Rapport d'information sur le financement de l'audiovisuel public
BELOT (Claude)
RAPPORT D'INFORMATION 162 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
N°
162
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 18 janvier 2000.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le financement de l'audiovisuel public,
Par
M. Claude BELOT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
L'avènement des technologies numériques, mais aussi la
réalisation, d'un espace économique intégré dans
l'Union Européenne suivant des principes fondamentalement
libéraux, constitue une menace pour le modèle audiovisuel
français fondé sur l'idée de service public.
Nées en France dans le cadre du monopole d'État, la radio puis la
télévision ont vu, sous l'effet d'évolutions
technologiques, économiques mais aussi idéologiques, leur
développement de plus en plus dicté par les lois du marché.
Face à des forces dont le champ d'action dépasse très
largement ses frontières, la France occupe une place plus ambiguë
qu'on pourrait le penser. D'un côté, elle est prompte à se
faire le champion de la résistance à un processus de
mondialisation audiovisuelle, sans doute aussi irréversible
qu'irrésistible ; de l'autre, c'est le pays d'Europe où
s'est développée le plus fortement la télévision
payante - marché sur lequel les entreprises françaises ont acquis
une position, à certains égards, dominante en Europe -, et
où les images de télévision se vendent depuis longtemps
comme un produit de consommation.
Au milieu des années 80, l'entrée en lice des
télévisions commerciales a constitué une véritable
révolution sur une terre d'élection du monopole et du service
public. Le secteur public, qui avait longtemps bénéficié
d'un téléspectateur captif, a dû apprendre à vivre
avec un téléspectateur " zappeur ".
Cet apprentissage de la concurrence s'est d'abord révélé
douloureux parce que les structures institutionnelles mais aussi mentales
héritées du monopole, ne prédisposaient pas le secteur
public à faire face à la concurrence ; il apparaît
également, rétrospectivement, difficile parce que l'État
actionnaire et tuteur, non seulement n'a pas joué son rôle et a
même multiplié des interventions intempestives.
Toutefois, l'État restait encore, en dernier ressort, le maître du
jeu. D'abord, parce que celui-ci se présentait toujours directement ou
indirectement comme le garant du bon fonctionnement du système
audiovisuel ; ensuite, parce qu'il conservait une position sinon dominante
du moins majeure dans le paysage audiovisuel.
Aujourd'hui, tout se passe comme si on était sur le point de passer
à une nouvelle étape de cette évolution,
caractérisée par le basculement définitif du centre de
gravité de l'audiovisuel du public au privé.
Le secteur public est en train, sans que l'on s'en rende vraiment compte, de
changer de statut : il passe de celui de référence
obligée, aussi bien du point de vue de l'audience et de la
qualité, à celui d'offre de complément, au risque de saper
la légitimité de sa configuration comme de son financement.
C'est une telle problématique qui a justifié que votre commission
des finances ait, dans la perspective de l'examen de la loi modifiant la loi de
liberté de communication et du passage à la diffusion
numérique terrestre, chargé un groupe de travail d'étudier
le financement de l'audiovisuel public.
Le groupe de travail1(*) a ainsi entendu une
série d'acteurs importants du secteur audiovisuel, choisis en raison de
leur position éminente ou simplement originale sur l'échiquier
audiovisuel, soit au cours d'auditions soit à l'occasion de visites sur
place. De surcroît, votre rapporteur a effectué deux voyages au
nom du groupe, l'un à Londres pour y étudier la façon dont
la Grande-Bretagne organise le passage au numérique terrestre l'autre
à Rennes pour y visiter un centre de la redevance, auxquels il faut
ajouter un déplacement au Canada, qui l'a amené à
rencontrer, en qualité de rapporteur spécial de la commission des
finances, des acteurs importants de l'audiovisuel et, notamment, le
président de l'autorité de régulation canadienne,
Mme Françoise Bertrand.
Ces multiples contacts ont convaincu votre rapporteur de l'ampleur des
bouleversements en cours et que la question fondamentale est de savoir si le
secteur public est en mesure de résister à cette
compétition sans merci.
Le secteur public est engagé dans un processus de concurrence vitale.
Or, force est de constater que ses chances de survie comme acteur significatif
du marché de l'audiovisuel ne sont pas, en l'absence d'une
réaction massive des pouvoirs publics, aussi fortes qu'on aurait
tendance à le croire, en dépit d'une évidente inertie des
comportements des téléspectateurs.
Votre rapporteur n'a guère trouvé de raisons d'être
optimiste, d'autant que la lutte pour le contrôle des territoires
audiovisuels s'annonce rude par suite de l'évolution des modes de
consommation rendus possibles par les nouvelles technologies, qui en font un
territoire stratégique sur le plan économique.
La convergence, ce n'est pas une simple évolution technique, c'est
également un phénomène sociologique et économique
qui fait de la télévision numérique interactive la voie
royale pour accéder au consommateur et donc un vecteur de vente. C'est
l'anticipation d'un tel mouvement, qui, indépendamment des excellents
résultats des entreprises du secteur, expliquerait une bonne part de
l'envol des cours de bourse en 1999.
Face à des opérateurs privés de plus en plus riches,
l'État actionnaire se trouve placé dans la situation du joueur
qui doit " suivre " pour rester dans la course.
La conviction de votre rapporteur est que, jouer " petit ", est
probablement le moyen le plus sûr de perdre la partie et donc sa
mise ; c'est aussi empêcher le secteur public audiovisuel de
conserver sa place ou du moins une place significative dans ce qu'il
conviendrait de ne plus qualifier de " paysage " mais simplement de
" marché " audiovisuel.
S'adapter ou décliner pour le secteur public audiovisuel, suivre
financièrement ou changer de table pour l'État actionnaire,
telles sont les questions qui se posent au moment où le Parlement
débat de l'adaptation de la loi relative à la liberté de
communication et doit envisager la mise en oeuvre de la diffusion
numérique hertzienne terrestre.
Le numérique terrestre hertzien représente la dernière
chance du secteur public, comme l'a reconnu le nouveau président de
France Télévision devant le groupe de travail. Pour la saisir, il
faut investir et ne pas hésiter à entreprendre des
réformes de structure, faute de quoi, le secteur public pourrait
tôt ou tard se trouver en voie de marginalisation.
Si l'audiovisuel public et toutes les valeurs de culture dont il est porteur et
auxquelles les Français sont attachés, sont en danger, c'est tout
autant à cause des menaces objectives que d'une certaine insouciance
collective qui tend à les sous-estimer.
Pour
pouvoir s'adapter à un environnement particulièrement mouvant, le
secteur public aurait eu besoin de stabilité comme d'indépendance
politique et financière. Or, toute l'histoire de ces
25 dernières années montre que l'on n'a pas donné aux
chaînes publiques, dans un contexte de concurrence, les moyens
institutionnels et financiers de leur développement.
Qui trop embrasse mal étreint, telle pourrait être la leçon
de l'action de l'État en matière d'audiovisuel au cours de la
décennie 1990. Celui-ci n'a pas compris que la privatisation d'une
partie du paysage audiovisuel imposait au secteur public de regrouper ses
forces au lieu de les disperser.
Les gouvernements successifs n'ont pas perçu qu'en soumettant le secteur
audiovisuel public à la toise budgétaire commune sans imposer de
réformes de structures durables, qu'en le diversifiant au lieu de le
resserrer, ils en fragilisaient, de façon ouverte ou larvée,
toutes les composantes.
Étouffé financièrement du fait de la politique de rigueur
budgétaire du milieu de la décennie, mais aussi en raison de la
nécessité de créer de nouvelles chaînes, le secteur
public a largement perdu sa capacité d'initiative dans sa
compétition avec les acteurs privés, dont les moyens, eux,
connaissaient une croissance très rapide.
A. UNE LENTE ASPHYXIE FINANCIÈRE
La situation de gêne dans laquelle le secteur public a été obligé de se développer, n'a été aussi contraignante que parce que l'État actionnaire a choisi d'investir de nouveaux domaines, au détriment des sociétés existantes, faute d'augmenter les moyens. Nul doute que la création d'Arte et de la Cinquième a absorbé une masse de crédits qui firent défaut aux autres sociétés du secteur public, à commencer par France 2 et France 3.
1. Des ressources précontraintes et instables
Le
secteur public a longtemps souffert de restrictions financières
exogènes imposées au nom de la maîtrise des dépenses
de l'État.
Une contrainte budgétaire permanente s'est accompagnée d'une
instabilité des modes de financement du secteur public. Tout au long de
la précédente décennie, il était courant de faire
fonctionner un système de vases communiquants consistant à
profiter de la hausse des recettes publicitaires des chaînes pour
réduire les montants de redevance leur étant affectés en
vue de transférer les ressources ainsi prélevées sur
d'autres organismes avec, au bout du compte, la possibilité de
procéder à des annulations de crédits budgétaires.
C'est principalement France 3 qui a " fait les frais " du
système et a été ainsi privée du
bénéfice de ses progrès d'audience. Votre rapporteur
considère que ce genre de procédé, sans doute
justifié par les nécessités budgétaires de l'heure,
ne pouvait qu'affecter la motivation et donc le dynamisme de la chaîne.
On découvre aujourd'hui qu'il faut craindre également une
variabilité des ressources propres avec le déclin des recettes
publicitaires.
2. La poussée des charges
Le
décalage entre la croissance des charges et produits d'exploitation est
une des caractéristiques de base de l'économie de l'audiovisuel
public, même si on a pu croire un temps que la croissance des recettes
publicitaires pourrait permettre à France 2 et France 3
d'échapper à cette fatalité et calquer leur modèle
de développement sur celui de l'audiovisuel privé.
Un tel constat reste particulièrement évident pour le secteur de
la radio. Le nouveau président de Radio France a pu ainsi, à
juste titre, faire valoir le retard d'investissement de son entreprise.
