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A propos
d'une crise endémique, quelques chiffres par Guy Attombert (année 1977)
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L'année
1977 se caractérise, pour l'industrie cinématographique
française, par :
• le
plus bas niveau de fréquentation atteint depuis 20 années
;
• une production assez stable du nombre des films et de
l'investissement ;
• l'augmentation du nombre des films à petits budgets
;
• l'augmentation du chômage dans la profession ;
• la participation accrue de la TV dans la production ;
• la diminution du nombre de fauteuils.
• le refus de l'État d'adoucir les charges financières
du cinéma.
La
crise endémique que traverse le cinéma français
a pris, cette année passée, un tour plus aigu et toutes
les organisations professionnelles ont lancé un nouveau cri
d'alarme, soulignant la situation de plus en plus inquiétante
de cette industrie qui est aussi, parfois, un art. La Revue du Cinéma
a consacré plusieurs articles à ces problèmes.
Mais il semble bien que ce soit encore une fois en vain que le cinéma
français tente de se faire entendre du pouvoir.
M. d'Ornano, ministre en 1977, après avoir reçu les
rapports de commissions de travail (rapports cinéma-télévision
-moyens de développer l'exportation - financement de la production
- fiscalité et TVA - aide à la création...) annonçait
un programme « d'action » comportant des mesures financières,
des actions nouvelles et des réformes. En voici des extraits
:
Mesures financières
« Pour redresser la situation économique du cinéma,
il faut commencer par des mesures qui auront des effets directs sur
le niveau des investissements et de l'emploi. (...) Abaissement du
taux de la TVA
« Réunie en application de l'article 88 de la loi de
finances pour 1978, une table ronde comprenant des parlementaires,
des professionnels et des représentants des administrations
a examiné le régime d'imposition à la TVA de
l'industrie cinématographique... J'ai été convaincu
par les justifications de caractère économique et culturel
qu'elle a présentées en faveur de l'abaissement des
taux de TVA... C'est pourquoi j'ai décidé de soumettre
ce rapport au Premier ministre afin qu'une suite puisse être
donnée aux deux propositions qu'elle contient :
•
l'abaissement, par voie réglementaire du taux de la TVA
pour les industries techniques de 33,33 % à 17,6 % ;
• l'abaissement, par un texte législatif, du taux
de la TVA sur le spectacle cinématographique de 17,6 à
7 %.
«
Dès maintenant, le gouvernement a décidé que
le taux de la TVA sur les industries techniques serait abaissé
de 33,33 à 17,6% et, tout en étant rendu sensible à
l'importance que présente l'abaissement de la TVA sur le spectacle
cinématographique, a noté que ce problème relevait,
quant à lui, d'un vote du Parlement de la prochaine législature.
»
M.
D'Ornano analyse ensuite l'action du compte de soutien à l'industrie
cinématographique, rappelant qu'il est alimenté par
une taxe spéciale additionnelle sur le prix des places qui
représente près de 14% de la recette perçue par
les salles, soit environ 300 millions de francs, dont 150 sont affectés
à la production de films et 110 à l'équipement
et la modernisation des salles.
« J'entends, écrit le ministre, que l'action de ce soutien
financier s'exerce de la façon la plus efficace en faveur des
investissements dans le cinéma. Il s'agit de veiller à
ce que l'emploi de ces ressources soit systématiquement orienté,
d'une part vers la production de films nouveaux réalisés
dans des conditions financières saines et répondant
aux aspirations du public, d'autre part vers la mise en place des
nouveaux équipements nécessaires au cinéma (restructuration
du réseau de salles et des industries techniques). »
Le « plan » d'Ornano comportait également des «
actions nouvelles et des réformess », à savoir
« améliorer les conditions de production des films français
», « rendre plus efficaces et plus cohérentes toutes
les actions relatives à la formation des hommes et à
l'accès à la crétion », « encourager
la fréquentation des salles de cinéma par la politique
des prix et les modes de diffusion des films », « développer
les exporations des films français », enfin « parvenir
à l'équilibre dans les relations entre cinéma
et télévision ». tout cela restant vague, incolore,
ne débouchant que sur la création... de nouvelles commissions
chargées de trouver les remèdes miracles.
