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          Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Maître de conférences

 
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Les caméras DV : Vers de nouvelles pratiques artistiques et une nouvelle économie du cinéma ?


« Pour qu’une image soit belle, il faut d’abord qu’elle raconte quelque chose » : Coline Serreau
« J’ai tourné Chaos en DV et, pour la première fois de ma carrière – à part peut-être sur mon tout premier film -, j’ai eu un vrai sentiment de liberté. J’irai même plus loin : j’ai eu l’impression que j’avais enfin la possibilité de faire vraiment du cinéma. Avant je m’emmerdais à essayer de faire du cinéma quand les milliers de contraintes du tournage m’en laissaient le temps. Maintenant je fais du cinéma à 100%. Quand on tourne en DV, sur dix heures de tournage, on fait neuf heures quarante-cinq de mise en scène. Au lieu de quoi ?
Trois heures en 35 mm ?
Et l’on tourne où l’on veut, quand on veut, dans n’importe quel espace, avec n’importe quelle lumière. On tourne de nuit dans une ville… Pour la première fois, on peut faire des plans de nuit sublimes, où l’on voit les vraies couleurs.
Et puis, surtout, la mise en scène est fluide et vous êtes libre. Vous pouvez ne vous concentrer que sur la mise en scène, et enchaîner les prises. Vous pouvez faire soixante-dix prises si nécessaire. Et ça ne coûte pratiquement rien. Il n’y a plus cette pression du temps et du budget. Alors maintenant que je peux aller aussi loin dans chaque plan, je me rends compte que c’est ça le cinéma. […]
Quant à ceux qui restent bloqués sur le 35 mm en affirmant que "c’est quand même plus beau…", je suis désolée, mais faut pas exagérer non plus : au cinéma, on n’aura jamais la qualité d’une photo. On n’aura jamais un Rembrandt au cinéma. Pour moi la beauté d’une image cinéma n’est pas dans sa plastique pure, elle est dans sa cinétique. C’est à dire que, pour qu’une image soit belle, il faut d’abord qu’elle raconte quelque chose. […]
Depuis l’arrivée de la vidéo, on a souvent prédit une révolution dans le cinéma qui pour l’instant n’a pas eu lieu. Mais je crois sincèrement que la DV va sacrément changer la donne.
Et j’espère qu’une nouvelle génération va s’engouffrer là-dedans et réinventer une nouvelle façon de faire du cinéma. Une génération qui n’aura plus de comptes à rendre à personne, parce qu’elle pourra faire un film pour 200 000 francs. […]
Personnellement, je pense que cela va me permettre d’accomplir un vieux rêve, qui est de tourner un film muet. J’en ai déjà écrit deux, que je n’ai jamais pu tourner parce que ça faisait trop peur aux producteurs. Mais maintenant qu’il y a la DV, je vais pouvoir le faire. Je sais que c’est le moment »
(« La leçon de cinéma, Coline Serreau », Studio Magazine, octobre 2001).

« Cette mini DV est un outil extraordinaire » Agnès Varda
« Ceux qui se servent d'une DV savent qu'elle prend très bien les très gros plans. On peut s'approcher à cinq ou dix centimètres. Je peux filmer avec une main mon autre main. Il y a une intimité, une proximité de cette petite caméra, qui fait qu'on a la possibilité de regarder très près et de regarder tout seul. Dans chaque cas, il faut penser au type d'outil. Il n'y a pas de technique seule. Une technique est toujours liée à un sujet, à un projet. C'est un rapport aux personnes.
Par exemple, il y a dans le film [Les Glaneurs et la Glaneuse] un type qui mangeait par terre dans un marché. Je l'ai approché en deux mois. Il fallait que j'y aille toute seule. Parfois, je ne filmais pas, la caméra devenait une espèce d'outil qui était avec moi tout le temps. J'ai fait des films en 16 mm, en 35 mm. Ce nouvel outil est non seulement pratique, mais il est petit, on peut s'en servir soi-même. Dieu sait que nous aimons les chefs opérateurs ! N'empêche qu'il y a quelque chose de savoureux, pour quelqu'un qui veut réaliser, à avoir la possibilité de le faire tout de suite. Il y a deux cas : le premier, c'est le côté "reportage". Par exemple, j'arrive
juste quand il se passe quelque chose : un type détruit des télés. Là, c'est le côté "clic-clac" du Leica des photographes. Il faut être juste là au bon moment. Le deuxième, c'est le "carnet de notes" : cela se passe dans la solitude, on croque des idées, des envies d'images, liées à des impressions personnelles. Pour cette petite pensée, je n'irais pas jusqu'à dire à un opérateur : "Tu veux bien filmer ma main car j'ai des rides..." En fait, je n'ai pas envie qu'il regarde mes mains, j'ai envie de les regarder moi-même. Il y a un rapport personnel, immédiat, à des impressions et des pensées. Cette mini DV est un outil extraordinaire. Ce n'est pas le digital qui est extraordinaire, le digital est comme n'importe quel outil manié par des personnes qui savent les manier. La mini DV permet de filmer très facilement - si, comme moi, on n'est pas très calé, on met tout en automatique. Par ailleurs, il y a un petit écran : au lieu d'être caché, planqué, derrière une machine, on utilise ce petit écran qui sert de viseur. Je peux vous regarder dans les yeux, vous filmer, et j'ai l'impression que le contact, la demande, le dialogue se passent d'une façon extrêmement différente. Dans la mini DV, c'est ce petit écran qui est le plus extraordinaire. On a une continuité de contact. Je peux même me filmer, en voyant ce que je filme. Il y a un effet "rapport aux autres", effet "miroir" et un effet "cinéma immédiat", en voyant les images, en les filmant. Cela n'a aucun rapport avec le cadre, aussi précis soit-il. […]
J'aime la pellicule, j'aime la tripoter. J'aime le vieux montage dans les salles de montage où on colle, on décolle, et il y a un temps de réflexion. Ce n'est pas seulement un problème technique. Quand on dit : ce serait pas mal d'ajouter quelques images à ce plan, le temps que le monteur aille rechercher la pellicule, décroche, ouvre la boîte, on pense, on réfléchit. Un travail se fait. Aujourd'hui, il suffit d'appuyer sur un bouton. Ça va très vite, ce n'est pas forcément bénéfique à la réflexion. On est obligé d'inventer une autre méthode. A présent, le soir, je fais une sorte de montage sur papier, un montage abstrait, pour récupérer dans la solitude un temps de réflexion qui faisait partie des actes du montage »
(« La caméra numérique force les cinéastes à ouvrir l’oeil », Le Monde, 15 août 2001)

