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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Cinéma et politique 1956-1970 : Les années pop

Bpi-Centre Pompidou

2001


AVANT-PROPOS

« Il était temps... Quelle expression pourrait rendre compte de ce qui s'est passé ? Trou de mémoire ? Interruption dans la transmission ? Passage raté ? Chaînon manquant ? Absence de traces ? Ou bien refoulement actif, oubli délibéré, volonté de n'en rien savoir ou de ne plus rien en savoir ? Il était temps que la possibilité soit enfin donnée à chacun de se rendre compte, de façon autre que fragmentaire, erratique, partielle ou dispersée que quelque chose de décisif s'était passé dans le cinéma, un peu partout dans le monde, entre le coup d'éclat de la Nouvelle Vague en France à la fin des années cinquante et l'apparition au milieu des années soixante-dix d'une nouvelle génération de cinéastes. » Jean Narboni « Qu'est-ce qui a bougé dans le cinéma des années 1960 pour quelqu'un qui se préoccupait des relations que le cinéma était susceptible d'établir avec la politique ? Il me semble incontestable qu'au cours de cette période le cinéma a renforcé son rôle d'opérateur critique de la représentation et que l'accomplissement de ce rôle, aux yeux de beaucoup, devenait la condition nécessaire à la réalisation de toute interaction forte avec la politique. Politique et cinéma devait s'articuler sur un autre mode que celui de la représentation. » Gérard Leblanc « Le tourbillon des révoltes gravitant autour de 68, avant, pendant, après, aura-t-il entre autres remises en cause, entraîné celle des systèmes d'écriture du cinéma dit militant, qui se renforce au tournant de ces années-là ? S'il est vrai que ces films se fichaient de passer ou non pour des « ouvres » et qu'ils n'aspiraient ­ déjà belle ambition ­ qu'à faire bouger la conscience politique du moment, le recours au cinéma (plutôt qu'aux tracts, meetings, actions exemplaires) n'avait cependant rien d'innocent ni d'inoffensif : qui filme impunément ? »

Jean-Louis Comolli

 

SOMMAIRE

Préface
par Gérald Grunberg, directeur de la Bibliothèque publique d'information

Les futurs antérieurs
par Jean Narboni

Sous la représentation, le cinéma
par Gérard Leblanc

Ici et maintenant, d'un cinéma sans maître ?
par Jean-Louis Comolli

I. Cinéma en politique
II. Qui dit : Moi, un Noir ?
III. Visite interdite : Terre sans pain

Cahier iconographique

Cinéma et politique : 1956-1970, filmographie commentée

Biographies

Index des réalisateurs et des films cités

Remerciements

 

PRESSE :

"De Chris Marker à Otar Iosseliani en passant par Straub et Syberberg, Skolimowski et Glauber Rocha, ils incarnent la richesse d'une période radicale, non-légendaire, occultée par la mémoire cinéphile dominante."
- J.-M. F., 23 novembre 2001 , Le Monde

"Conçu pour accompagner l'exposition du printemsp dernier, ce livre regroupe trois textes de Jean-Louis Comolli, Gérard Leblanc et Jean Narboni, ainsi qu'une excellent filmographie commentée."
- J.-S. C., novembre 2001 , Les Cahiers du cinéma

"La lecture de cet ouvrage, conçu à l'occasion de la manifestation Cinéma et Politique à la BPI du Centre Pompidou en mai et juin 2001 dans le cadre de l'exposition Les Années pop , a valeur de témoignage (les auteurs, chacun dans un geste particulier et miliant, furent acteurs de ce mouvement cinématographique et politique) d'un temps passé où le regard et l'analyse critique de ceux même qui y participèrent s'élaborent dans le champ du discours politique."
- Nadia Meflah , Objectif cinéma

DETAILS :
Titre Cinéma et politique : 1956-1970
Soustitre Les années pop
Auteurs Jean-Louis Comolli, Gérard Leblanc, Jean Narboni
Langue français
Éditeur original Bpi-Centre Pompidou
Format version papier
ISBN 2842460553
Date de publication juillet 2001

 

EXTRAIT (reproduit avec l'aimable autorisation de la BPI © Bpi/Centre Pompidou, 2001):

Il y a les maîtres contre qui combattent les films et il y a les maîtres des films, dont les spectateurs sont priés d’emboîter le pas (suivez le guide).
De la fin des années soixante au début de la décennie soixante-dix, la passe où s’engage le cinéma militant apparaît aujourd’hui comme celle d’une découverte progressive des puissances ambivalentes du cinéma, pièges et vertiges. Il suffit de confronter par exemple Misère du Borinage (19331, Joris Ivens et Henri Storck), entièrement gouverné par un commentaire-maître dit avec toute l’autorité requise par la fameuse voix on, voix du guide, voix d’en haut, du dessus, du sommet vers la base, de la lumière vers les ténèbres, du savoir vers l’ignorance – et les premiers films «Medvedkine » dont il sera question ici, où la voix du maître – celui qui a pouvoir de commenter – est toujours contrée par d’autres voix, contrainte au dialogue, au doute, au silence.

