaction forte avec la politique. Politique et cinéma devait s'articuler sur un autre mode que celui de la représentation. » Gérard Leblanc « Le tourbillon des révoltes gravitant autour de 68, avant, pendant, après, aura-t-il entre autres remises en cause, entraîné celle des systèmes d'écriture du cinéma dit militant, qui se renforce au tournant de ces années-là ? S'il est vrai que ces films se fichaient de passer ou non pour des « ouvres » et qu'ils n'aspiraient déjà belle ambition qu'à faire bouger la conscience politique du moment, le recours au cinéma (plutôt qu'aux tracts, meetings, actions exemplaires) n'avait cependant rien d'innocent ni d'inoffensif : qui filme impunément ? » Jean-Louis Comolli
SOMMAIRE Préface Les futurs antérieurs Sous la représentation, le cinéma Ici et maintenant, d'un cinéma sans maître ? II. Qui dit : Moi, un Noir ? III. Visite interdite : Terre sans pain Cahier iconographique Cinéma et politique : 1956-1970, filmographie commentée Biographies Index des réalisateurs et des films cités Remerciements
PRESSE : "De Chris Marker à Otar Iosseliani en passant par Straub et Syberberg, Skolimowski et Glauber Rocha, ils incarnent la richesse d'une période radicale, non-légendaire, occultée par la mémoire cinéphile dominante." "Conçu pour accompagner l'exposition du printemsp dernier, ce livre regroupe trois textes de Jean-Louis Comolli, Gérard Leblanc et Jean Narboni, ainsi qu'une excellent filmographie commentée."
DETAILS :
EXTRAIT (reproduit avec l'aimable autorisation de la BPI © Bpi/Centre Pompidou, 2001): Il y a les maîtres contre qui combattent
les films et il y a les maîtres des films, dont les spectateurs sont priés d’emboîter
le pas (suivez le guide). Le maître devient sujet Le « contenu » (la cause, la ligne, la propagande, le thème politique) paraît toujours premier, mais ce n’est qu’apparence : ces films se posent et nous posent de plus en plus explicitement la question du sujet de l’énonciation, de sa place, de sa relation au(x) sujet(s) de l’énoncé, de son « ici et maintenant ». Autrement dit, s’insinuant au premier plan, des questions de forme, des enjeux d’écriture. Comment filmer, comment parler, comment écouter, comment tenir dans la durée, comment poser des questions, comment cadrer, comment aborder ou quitter un récit d’expérience, comment dire ou ne pas dire qui filme, et pourquoi, et comment ? – jusqu’au vertige entraîné par l’emboîtement de toutes ces questions dans une cascade de mises en abyme qui ne manque pas d’affecter la place, à son tour, du spectateur, ses conforts, ses convictions, ses croyances. Les logiques elles-mêmes de l’écriture cinématographique à tout coup convoquée dans chaque expérience de cinéma militant poussent celles et ceux qui réalisent ces films, qui y jouent, à accepter et reconnaître dans leurs luttes les dimensions du jeu signifiant, le jeu des mots et des corps, des présences et des absences. La grève, la lutte deviennent récit, ce récit passe par des mots et des corps, des gestes et des lumières qui se nouent dans l’écriture cinématographique : événements filmés changés en événements filmiques. Vingt-cinq ou trente ans après Brecht et Benjamin, se trouve de nouveauébranlé, s’il est loin encore de s’effondrer, le pouvoir terroriste, dans les débats militants, du sempiternel recours à la sacro-sainte opposition entre « objectivité » et « subjectivité », monde et écriture. Ici et là, dans quelques films exemplaires de cette tempête d’outre-mai, et d’abord ceux des groupes Medvedkine3, le souci d’écriture est clairement revendiqué – bien qu’il arrive toujours que l’increvable doxa militante le fasse passer pour une complaisante frivolité liée à une subjectivité elle-même rejetée comme faiblesse narcissique par les porteurs de cette doxa, fort bien abrités, eux, derrière le paravent de « l’objectif », et se permettant, du coup, de manipuler, c’est-à-dire de mépriser formes et signes comme s’ils en étaient maîtres et qu’ils puissent, de cette maîtrise, tirer une impunité supérieure. Le fait cinématographique résiste à la fixation d’un point de vue dominant, en raison à la fois de la nature rebelle du lien qui noue le spectateur au film et de ce que j’appellerai la visée égalitariste du cinéma: les hiérarchies n’y paraissent que fragiles et contestées. Chez les ouvriers-cinéastes comme chez les cinéastes militants, il arrive
que dans les mailles de l’objectif se faufile de plus en plus souvent le motif
du subjectif : suivre, par exemple, le passage progressif au principe
subjectif de À bientôt j’espère (1967, Chris Marker et Mario Marret : formation
syndicale et politique d’un militant, individualisé, subjectivisé,
remodelé en personnage de film) à Classe de lutte (1969, groupe
Medvedkine de Besançon: centré sur le personnage d’une militante filmée,
elle, non seulement dans ses luttes mais dans sa vie, et devenue clairement « actrice » du film), puis à Lettre à mon ami Paul Cèbe (1970, Michel
Desrois, Antoine Bonfanti, José Tey et le groupe Medvedkine de
Besançon : virée en voiture avec suite de voix, sorte de road movie
avant l’heure, où l’improvisation, le plaisir, l’ironie, l’insolence, la
liberté font le jeu et deviennent le sens même de la lutte – i.e. du
film). La forme des films pourra désormais être revendiquée et prise comme |
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