« Une révolution aussi chargée de sens que l'apparition du roman » Romain Goupil
« Avec les caméras DV, le changement fondamental ne réside pas tant dans la maniabilité que dans le temps. Les cassettes durent 60 minutes : on peut travailler avec l'acteur pendant une heure d'affilée, pour saisir, après, cette minute qu'on ne peut même pas concevoir avec les caméras de type classique - dont le magasin est de 10 minutes maximum. La façon dont on est abrité derrière sa caméra a changé aussi : c'est un changement fondamental, de nature démocratique.
Avec une caméra classique, sur le tournage, je suis Dieu. C'est moi qui décide où le rayon va taper pour qu'il se reflète dans l'oeil du spectateur qui, après, va subir le spectacle. Il n'y a que moi et le chef opérateur qui ayons cette connaissance du secret de fabrication. Tous les autres sur le tournage ne sont que des exécutants. Avec la DV, Agnès Varda ou Alain Cavalier peuvent montrer à la personne : "voilà ce que j'ai filmé, tu peux le dire aux autres. Voilà ce que je cherchais, voilà ce que je n'ai pas, voilà pourquoi... "
C'est un rapport au monde complètement différent, et même au monde technique. Les gens vont pouvoir faire des images, bonnes ou mauvaises (je ne dis pas que tout le monde est cinéaste), et les regarder. Il s'agit d'une révolution aussi chargée de sens que l'apparition du roman. Le fait que les gens aient pu lire des romans largement diffusés leur a donné un autre rapport à leur vie. Là, ils ne vont plus subir les images comme spectateurs de la même manière. Il va y avoir un rapport différent au choix et à la façon de regarder les images»

« Grâce au dispositif technologique léger, on a pu faire vivre le corps » Pascal Arnold
« Jean-Marc Barr et moi voulions écrire avec Too Much Flesh une histoire romanesque autour de la liberté sexuelle d'un personnage qui découvre sa sexualité sur le tard. On a employé la caméra numérique pour se rapprocher des corps. Elle permettait une proximité dans la façon de filmer, de travailler sur la montée du désir plus que sur une représentation du sexe à l'écran. Le film est ponctué de scènes solitaires de masturbation, et de scènes où les corps se touchent, que cette technologie nous a permis de tourner à trois : Elodie Bouchez et Jean- Marc, qui jouent, et moi, qui filme. L'intime appelle souvent l'idée que des gens filment leur intimité, ce qui est une dimension intéressante quand on parle de sexualité, mais dans notre cas, il s'agit de personnages de fiction, dont les rôles sont écrits. Nous voulions être au bord de quelque chose. Dès qu'on parle de sexualité, l'important est la distance qu'on peut avoir avec les corps, et les décisions concernant le champ et le hors-champ, ce qu'on montre et ce qu'on ne montre pas. On s'est beaucoup interrogé avec Jean-Marc. Dans ces séquences-là, grâce au dispositif technologique léger, on a pu faire vivre le corps, c'était notre enjeu. On voulait aborder le personnage qui découvre sa sexualité d'un point de vue hédoniste.
Souvent la sexualité, quand elle est le thème d'un film, est abordée de manière sérieuse. Là, on voulait être dans l'appréhension des chairs et des corps. On essayait de tourner en planséquence ces séquences-là, et dans l'ensemble ce sont des premières prises. Ce qui n'exclut pas la direction d'acteur, on n'est pas dans l'idée que d'un seul coup les deux acteurs "s'éclatent" devant la caméra et que je filme. Ce sont des personnages de fiction, pas la vie intime de Jean-Marc Barr et d'Elodie Bouchez. Nous nous sommes posé la question de montrer ou non le sexe en érection. L'essentiel, pour nous, c'était la recherche du plaisir et la montée du désir. Si jamais nous montrions le sexe en érection, cela pouvait oblitérer notre propos, qui est plus romanesque. On a pu tourner grâce à cette technologie les scènes de masturbation. Le sexe en érection est hors champ, mais on est vraiment dans une interprétation : on voit l'érection dans le regard. C'est quelque chose que le public a pu appréhender. Notre envie, c'était que la caméra, avec la proximité qu'elle permet, soit comme un regard qui caresse les corps. Là était l'enjeu de ces séquences. »
(« La caméra numérique force les cinéastes à ouvrir l’oeil », Le Monde, 15 août 2001)