Le maître devient sujet

Le « contenu » (la cause, la ligne, la propagande, le thème politique) paraît toujours premier, mais ce n’est qu’apparence : ces films se posent et nous posent de plus en plus explicitement la question du sujet de l’énonciation, de sa place, de sa relation au(x) sujet(s) de l’énoncé, de son « ici et maintenant ». Autrement dit, s’insinuant au premier plan, des questions de forme, des enjeux d’écriture. Comment filmer, comment parler, comment écouter, comment tenir dans la durée, comment poser des questions, comment cadrer, comment aborder ou quitter un récit d’expérience, comment dire ou ne pas dire qui filme, et pourquoi, et comment ? – jusqu’au vertige entraîné par l’emboîtement de toutes ces questions dans une cascade de mises en abyme qui ne manque pas d’affecter la place, à son tour, du spectateur, ses conforts, ses convictions, ses croyances. Les logiques elles-mêmes de l’écriture cinématographique à tout coup convoquée dans chaque expérience de cinéma militant poussent celles et ceux qui réalisent ces films, qui y jouent, à accepter et reconnaître dans leurs luttes les dimensions du jeu signifiant, le jeu des mots et des corps, des présences et des absences. La grève, la lutte deviennent récit, ce récit passe par des mots et des corps, des gestes et des lumières qui se nouent dans l’écriture cinématographique : événements filmés changés en événements filmiques.

Vingt-cinq ou trente ans après Brecht et Benjamin, se trouve de nouveauébranlé, s’il est loin encore de s’effondrer, le pouvoir terroriste, dans les débats militants, du sempiternel recours à la sacro-sainte opposition entre « objectivité » et « subjectivité », monde et écriture. Ici et là, dans quelques films exemplaires de cette tempête d’outre-mai, et d’abord ceux des groupes Medvedkine3, le souci d’écriture est clairement revendiqué – bien qu’il arrive toujours que l’increvable doxa militante le fasse passer pour une complaisante frivolité liée à une subjectivité elle-même rejetée comme faiblesse narcissique par les porteurs de cette doxa, fort bien abrités, eux, derrière le paravent de « l’objectif », et se permettant, du coup, de manipuler, c’est-à-dire de mépriser formes et signes comme s’ils en étaient maîtres et qu’ils puissent, de cette maîtrise, tirer une impunité supérieure. Le fait cinématographique résiste à la fixation d’un point de vue dominant, en raison à la fois de la nature rebelle du lien qui noue le spectateur au film et de ce que j’appellerai la visée égalitariste du cinéma: les hiérarchies n’y paraissent que fragiles et contestées.

Chez les ouvriers-cinéastes comme chez les cinéastes militants, il arrive que dans les mailles de l’objectif se faufile de plus en plus souvent le motif du subjectif : suivre, par exemple, le passage progressif au principe subjectif de À bientôt j’espère (1967, Chris Marker et Mario Marret : formation syndicale et politique d’un militant, individualisé, subjectivisé, remodelé en personnage de film) à Classe de lutte (1969, groupe Medvedkine de Besançon: centré sur le personnage d’une militante filmée, elle, non seulement dans ses luttes mais dans sa vie, et devenue clairement « actrice » du film), puis à Lettre à mon ami Paul Cèbe (1970, Michel Desrois, Antoine Bonfanti, José Tey et le groupe Medvedkine de Besançon : virée en voiture avec suite de voix, sorte de road movie avant l’heure, où l’improvisation, le plaisir, l’ironie, l’insolence, la liberté font le jeu et deviennent le sens même de la lutte – i.e. du film). La forme des films pourra désormais être revendiquée et prise comme
un élément décisif de leur signification et de leur portée politiques, donc de leur pertinence. Je dirai (rapidement) que c’est sous l’influence d’une part du cinéma de Jean Rouch – révolution d’une émergence perturbatrice des modes de la subjectivité dans le cinéma documentaire ; et d’autre part sous l’effet du travail entamé aux Cahiers du cinéma dès 1967, et poursuivi non sans acharnement toutes les années suivantes et
jusqu’en 1980-1981, que vient à nombre de cinéastes militants le désir de s’interroger sur la justesse non seulement de leur cause, mais de leur pratique propagandiste – qui ne conçoit le film que comme vecteur de mobilisation. Si l’on pouvait à l’époque affirmer (sans sourire) que « tout film est politique », c’était avant tout parce qu’il nous semblait indiscutable que tout film inscrit un « point de vue4 », un « d’où » ça filme, parle,écoute, voit ; qu’une « absence » de point de vue est encore un point de vue; que toute position de caméra, toute disposition de corps, toute opération de montage, y compris les plus nulles, n’est rien que geste d’écriture; qu’un « degré zéro du cinéma » implique une décision d’inscription, une prise d’écriture, une élaboration signifiante, voire un parti esthétique, dès lors que les paramètres techniques de la machine5 au même titre que les déterminants idéologiques des hommes qui tournent autour de cette machine ne peuvent pas ne pas signifier, ne pas renvoyer à un tableau plus complexe, celui des enjeux de sens et des rapports de force en oeuvre dans les sociétés – dans le monde, ce monde que les films militants, justement, ne veulent pas congédier. Et je me demande aujourd’hui si la leçon du slogan « tout film est politique » n’était pas (insidieusement) que, filmée, la politique ne pouvait que se plier au jeu du cinéma.