Celle-ci n'a, EN RAISON de la lente mais régulière montée
de ses coûts, pas les moyens d'entreprendre la numérisation de ses
archives et celle de son outil de production. Pour ces entreprises, la pression
des charges salariales dans l'ensemble des charges d'exploitation explique
l'amenuisement progressif, dans un contexte de rigueur budgétaire, de
leurs marges de manoeuvre.
EVOLUTION DES CHARGES DE RADIO FRANCE (1993 = indice 100)
Les
chiffres ci-dessus montrent sur cinq ans, entre 1993 et 1998, la lente
érosion des possibilités d'investissement, puisque les charges
salariales croissent sensiblement plus vite -+4,7 %- que les ressources
-+3,3 %- avec pour conséquence une augmentation de la part des
salaires dans les charges d'exploitation qui passe de 53,5 à 55,3 %.
L'autre enseignement de ce graphique est que la poussée des charges se
poursuit naturellement, même lorsque les ressources baissent pour cause
de rigueur budgétaire. En d'autres termes, l'austérité
imposée de l'extérieur se traduit par des coupes claires sur
d'autres postes et notamment en matière de dépenses
d'investissement, ainsi que par un développement en accordéon,
fait de fortes contraintes, suivi de périodes de relâchement. Tout
cela n'est pas de bonne gestion.
Pour se développer et conserver sa place sur un marché devenu
très concurrentiel avec le développement de la bande FM, la
station doit disposer de capacité d'investissement : comme le fait
remarquer son nouveau président, la société est
elle-même sa propre " start-up " ; elle ne peut compter
pour se dynamiser en aucune façon sur un rachat d'entreprises ayant
réussi, contrairement aux groupes privés concurrents - RTL,
Europe ou NRJ.
On note incidemment que cette situation de gêne budgétaire
doublée d'une incapacité à emprunter, interdit à
Radio France - comme aux autres sociétés du secteur public - de
se développer par croissance externe et l'oblige à tenter de
créer des chaînes ex nihilo comme cela a été fait
avec le Mouv', opération aussi risquée financièrement que
nécessaire au rajeunissement de l'audience.
La poussée des charges salariales est non moins visible dans les
sociétés de télévision, même s'il faut
avancer avec prudence compte tenu de l'importance des commandes de programmes,
ainsi que de l'existence d'une multiplicité de situations
intermédiaires entre le salariat des chaînes et la prestation
ponctuelle, en passant par les salariés des sociétés de
production dotées d'un contrat à moyen terme avec la chaîne.
France 3 se situe dans un cas de figure assez différent de celui de
France 2. On constate ainsi qu'entre 1993 et 1998, les charges salariales ont
connu une croissance moyenne annuelle de 5,5 % égale à celle
des ressources. On voit très nettement que la forte croissance des
ressources en début de période a été
compensée par un rattrapage des charges salariales en fin de
période.
La différence de niveau de charges salariales au sein de charges
d'exploitation entre France 2 et France 3 s'explique pour l'essentiel par la
différence de part de la production interne.
ÉVOLUTION DES CHARGES DE FRANCE 3 (1993 = indice 100)
ÉVOLUTION DES CHARGES DE FRANCE 2 (1993 = indice 100)
Pour
France 2, la part des salaires par rapport aux charges d'exploitation est
faible, du fait de l'importance des commandes de programmes par rapport
à la production interne - un peu plus de 10 % en
légère croissance sur l'ensemble de la période, surtout
par rapport au minimum de 1995 -. Mais on constate la même tendance
à une augmentation moyenne sensiblement plus rapide pour les charges
salariales - 5,1 % - que pour les charges d'exploitation 3,4 %.
Sur la même période 1993-1998, les chaînes jeunes, telles
ARTE et La Cinquième - depuis 1995 - connaissent des évolutions
semblables.
ÉVOLUTION DES CHARGES DE LA SEPT-ARTE (1993 = indice 100)
ÉVOLUTION DES CHARGES DE LA CINQUIEME (1993 = indice 100)
Radio France Internationale (RFI) et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) voient également leurs charges salariales croître plus rapidement que leurs ressources, tandis que pour la première on assiste à un réajustement en fin de période, il n'en est pas de même du second qui traverse une crise d'adaptation structurelle.
ÉVOLUTION DES CHARGES DE RFI (1993 = indice 100)
ÉVOLUTION DES CHARGES DE L'INA (1993 = indice 100)
Dans
tous les cas, si l'on voit nettement sur les graphiques les effets des
politiques de rigueur appliquées, notamment en 1995, on note
également les phénomènes de rattrapage ultérieurs.
Mais, en tout état de cause, la réduction de la marge de
manoeuvre des entreprises de l'audiovisuel public tient sans doute moins aux
charges salariales, somme toute assez faibles, qu'à l'augmentation plus
rapide du coût des droits audiovisuels, débouchant ainsi sur une
baisse du pouvoir d'achat des sociétés nationales de programmes
de télévision.
Un tel phénomène est, compte tenu des masses en cause, beaucoup
plus important que la dérive des charges de gestion dans l'explication
des faiblesses structurelles de la télévision publique.
B. LA PAUPÉRISATION RELATIVE
Alors
même que l'apparition d'une concurrence privée mettait fin
à son monopole de l'offre et pesait sur les recettes du secteur public,
elle mettait également un terme à son monopole à l'achat -
un monopsone en langage économique - ce qui n'a pas manqué de
peser sur ses coûts d'approvisionnement notamment en programmes.
Face à des charges orientées à la hausse, les
sociétés de l'audiovisuel public n'ont pu mobiliser que des
ressources en croissance, certes, mais à un rythme insuffisamment rapide
pour leur permettre d'entrer en compétition avec leurs concurrents
privés.
C'est ce décalage entre les moyens de l'État actionnaire et les
besoins nés de la concurrence, cette contradiction entre les logiques
budgétaires et de marché, qui a entraîné
l'audiovisuel public dans un processus d'appauvrissement relatif par rapport au
secteur privé.
1. Le décalage annoncé avec les moyens du secteur privé
Les séries chiffrées confirment la montée en puissance des chaînes privées, même si le différentiel de croissance des ressources entre secteur privé et secteur public semble avoir apparemment disparu depuis le début des années 1990.
Le
tableau ci-dessus peut être lu de deux manières :
On peut d'abord partir de 1986, dernière année avant la
privatisation de TF1 et comparer la situation respective des chaînes
généralistes. A cette époque TF1 et Antenne 2
étaient à égalité avec environ 1,6 milliard de
francs de chiffre d'affaires publicitaire, tandis que FR3 atteignait à
peu près la moitié de ce chiffre grâce notamment à
d'importantes recettes diverses. Si l'on considère le futur ensemble
constitué par les deuxième et troisième chaînes, on
observe que celui-ci avait des recettes commerciales une fois et demie
supérieure à celles de TF1. Il pesait alors, en terme de chiffre
d'affaires, près de trois fois son futur concurrent.
Douze ans après, en 1998, la situation paraît s'être
complètement inversée : avec 10,8 milliards de francs, dont
plus de 8 milliards constitués de recettes de publicité et
de parrainage, TF1 pèse désormais aussi lourd que France
Télévision, toutes recettes confondues, tandis que ses recettes
de publicité, de parrainage et ses recettes commerciales globales sont
respectivement 1,7 et 2 fois supérieures à celles de
France 2 et France 3.
En indice comme en taux annuel de croissance moyen, ce différentiel de
croissance est patent : tandis que TF1 enregistre des taux de croissance
à deux chiffres, France 2 et même France 3 se trouvent loin
derrière avec respectivement de taux de 5 % et presque 10 %.
Si l'on prend comme année de base 1990, la situation apparaît
moins déséquilibrée. C'est même le service public
qui arrive en tête pour des taux de croissance qui approchent 7 %
pour les recettes de publicité et qui se situent aux environs de
5,7 % pour les recettes globales, y compris les ressources publiques,
contre respectivement 3,6 % et 5,3 % pour TF1.
L'analyse à partir des variations en valeur absolue vient
compléter ce constat. Par rapport à 1990, le groupe TF1 et France
Télévision ont gagné près de 5 milliards de
francs de recettes supplémentaires. La différence,
120 millions de francs en faveur de TF1, n'est pas vraiment significative,
à ceci près que, tandis que la chaîne privée est
quasiment seule à émarger à la manne commerciale, le
secteur public doit financer pour le même prix deux chaînes de
plein exercice.
En revanche, on peut souligner que, si les performances ne sont pas si
éloignées pour la seule publicité - France
Télévision obtenant près de 2,7 milliards de francs
supplémentaires contre 2,8 milliards de francs pour TF1 - la prise
en compte des autres recettes - diversification pour TF1 et redevance pour
France Télévision - ainsi que des limitations du potentiel
publicitaire des chaînes publiques, conduit à diagnostiquer un
différentiel de croissance des ressources pour l'avenir.
La question qui se pose en effet est de savoir si cette course aux recettes
publicitaires dans laquelle a été contrainte de se lancer France
télévision et qui lui a permis, au prix d'une augmentation
très sensible de la durée des écrans, d'accroître
ses ressources à un rythme finalement assez proche de ses concurrents
privés, va pouvoir se poursuivre. Tandis que l'audience de France
Télévision marque des signes d'essoufflement - tendance qui ne
peut être redressée que progressivement - les analystes
pronostiquent - et les cours de bourse en témoignent - une croissance
régulière des recettes des chaînes privées, qui,
parce qu'elle s'applique à un niveau absolu plus élevé,
risque d'accroître la disproportion des ressources entre secteur public
et secteur privé audiovisuel.
2. Un état d'infériorité commerciale croissante
Les
produits d'appel que constituent le sport et le cinéma sont de plus en
plus difficilement accessibles aux chaînes du secteur public.
On assiste à une surenchère sur les prix et les droits
audiovisuels à la fois du cinéma français et du football
qui, tous deux, ont été et restent parmi les composantes
principales du succès des chaînes privées.