Le Bureau de Liaison des Industries Cinématographiques (qui
groupe les chefs d'entreprises) tenait au lendemain de la publication
du texte ministériel une conférence de presse maussade,
et son président, M Sallard, s'il manifestait ce qu'il appelait
« une certaine satisfaction devant un plan cohérent »
n'en rappelait pas moins que l'abaissement de la TVA à 7 %
était demandé par le Parlement... depuis déjà
sept ans !
On rappelait à nouveau qu'en 1977 la Télévision
avait diffusé 524 films dont 348 en soirée et qu'elle
continuait à les louer à un prix dérisoire ne
représentant pas 10 % du coût d'une dramatique télévisée
! Chacun constatait que, sur ce problème crucial des rapports
cinéma-télévision, aucun véritable changement
n'était en vue, alors que cette même télévision
coproduisait de plus en plus dans le cinéma pour obtenir des
films récents.
Soulignons
d'ailleurs que, au ministère de la Culture, le budget du cinéma
ne représente que 1 % du budget de ce ministère, un
ministère qui émarge pour 0,57 % au budget général
de l'État !
Quant
à la TVA à 17,6 %, le cinéma est le seul spectacle
à être taxé aussi lourdement : le strip-tease
ne paie que 7 %, et le théâtre, les ballets, les concerts,
sont taxés à 2,10 % pour les 140 premières représentations
!
Ainsi
donc, le cinéma français va continuer à vivoter,
produisant vaille que vaille ses 200 films par an (dont plus de 50
« pornos »). Il continuera à ne pouvoir pratiquer
une politique de création indispensable à son rayonnement,
ses spectateurs continueront à le bouder de plus en plus (en
1977, 4,18% de spectateurs en moins et 13 % de moins pour le film
français, c'est à dire plus de 7 millions de spectateurs
disparus). « Cette lente agonie », comme l'écrit
René Bonnel dans son remarquable «Le cinéma exploité»
est partie de 1957; on constatera, dans les tableaux qui illustrent
cet article que, de cette année 1957 à celle écoulée,
le cinéma français a perdu 243 millions de spectateurs
en vingt ans, tout comme, en moins de dix ans, 646 salles ont disparu
et 613 000 fauteuils (1).
Nous pouvons bien avoir neuf films français parmi les seize
qui ont le mieux marché, la saison qui s'achève : ce
n'est pas cela qui fait un cinéma prospère.
Tributaire d'une fiscalité exorbitante, victime d'une concurrence
déloyale, ne manquant pas de créateurs, mais des moyens
de la création, clamant depuis si longtemps qu'il meurt, le
cinéma français pourrait bien, comme l'anglais et l'allemand,
mourir vraiment sans que personne ne s'en aperçoive. Sauf ceux
qui se battent pour qu'il vive et qui, eux, en vivent très
mal.
Quy Attombert
(1)
Statistiques du CNC.
Parc des salles
(Statistique au 1er janvier 1977)
Le nombre total des salles s'élevait à 4 270, offrant
1 751 160 fauteuils, et se décomposant comme suit:
Moins de 300 places : 1 818 (41,49 %) et 336 757 fauteuils (20,04
%) De 300 à 399 places : 854 (19,48 %) et 290 508 fauteuils
(17,29 %) De 400 à 499 places : 601 (13,71 %) et 264 577 fauteuils
(15,74 %) De 500 à 699 places : 661 (15,08 %) et 379 578 fauteuils
(22,59 %) De 700 à 999 places : 332 ( 7,57 %) et 269 261 fauteuils
(16,02 %) 1 000 places et plus (1) : 117 (2,67 %) et 139 977 fauteuils
(8,32 %)
(1) Deux salles, une à Paris, une à Lille.
