Frédéric GIMELLO-MESPLOMB, Professeur des Universités
Centre Norbert Elias UMR 8562 UAPV - CNRS - EHESS

 
   

 

 
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La comédie musicale sous le signe du Lion

Gene Kelly et Debbie Reynolds dans Singin' In The Rain par Syndie KOURTE


Dossier de DESS Expertise et Médiation Culturelle (Université de Metz)

Réalisé durant l'année universitaire 2004-2005 pour le cours de Frédéric Gimello-Mesplomb.

Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur. Pour contacter Syndie Kourte :

______________________________________

Si l’on compare les années 30 américaines à notre époque, on peut trouver certaines similitudes : crise, chômage, dépressions…Cependant la correspondance cinématographique est loin d’être comparable. Le cinéma actuel ne nous donne guère d’espoir. Celui des années 30 était se voulait parfois être une thérapie sociale. C’est pourquoi le concept de comédie musicale fut idéal pour ce genre de mission et connut un grand succès dés sa naissance. Aujourd’hui, on considère le genre comme mineur voire naïf, mais on oublie l’intérêt qu’il a généré pendant plus de trois décennies. Pourtant, à l’époque, les majors n’ont pas toujours pris ce genre au sérieux. Beaucoup ont pensée pouvoir en tirer des bénéfices en y mettant peu de moyen et de conviction. Face à ces concurrents, la MGM va se démarquer, créant plusieurs unités consacrées au genre ; dont la plus fructueuse tant en quantité qu’en qualité : la Freed Unit. Dans cet exposé, nous tenterons de résumer l’histoire générale de la comédie musicale avant de se pencher sur la production de la Freed Unit à la MGM.

I. Histoire d’Un genre

La Comédie Musicale est un genre cinématographique à part entière. Cela parait évident aujourd’hui, même si pendant longtemps, on l’a refusé en tant que tel, l’englobant dans un genre plus global appelé Comédie. Après avoir fait le point sur l’apparition de la comédie Musicale et son histoire, nous tenterons d’en définir les caractéristiques.

a) Genèse

L’histoire du cinéma musicale débute bien sûr avec le cinéma sonore. On considère souvent comme le premier film parlant The Jazz Singer d’Alan Crosland sortie en 1927, qui déjà annonce le mariage du parlant et de la musique au cinéma.

Affiche et photo de The Jazz Singer d’Alan Crosland sortie en 1927

Si l’histoire du cinéma a retenu la date de ce succès public pour l’assimiler à la naissance du parlant, elle passe parfois trop vite sur les premières tentatives. En effet, en grande difficulté financière, la Warner avait tout misé, dés 1926, sur l’ambitieux projet du parlant. Elle adopta le Vitaphone, système de synchronisation entre le son d’un phonographe et la projection du film, développée à partir des recherches d’Edison par la compagnie AT&T. C’est ainsi que fut réalisé, également par Crosland, le court-métrage Don Juan (1926). Aussi, la Warner croit au succès de cette nouvelle technologie et projette la première de The Jazz Singer le 6 octobre 1927, film qui rapporte trois millions de dollars et permet au studio d’éponger ses dettes. Dans ce premier film, même si on l’avait annoncé 100% parlant, Al Jolson ne prononce que 281 mots, dont la célèbre et surprenante phrase « you ain’t heard nothin’ yet » (vous n’avez encore rien entendu) qu’il formule avant de chanter « Toot-Toot-Tootsie ». Malgré l’effet évident sur le public de ces quelques mots, le véritable intérêt du film est davantage la diffusion synchronisée de la musique que de la parole. Le premier film réellement 100% parlant est un métrage de 57 minutes, Lights of New-York de Bryan Foy sortie en 1928. En 1930, le cinéma muet a disparu, sauf pour quelques exceptions comme Charles Chaplin qui ayant déclaré ne jamais utiliser le parlant, ne le fera que très tard pour The Great Dictator en 1940.

Le passage au parlant posa un certains nombres de problèmes. Enregistrer les comédiens, comme l’illustre justement le film Singin’ In the rain de 1952, était très difficile. Les micros cachés dans le décor et les caméras enfermées dans des cabines d’insonorisations limitaient sensiblement le jeu des acteurs ce qui explique la raideur des premiers films parlants.

Beaucoup d’acteurs, ont vécu très difficilement ce grand changement qui touchait le cinéma. Ils virent parfois les contrats qui les liaient avec les studios se romprent. Certains se sont même suicidés comme Karl Dane en 1934. Les acteurs du cinéma muet qui ne surent pas s’adapter, laissèrent succès et fortunes à d’autres acteurs sachant aussi bien jouer que chanter et danser.

The Jazz Singer, considéré comme le premier film parlant est également considéré comme le premier musical. Al Jolson, qui interprète un jeune homme prêt à rompre tous liens familiaux pour faire carrière dans le jazz, est une vedette de Broadway. On sent déjà dans ce film l’hommage que la comédie musicale rendra par la suite presque systématiquement à ce lieu où se jouaient les grands spectacles américains, puisque la scène finale du film se déroule à Broadway alors que l’histoire originale (tirée d’une pièce qui se jouait là-bas dans la réalité) se termine dans une synagogue.