« La joie du 35 mm » Mathieu Amalric
« Je viens de terminer mon film, Le Stade de Wimbledon, qui m'a permis de découvrir... la joie du 35 mm. C'est la première fois que je tourne en 35 mm sans éclairage. On était cinq. Mon film va coûter moins cher que celui que je dois réaliser ensuite en DV pour Arte. Le film en DV va être le film le plus cher que j'aie jamais fait. Il sera le luxe pour moi. Là, on fait Le Stade de Wimbledon pour 3,4 millions de francs en 35 mm. C'est un film de cinéma, qui n'existe que parce que c'est en 35 mm. D'abord parce que c'est une adaptation littéraire, du livre éponyme de Daniele Del Giudice. Tout le monde m'a dit que j'étais fou. "Comment peux-tu filmer ce livre ?" Justement, parce que c'est un point de départ uniquement littéraire, je suis obligé de ne me poser que des problèmes de cinéma. Donc de 35 mm. Sans la commande Pierre Chevalier, d'Arte, je n'aurais pas pensé aller comme ça vers la DV !
Je n'ai pas acheté de caméra DV, je n'ai toujours eu que des super-8. Et je suis bloqué au niveau de l'écriture. Je crois ne pas être le seul : pour cette série, tout le monde est en retard ! Ca doit être un réflexe de défense, comme s'il fallait ralentir ce processus de la DV. Mon blocage sur le scénario dépend de la DV ; pour moi, l'histoire doit justifier l'utilisation de la vidéo. Il faut que, dans le récit, quelqu'un trouve des rushs, ou qu'il y ait une caméra de surveillance, ou que quelqu'un filme en douce... Je n'arrive pas directement à raconter de la
fiction en DV. Du coup, on a placé l'histoire dans le milieu politique. Je me dit que c'est un objet de télévision, uniquement de télévision. Les hommes et les femmes politiques, finalement, on ne sait pas s'ils existent vraiment... On ne les connaît que par la télé, l'écran.
On a parfois l'impression d'être obligés d'être des pionniers. On va être obligés d'inventer quelque chose. On n'est pas dans la mise en scène mais dans la mise en abyme, comme dans Le Projet Blairwitch. Finalement, il y a une forme de cynisme. Les choses ne sont pas filmées directement. Il faut expliquer, il faut que la source fasse partie du récit. Tout à l'heure, Alain Cavalier a dit, très doucement : "Heureusement qu'on n'entre pas dans les multiplexes !" Il a conscience qu'il pourra continuer à faire des films comme il le souhaite seulement s'il les fait pour peu de personnes. " »

« La bataille argentique - numérique » Raymond Depardon
« Jusqu'à présent, la bataille argentique - numérique était déséquilibrée, les caméras "argentiques" étaient quand même très grosses. Mais à présent, une caméra super-16 Minima, avec le même petit écran de visée que la DV, sort chaque jour des usines Aaton, et beaucoup partent vers les Etats-Unis. Entre les deux supports, les coûts sont différents: en super-16, le tournage est plus cher, mais en DV, cela coûte peut-être plus cher après... Par ma formation et ma famille, je suis dans l'argentique depuis longtemps, j'y tiens encore.
J'aime le grain. J'ai tourné Profils paysans en super-16, avec des pellicules rapides, 800 ASA. Je l'ai monté comme tout le monde, en numérique, et je viens seulement de le voir. Je viens de le voir réellement : en film. Avant, je l'avais vu en vidéo. Il est beaucoup plus dur en film, plus triste, il est moins lisse. Les fermes, en vidéo, la toile cirée... c'est moins pauvre. Je comprends aussi très bien l'idée de tourner tout seul, mais moi, j'ai encore besoin de travailler avec une équipe : un monteur, un ingénieur du son »