Les chaînes privées ne se contentent pas d'évincer, du fait
de leurs capacités financières, les chaînes publiques de
l'exclusivité des retransmissions porteuses d'audience ; elles ont
également la possibilité d'investir en amont, dans les clubs
sportifs. On voit ainsi se dessiner toute une stratégie de prise de
contrôle de clubs ou d'organisations sportives devenues des entreprises
de spectacles.
Le
contrôle du Paris Saint-Germain - et du Servette de Genève -par
Canal Plus, l'arrivée de M6 (CLT-UFA) au sein du club des Girondins de
Bordeaux, ou celle de Pathé à l'Olympique Lyonnais comme
l'acquisition par News Corp. des droits audiovisuels de la Ligue des champions
en Allemagne, témoignent de l'importance de ce sport pour les groupes de
télévision. On note que le projet d'acquisition du club anglais
de football Manchester United par le principal opérateur de
télévision payante au Royaume-Uni, BSkyB, contrôlé
par News Corp., a été considéré le 9 avril
1999 par les autorités britanniques comme constitutif d'une entrave
à la libre concurrence2(*).
L'accord entre TPS et Canal Plus qualifié par la presse de " Yalta
du football ", montre qu'en tout état de cause, France
Télévision aura bien du mal à se maintenir à ce
niveau de compétition.
Il faut donc prendre acte que, sauf pour les événements
considérés en application de la directive européenne comme
d'importance majeure, le secteur public est largement hors jeu et qu'il est
presque condamné à pratiquer de la contre-programmation, ce qui
est plutôt positif pour les sports moins populaires mais limite les
ambitions en matière d'audience.
L'infériorité commerciale du secteur public continue par ailleurs
de se manifester pour les présentateurs vedettes que les entreprises
privées peuvent débaucher à peu près quand elles le
veulent, privant ainsi les chaînes publiques des talents qu'elles avaient
su dénicher.
C. DES SOCIÉTÉS CRISPÉES ET PRIVÉES DE REPÈRES
L'expérience de ces dix dernières années a
montré que le service public n'avait pas su trouver sa voie et, en tout
cas, inventer une logique de fonctionnement propre, véritablement
distincte de celui des chaînes privées.
Paradoxalement, la logique publique, parfois perdue de vue dans la gestion
quotidienne du secteur public, est souvent invoquée, mais avec parfois
pour effet de déstabiliser les chaînes en brouillant une image
déjà floue tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur.
Il existe une éthique du service public. Elle est bien vivante, dans
l'esprit du personnel pour lequel elle tient lieu à la fois de
référence et de motivation. Mais, cette éthique, parfois
teintée de nostalgie, se manifeste aussi par une certaine crainte devant
le changement.
1. Une certaine appréhension devant les changements
En
dépit de la qualification souvent remarquable de leurs agents et du sens
du service public dont ils font preuve, mais sans doute aussi à cause de
la haute idée qu'il s'en font, les sociétés de
l'audiovisuel semblent éprouver quelques difficultés pour
s'adapter au nouvel environnement économique comme aux changements
technologiques. L'instabilité sociale qui règne au sein de ces
entreprises témoigne de ces problèmes d'adaptation.
Comme l'a montré la grève de décembre 1997, la simple
préparation de l'introduction des technologies numériques a
suscité des remous au sein du secteur public. Les personnels ont,
à cette occasion, particulièrement à France 3,
exprimé des craintes sur les conséquences que pourrait avoir le
numérique sur l'organisation du travail et notamment sur la grille des
qualifications et le contenu même des métiers, voire sur la
fabrication des émissions et leur mode de diffusion.
Il est significatif à cet égard que la crise de 1997 ait
trouvé son origine dans la suspension, à la suite du retrait des
représentants du personnel, des travaux du comité central
d'entreprise du 27 octobre 1997, au cours duquel devait être
discutée la question de l'organisation des expérimentations en
matière de télévision numérique.
L'arrivée des nouvelles technologies a été source
d'inquiétude dans la mesure où les personnels de France 3
savent que leur entreprise va avoir à affronter la concurrence du
secteur privé, ses méthodes productivistes provoquent
l'inquiétude, tant au regard de l'évolution des métiers
qu'à celui des contenus de programmes. L'atmosphère s'est
révélée suffisamment tendue pour qu'un fait apparemment
anodin - la mise en démonstration par la direction technique dans les
régies des matériels numériques de nature à montrer
des possibilités d'évolution des fonctions - déclenche de
vives réactions et envenime le climat social.
Indépendamment du bon déroulement des expérimentations
elles mêmes, les syndicats ont voulu être attentifs à ce que
les nouveaux matériels et les nouvelles formes d'organisation du travail
n'aboutissent pas à priver les salariés de la chaîne des
gains de productivité liés aux technologies numériques.
Une telle revendication est parfaitement compréhensible dans une
société, qui avait vu ses excédents de recettes
publicitaires systématiquement prélevés par l'État
au nom des impératifs de la rigueur budgétaire.
2. Des missions confuses ou impossibles pour le secteur public
La
télévision du secteur public a toujours été
investie par le législateur d'une triple mission : informer, distraire,
éduquer. La première et la deuxième ne sont plus l'apanage
du seul secteur public. L'information et la distraction sont des fonctions
désormais assurées par toutes les chaînes ; seule la
fonction éducative incombe encore par excellence aux grandes
chaînes généralistes publiques, même si, dans les
faits, cette fonction a eu tendance à être négligée
aux heures de grande écoute.
Le déplacement des priorités des pouvoirs publics qui ont eu
tendance, au nom de l'exception culturelle à se préoccuper plus
de l'origine nationale des programmes que de leur contenu, a conduit à
vider progressivement la notion de service public de son contenu
opérationnel.
Soumises aux mêmes contraintes de quotas de production et de diffusion et
aux mêmes obligations par l'autorité de régulation qui
définit les règles générales de programmation des
chaînes privées par référence au même
triptyque fondateur " informer, distraire, éduquer ", les
sociétés privées ne se distinguent pas fondamentalement de
celles du secteur public audiovisuel. Ce n'est pas sans fondement que M. Jean
Drucker a pu devant le groupe de travail estimer qu'à regarder le
dimanche soir les grandes chaînes généralistes, on avait
plutôt l'impression que le service public se trouvait, en première
partie de soirée, sur M6.
D'ailleurs, le téléspectateur ne peut que constater que d'une
saison à l'autre, à l'issue de la période que la presse
appelle la période des transferts, les mêmes présentateurs
et journalistes vedettes passent d'une station à l'autre, tels des
joueurs de football.
Des obligations persistent mais comme le constate le Conseil supérieur
de l'audiovisuel ou M. Jean-Louis Missika dans le rapport qu'il a remis au
ministre de la Culture sur " Les entreprises publiques de
télévision et les missions de service public ", les
programmes de service public sont souvent renvoyés en seconde partie de
soirée, voire plus tard encore. Tout se passe comme si les chaînes
publiques n'assuraient qu'un service minimum, en considérant et
exécutant les obligations qu'elles tiennent de leur cahier des charges
comme des " corvées ".
L'auteur du rapport précité parle à propos de France 2
" d'injonction paradoxale " considérant non sans raison que la
chaîne se voit assigner des objectifs contradictoires de programmation de
qualité et de financement publicitaire, ce qui l'engage à
s'efforcer de concurrencer le secteur privé. La critique est d'autant
plus injuste en effet que France 2 ne s'est lancée dans la course aux
recettes publicitaires que parce qu'on lui a retiré des ressources afin
de financer de nouvelles chaînes : c'est un peu comme si on avait
demandé aux grandes soeurs de faire du commerce pour faire vivre les
deux petites nouvelles que sont Arte et La cinquième à l'abri de
la " souillure publicitaire ".
*
Le
constat qui s'impose après cet état des lieux rapide du secteur
public audiovisuel, est que l'on se trouve face à des entreprises sinon
bloquées, du moins crispées par l'effet cumulé d'un
certain nombre de facteurs :
· Une contrainte budgétaire permanente - mais pas constante
-, qui a suscité des réactions de défense à la
base, tout en empêchant les dirigeants de donner à leur
société la vitesse minimale nécessaire pour la faire
évoluer sans trop de heurts ;
· Un défaut d'ambition stratégique largement dû
à l'absence de moyens financiers avec de surcroît, en ce qui
concerne France 2, les effets de la politique prudente menée ces
dernières années, comme si après l'affaire des animateurs
producteurs, il avait fallu pour prévenir le retour à de tels
errements, mener une politique de bon père de famille ;
· Des missions floues et contradictoires pour les
télévision publiques par suite de l'enchevêtrement des
logiques commerciale et de service public, qui ont brouillé l'image de
France Télévision tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'entreprise, affectant par là même le
dynamisme de l'ensemble ;
· En dernier lieu, une certaine crainte devant l'avenir
économique ou technologique, peur de la privatisation d'abord pour les
uns, inquiétude face à l'arrivée d'une nouvelle
concurrence pour les autres, appréhension pour tous enfin face aux
bouleversements de tous ordres que pourrait entraîner l'arrivée
des technologies numériques.
La
convergence des moyens de communication est en marche. Et cette marche est
irrésistible.
On ne sait pas qui de la télévision ou de l'ordinateur, du
câble, du satellite ou d'autres techniques de diffusion vont l'emporter.
On ne connaît pas l'avenir audiovisuel, mais tout ce que l'on sait c'est
que cet avenir sera numérique.
Or, comme le montre l'exemple du téléphone portable, l'avenir
peut arriver plus vite qu'on ne s'y attend.
A. VERS UNE SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION AUDIOVISUELLE
Pour
votre rapporteur, il y a une vérité d'évidence : une
nouvelle télévision est en train de naître, elle est
payante, le secteur privé en a - pour l'instant - le monopole.