Suite à la réussite de ce film, les grands studios hollywoodiens achetèrent les droits des pièces à succès et des opérettes célèbres. C’est ainsi qu’une grande série de films musicaux virent le jour. La metro-Goldwin-Mayer s’intéressa un peu tardivement au film sonore, mais lorsqu’elle sortie son premier film en 1929 sous le slogan publicitaire devenu célèbre « 100% parlant, 100% chantant, 100% dansant » se fut un succès. Il s’agissait de Broadway Melody (réalisé par Harry Beaumont) qui obtint un oscar pour l’interprétation de Bessy Love, un autre pour le meilleure film et rapporta dix fois son investissement. Il est également le premier « backstage comedy », sous-genre de la comédie musicale se déroulant spécifiquement dans le milieu du spectacle. Cette même année, les grandes compagnies sortent des films musicaux sans véritable scénario dans le but de mettre en avant les talents de leurs vedettes remisent en cause par le parlant. Ainsi la MGM sort Hollywood Revue dans lequel on entend pour la première fois la chanson écrite par le parolier Arthur Freed et le compositeur Nacio Herb Brown, Singin’ In The Rain, rendu immortel par Gene Kelly plus de vingt ans plus tard. Sortirons également Paramount on Parade pour la Paramount, The Show of shows pour la Warner, Fox Movietone Follies pour le 20th century Fox.

Cependant, les spectateurs vont vite se lasser de ces films musicaux ou les numéros se succèdent sans trame réelle. Heureusement quelques réalisateurs talentueux vont donner un nouveau souffle au genre naissant grâce à d’authentique création. C’est le cas de Lubitch, qui comme Chaplin décriait pourtant le parlant. Il réalise Love Parade en 1929, premier film du célèbre couple Jeannette MacDonald et Maurice Chevalier, puis Monte Carlo en 1930 et Une Heure avec vous en 1932. Comme Lubitch, Mamoulian travail pour la Paramount et réalise sont premier film Applause en 1929, pas une comédie mais un mélodrame musical.

Le genre va réellement redémarrer en1933 grâce à Busby Berkeley. Son arrivée à Hollywood marque un tournant capital pour la comédie musicale. C’est Goldwin et Ziegfeld qui en 1930, l’engagent pour diriger les scènes musicales du film Whoopee de Thornton Freeland. Mais c’est à la Warner, où il travaillera de 1933 à 1937, que son style va se développer et connaître un réel succès. La première année, il met en place les chorégraphies de 42th street et Footlight Parade de Lloyd Bacon et Gold Diggers of 1933 de Mervyn Leroy. Dans ses numéros, Berkeley libère la caméra de sa position fixe et l’installe là où personne n’y avait songé. Il filme les girls en plongée impressionnante, ce qui donne aux spectateurs des vues inédites des figures géométriques qu’il crée.

Figures de Busby Berkeley

Certains films de Busby Berkeley témoignent de la dépression sociale dont est victime l’Amérique dans les années 30, suite à la crise économique de 1929. C’est le cas de la série Gold Diggers of 1933, 1935, 1937. En effet, cette crise est une des causes de l’essor de la comédie musicale, car elle va donner du rêve et permettre aux spectateurs de s’échapper de la réalité. De plus, durant la seconde guerre mondiale, les comédies musicales, ainsi que les vedettes, doivent remonter le moral des troupes.

Même si la France à ses grands auteurs comme René Clair (Le Million, 1931), son état d’esprit est bien trop cartésien pour que le film musical y connaisse un réel succès. Effectivement on ne chante, ni ne danse dans la vie, mais la comédie musicale n’est que la projection sur écran de nos rêves. Et le rêve est alors le domaine de l’Amérique.

La méthode américaine est le travail d’équipe. Les films de la RKO doivent leurs succès, certes à Fred Astaire et au couple mythique qu’il forma dans une dizaine de films avec Ginger Rogers, mais également à toutes l’équipe qui travailla à la réalisation de Top Hat, Swing Time, Shall We Dance, Gay Divorcee, Folow the Fleet… Les mises en scène sont souvent signé Sandrich, les musiciens, sont Irving Berlin, Jérôme Kern et George Gershwin, les décors de Van Nest Polglase et les seconds rôles : Eric Blore et Edward Everett Hordon. Nous sommes loin d’une logique d’auteur, maître de tout, lorsque la comédie musicale exige, dû à sa pluridisciplinarité, de réelles compétences dans les domaines les plus variés.


 

b) Les différentes périodes

La comédie musicale connaît quatre périodes distinctes.

- Les années 30 sont celles de l'avènement avec une légère prédominance sur les autres genres. Si 1931 est une mauvaise année, la suite de la décennie offre quarante films du genre par an. Comme nous l’avons déjà évoqué, ses années sont dominées par le travail de Berkeley à la Warner et de Fred Astaire à la RKO. En 1933, quand ce dernier arrive à Hollywood, Berkeley est déjà considéré comme l’homme qui a bouleversé le genre et dont la création n’a pas encore été égalée. Si les premiers films d’Astaire reste dans la ligné de son prédécesseur, dés son troisième film, The Gay Divorcee, il imagine une nouvelle façon d’aborder la chorégraphie au cinéma. Les folies sans limite des numéros ornant les « backstages musical » de Busby Berkeley ne servaient peu l’intrigue. Astaire va donc abandonner les chorégraphies de groupe pour privilégier l’individu. Il n’est plus question avec lui de grandes préoccupations sociales mais de relations sentimentales qu’il exprime en dansant seul ou avec Ginger Rogers dans les années en questions, puis avec d’autres partenaires. Les numéros ainsi devenus intimes s’intègre donc plus facilement dans l’histoire du film. L’amour vient en dansant, titre français de You’ll Never Get Rich de 1941, semble résumer parfaitement tous les films de Fred Astaire où les duos dansés parlent autant qu’une scène dialoguée.