En comparaison, en septembre 1968, on comptait 4916
salles pour 2364692 fauteuils soit une perte, en 9 ans, de 646 salles
et de 613 532 fauteuils.
jamais atteint
par l'exploitation cinématographique (- 4,18 % sur 1976), soit,
en 20 années, une perte de : 243 millions de spectateurs.
Spectateurs
1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963
411,6 millions de spectateurs 1964
371, 0 1965
353, 7 1966
354, 6 1967
328, 3 1968
311, 7 1969
292, 0 1970
275, 8 259, 0 234,17 211,45 203,24 183,88 184,42
1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977
176,98 184,40 175,96 179,40 180,71 176,04 168,68, chiffre le plus
bas
La production française
1976
: 214 films pour 589,71 millions de francs
Répartition suivant l'importance du devis
BUDGET (en millions de francs) FILMS 100% FRANÇAIS COPRODUCTIONS
TOTAL
Moins de 0,6 De 0,6 à 1 De1 à 2 De 2 à 3 Plus
de 3 81 18 24 11 36 1 1 9 5 28 82 19 33 16 64
1977 : 222 films pour 599,11 millions de francs
BUDGET FILMS 100% FRANÇAIS COPRODUCTIONS TOTAL
Moins de 0,6 De 0,6 à 1 De1 à 2 De 2 à 3 Plus
de 3 103 16 19 12 40 0 3 2 4 23 103 19 21 16 63
A noter que dans les 103 films se trouvent la totalité des
films « de caractère pornographique » L'investissement
financier purement français est de 512,10 millions de francs
soit 85,5 % du total.
Les films qui ont marché : Saison 77-78 (août
77 - juin 78) Paris et 11 grandes villes
Francs Entrées
Bernard et Bianca USA 29 896 807 1 155063
Guerre des étoiles USA 23526 137 1 010667(*)
L'espion qui m'aimait G.B. 21 615358 938146
Rencontres du 3' type USA 21 188140 797 874 (*)
L'animal F 1 7 642 286 729 409
Diabolo-menthe F 17053786 765 999
Nous irons tous au paradis F 15919063 710911
La fièvre du samedi soir USA 15521 032 580 843 (*)
La zizanie F 14972207 538 163(*)
La coccinelle à Monte-Carlo USA 14222849 56Ô212(*)
L'Hôtel de la Plage F 13952412 575 874 (*)
Tendre poulet F 13418936 565 422
Emmanuelle 2 F 12725445 521 738 (*)
Mort d'un pourri F 12669022 541 435
Deux super-flics It. 12414994 510893(*)
La vie devant soi F 12401 472 564 935 (*)
(*) Films encore en 1™ exclusivité au 6.6.78. (Documents
: Le Film français 1 727 du 16 juin 1978.)
16 films ont encaissé plus de 12 000 000 de francs, dont 9
films français.
On
ne tire pas sur une ambulance Cinéma TV
par Pascal Mérigeau et Jacques Zimmer
Les doléances que l'industrie cinématographique adresse
à la télévision avec constance depuis plusieurs
années peuvent se résumer brièvement par :
- la télévision achète pour une bouchée
de pain des films dont le passage sur l'antenne
interrompt définitivement la carrière ; ce faisant,
la télévision vide les salles, le té
léspectateur préférant assister grauitement (ou
presque) à une projection à domicile plu
tôt que d'affronter les rigueurs de l'hiver pour un spectacle
onéreux.