Cette télévision est porteuse d'une nouvelle façon de
consommer et par là d'un nouveau mode de vie. Les opérateurs
privés sont déjà en train de l'anticiper.
La télévision reste toujours consommée pour les images
qu'elle diffuse3(*) ; le fait nouveau,
réside dans le fait qu'elle devient un point de vente
privilégié à la manière d'Internet.
1. La montée en puissance de la télévision payante et les débuts de l'interactivité
La concurrence entre TPS et CanalSatellite permet même aujourd'hui à la France d'être le pays avancé dans l'usage des technologies numériques. Selon le cabinet d'études américain Forrester Research, ce sont 25 % des foyers français qui utilisent actuellement la télévision interactive, alors qu'ils ne sont que 12,2 % aux Etats-Unis.
a) La France en tête en Europe pour la télévision payante
En France, les chaînes payantes continuent leur progression. Sur 40 milliards de francs dépensés par les ménages en 1998 dans l'audiovisuel, 15,3 milliards ont été consacrés aux abonnements à la télévision payante, indique le Centre national de la cinématographie. Ce poste arrive loin devant la redevance (10 milliards de francs), la location de vidéocassettes (plus de 8 milliards de francs) et le cinéma (6 milliards de francs).
Selon
une étude d'IP, la régie publicitaire du groupe de
télévision et de radio CLT-UFA, rendue publique au printemps
1999, la France, le Royaume-Uni et la Hongrie dominent le marché
européen de la télévision payante.
Trois pays, la France, la Grande-Bretagne et l'Espagne représentent 75%
des abonnements à la télévision numérique.
La France, avec ses trois bouquets de programmes de télévision
numérique, CanalSatellite (1,2 million d'abonnés) et sa
chaîne payante Canal Plus, TPS (700.000 abonnés) et ABsat
(325.000 abonnés) occupe la première place avec 29 % de
part du marché de la télévision payante en Europe.,
à égalité avec le Royaume-Uni, où l'on trouve deux
opérateurs On Digital, plate-forme de télévision
numérique terrestre (247.000 abonnés) et Sky Digital
(1,2 million abonnés).
En Espagne, deux concurrents se disputent le marché de la
télévision numérique payante, Via Digital du groupe
Telefonica (350.000 abonnés) et CanalSat Digital dans lequel Canal
Plus est associé avec le groupe de presse Prisa (714.000 abonnés).
Dans les autres pays européens - sauf en Hongrie où la
télévision payante obtient 30 % de part de marché -
la moyenne de pénétration de la télévision payante
atteint tout juste 3,7 %.
Toujours selon l'étude d'IP, les marchés allemands (bouquet DF1
du groupe Kirch) et italiens, avec ses deux offres concurrentes
Télé+ et Stream (171.000 abonnés), se sont
révélés décevants.
En France, on peut s'attendre à la poursuite de la progression du
numérique. Ainsi devant le groupe de travail, M. Maurice Levy a-t-il
tablé sur un taux de réception des chaînes
câblées et diffusées par satellite d'environ 70 % des
ménages français à l'horizon 2005-2010.
b) l'apparition de l'interactivité
L'étude de la société américaine
Forrester Resarch déjà citée, prévoit un
développement considérable de la télévision
interactive dans les trois années à venir. Selon ce document,
elle devrait engendrer un chiffre d'affaires de 18,6 milliards d'euros
d'ici à 2004, dont plus de la moitié de recettes publicitaires.
Le reste du chiffre d'affaires proviendrait du commerce électronique et
des abonnements.
Cette croissance considérable tient au développement probable de
trois services interactifs : les guides de programmes électroniques
la "télévision enrichie " qui donne la possibilité
d'accéder à des informations sur un programme en cours ou sur un
produit mis en avant dans une publicité, la possibilité de
prendre part à un jeu ou à un vote, l'accès à
Internet enfin.
Pour les responsables de l'étude, " Internet est parfait pour faire des
transactions, comme acheter des billets d'avions, mais pas pour y placer de la
publicité. Au contraire, la télévision offre une bien
meilleure qualité d'image et arrive à faire passer des
émotions. C'est pourquoi la pub va quitter Internet pour venir sur la
télévision interactive. "
Ainsi, la télévision, loin de se laisser grignoter par Internet,
a choisi de contre-attaquer sur le terrain même d'Internet,
l'interactivité. TPS et CanalSatellite en font aujourd'hui la
démonstration : la télécommande peut se substituer
à la souris. En quelques pressions, le téléspectateur peut
connaître le temps qu'il fait partout dans le monde ou dans sa
région, tout savoir sur les films qui vont sortir, ou les expositions
partout en France et à l'étranger, les résultats sportifs
etc...
La télévision devient aussi un espace de vente : le
téléspectateur peut s'informer, acheter des produits, commander
des catalogues, recevoir des échantillons de la même façon
ou presque que sur Internet.
Sur TPS, la chaîne Météo Express est consultée par
56 % des abonnés, et, sur CanalSatellite, 70 % des
abonnés déclarent utiliser au moins une fois par semaine ce type
de service. Le cinéma et le sport complètent le tiercé de
tête des choix du téléspectateur en matière
d'interactivité.
L'interactivité s'avance masquée, en ce sens que, pour l'instant,
pas plus à CanalSatellite que chez TPS, on ne place
l'interactivité comme argument de vente : les deux bouquets sont
vendus avant tout comme des programmes de télévision.
2. Des signes annonciateurs : l'envol des cours de bourse et le retour du câble
Comme
dans beaucoup de domaines, la Bourse anticipe sur les évolutions
économiques et sociales en gestation en misant sur les entreprises
susceptibles d'en profiter.
Ainsi, la frénésie d'achat sur les valeurs d'avenir
-télécommunications et Internet- a gagné le secteur des
médias. Les titres de Canal Plus, TF 1, M 6 et des autres
opérateurs français ou européens, tel le bouquet
satellitaire britannique BSkyB, ont très fortement augmenté au
cours de 1999. Ce n'est pas la correction intervenue en début
d'année 2000, qui devrait modifier cette tendance à la hausse,
surtout depuis la nouvelle " méga fusion " annoncée
à la mi-janvier entre les géants américains AOL et Time
Warner, qui consacre le mariage des médias traditionnels et d'Internet.
La hausse enregistrée au début décembre a
été déclenchée par l'annonce du rapprochement de
BSkyB, la chaîne de télévision payante de Rupert Murdoch,
avec l'Allemand Leo Kirch. En prenant 24 % de KirchPayTV pour
1,47 milliard d'euros4(*), la
société britannique BSkyB a valorisé l'abonné
allemand à 2.800 euros.
Sachant, à titre de comparaison, qu'un abonné à
CanalSatellite est valorisé à 1.400 euros, on comprend que
toutes les sociétés françaises privées du secteur,
Canal Plus, TF1 et M6, aient bénéficié de cet effet de
revalorisation. Le phénomène n'est pas sans rappeler l'ascension
irrésistible des valeurs Internet américaines.
L'analyse financière sous-jacente à cette vague d'achats est que
les chaînes de télévision sont, aux côtés des
groupes de téléphonie mobile, les meilleurs vecteurs pour
profiter d'Internet, le téléviseur étant
considéré comme la voie d'accès la plus naturelle à
Internet. En témoigne également, l'envolée d'OpenTV, qui
produit des logiciels interactifs pour les décodeurs, lors de son
introduction sur le Nasdaq américain.
TF 1 a pour ambition de profiter de l'effet de masse de ses millions de
téléspectateurs pour s'imposer comme un portail incontournable
d'accès à Internet. Par cette démarche, la chaîne
espère attirer les annonceurs et prendre une commission sur les
transactions du commerce électronique. Dans ces conditions, il n'est
guère étonnant que l'action de TF 1 ait pu prendre 25 % en
deux jours, et 234 % depuis un an.
Le caractère durable de la hausse dépendra des
" fondamentaux ", évolution modérée du
coût de la grille et recettes publicitaires pour les uns, maîtrise
de l'endettement pour les autres, qui tels BskyB ont
détérioré leur rentabilité par l'octroi de
décodeurs numériques gratuits et autres coûteuses
promotions sans pouvoir augmenter le prix des abonnements.
La montée des capitaux américains dans le câble,
soulignée au début de l'été 1999 par le Conseil
supérieur de l'audiovisuel, révèle l'enjeu
stratégique que sont devenus les réseaux câblés par
suite de l'anticipation par les opérateurs privés du processus de
convergence entre la téléphonie, Internet et la
télévision.
Un certain nombre de personnalités entendues par le groupe de travail
ont insisté sur les causes de l'échec initial du câble en
France. Ainsi M. Bernard Prades, délégué
général de Suez-Lyonnaise, a-t-il rappelé que le lancement
du câble en toute fibre optique en France avait été un
échec. On a d'abord rencontré des difficultés techniques.
Ensuite, le démarrage de la commercialisation de TV Câble en
décembre 1986 s'est déroulé dans de mauvaises conditions,
tant du fait du lancement simultané de Canal + et de deux chaînes
hertziennes gratuites que des relations délicates avec France
Télécom. Ce qui est certain, c'est que l'absence
d'intégration des responsabilités de la pose à la
commercialisation n'a pas favorisé le développement du
câble.
Si celui-ci semble retrouver de l'intérêt pour les investisseurs
notamment américains, c'est en raison de ses perspectives dans le
domaine des télécommunications.
Un certain nombre d'entreprises étrangères5(*) se sont récemment implantées sur le
marché français. Elles anticipent en fait le mouvement de
dérégulation amorcé en Grande-Bretagne en 1991 permettant
aux câblo-opérateurs de proposer des services de
télécommunication. C'est cette même logique qui a conduit
France Télécom à s'associer en Grande-Bretagne avec NTL
(1,6 million d'abonnés).