Pour la MGM, les années 30 sont celles des opérettes filmées, qu’incarne à elle seule Jeannette MacDonald et des grandes revues. Hollywood Revue en 1929 fut la première du genre, puis suivirent la série des Broadway Melody of 1936, of 1938, of 1940. Plus ou moins servies par une intrigue, les revues consistent en la démonstration de longs numéros. C’est la forme idéale pour de grandes inventions qui serviront dans des formes plus poussées. Les décors et les costumes témoignent d’une grande imagination. Les autres grandes compagnies ne vont pas tarder à imiter la MGM avec George white scandals et George white scandals of 1935 pour la Fox ou The Birg Broadcast et The Birg Broadcast of 1936, of 1937, of 1938 pour la Paramount.

- Les années 40 révèlent toute la magnificence du musical. Entre 1940 et 1946, la production annuelle dépasse soixante films par an. Ce dessine alors la comédie musicale classique qui se développera d’avantage dans les années 50. Même si quelques revues sortent encore régulièrement (Ice Capades Revue, 1941, ou Sensations of 1945), elle se font de plus en plus rares et l’opérette est abandonnée. Une autre forme, très proche de la revue, apparaît, comme thank your lucky star ou Hollywood canteen tout deux de 1944, qui sont ni plus ni moins des spectacles de variétés rassemblant une panel de vedettes, même étrangère à la comédie musicale. Ces productions sont clairement destinées à remonter le moral des troupes. Le genre va également s’intéresser aux biographies de personnalités du spectacle comme The Great Ziegfeld, grand producteur d’Hollywood. Mais ce qui caractérise le classicisme du genre est pour l’instant d’avantage dans la méthode de travail que dans la forme que prennent les films. Des groupes de production se spécialisent dans la comédie musicale sachant regrouper autour d’eux les bonnes personnes. On s’interroge encore sur la manière de filmer les chorégraphies. On cherche les plans pertinents pour l’action, plus qu’à montrer a tout pris la virtuosité des vedettes. Les chorégraphies et les chansons sont maintenant pensées en terme de mise en scène. Fred Astaire avait ouvert la voie de cette réflexion, mais s’il tenait à ce que ces numéros soient filmés en plan moyen, Gene Kelly va faire évoluer la danse filmée en utilisant plans d’ensembles ou américains, pour réussir l’alliance de l’image et de la chorégraphie. Vers la fin des années 40, la comédie musicale commence à sortir des studios. Lubitch et Mamoulian l’avaient déjà timidement tenté mais Gene Kelly et Stanley Donen, en réalisant On The Town en 1949 sortent les caméras dans la rue, même si se n’est que pour 5 jours de tournages, et étonnent avec des scènes typiquement New-yorkaise. « Le fait que des acteurs jouant des marins descendaient d’un authentique navire sur un véritable quai et dansaient réellement à travers New York était en lui même un bouleversement. »


 

- Dans les années 50 la production de comédie musicale connaît un déclin économique mais le genre ne perd rien de sa qualité artistique. Après 1955, guère plus de vingt films ne sortent par an. Désormais, la MGM et la Comédie musicale ne font plus qu’un. Les autres compagnies considérant le genre comme facile ne feront pas le poids face aux succès des classiques de la MGM. Le genre se simplifie tant par le scénario, les décors, que par les effets. Les numéros aux grands groupes tendent à disparaissent. La comédie musicale s’était finalement bien accommodé du code Hays, système de censure strict mis en place en mars 1930, car l’amour y est exprimer en dansant et en chantant. Mais les années 50 vont être encore plus proche de ce code, car il n’est plus question de parler ni de chômage, ni de la mort, ni du désespoir. Malgré cela, les comédies musicales des années 50 restent les plus abouties et les plus marquantes. Citons simplement An American in Paris, 1951, Singin’ In The Rain, 1952, The Band Wagon, 1953, Gigi, 1958 et Funny Face, 1957, exception de la Paramount qui réuni Audrey Hepburn et Fred Astaire. Notons que sur ces cinq films représentatifs de la décennie, trois donnent une place privilégiée à Paris. Sans doute, s’agissait-il de rappeler aux anciens soldats américains, la magie de cette ville.

 

Fred Astaire et Cyd Charisse dans les célébres numéros de
Dancing In The Dark et Girl Hunt Ballet du film The Band Wagon

Un seul film échappe à la règle de la comédie musicale dite classique, réalisé par George Cukor et produite par la Warner, avec Judy Garland et James Mason. Il s’agit de A Star is Born de 1954. Alors que le film, (dont la durée de plus de 2 heures annonce déjà son caractère original) débute comme Singin’ In the Rain, par l’arrivée magistrale de stars à une grande manifestation hollywoodienne, on se rend vite compte, qu’il s’agit d’une véritable tragédie.

- Après les années 50, la comédie musicale connaît un renouvellement, mais on sent déjà la gloire passée. On accuse la télévision qui menaçait Hollywood depuis longtemps, d’avoir tué la comédie musicale, proposant des émissions de variété auxquelles participeront parfois d’anciennes vedettes du genre. Cependant, de très rares films musicaux, marquent encore aujourd’hui, comme Dancer In The Dark de Lars Van Trier, 2000, ou Moulin Rouge de Baz Luhrmann, 2001. Il faut dire que depuis la naissance de la comédie musicale, bien des choses ont changé à commencer par la culture musicale. En effet, à partir des années 60, le « jazz populaire » n’a plus l’exclusivité du genre, laissant place au rock. Ainsi, Elvis Presley s’impose à l’écran avec des films tel Bye Bye Birdie de 1963. Puis c’est au tour du disco qu’incarne John Travolta, d’abord dans The Saturday Night Fever, 1977 puis dans Grease, 1978. De nouvelles stars féminines vont apparaître.