Il va de soi que ces assertions, si elles comportent une part indiscutable
de vérité, mériteraient sur bien des points d'être
largement nuancées : sans être particulièrement
médisant, on peut se poser quelques questions. Par exemple
: Quelle est la part de responsabilité des trois ou quatre
grands trusts de l'industrie cinématographique dans la désaffection
des spectateurs ? Quelle est la part des pouvoirs publics dans le
démantèlement de l'ORTF et l'asphyxie de la création
?... Les choses, dans ce domaine, n'évoluant que pour empirer,
nous renvoyons le lecteur fidèle au n°224 de janvier 1969,
hélas toujours d'une parfaite actualité. Pour l'heure,
notre souci est d'apporter quelques éléments chiffrés
à un débat qui reste ouvert ; du moins aussi longtemps
que chacun des protagonistes reste en vie. Après avoir fait
le point sur la diffusion et la production des films par la télévision,
nous vous proposons quelques conclusions fragmentaires à propos
de la fréquentation des films sur le petit écran.
En
1977, le cinéma en France a connu une baisse de fréquentation
de l'ordre de 4,18% par rapport à l'année précédente.
Dans le même temps, les recettes augmentaient de 4,47 %, hausse
nettement inférieure à celle du coût de la vie.
En décomposant quelque peu ces chiffres, on s'aperçoit
que les films français ont enregistré une baisse de
12,84% (ils représentent 46,52 % du nombre total des entrées),
alors que les films américains marquent une progression de
5,43 % (30,5 % du total des entrées). La baisse n'est donc
pas aussi générale que certains veulent bien le dire,
ou du moins ne se répartit-elle pas de façon uniforme.
Pour expliquer cet état de fait, les professionnels du cinéma
lancent des accusations au premier rang desquelles ils placent le
rôle joué par la télévision. Il ne s'agira
pas ici de faire le tour de la question, de définir les parts
de responsabilité. Il nous a simplement semblé utile
de donner quelques indications sur l'état des rapports cinéma-télévision.
On ne trouvera ici aucune information inédite (tous les chiffres
regroupés ont été publiés par Le Film
français, sans lequel ce travail n'aurait certes pas été
possible), mais simplement un certain nombre de renseignements que
tout lecteur de La Revue du Cinéma ne possède pas obligatoirement.
La
diffusion des films à la télévision
D'après
les derniers recensements, on compte en France 14693156 foyers équipés
de récepteurs de télévision, dont 3115 587 couleur.
Le volume horaire global se répartit ainsi :
TF1 : 7 h 30 par jour, 10 h 45 le samedi, 13 h 30 le dimanche A2 :
8 h 15 par jour FR3 : 4 h par jour
En 1977, la diffusion de films de cinéma représentait,
en pourcentage du volume total des programmes diffusés, 5,8
% pour TF1, 5,3 % pour A2 et 26,5 % pour FR3 (contre 6 %, 6,6 % et
30 % en 1975).
On peut voir sur le tableau (A) la progression du nombre de films
diffusés depuis 1959. Cette progression est de l'ordre de plus
de 400 % (de 103 films en 1969 à 526 en 1977).
En 1975, TF1 s'était engagé à ne pas dépasser
125 films par an, et A2 à restreindre la programmation des
films pour arriver à 100 seulement en 1977. Cependant, les
chaînes s'en sont tenues aux dispositions du cahier des charges
(TF1 : 150 films, A2 : 150 films, FR3 : minimum de quatre films par
semaine), d'autant que ces chiffres « à ne pas dépasser
» ne font pas entrer en compte les programmes mis en place les
jours de grève. Le cahier des charges prévoit également
un minimum de 50 % de films français, ou « d'initiative
française ». L'apparent non-respect de cette disposition
pour ce qui est de A2 et de FR3 s'explique par le fait que la clause
ne joue pas pour les films dits « de ciné-club »,
et diffusés après 22 h 30. En fait, si illégalité
il y a, elle réside surtout dans l'utilisation abusive qui
est faite du terme « téléfilm », qui désigne
parfois « officiellement » des films de cinéma
; le plus souvent américains, inédits en France; il
est bien évident qu'une telle entorse à la règle
fait le bonheur des cinéphiles vigilants.