En fait, à l'origine de ce renouveau du câble, se trouve
également l'ambition d'ATT et des câblo-opérateurs
américains soutenus par Micrososft de faire du câble aux
Etats-Unis le principal accès à Internet et par voie de
conséquence au commerce électronique.
En dépit des progrès des transmissions filaires avec le
début de la commercialisation de la technologie ADSL qui commence
à être commercialisée dans les arrondissements centraux de
Paris, le câble se présente actuellement comme une voie plus
sûre, plus rapide et de meilleure qualité que les modems
reliés à des lignes téléphoniques.
En quelques mois, ATT a acquis pour 100 milliards de dollars deux des plus
importants cablo-opérateurs : le n°1 TCI et le n°4
Médias One, tout en passant avec Comcast le n°3 une accord de
rationalisation des réseaux. Compte tenu des autres opérations de
concentration impliquant des opérateurs moins importants, il n'est pas
étonnant que les cours des actions des câblo-opérateurs
aient quadruplé à la bourse de New-York.
L'enjeu du câble apparaît encore plus nettement avec
l'entrée de Microsoft dans le processus d'alliances. Déjà
actionnaire de Comcast, Microsoft a investi 5 milliards de dollars dans
ATT en échange de 3 % du capital et avec la perspective de mettre
les systèmes d'accès d'ATT sous Windows. Dans ce domaine,
Microsoft est encore distancé par les décodeurs d'Open TV ( Sun )
et Médiagard de Canal Plus.
Microsoft tisse sa toile en Europe. Avec 4 milliards de dollars
d'investissements, la firme de Seattle possède notamment 30 % de
Telwest et 5 % de NTL en Grande-Bretagne, ainsi que près de
8 % d'UPC aux Pays-Bas.
On assiste ainsi à la course vers le client final, qui justifie tous les
investissements et toutes les surenchères : en un an, le prix de
valorisation de la prise aux Etats-Unis a presque doublé pour atteindre
près de 5.000 dollars par abonné. En France aussi, les prix
explosent : Vidéopole vendu par EDF sur la base de
1.300 francs l'abonné a été revendu quelques mois
plus tard par l'acquéreur à UPC sur la base de mille dollars par
abonné, qui correspond au prix actuel du marché.
Finalement, toute cette ébullition subite autour du câble montre
qu'avec la convergence, le câble a sa place aux côté du
satellite et, le cas échéant du numérique terrestre dans
la mesure où en l'état actuel des techniques, il semble que ce
soit le vecteur d'interactivité le plus immédiatement
opérationnel et celui offrant un accès particulièrement
sûr au client final. Lors de son audition par le groupe de travail, M.
Bernard Prades délégué général de
Suez-Lyonnaise s'est déclaré convaincu que le câble
constitue la vraie " autoroute de l'information " de demain et a
expliqué que du point de vue de l'aménagement du territoire,
seules les entreprises - environ 20 % de clients potentiels - auraient
l'utilité de l'énorme débit qu'offre le câble, les
particuliers n'auront l'usage que du débit, déjà
important, de l'ADSL.
Le réseau câblé britannique du groupe Cable & Wireless
Communications (CWC) - dont NTL a, avec l'appui de son nouvel actionnaire
France Télécom, pris le contrôle - a, le premier, en
juillet 1999, concrétisé cette stratégie en lançant
les premières chaînes de télévision
numérique, introduisant ainsi en Europe l'idée d'un service
global associant des images, des sons et des services variés.
CWC propose d'abord à Manchester, mais bientôt à Londres,
une large gamme de produits, y compris le courrier électronique, sur
l'écran de télévision, ainsi qu'une sélection de
sites Internet. Pour environ 100 francs par mois, les abonnés
disposent d'un décodeur, d'un bouquet de chaînes, dont certaines
numérisées, d'une ligne téléphonique avec
100 minutes d'appels locaux gratuits et du courrier électronique
gratuit. Ils peuvent également faire leurs courses par Internet,
grâce aux accords passés par CWC avec certaines grandes
entreprises. A terme, les abonnés devraient également pouvoir
avoir accès à des services Internet à grande vitesse.
B. L'AUDIOVISUEL PUBLIC ENTRE CONCURRENCE ET COMPLÉMENTARITÉ
La France va-t-elle connaître une évolution à l'américaine ? Les trois grands réseaux historiques que sont ABC, CBS et NBC ont, depuis longtemps, perdu leur monopole généraliste au profit d'une multitude de " channels " thématiques diffusés sur le câble et par satellite : de près de 90 % en 1978, la part d'audience des réseaux traditionnels est tombée à 47 % en 1998, et ce, malgré la création, ces trois dernières années, d'une série de nouveaux "networks " à vocation familiale (Fox TV, Pax TV, UPN, WB). En dépit de cette baisse de leur audience, les grands réseaux généralistes résistent bien en termes de recettes publicitaires. Elles culminent à plus de 7 milliards de dollars en 1998, même si les analystes s'attendent à ce que leur part du marché publicitaire s'effrite au profit des câblo-opérateurs pour tomber de 14,5 % en 1998 à 11,5 % d'ici à 2003.
1. Marquer sa différence tout en restant intégré au paysage audiovisuel
La vocation du secteur public est clairement de créer du " lien social " dans un paysage audiovisuel désormais éclaté du fait de la multiplication des chaînes thématiques et du développement d'Internet.
a) Les chaînes généralistes résistent dans l'ensemble plutôt bien aux chaînes thématiques
La
télévision a encore de belles perspectives. A en croire la
centrale d'achat d'espaces IP France, filiale du groupe CLT-UFA, le
développement rapide de l'utilisation d'Internet en Europe n'a pas
d'impact sur l'audience ni sur les recettes publicitaires des
télévisions. Alors que la part des foyers abonnés à
Internet en Europe de l'Ouest est passée de 5,1 % à
17,3 % entre 1997 et 1998, les Européens passent toujours plus de
temps devant leur téléviseur. La durée d'audience moyenne
a encore augmenté de 6 minutes, pour atteindre 3 heures et
25 minutes par jour. Et cette constatation est valable partout, même
dans les pays où l'usage d'Internet est le plus répandu. En
Suède, en Norvège et au Danemark, où plus d'un habitant
sur cinq était connecté à Internet en 1998, la
durée d'écoute de la télévision a augmenté
encore plus que la moyenne européenne.
Pour l'instant, Internet et télévision sont deux types de
consommation qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, et qui se
complètent : sur Internet, l'information pratique, les services, le
dialogue ; à la télévision : le divertissement,
la détente, l'information généraliste. En outre aux
27 millions de foyers européens qui ont accès à
Internet, il faut opposer les 150 millions de ménages qui regardent
uniquement la télévision.
Ensuite, les chiffres globaux sont plutôt rassurants pour les
généralistes. Selon la dernière enquête connue
Audicabsat, menée par Médiamétrie à la fin 1998, la
part d'audience des chaînes hertziennes reste exactement au même
niveau de 71,1 % que l'année précédente. Face
à cette stabilisation inattendue, la part d'audience des chaînes
thématiques n'a pas varié. Comme en 1997, elle s'est maintenue
à 24,9 %. Ce qui signifie, compte tenu de l'augmentation du nombre
de chaînes thématiques, que l'audience moyenne n'a pu que
baisser...
De fait, la stabilité de la part d'audience des chaînes
thématiques masque des évolutions divergentes. On constate
notamment que les chaînes pionnières du câble et du
satellite souffrent de la concurrence des nouvelles venues.
Cette bonne performance des chaînes généralistes traduit
leur capacité à créer l'événement. Cette "
puissance " recherchée par les publicitaires, est illustrée
par la capacité de programmes, tels que " Le Comte de Monte
Cristo ", à rassembler plus de 10 millions de
téléspectateurs.
M. Maurice Lévy a expliqué devant le groupe de travail que TF1 se
devait de conserver sa position dominante par l'effet de "la prime au leader"
dont elle bénéficie à l'heure actuelle dans le domaine de
la publicité. Bien que l'intérêt des annonceurs soit
d'offrir à leurs clients des audiences de plus en plus ciblées,
et donc que la publicité doive occuper une place non négligeable
sur les chaînes payantes, même si l'audience y est plus faible, le
processus actuel ne condamne pas, selon lui, les chaînes de
télévision généralistes mais conduit seulement
à une fragmentation de l'audience. Il a rappelé que
" l'homme est un animal d'habitude ", fidèle aux programmes et
aux présentateurs qu'il connaît.
D'autres signes sont cependant annonciateurs de changements. Ainsi, les
chaînes thématiques ont été plus nombreuses à
obtenir une audience significative. En 1998, sept chaînes, contre cinq,
l'année précédente, ont fait plus de 1 % de parts
d'audience. On note également que certaines chaînes obtiennent
localement des performances appréciables. En Ile-de-France, LCI atteint
3,2 % de parts d'audience, contre 1,6 % au plan national. Paris
Première est dans la même situation avec plus de 2 % de parts
d'audience en région parisienne et 1 % sur tout le territoire.
En outre, au-delà des chiffres globaux de cette enquête qui pour
l'instant n'est qu'annuelle, il faut non seulement considérer la
tendance mais examiner les caractéristiques de la population. De ce
point de vue, le câble et le satellite touchent principalement des
populations jeunes et plutôt aisées qui regardent peu les
chaînes généralistes.
Signe que les temps changent, l'institut Médiamétrie va prendre
en compte à partir de janvier 2000, les chaînes numériques
dans son Audimat quotidien. 280 foyers recevant des programmes
numériques par satellite et sur le câble, soit environ 10 %
de l'échantillon de population servant à établir l'Audimat
prendront la place d'un nombre équivalent de foyers disposant seulement
d'une offre de chaînes analogiques. Pour autant, le Médiamat ne
livrera pas quotidiennement les audiences détaillées des
chaînes thématiques, qui continueront à être
comptabilisées globalement sous la rubrique " Autre
télévision ".