 

Julie Andrews, jouait my fair Lady à broadway, mais, pour l’adaptation cinématographique en 1964, on lui préféra Audrey Hepburn, plus connu du public. Cependant, elle ne tardera pas à faire ses premiers pas à l’écran dans Mary Poppins, la même année, qui remportera un véritable succès. Elle enchaînera toute suite avec The Sound Of Music en 1965. Elle est si remarquable dans ces deux rôles de gouvernante, que cela lui fit sans doute du tort pour la suite de sa carrière. Lisa Minelli, jusque là seulement considérée comme la fille de Vincente Minelli et de Judy Garland, réussi dans les années 70 à créer un personnage drôle et touchant dans Cabaret de Bob Fosse, 1972 et New York, New York de Martin Scorcese, 1977. Enfin Barbara Streisand s’intéressera à la comédie musicale tant comme actrice-chanteuse que comme réalisatrice, dans Yentl de 1983 dont la musique a été écrite par Michel Legrand. Aujourd’hui, l’époque des grands studios hollywoodiens est bien loin, malgré les quelques auteurs qui tentent de lui rendre hommage.

 

•  Essai de définition

 

Nous tenterons ici de définir le genre selon les principes de Rick Atltman, exposés dans son ouvrage La comédie Musicale Hollywoodienne, Les problèmes de genre au cinéma , chez Armand Collin, cinéma et Audiovisuelle, 1992, Paris.

L'Amérique qui vit naître la comédie musicale a le sens du spectacle plus qu'aucun autre pays, ou plutôt de l'« entertainment ». Contrairement à l'Europe et en particulier à la France, le cinéma y est considéré comme un divertissement et non comme un haut lieu culturel comme peut l'être le musée. La salle de cinéma est le lieu idéal pour s'évader et rêver dans l'obscurité. La position de spectateur, comme la comédie musicale elle-même, repose sur des dualités :

 

•  Public/écran

•  Réel/imaginaire

•  Dans le noir/en pleine lumière

•  Ordinaire/extraordinaire

•  Monotone/fascinant.

 

 

Ainsi, assis sur son fauteuil, le spectateur sort de son propre corps pour entrer dans un monde magique, qu'il désire plus que tout, surtout en temps de crise et de guerre. Il s 'identifie au héros, qui, plongé dans une situation du quotidien, transforme son univers, créant ainsi un sentiment de beauté échappant au réel.  « Lors des scènes de rêve, le personnage est à son double rêvé ce que le spectateur est au personnage. » C'est le cas par exemple dans Singin' In The Rain , lorsque Gene Kelly se retrouve pour une scène onirique à danser avec Cyd Charisse. Si la comédie musicale présente souvent un trio ( In the Town, Singing'in The Rain .) elle repose presque toujours sur un couple et une intrigue amoureuse.. La relation est complémentaire car le caractère réprimé de l'un et extravagant chez l'autre. C'est ce qu'Altman appelle un « fondu de personnalité ». Nous pouvons ici citer les personnages d' An Americain in Paris , où Gene Kelly chante à la ville entière son amour, alors que son amante Leslie Caron, est timidement silencieuse.

 

Evidemment quand on pense comédie musicale, on pense surtout au traitement sonore. Au cinéma, il y en a deux types : la bande diégétique et la bande non-diégétique. La bande diégétique est celle qui est impliquée directement par l'action (un téléphone qui sonne, le chahut de la foule, un personnage qui allume la radio.) alors que la bande non-diégétique est, par exemple la musique symphonique qui accompagne les scènes d'amour ou les moments fort plein de suspens ou d'émotion. La comédie musicale fond les deux systèmes. Altman appelle ce procédé un « fondu sonore » qui est spécifique au genre, dont l'effet est certes peu réaliste. La comédie musicale nécessite un traitement musical autonome, séparé de l'image, et, par conséquent a recours à différentes techniques comme le doublage, la post-synchronisation, le réenregistrement. Mais Hollywood ne traite pas seulement la musique à part. cette pratique est élargie à la bande diégétique afin d'obtenir une qualité de son plus propre. Nous pensons au numéro de claquette par exemple ou les danseurs s'exécutent sans bruit de respiration et chante parfois en même temps sans fausse note.Cette effet de perfection nous plonge dans un monde idéal dans le réel. La musique diégétique joue un rôle de médiation lors du passage au monde rêvé, c'est le lieu de rencontre entre deux univers :

 

•  La piste diégétique est la réalité.

•  La musique diégétique est la fusion entre le réel et l'idéal.

•  La piste musicale est l'idéal.

 

Dans Meet me in Saint Louis, par exemple, Judy garland chante alors que sa grande sour est au piano. Soudainement, on se rend compte que le piano et loin d'être seul et qu'un orchestre invisible accompagne la chanteuse. C'est finalement dans certains cas, seul cet orchestre invisible, l'élément non-réaliste, car pourquoi ne pas chanter son bonheur seul sous la pluie ?