Quoi qu'il en soit, on demeure bien loin de ce que demandaient les
professionnels du cinéma au moment de l'élaboration
du cahier des charges, à savoir la programmation d'un maximum
de 240 films par an. Ils demandaient également que le prix
d'achat minimum soit fixé à 250 000 francs hors taxes
pour les films programmés en semaine, et à 500 000 francs
hors taxes pour les films programmés le dimanche soir.
En 1976, le prix d'achat moyen d'un film français était
de 218 984 francs. Pour un film étranger, 166385 francs. Certains
films américains déjà largement amortis dans
leur pays d'origine sont même achetés 50 000 francs,
c'est-à-dire le prix des 30 secondes de publicité les
moins chères (avant 19 h 30). (30 secondes de publicité
le dimanche entre 20 h et 20 h 45 coûtent 142 000 francs.)
Pour 1977, on estime à environ 100 millions de français
le coût global de l'achat des 526 films programmés. Si
elle avait dû produire autant de dramatiques, il en aurait coûté
à la télévision environ huit fois cette somme.
Grâce à l'action de la PROCIREP (qui regroupe 70 % des
producteurs), le prix d'achat des films a sensiblement augmenté
depuis deux ans. Il n'en demeure pas moins extrêmement bas,
surtout si on s'en réfère à ce qui se passe par
exemple aux États-Unis, où les chaînes sont prêtes
à payer le prix fort. (Autant en emporte le vent vient d'être
acheté 20 millions de dollars).
On peut toujours dire aux producteurs que s'ils jugent insuffisants
les prix proposés par la télévision, rien ne
les oblige à vendre. Mais la misère qui règne
à tous les niveaux dans la production française est
telle qu'il leur est pratiquement impossible, selon leur logique propre,
de résister à l'attrait qu'offre la perspective d'une
rentrée d'argent frais. Possibilité leur est également
donnée de se débarrasser de stocks de films dont la
carrière semble terminée. En contrepartie, il leur faut
bien sûr intégrer au lot des films dont au contraire
le succès populaire est réel, ce qui explique la diffusion
par la télévision de films parfois très récents
qui auraient pu attirer encore de nombreux spectateurs dans les salles.
Dire que la carrière d'un film est terminée sitôt
qu'il a été programmé à la télévision
est sans doute faux. La télévision peut au contraire,
dans un certain nombre de cas, contribuer à la promotion des
films. Il n'en demeure pas moins que les exploitants se refusent à
ce type de ressorties.
Autre élément déterminant, la quasi-disparition
des salles dites de répertoire, provoquée par la multiplication
des salles, qui toutes se veulent d'exclusivité.
La carrière d'un film est de plus en plus courte. Le nombre
de copies augmentant sans cesse, la durée d'utilisation d'un
film se réduit maintenant à quelques semaines. La vente
à la télévision apparaît ainsi pratiquement
comme une aubaine, même si les prix demeurent relativement bas.
Autre effet décisif de la multiplication des salles, la dégradation
de la notion de service. Les conditions de projection sont de plus
en plus mauvaises, on entasse
les spectateurs dans de véritables couloirs. Les écrans
diminuent de plus en
plus, et on comprend très bien que les gens préfèrent
rester chez eux, pour voir
un film dans des conditions de confort bien supérieures, et
d'une qualité d'image à peine inférieure à
ce qu'on leur propose dans les salles. D'autant que les prix, eux,
n'ont pas cessé de grimper.
Il
est assez symptomatique de constater que le seul secteur qui se maintienne
à peu près est celui des films X. L'amateur n'a aucune
chance en effet de voir ces films sur le petit écran. Bien
mieux, on commence même à trouver des salles de répertoire
pour films pornographiques : double programme, composé de films
dont l'exclusivité est terminée depuis plus ou moins
longtemps, à des prix extrêmement bas. Paradoxalement,
c'est bien le seul domaine dans lequel on puisse parler encore de
cinéma populaire. (Le phénomène est sensiblement
le même pour les films de karaté, mais leur diffusion
demeure cependant relativement limitée).