Dans la pratique, le premier changement notable devrait être une baisse
minime des parts d'audience de certaines des chaînes hertziennes. Ainsi,
TF 1 pourrait perdre près de 1 % de parts de marché,
tout comme France 2 et France 3. En revanche, les résultats de
Canal Plus et M6 devraient, eux, rester stables.
Les grandes télévisions hertziennes pourraient perdre
collectivement jusqu'à 2,5 % de parts d'audience. ; les
chaînes classées " Autre télévision "
passant de 4,5 % à 7 % de parts de marché. Seules M6 et
Canal Plus, mais aussi Arte-La Cinquième, pourraient compenser ce
léger repli grâce à l'apport des nombreux foyers qui les
captent par satellite et sur le câble, faute de pouvoir les recevoir en
mode hertzien.
A long terme, en revanche, la part du numérique devrait croître
à mesure du gonflement des portefeuilles d'abonnés de TPS et
Canal Satellite. "Les émissions d'après-midi, notamment
les fictions, et de fin de soirée pourraient aussi être
menacées car elles doivent faire face, au même moment "à
une offre très forte et de même nature sur les chaînes
thématiques".
L'arrivée du numérique va très probablement accentuer
cette tendance à l'atomisation de l'audience et peut-être
même à l'atténuation des carrefours d'audience. Il n'est
pas sûr, en effet, que des rendez-vous comme les journaux de
20 heures résistent indéfiniment à la multiplication
des chaînes spécialisées d'information ou de
météo en continu et à l'effet des programmations
décalées.
De toute façon, l'effritement ne sera pas homogène selon la
population considérée, étant entendu que la perte la plus
probable concernera les enfants et adolescents.
La concurrence qui se concentrera sans doute sur les émissions de
deuxième partie de soirée et de l'après-midi, devrait
inciter les chaînes généralistes à mettre l'accent
sur les points forts de leur programmation en access et en prime time. On
devrait logiquement assister à un recours accru aux grands programmes
événementiels à caractère fédérateur
comme les grandes manifestations sportives, les grands films ou les
soirées spéciales que seules les grandes chaînes peuvent
financer.
b) L'audience globale des chaînes publiques a tendance à s'effriter en dépit de leur rôle social indispensable
On voit
que le contexte dans lequel évolue le paysage audiovisuel est porteur,
sinon de menaces du moins d'un défi pour le secteur public, au point de
remettre en cause sa fonction de référence commune à tous
les Français.
Le sociologue Dominique Wolton analyse très clairement l'apport
indispensable des chaînes publiques : " Demain, les médias
généralistes, dans un univers multimédia, interactif et
encombré de réseaux, auront un rôle encore plus important
qu'hier, car ils seront l'un des seuls liens de la société
individualiste de masse. La télévision généraliste
renvoie à cet objectif : continuer à partager quelque chose
en commun dans une société fortement hiérarchisée
et individualisée. Les médias thématiques ne font, en
revanche, au nom de la liberté des choix, qu'épouser les plis des
inégalités sociales et culturelles ".
Il n'est pas sûr que le secteur public puisse toujours jouer ce
rôle de commun dénominateur social et culturel avec les moyens
dont il dispose actuellement, compte tenu de la concurrence des chaînes
privées, à l'évidence mieux armées pour s'adapter
à l'évolution technologique.
Le flot d'images que le satellite et le câble sont dès aujourd'hui
en mesure de déverser dans un nombre de plus en plus important de
foyers, l'afflux supplémentaire qui résultera de
l'avènement du numérique terrestre, changent les modes de
consommation. Le risque d'un tassement de l'audience pourrait, faute d'une
vraie mobilisation, être plus important pour le secteur public que pour
le secteur privé pour plusieurs raisons :
· d'abord, le secteur privé est à l'évidence
mieux à même de pratiquer du fait des moyens financiers
considérables qu'il est en mesure de mobiliser, cette programmation
événementielle qui paraît la plus apte à
résister au grignotage de l'audience par les chaînes
thématiques : le secteur public doit en permanence lutter contre
les effets de cette " prime au leader " qui tend
généralement à le placer en situation de challenger ;
· ensuite, le secteur privé a, depuis un certain nombre
d'années déjà, pris de l'avance en matière de
diversification de l'offre et de gestion commerciale : dans un monde
saturé d'images, il faut savoir entretenir la demande, bref savoir se
vendre, ce qui, il faut le reconnaître, est plus dans la nature des
chaînes privées que publiques. En outre, la mutation du fait du
développement de l'interactivité, des chaînes
privées en portail d'accès à Internet et en vecteur de
commerce électronique crée des synergies favorables aux
chaînes privées, qui, pour l'instant du moins, ne peuvent
bénéficier aux chaînes publiques ;
· enfin, on peut se demander si le développement des
chaînes thématiques à vocation culturelle ne va pas
progressivement ôter leur raison d'être aux programmes culturels
des chaînes généralistes à caractère non
événementiel, soit que ceux-ci soient repris à des
horaires décalés, ce qui diluera l'audience, soit qu'ils soient
simplement démarqués sur les chaînes thématiques
correspondantes.
Dans ces conditions, le choix est difficile pour les chaînes publiques
entre une programmation concurrente, dont elles n'ont pas vraiment les moyens
et qui pourrait les amener au nom de l'efficacité à oublier leurs
misions, et une contre-programmation qui pourrait les conduire à ne
constituer qu'une offre complémentaire, toujours menacée de
marginalisation.
2. La publicité, nécessité financière et impératif d'image ou drogue dangereuse ?
Dans
cette perspective, la place de la publicité est une question tout
à fait emblématique d'un dilemme fondamental pour le secteur
public : doit-il marquer sa différence ou au contraire assurer son
intégration parmi les produits audiovisuels du marché ?
D'un côté, on peut soutenir qu'il doit montrer sa
différence, en particulier en s'interdisant les coupures publicitaires,
qui feraient que France Télévision ne se distinguerait
guère de ses rivales TF1 et M6 ; de l'autre, il faut se garder de
toute publiphobie : pour la jeune génération, non seulement
la publicité n'est pas perçue comme une gêne, mais encore
son absence serait presque suspecte, comme le signe de quelque chose
d'élitiste, donc d'ennuyeux, voire de ringard.
C'est la reconnaissance de ce fait publicitaire qui conduit votre rapporteur
à considérer comme inopportune toute diminution trop drastique de
la durée de la publicité à la télévision.
La réduction programmée de la durée de la
publicité, prévue dans le projet de loi modifiant la loi relative
à la liberté de communication, se fonde sur une analyse longtemps
incontestée : les chaînes publiques ont dû se plier
à ce que l'on pourrait appeler une logique de l'audience, qui les a
soumis à une dictature de l'Audimat, d'autant plus sévère
qu'elle s'alimentait d'une confrontation sans merci avec le secteur
privé.
L'imitation du secteur concurrentiel, tant dans les programmes que dans les
méthodes de management, a conduit à une crise de
légitimité de la télévision du secteur public,
née au printemps 96 de l'affaire dite des animateurs-producteurs.
La fin - l'augmentation de l'audience - ne justifiait à
l'évidence pas les moyens - la passation de contrats dans des conditions
peu transparentes pour s'attacher les services des vedettes du petit
écran.
Mais, si la course à l'audience était effectivement devenue une
nécessité vitale, c'est sans doute moins à cause de la
part des recettes publicitaires dans les ressources de la chaîne que des
mutations en cours du marché de la publicité.
Dans un marché de monopole, et cela était le cas en 1986, avant
la privatisation de TF1, on a pu avoir des pourcentages de recettes
publicitaires bien supérieurs, comme on peut le constater à la
lecture du tableau de la page 13 du présent rapport.
Celui-ci montre que la part de la publicité pouvait atteindre pour
France2 plus de 60 %, voire près de 70 % avec les recettes de
diversification. Or, personne ne s'inquiétait alors vraiment de voir le
contenu des programmes dictés par les annonceurs. C'est parce
qu'à l'époque l'audiovisuel était en situation de monopole
ou du moins contrôlait un cartel, dont tous les acteurs jouaient avec la
même règle du jeu, celle du service public.
Il en est tout autrement aujourd'hui sur un marché devenu concurrentiel.
La position de marché du secteur public s'est considérablement
affaiblie, dès lors que les annonceurs ont pu se tourner vers TF1 et M6.
Cette évolution structurelle a été accentuée par un
certain retournement de tendance du marché publicitaire au milieu des
années 1990.
En 1993 et 1994, on a assisté à la redistribution de l'audience
libérée par la disparition de La 5. France 2 a alors
été tentée, ce que l'on peut comprendre, d'adopter un
comportement de concurrence frontale avec TF1. C'est à ce
moment-là que la croissance du marché publicitaire s'est
ralentie, passant de +9,8 % en 1994 et +8,8 % en 1995 à
+3,6 % en 1996 et +5,4 % en 1997.
La décision du CSA d'autoriser en 1996 TF1 à revenir sur
l'autolimitation des coupures publicitaires et à les faire passer de 4
à 6 minutes par heure, a sans doute, de ce point de vue, moins
constitué un " cadeau " au groupe privé, qu'une
pression concurrentielle accrue sur France Télévision.
La compétition entre les régies, dans un contexte où la
durée des espaces publicitaires croît plus vite que les
dépenses des annonceurs, se traduit par une agressivité accrue
dans les politiques tarifaires, et une augmentation des taux moyens de remises.
L'état de dépendance publicitaire dans lequel on a placé
France Télévision ne dépend pas d'un seuil quantitatif
mais du fait que l'évolution du mode de fonctionnement du marché
publicitaire a mis France Télévision en situation de
vulnérabilité.
Le temps est révolu où les chaînes dépassaient sans
difficulté les objectifs de recettes publicitaires qui leur
étaient assignés dans les lois de finances.