C'est ainsi que procède également Björk dans Dancer In The Dark. Selma, son personnage entend des bruits qui se transforment en rythme, ceux des machines de son usine par exemple, et c'est ainsi qu'elle part dans un autre monde. Fred Astaire, lui, assume parfois tout seul le passage du réel au rêve. Dans Top Hat , il passe progressivement du bavardage à la chanson en modulant simplement les accent de sa voie, puis il fait de même en effectuant des gestes au rythme de la chanson et se met à danser.

 

 

•  La Metro-goldwin-Mayer, garantie de succès

 

La MGM fut l'usine à rêve par excellence, rassemblant tous les plus grands noms de hollywood. De Greta Garbo à Clark Gable, Judy Garland, Gene kelly Katharine Hepburn, Gary Grant, pour les acteurs. De King Vidor à Fritz Lang, Vincente Minelli pour les réalisateur. Malgré la tendance à vouloir à tout prix satisfaire la demande du public, la MGM se démarqua de tous les studios d'alors, par quelques prises de risques. Elle dénonce le génocide indien dans des films comme La Porte du Diable ou la Dernière Chasse et la montée du nazisme et de l'intolérance dans The Mortal Storm et Three Comrades . Prise de risque également pour des films qui sont aujourd'hui des chefs d'ouvre comme Freaks de Tod Browning en 1932, qui fut alors un échec commercial, comme prévu.

Une bonne partie des activités de la MGM était réservée à la comédie musicale. Nous tenterons de comprendre comment elle est devenue la plus grande compagnie de Hollywood avant d'étudier les productions de comédies musicales en particulier.

 

•  Petite histoire de la MGM

 

La MGM est le résultat de la fusion de plusieurs sociétés en avril 1924, dont Marcus Loew, homme d'affaire de talent, est à l'origine. Il créa en 1904, à New York une vingtaine de « penny arcades », sorte de galerie de jeu où s'intégrait parfaitement le kinétoscope d'Edison, qui ne pouvait avoir qu'un seul spectateur à la fois. Ces lieux de curiosité avaient tellement de succès que Loew dû s'agrandir, en achetant des boutiques pour les équiper d'écrans et de bancs. C'est ainsi que se créèrent les premières salles de cinéma. L'entrée valait 5 cents soit 1 nickel, d'où le nom de ces salles : Nickelodéons. Le premier ouvrit en 1905 et durant trois ans, des milliers d'autres ouvrirent leurs portes, où les spectateurs se précipitaient, toujours avides de nouveauté. Mais à l'époque on avait bien du mal à trouver des films en nombres et de qualité pour satisfaire la demande.

En 1909, Thomas Edison avait mis en place la Motion Picture Patents Company, après s'être longtemps battu contre des inventeurs rivaux. Il contrôlait ainsi la production cinématographique en accordant une licence aux studios et aux producteurs qui utilisaient son matériel et réglementa la longueur des films à une bobine de 10 minutes. Il avait donc le monopole, ce qui empêchait les exploitants comme Loew de fournir suffisamment de films. Les producteurs durent déménager à l'Ouest pour échapper aux espions de la Motion Picture Patents Company. C'est ainsi que l'industrie du cinéma se retrouva en Californie. En 1915, les tribunaux ordonnèrent la dissolution du trust car le monde était déjà sous l'emprise du cinéma. La même année, la Metro Pictures Corporation fut créée par un groupe de distributeurs, dont le président était Richard Rowland, en vue de financer des films. La compagnie était alors très ambitieuse, déterminée à réaliser un film par semaine. Louis B. Mayer fut brièvement le secrétaire de la nouvelle compagnie. Il en partie ayant d'autres projets personnels. Face à de nouveaux distributeurs puissants comme la Paramount et la Fox, la Metro était en grande difficulté et c'est Loew qui la racheta. Il possédait alors les plus grandes salles de New York et la Metro devait lui permettre d'être encore plus compétitif. Les caprices des stars touchant des salaires exorbitants retardaient les productions et Loew déçu, se rendit compte que la Metro n'obtiendrait pas les résultats qu'il espérait. Il fit donc appelle à Mayer qui avait alors une maison de production à l os Angeles. En 1923, Rowland donna sa démission et Loew, alors malade songeait à vendre le studio. Mais, en 1924, Joseph Godsol, président de la Goldwyn Pictures lui céda sa compagnie qui possédait des équipements importants, parmi les meilleures de l'Ouest à Los Angeles.

La Goldwyn Pictures avait depuis 1917 l'emblème dessiné par le publiciste Howard Dietz : un lion majestueux avec le slogan : « Ars Gratia Artis » traduit par l'art pour l'art. Nicholas Schenck, bras droit de Loew, fut chargé de l'achat et se rendit compte que la Goldwyn avait le même problème que la Metro : trop de dépenses pour les stars, les productions dépassaient les délais et les budgets. Schenck compris que pour gérer au mieux les productions, il lui fallait quelqu'un comme Mayer, qui fut engagé comme premier vice-président avec son associé de confiance Irving Thalberg. Mayer lança officiellement la Metro-Goldwyn-Mayer lors d'une cérémonie publique le 26 avril 1924, pour au moins trente cinq années de succès, sous la coupe de la Loew Incorporated. Mayer réussit à tempérer les désirs démesurés des stars en adoptant un comportement paternaliste. Si Judy Garland s'indignait de son intrusion dans leur vie privée, Joan Crowford disait de lui « Il fut un père pour moi, un directeur de conscience et le meilleure ami que j'ai jamais eu. » En 1929, Mayer, qui avait dans son équipe musicale un certain Arthur Freed comme parolier, ne pouvait pas encore imaginer que celui-ci produirait autant de comédies musicales à succès et rapporterait au studio des millions de dollars.