Il nous semble en fait que la responsabilité des professionnels
du cinéma est en l'occurrence énorme. A force de mépriser
le public, ils ont fini par le dégoûter presque complètement,
et il préfère rester chez lui. Encore faudrait-il parler
également de la baisse certaine de la qualité moyenne
des films...
A
ce propos, il est bien difficile de ne pas évoquer l'affaire
du «Masque et la Plume». Dès 1974, un texte professionnel
affirmait : « La promotion du cinéma à la télévision
devrait être faite en accord complet avec la profession et devrait
permettre notamment le choix par le producteur ou le distributeur
du film, responsables de sa promotion, de la ou des séquences
présentées. » La profession demandait «
qu'il n'y ait aucune émission critique sur le cinéma
à la télévision ». La suppression de l'émission
« Le Masque et la Plume » est considéré
par la profession comme une de ses plus grandes victoires. Tout en
n'ayant guère de sympathie pour les numéros de cirque
que permettait de mettre en place l'émission, force est de
constater que l'attitude des professionnels du cinéma est révélatrice
de leur volonté de ne pas traiter le spectateur en adulte.
Toujours ce mépris, qui finit par coûter très
cher au cinéma français.
La coproduction cinéma-télévision
La SFP, l'INA et FR3 héritèrent, chacun à leur
compte, de la carte de producteur acquise par l'ORTF en 1972. Possibilité
leur fut alors donnée de faire bénéficier le
cinéma « d'apports financiers et d'apports techniques
en personnel et en matériel, l'ensemble de ces contributions
n'atteignant pas, sauf dérogation exceptionnelle, 50 % du coût
de la production ou 50 % du montant de la part française en
cas de coproduction internationale ».
Les produits de telles collaborations « ne doivent être
libres à la diffusion sur les antennes des télévisions
qu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois après
leur mise en exploitation cinématographique, avec possibilité
de prolongation de ce délai par accord entre les organismes
de TV coproducteurs et le ou les coproducteurs ressortissant à
l'industrie cinématographique, ce délai de dix-huit
mois pouvant être par ailleurs réduit à douze
mois par accord entre les co-contractants ». (Cette possibilité
de réduction ne concerne pas FR3.)
Par ailleurs les chaînes versent 20 millions de francs au fonds
de soutien du cinéma.
En réalité, TF1 et A2 participent également,
de façon plus ou moins directe, à la production de films
de cinéma. Mais cette participation n'est bien sûr pas
désintéressée, et elle s'accompagne très
souvent d'achats de droits de diffusion à des prix très
réduits. C'est ainsi que Françoise Gailland et Le juge
et l'assassin ont été achetés pour 150000 francs,
et Cours après moi que je t'attape pour 200 000 francs.
En trois ans la coproduction cinéma-TV a donné naissance
à 93 films, dont 33 pour la SFP (9 en 1975, 16 en 1976, 8 en
1977), 37 pour FR3, et 23 pour l'INA. TF1 a participé financièrement
à la production de 8 films. A 2 a coproduit 5 films et a effectué
des achats anticipés portant sur 14 autres. Les chaînes
n'agissent en fait pas en véritables producteurs, mélangeant
le montant de leur participation financière et le prix d'achat
pour la diffusion des films. En outre, entreprises d'État,
elles exercent une pression certaine sur les auteurs et les réalisateurs,
interdisant ainsi le tournage de films aux sujets jugés dangereux.
L'amour violé, de Yannick Bellon, et un sujet proposé
par Jacques Doillon furent ainsi refusés.
Avec de plus en plus de vigueur, gens de cinéma et professionnels
du cinéma se renvoient la balle, s'accusant mutuellement de
tous les maux. En fait, il apparaît surtout qu'à l'origine
de la crise que traverse actuellement le cinéma il faille placer
la faillite totale d'un système de production, de distribution
et d'exploitation ayant pour principe de base la navigation à
vue. La télévision exploite cette faillite au mieux
de ses intérêts, au risque d'accentuer encore la précarité
de la situation.