Indépendamment de la déstabilisation du marché, due
à l'effet d'annonce des réductions de la publicité sur les
chaînes publiques, cette situation s'explique fondamentalement par
l'intensification de la concurrence, du fait à la fois de ses
performances en audience (chacune des deux chaînes privées gagne
près d'un point de part d'audience sur les ménagères
de moins de 50 ans) et de l'allongement des écrans de coupure de
TF1 (+18 % de " GRP " délivrés par ses
écrans publicitaires par rapport au 1er semestre 1997) ;
Le problème des chaînes publiques du point de vue des recettes
publicitaires est qu'elles sont en position de faiblesse sur les segments les
plus utiles du marché : " l'access - prime time ", les
" ménagères de moins de cinquante ans ".
Une des
raisons de la diminution de l'efficacité des écrans6(*) vient de ce que les tarifs des écrans tiennent
compte de l'audience effective des émissions auxquelles ils se
rattachent. Un tel système peut avoir des effets en retour redoutables,
même si l'on s'efforce de responsabiliser l'annonceur dans le choix des
écrans.7(*)
Il faut noter également que la régie publicitaire de France
Télévision s'efforce de mettre en place un nouveau mode de
commercialisation de l'espace publicitaire.
A deux reprises, France Télévision Publicité a
expérimenté la vente aux enchères de certains
écrans diffusés à l'occasion de deux grandes
manifestations sportives. Ces expériences ponctuelles - notamment le
match "Marseille-Parme" du 12 mai 1999 - s'étant
révélées concluantes, la régie publicitaire va
commencer à commercialiser certains des écrans diffusés
par France 2 et France 3 en 2000 sous forme d'adjudication par la
libre confrontation de l'offre et de la demande d'espace.
Afin de donner aux intervenants le maximum de garanties de transparence et
d'égalité de traitement, ce nouveau mode de vente doit être
mis en oeuvre par l'intermédiaire d'une structure
spécialisée, filiale de France Télévision
Publicité (qui garde en toute hypothèse la totale maîtrise
de la commercialisation de l'espace disponible).
Parfois critiqué par les annonceurs, un tel système semble a
priori de nature à permettre à France télévision de
tirer parti d'une éventuelle pénurie d'écrans et, sans
doute, de limiter les pertes qui doivent résulter de la diminution
décidée par le Gouvernement de la durée des écrans
publicitaire. Il ne devrait pas diminuer la vulnérabilité des
chaînes publiques aux fluctuations du marché publicitaire
soulignée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le
rapport qu'il a remis à votre commission des finances.
Si TF1 a pu maintenir et même renforcer sa position en dépit de la
baisse de son audience, c'est parce qu`un gain d'un point d'audience rapporte,
en part de marché publicitaire, environ deux fois plus à une
chaîne privée qu'à une chaîne publique.
Nul doute, en revanche, que l'interdiction des coupures publicitaires favorise
la formation des " tunnels " et diminue l'efficacité des
écrans et donc les recettes des chaînes publiques. A cet
égard, il rejoint tout à fait M. Marc Tessier, le nouveau
président de France Télévision, lorsqu'il a
déclaré qu'on aurait pu faire le choix d'autoriser ces coupures
tout en diminuant la durée de la publicité.
Comme le souligne le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
" l'effort commercial nécessaire à une chaîne et
à sa régie pour accroître ou maintenir une part de
marché n'est donc pas moins important pour le secteur public que pour le
secteur privé, mais la liberté pour adapter le contenu de la
grille de programmes aux exigences des annonceurs ou aux rigueurs
financières du moment est beaucoup plus grande pour le second que pour
le premier.
Cette différence d'adaptabilité à la concurrence fait que,
paradoxalement, les chaînes publiques apparaissent plus
vulnérables que les chaînes privées aux fluctuations du
marché publicitaire. "
Pour conclure, votre rapporteur estime qu'il ne faut en aucun cas supprimer
toute publicité.
D'abord, parce que celle-ci constitue un moyen privilégié pour
les directeurs de chaînes de rester en contact direct avec le public. Les
recettes de publicité matérialisent les succès d'audience
et jouent un rôle important dans la motivation des personnels.
Ensuite, parce que la culture que le secteur public a pour mission de
véhiculer, doit parfois s'avancer masquée derrière le
divertissement et la publicité en fait à l'évidence partie.
Une chaîne généraliste grand public, qui voudrait se
présenter comme culturelle, risque en fait de confiner la culture dans
un ghetto que le défaut de publicité signalera de façon
emblématique ; au contraire, de la publicité,
consommée avec modération, qui non seulement permettra aux
responsables des émissions comme des chaînes de rester en prise
avec leur public mais encore de s'intégrer naturellement dans le paysage
audiovisuel.
Tout le dilemme stratégique des chaînes de service public est
précisément de montrer leurs différences pour justifier
leur financement public, sans pour autant s'isoler du reste du paysage
audiovisuel au risque de devenir des chaînes sans
téléspectateurs. L'audience du plus grand nombre reste un
objectif fondamental du service public au même titre que la
qualité.
C. CONTENUS : UN BESOIN D'IMAGES QUI NOUS RESSEMBLENT
L'explosion de la télévision numérique et la
multiplication des chaînes qui l'accompagne, ne signifient pas
l'augmentation proportionnelle de la demande de programmes. Nul doute qu'une
bonne part des nouveaux besoins sera couverte par des produits de recyclage ou
de décalage avec les déclinaisons temporelles d'une même
chaîne.
On doit toutefois s'attendre à ce que l'augmentation des chaînes
thématiques accroisse sensiblement la demande de programmes
" frais ".
Il y a quelques années, on aurait immanquablement pu pronostiquer que
cette nouvelle demande irait vers des séries américaines, bon
marché, parce que largement amorties sur leur marché d'origine.
Aujourd'hui, il n'en est plus de même. L'empire américain continue
certes de prospérer ; mais les autres nations contre-attaquent. Et
c'est la chance de la France.
1. L'hégémonie américaine face au besoin d'identité culturelle
Les
Etats-Unis continuent de dominer les marchés audiovisuels. Ce qui est
vrai, à quelques nuances près du cinéma, l'est moins pour
les programmes de télévision, pour des raisons à la fois
culturelles et économiques.
L'évolution récente a montré que les produits nationaux
pouvaient trouver leur place et même concurrencer les produits
américains.
Désormais, les téléspectateurs européens ont
souvent tendance à marquer une préférence pour des
produits qui leur sont culturellement proches. Certes, des séries
américaines axées sur les charmes des plages californiennes
trouvent encore un public mais il en est de même, à certaines
conditions des produits en provenance d'autres pays et notamment d'Europe. Il y
a donc un besoin de diversification.
Certes les programmes américains sont encore bien souvent les seuls
produits audiovisuels à vraiment circuler à l'intérieur de
l'espace audiovisuel européen ; il n'en reste pas moins que leur
part diminue de façon constante depuis cinq ans sur les antennes de nos
voisins allemands et anglais.
L'hégémonie américaine a tendance à se faire moins
nette, parce qu'elle trouve en face d'elle une demande de variété
et un réflexe identitaire, même pour le cinéma.
En 1998, les studios hollywoodiens ont, profitant de la hausse de la
fréquentation des salles et de l'explosion des chaînes de
télévision, réalisé 6,8 milliards de dollars
de recettes hors des Etats-Unis, autant que sur leur marché domestique.
On note toutefois une tendance à l'effritement de leur part de
marché en salle en Europe, qui est passée de 75 % en 1993
à 55 % en 1997.
Face aux Etats-Unis, on voit d'ailleurs se dessiner dans le cinéma une
sainte alliance entre les opérateurs européens d'habitude
concurrents.
Ainsi M. Murdoch, qui vient de s'allier avec l'allemand Kirch, pourrait
rejoindre le projet Eureka, qui regroupe déjà ce dernier et
Silvio Berlusconi, et dont l'objectif est de produire des films et des
séries. Canal Plus pourrait être le partenaire français de
ce regroupement européen.
La problématique de l'exception culturelle, ravivée par les
négociations de Seattle, a été souvent mal comprise parce
que perçue comme agressive. Elle devrait laisser la place à une
revendication de sauvegarde de la diversité culturelle partagée
par tous ceux, et ils sont nombreux, désireux de ne pas voir leur
culture noyée sous des flots d'images standardisées,
déversées sans autre souci que celui de la rentabilité
à court terme.
Ce thème est fortement mobilisateur. Le Canada et l'Australie ont su se
doter de puissantes industries audiovisuelles, à la fois fortement
encadrées et faisant du soutien à l'exportation leur principal
levier de développement. L'Amérique latine compte aujourd'hui
avec le Mexique et le Brésil deux des plus puissants exportateurs de
programmes dans le monde. En Asie, la Corée du Sud et le Japon semblent
voir dans les alliances avec l'Europe le moyen de desserrer une pression
américaine croissante.
2. Une chance à saisir pour la France
L'explosion du nombre de chaînes résultant de
l'utilisation croissante des technologies numériques, ne peut que
susciter une demande croissante de programmes.
Il faut que l'Europe et la France soient bien préparées pour
faire face à ce qui pourrait bien se révéler, sinon une
explosion, du moins une très forte augmentation de la demande.
Si l'on ne veut pas que cette expansion du marché profite surtout aux
produits américains, dont l'excédent commercial vis-à-vis
de l'Europe est passé de 2 milliards de dollars en 1988 à
6,5 milliards de dollars en 1998, il est indispensable de
développer encore les aides en faveur des contenus.
En dépit d'une certaine tendance à l'amélioration, pour
les raisons que l'on vient d'évoquer, la domination américaine
est très nette sur le petit écran, où près de la
moitié des oeuvres de fiction télévisuelles
diffusées sur les chaînes nationales viennent d'outre Atlantique.
Certes, TV France International peut faire état d'une nette progression,
puisque le montant des exportations atteint 583 millions de francs en 1997
et 716 millions de francs en 1998.