 

  •  Arthur Freed, artiste et producteur : ses débuts

 

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The Wizard Of Oz (1939)

 

Broadway Melody, le premier film parlant de la MGM est aussi, nous l'avons vu, la première comédie musicale du studio qui révéla deux jeunes auteurs : le compositeur Nacio Herb Brown et le parolier Arthur Freed. Leur musique s'inspirait des milieux populaires de New York et de Broadway. Arthur Freed (1894-1973) avait fait ses débuts au théâtre à Broadway. Acteur de music-hall puis directeur de l'Orange Grove Theater à Hollywood, il rejoignit logiquement la MGM, lorsque le cinéma se fit parlant. Pendant huit ans, il forma avec Nacio Herb Brown le tandem auteur compositeur du studio, jusqu'à ce que ce dernier parte à NewYork. Vers 1937, comprenant la valeur de la comédie musicale, Louis B. Mayer chargea Freed de la production des films de ce genre. Celui-ci décida alors de se spécialiser dans le spectacle musical « contemporain », en insistant sur ce dernier terme, car il ne s'agissait pas d'opérette adaptée à l'écran, domaine réservé à l'unité de Parsternak, autre producteur. Freed s'entoura de professionnels dont beaucoup venaient de Broadway et notamment Roger Edens, arrangeur et directeur musical qui deviendra son plus fidèle partenaire. Sa réussite en tant que producteur est sans aucun doute due à son ouverture d'esprit et à sa sensibilité d'artiste. Gene Kelly disait de lui : « Si je donnais un idée, d'autres producteurs m'auraient répondu « tu ne sais pas de quoi tu parles » Arthur Freed lui savait (écouter).

Ayant travaillé au théâtre, écrit des chansons, il comprenait. » Son premier projet en tant que producteur fut l'adaptation de The Wizard Of Oz , conte écrit par L. Frank Baum et publié en 1900. Samuel Goldwyn avait acheté les droits du conte en 1933 et les vendit alors à la MGM. Cependant Mayer restait sceptique, malgré l'énorme succès de Walt Disney avec Blanche Neige et les sept nains en 1938, car l'adaptation d'un conte dans un film avec de vrais acteurs avait rarement été tentée. Mesurant les risques, Mayer désigna Mervyn LeRoy comme chef de projet, alors plus expérimenté que Freed, qui devint producteur associé. Judy Garland (1922-1969) était déjà la petite protégée de Freed. Sous contrat à la MGM depuis l'âge de 13 ans, Freed et Roger Edens, l'avait engagé pour chanter un hommage à Clark Gable, Dear Mister Gable lors de son 36 ème anniversaire en 1937. L'impact sur l'assistance fut immédiat et elle obtint le premier rôle de la série Broadway Melody avec Mickey Rooney. Tout naturellement Freed insista pour qu'elle interprète le rôle de Dorothy dans The Wizard Of Oz.

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Mais la direction, inquiète, préférait une vedette déjà accomplie et chercha à emprunter à la Fox l'enfant star Shirley Temple puis Deanna Durbin à Universal, ce qui fut impossible dans les deux cas. C'est donc par défaut, comme pour beaucoup d'acteur, que Judy Garland décrocha le rôle qui allait propulser sa carrière. Après une année de préproduction, le tournage commença en octobre 1938 et dura 5 mois alors que d'ordinaire, il suffisait de 22 jours pour tourner un film. En effet, le tournage de ce film légendaire a été victime d'un tas de problème. D'abord, les réalisateurs se succédèrent, Richard Thorpe commença, puis George Cukor. Ensuite, Victor Fleming, seul au générique en assura la plus grande partie (il jeta d'ailleurs ce qu'avaient fait les autres). Quand ce dernier parti remplacer encore Cukor sur le tournage d 'Autant en emporte le vent  ; King Vidor pris la suite et filma la plupart des scènes en sépia. Quatre réalisateurs, mais le résultat final semble ne pas avoir souffert de toutes ces remises en question, car la production savait ce qu'elle voulait. Budy Ebsen, pressenti pour le rôle de l'épouvantail, dû jouer finalement l'homme en fer. Le premier jour de tournage fut une catastrophe, car l'acteur fit une méchante allergie au maquillage et dû être remplacé par Jack Haley ; alors que tous les enregistrements de sa voix pour les chansons étaient achevés. Celles-ci durent être réenregistrées. Judy Garland tomba malade quinze jours, ce qui coûta 150 000 dollars à la production. Les cordes qui faisaient voler des singes se cassèrent, les pauvres bêtes s'écrasèrent. Margaret Hamilton, qui devait jouer la méchante sorcière fut gravement brûlée par les effets spéciaux. Sa doublure Betty Danko fut blessée par son balai qui explosa dans la scène où la sorcière menace Dorothy en écrivant dans le ciel. Même Toto, le terrier, s'est absenté du tournage car on lui avait marché dessus. Sam Katz, producteur executif voulut faire supprimer le passage aujourd'hui célèbre : Over The Rainbow . Fut coupée vraiment cette fois, une très belle scène de danse interprétée par l'épouvantail (Ray Bolger) lorsque Dorothy le délivre . Le film remporta cependant l'oscar de la meilleure chanson que Judy Garland ne manqua pas de chanter à la cérémonie, lorsqu'elle reçu sa statuette en tant que meilleure actrice enfant. Le film sortit avec succès en août 1939. Les enfants s'arrachèrent jouets, poupées et robes, produits dérivés du film. Mais alors il ne reçu pas les recettes espérées avant sa ressorti en 1949. Puis, la télévision en 1956 en fit le film le plus vu au monde.