_
Pascal Mengeau
A) Les films diffusés à la télévision
Années
Films
Français Étrangers Total
1959 40 63 103
1961 50 67 117
1963 42 64 106
1965 98 187 285
1967 130 212 342
1969 128 221 349
1971 194 198 392
1973 190 270 460
1975 203 266 459
1976 252 265 517
1977 253 273 526
(*) mise en service de la 2" chaîne : 18 avril 1964 mise
en service de la 3' chaîne : 1" janvier 1973
B) Répartition par chaînes en 1977
Chaînes
Français Étrangers Total
TF1 A2 FR3 77 54 122 69 76 128 146 130 250
C)
Origine des programmes de télé (en pourcentage du volume
des programmes diffusés)
Commandes
à la SFP Coproductions Achats Production interne
TF1 1975 A2 FR3 21,11 0,4 7,9 2,7 3,8 21,7 25,2 48,7 49,1 47
TF1 1976 A2 FR3 19,5 21,2 0,2 7,7 3,8 4,4 19,8 29,29 44,3 52,8 42,9
50,9
TF1 1977 A2 FR3 15,9 29,8 6,9 3,4 7,8 19,1 28,2 39,1 57,8 38,1 53
D)
Types de programmes diffusés par l'ensemble des
chaînes en pourcentage du volume total
1974 1977
Information 29,2 35,8
Émissions artistiques et documentaire 15,6 12,1
Émissions de fiction 29,3 38,8
Variétés, jeux... 9,8 14,9
Sports 8,5 5,2
Émissions pour la jeunesse 5,6 6,7
Émissions religieuses 2,0 1,5
100 100
La Société française de production (Société
héritière des moyens de production lourds de l'ORTF.
Principal fournisseur de TF1 et A2 en 1977)
Production
annuelle de la SFP en nombre d'heures
TF1 A2 FR 3 Autres Total
1975 657 364 7 55 1 083
1976 682 362 10 62 1 116
1977 (estim 515 ation) 298 6 103 923
En 1977, la SFP a coproduit 8 films pour le cinéma. «
La SFP propose de créer à Bry-sur-Marne un vaste ensemble
de production de films comprenant notamment huit studios de tournage
et l'environnement logistique indispensable à leur bon fonctionnement.
»
Indépendamment des organismes d'État, existent des sociétés
privées de production télé et de prestations
techniques. Les commandes passées à ces sociétés
par les chaînes sont en augmentation sensible, alors que le
nombre de commandes passées à la SFP est en baisse.
L'Institut
national de l'audio-visuel (Né en 1975 de l'éclatement
de l'ORTF).
Ressources
Tous les organismes issus de l'ORTF, à l'exception de la SFP,
à savoir TF 1, A 2, FR 3, Radio France et Tdf versent une contribution
forfaitaire à l'INA. Les sociétés de programmes
et Tdf versent également des cotisations destinées à
la Formation professionnelle.
Activités
1) La formation professionnelle, sous forme de stages (4 500 environ
par an)
où sont enseignés à Bry-sur-Marne tous les métiers
de l'audio-visuel.
2) Les archives
- cinémathèque actualité
- vidéothèque
- les Actualités françaises
- phonothèque
3) Production et coproduction
Fournit chaque année aux sociétés de programmes
60 heures d'émission. L'INA souhaiterait que ce chiffre soit
porté à 100. L'INA est également producteur de
cinéma.
4) La recherche
5) La diffusion internationale
Production 1975 10 (dont 2 TV) • Volume horaire
de longs métrages 1976 16 (dont 6 TV) I des productions INA
:
1977 17 (dont 12 TV) I 1975 48 heures
' 1976 55 heures
| 1977 63 heures
Moyens métrages 1975 8 i
(TV uniquement) 1976 8 I
1977 3 I
I
Courts métrages 1975: 5 I
(TV ou cinéma) 1976: 1 I
1977: 13 I
|