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•  La Freed Unit

La première production d'Arthur Freed, malgré les déboires que nous avons cité, connu un tel succès, qu'il gagna la confiance totale de Louis B. Mayer. Avec Roger Edens, il mit en place les « Barnyard musicals », traduit par « granges musicales », films dont Judy Garland et Mickey Rooney étaient les vedettes, ce dernier transformant n'importe quelles vieilles granges délabrées en lieu merveilleux, ou ils jouaient des spectacles avec d'autres enfants. Cela donna des films comme Place au rythme (1939), En Avant la musique (1940) ou encore début à Braodway (1942), dont les chorégraphies étaient mises au point par Busby Berckley, que Freed ne manqua pas d'engager, à son arrivée dans la production.

Judy Garland et Mickey Rooney répètent

The Hoe Down dans Début à Browday , numéro de Busby Berkerley.

 

Le savoir faire d'Arthur Freed fut de s'entourer de personnalités de grand talent. Le début des années 40 marqua l'arrivée à la MGM de noms déjà reconnue comme Berkeley, et d'autres, professonnels anonyme pour le grand public, mais dont le talent impressionna le producteur. Mayer avait rencontré Gene Kelly à Broadway dans Pal Joey . Il lui offrit un contrat mais le danseur avait déjà signé avec Selzenick qui n'ayant pas d'emploi pour lui, le prêta à la MGM pour For Me and my gal , dirigé par Berkeley. Il fit ainsi ses premiers pas à l'écran avec pour partenaire Judy Garland. Gene Kelly fut toujours reconnaissant de l'aide que lui apporta la star dans sa reconversion au cinéma : « Judy fut mon mentor. Elle a été très patiente et d'une aide précieuse (.) J'étais émerveillé par son talent (.) j'ai finalement pas mal appris dés mon premier passage devant les caméras et grâce surtout à Judy. » Puis Freed insista pour racheter son contrat et ne se contenta pas seulement du danseur mais engagea toute son équipe comptant les chorégraphes : Robert Alton, Betty Comden, Adolph Green, et des auteurs compositeurs : Hugh Martin, Ralph Blane. Ami de Kelly depuis Pal Joey Stanley Donen ne tarda pas à rejoindre la MGM.

 

 

Un autre réalisateur, qui lui, marqua considérablement la comédie musicale fut attiré, non sans mal, par Freed, en 1940. Il s'agit de Vincente Minelli. Après avoir été photographe assistant et décorateur de vitrine, l'artiste commença sa carrière dans le spectacle comme créateur de costumes et de décors et avait vite évolué comme metteur en scène et directeur artistique du Radio City Music Hall. Arthur Freed le rencontra lors d'une représentation de Very Warm for May , qu'il avait mis en scène. Minelli refusa d'abord la proposition du producteur, car il avait eut une première expérience malheureuse avec la Paramount. Comme il avait signé un contrat et que le studio ne lui offrit jamais de travail passionnant, il dû au bout de huit mois racheter son propre contrat pour s'en libérer. Freed lui proposa de venir quelques mois sans contrat pour voir si le studio et sa manière de travailler lui plaisaient et la production paierait pendant ce temps toutes les dépenses et des scénaristes pour l'adaptation de Very Warm for May à l'écran. Ainsi Freed était sûr d'avoir un projet qui l'intéresserait. Minelli accepta. Durant ses promenades dans le studio, il se retrouva sur le tournage d' En Avant la musique, musical de Gershwin que dirigeait Berkeley avec Mickey Rooney et Judy Garland. Le réalisateur chorégraphe avait justement une scène musicale qui lui posait problème et Minelli pu le résoudre en un clin d'oil. Par la suite Minelli fut l'assistant de Berkeley pour Débuts à Braodway , autre « Barnyard musicals » avec Mickey Rooney et Judy Garland et son nom aparu pour la première fois au générique dans Panama Hattie de 1942. Sa première véritable réalisation fut Cabin in the Sky , film musical entièrement joué par des Noirs. C'est Freed qui en proposa le projet, ce qui était extrêmement courageux d'un point de vu commerciale. Ségrégation d'alors oblige : les films avec des Noirs étaient réalisés par des Noirs dans un circuit indépendant et touchait un public très ciblé. La MGM avait bien accepté le film de King Vidor en 1929, Halleluja , mais le réalisateur avait du investir son propre salaire ! Pour Cabin in the Sky , Arthur Freed fit appelle au meilleures du moment : Louis Amstrong, Duke Ellington et son orchestre et le Hall Johnson Choir et l'actrice Lena Horne. Le film eut finalement d'excellentes critiques et rapporta au studio 1 million de dollars. Dans son second film, Meet me in Saint Louis , Minelli libéra enfin la comédie musicale cinématographique du lourd héritage de Broadway, ce que Freed avait amorçait avec The Wizard of Oz . Ces deux films expriment d'ailleurs toute la philosophie à laquelle Freed était attachée, résumée par les mots de Judy Garland dans la dernière scène de The Wizard of Oz , "There's no place like home" traduit dans la version française par « Je reste auprès de ceux que j'aime ». Eloge des valeurs de la famille, c'était également la conception de Mayer, qui considérait le studio comme une grande famille. Lors du tournage de Meet me in Saint Louis , Minnelli se montra très patient malgré les absences répétées et très coûteuses de Judy Garland, et ils finirent par tomber amoureux et se marièrent en 1945. Le trio producteur-réalisateur-actrice engagea plusieurs projets ensemble.

 

Vincente Minelli et Judy Garland Sur le tournage de Meet me in Saint Louis.

 

De grands noms de la composition musicale, venant de Boadway, rejoignirent la Freed Unit comme Irving Berlin, (qu'on avait souvent retrouvé des les films de la RKO dans les années 30, rassemblant Fred Astaire et Ginger Rogers), Ira Gershwin, Cole Porter, Alan Jay Lerner, Burton Lane et Johnny Mercer.

Si Meet me in Saint Louis marque le début de la Freed unit, Singin'in The Rain de 1952, dirigé par Kelly et Stanley Donen, en est l'apothéose.

photo de l'une des séquences de Singin'in the Rain.

 

On y retrouve l'équipe de Gene Kelly à Broadway presque toute entière : Betty Comden, Adolph Green, pour la musique, Lenny Hayton, Roger Edens, Walter Plunkett et Carol Haney, assistante de Gene Kelly pour la chorégraphie. Tant par le thème que par sa réalisation, ce film est un réel hommage à la fusion entre la côte Est et Ouest, comme l'est d'ailleurs la Freed Unit. Ce film révéla également la jeune Debbie Reynolds qui pourtant ne savait pas danser avant le tournage. C'est Mayer qui insista pour qu'elle est le rôle et pendant trois mois, sans relâche, elle prit des cours avec Gene Kelly. Alors qu'elle était désespérée lorsque kelly était occupé à autre chose, Fred Astaire, qui travaillait dans le studio d'à coté pour Royal Wedding l'encouragea. Le résultat est surprenant. Surprenant également de connaître quelques secrets du film, car la voix chantée de Debbie Reynolds n'est autre que celle de la grande Jean Hagen qui joue l'actrice idiote doublée.

Puis Freed se lança dans des projets de grandes fresques musicales, comme Gigi réalisé par Minelli, qui malgré sont succès, sonne le glas de la grande époque de la comédie musicale.

Si d'autres films de la MGM perdaient quelquefois de l'argent, les comédies musicales de la Freed Unit rapportaient en moyenne 250% de bénéfice au studio. Vincente Minnelli fit d'ailleurs un bel hommage à Freed dans son autobiographie « Lorsque les cinéphiles soulignent mon apport à l'évolution de la comédie musicale, je plaide non coupable et fais observer que le véritable révolutionnaire en la matière a été Arthur Freed. C'est lui qui, plus que tout autre, a rendu les choses possibles ; c'est lui qui a donné à tous les créateurs la plus grande liberté possible, et c'est bien là la marque de confiance indispensable à toute création ». En 1963, Arthur Freed avait encore un rêve, un film sur Irving Berlin, mais la télévision et les contingences économiques ne lui laissèrent pas le temps de le réaliser. Après avoir travaillé sur une douzaine de projets et produit trois autres films sans grande conviction, Arthur Freed quitta le studio définitivement en 1970.

 

Le début des années 60 marquait déjà une rupture pour la MGM. Respectivement en 1962 et 1963, S. Siegel et J. Vogel quittèrent la direction du studio. Avec ces départs, se sont les derniers liens avec le passé qui remontait à Marcus Loew qui disparurent. Les nouveaux dirigeants, issus de la publicité de produits de grande consommation, n'avaient pas d'expérience dans le cinéma. Inéluctablement, les pertes et la chute des actions aboutirent à des conflits au sein de l'administration et des luttes de pouvoirs parmi les actionnaires. La MGM fut donc vulnérable face à l'offre des financiers qui entreprirent le démantèlement de l'usine à rêve. Kirk Kerkorian et James T.Aubrey, plus intéressé par l'immobilier que par le cinéma, fermèrent petit à petit les studios, à commencer par celui de Londres. En mai 1970, des milliers d'accessoires, de costumes et de décors furent vendu aux enchères : les stars s'arrachèrent les objets qui nourrissaient leurs souvenirs. En 1991, la MGM fut rachetée par Pathé Communication.

La comédie musicale connu un déclin semblable. Même si aujourd'hui, quelques comédies musicales sortent à l'écran ça et là, on peut reconnaître que la grande époque est révolue. De l'apparition du cinéma sonore jusqu'à la fin des années 50, un genre est né et a disparut car il ne correspondait plus à une société renaissante. Si aujourd'hui nous vivons des situations similaires aux années 30 américaines, les mentalités ont bien trop changer pour que revive la comédie musicale.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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Rick Altman, Armand Collin, cinéma et Audiovisuelle, 1992, Paris.

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Patrick Brion, La Martinière, Paris

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Tony Thomas, Henry Veyrier, 1976, Paris .

 

 

NOTES :

Rick Atltman, La comédie Musicale Hollywoodienne, Les problèmes de genre au cinéma , Armand Collin, cinéma et Audiovisuelle, 1992, Paris

Industrie née en quelque sorte du piratage des droits de propriété intellectuelle de Thomas Edison, comme quoi la question n'est pas nouvelle.

Samuel Goldwyn n'eut aucun rôle important à la Metro-Goldwyn-Mayer, car lors de la fusion Metro-Glodwyn en 1924, il n'était déjà plus associé depuis deux ans. Cependant c'est lui qui était à l'origine de la prestigieuse réputation du studio.

Cf Le film That'Dancing, 1985 Documentaire réalisé par Jack Haley et produit par la MGM.