On peut souligner qu'à côté des points forts que
constituent l'animation (40 % des exportations) et le documentaire
(20 % des exportations) - ce dernier genre étant favorisé
par le développement des chaînes thématiques - notre point
faible reste les oeuvres de fiction, qui représentent à peine
30 % de nos exportations.
Il faut cependant signaler les très bonnes performances des
émissions de flux comme " Fort Boyard ", qui constitue l'un
des plus grands succès français à l'exportation ;
tourné en France, il est devenu en dix ans le programme français
de télévision le plus exporté ; il est vendu dans
48 pays.
Les réalisations d'Expand, leader mondial des jeux d'aventure, est un
bon exemple des performances d'une industrie française de l'audiovisuel
résolument tournée vers le marché international, au point
d'exporter tous types de programmes et de recettes confondues pour près
de 1,8 milliard de francs en 1998, faisant jeu égal avec le
cinéma.
Plus jeune que l'industrie cinématographique, la production de
télévision est sensible aux demandes du marché. Elle est
assurée par une pléiade de petites sociétés
indépendantes animées par des producteurs entreprenants,
axés sur le marketing et rompus aux techniques de doublage et de
synchronisation de langues pour s'imposer à l'exportation.
La meilleure défense étant l'attaque, il convient d'inciter les
producteurs à se porter sur les marchés étrangers et ne
pas compter sur la protection illusoire et temporaire des quotas.
Maintenant, surtout à un moment où la notion d'exception
culturelle peut être remise en cause dans le cadre des
négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce, il ne faut sans
doute pas aller trop vite, comme peuvent le laisser craindre les propos du
nouveau commissaire européen à l'audiovisuel et à la
culture, Mme Viviane Reding, qui a récemment
déclaré : " Il ne faut pas nécessairement
défendre les quotas. Il y a une autre façon de faire la
même politique, c'est de subventionner, d'aider à la
création européenne, de former les jeunes pour qu'ils soient
capables de créer et leur donner un coup de pouce pour qu'ils puissent
faire des oeuvres intéressantes et à ce moment les quotas seront
remplis. " Prise à la lettre, une telle déclaration
pourrait signifier la fin de la " directive télévision sans
frontières ".
L'exemple canadien est là pour démontrer que la seule solution
durable consiste à favoriser l'apparition d'une forte industrie
française de programmes audiovisuels adaptés aux standards
internationaux.
Cela peut être fait au moyen des obligations de production. En ce qui
concerne les oeuvres en clair, on peut rappeler qu'en application du
décret du 17 janvier 1990, les services de télévision
diffusés en clair doivent à la fois consacrer 15 % de leur
chiffre d'affaires à la commande d'oeuvres d'expression originale
française et un volume minimum de cent vingt heures d'oeuvres
audiovisuelles européennes ou d'expression originale française
diffusées en début de soirée. Par convention avec le CSA
ou en vertu de leur cahier des charges pour les sociétés de
l'audiovisuel public, une augmentation du pourcentage de chiffre d'affaires
investi dans la production peut être compensée par une diminution
de l'obligation de diffusion.
Mais
l'autre pilier de la politique d'encouragement à la création
audiovisuelle est l'aide de l'État. Celle-ci passe à la fois par
le Compte de soutien à l'industrie de programme -COSIP- et des avantages
fiscaux conférés aux sociétés anonymes de
financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles - SOFICA.
Sans entrer dans le détail de mécanismes qui mettent en jeu des
sommes importantes -1,16 milliard de francs pour le COSIP,
120 millions de dépenses fiscales pour les SOFICA-, votre
rapporteur considère en ce qui concerne la masse la plus importante,
c'est à dire le compte de soutien, que, si des progrès peuvent
sans doute être encore faits dans l'adaptation des procédures aux
besoins, le problème est moins une question de montant que de
mobilisation sur le terrain pour faire connaître aux producteurs
intéressés la marche à suivre et les accompagner dans
leurs efforts à l'exportation.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut changer les mentalités en amenant
les opérateurs à concevoir, dès le départ, leurs
produits pour les marchés extérieurs et non plus faire de
l'exportation ce petit bonus qui vient de façon aléatoire en sus
de l'exploitation sur le marché français.
Par ailleurs, il est urgent de manifester une nette volonté de mettre en
place des mécanismes vraiment efficaces correspondant aux
spécificités des produits audiovisuels, M. Frank Soloveicik,
auteur d'un rapport remis à M. Jacques Dondoux, alors ministre du
commerce extérieur, a notamment évoqué devant le groupe de
travail, l'intérêt d'une adaptation des procédures de la
COFACE, ainsi que de l'IFCIC, dont le groupe de travail a d'ailleurs
reçu le Président, M. Bertrand Larrera de Morel, et le
directeur général, Mme Elisabeth Flury-Hérard.
En ce qui concerne le frein aux exportations audiovisuelles des entreprises
publiques résultent du transfert des droits au-delà 3 ans
à l'INA. M. Jean-Claude Moyret, Directeur de l'audiovisuel
extérieur et des techniques de communication du Ministère des
Affaires étrangères, a précisé toutefois que cette
règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une coproduction avec un
opérateur privé, ce qui est très souvent le cas pour les
oeuvres de fiction.
En outre, il faut attirer l'attention sur les freins aux exportations
audiovisuelles résultant d'une application à courte vue du droit
d'auteur. Ainsi que l'a souligné M. Frank Soloveicik, il existe un
effet pervers qui ressort de la conception française du droit d'auteur :
à force de vouloir protéger les acteurs, les ventes de film
à l'étranger s'affaiblissent, et finalement les acteurs ne
touchent plus de droits. Il convient de poser dans l'intérêt tant
de nos exportations audiovisuelles que de la diffusion de la culture
française à l'étranger, la question des droits d'auteur.
Mme la ministre a annoncé qu'une réflexion allait être
entreprise sur ce sujet. On en attend avec impatience les résultats.
Initialement circonspect,compte tenu de la place du satellite et des
perspectives du câble, votre rapporteur estime que le numérique
terrestre constitue effectivement le vecteur d'une offre numérique sans
doute moins diversifiée que celle du satellite ou du câble mais
suffisante pour offrir une sorte de service de télévision
numérique universel.
Il y a vu également une chance, et sans doute la dernière pour le
secteur public d'attraper le train du numérique et en particulier de
développer des services interactifs multiples qui devraient se
révéler le support indispensable d'une audience stable et
significative sur le marché audiovisuel.
En revanche, si les objectifs ont paru justes, et notamment la constitution
d'une société holding regroupant les forces du secteur public, il
n'en est pas de même des moyens qui ont paru inadaptés à
l'état de la concurrence.
A cet égard, il serait d'abord vain et dangereux de chercher à
entraver le développement du secteur privé au nom de
règles de concurrence qui ne soient pas propres aux marchés
audiovisuels et qui ne tiennent pas compte du caractère international de
ces marchés.
Il est ensuite peu réaliste de ne pas augmenter les ressources du
secteur public si ce n'est au niveau du moins au même rythme que celles
du secteur privé. Il est même indispensable de prévoir une
augmentation des capitaux propres pour permettre au nouveau groupe France
Télévision de financer les investissements nécessaires au
développement des nouvelles chaînes numériques terrestres.
Enfin, la conviction de votre rapporteur est que des moyens
supplémentaires ne peuvent utilement être investis dans la
nouvelle société holding que si l'on procède aux
réformes des structures qui rendront manoeuvrant le nouvel ensemble et
l'empêcheront de n'être qu'un simple colosse aux pieds d'argile.
A. LA FAUSSE PISTE DU CHANGEMENT DES RÈGLES DE CONCURRENCE
Une
politique de la communication audiovisuelle ne doit pas se réduire au
seul secteur public. Il est de l'intérêt du pays de mettre en
place un secteur audiovisuel fort quel que soit le statut public ou
privé des acteurs.
Une bonne partie des interventions publiques doivent donc favoriser non le seul
secteur public mais l'ensemble des opérateurs nationaux qui sont, tous,
en concurrence sur le marché mondial.
L'État se doit d'offrir un cadre stable aux acteurs français de
l'audiovisuel. Il se pourrait que la poursuite de l'intégration de
l'espace audiovisuel européen aboutisse à infléchir les
règles du jeu audiovisuel dans un sens plus libéral, au risque de
limiter singulièrement la liberté de l'État pour
restructurer l'audiovisuel public.
1. Des nains au milieu de géants
Il y a
quatre ans, on avait connu une vague de " mégas fusions " dans
l'industrie audiovisuelle américaine : Disney avait pris le
contrôle du réseau ABC pour 19 milliards de dollars, tandis
qu'on avait vu Westinghouse s'emparer de CBS et Time Warner absorber le groupe
TBS de Ted Turner. Aujourd'hui, le processus semble relancé.
D'abord, on a assisté, en septembre 1999, à l'acquisition de CBS
pour 37 milliards de dollars par le groupe américain Viacom. Cette
fusion, la plus grosse enregistrée dans le secteur des médias et
des loisirs, débouche sur la création du numéro deux
mondial du secteur. A l'issue de l'opération réalisée sous
forme d'échanges de titre, les actionnaires de CBS doivent
contrôler 55 % de la nouvelle société, qui s'appellera
Viacom,
Cette fusion est un exemple type d'intégration verticale, qui consiste
à combiner au sein d'un groupe la fabrication de " contenu ",
c'est-à-dire la production de programmes, et sa distribution, comme en
témoigne la liste impressionnante des compagnies regroupées dans
le nouveau groupe : la chaîne CBS - l'un des trois grands
" networks " américains avec ses 212 stations locales
affiliées -, une chaîne du réseau hertzien (UPN), des
chaînes câblées (MTV, Nickelodeon, Showtime, Country Music
Television, The Nashville Network), le studio de cinéma Paramount
Pictures ( producteur de Titanic), la maison d'édition Simon &
Schuster (51 prix Pulitzer), cinq parcs de loisirs et le distributeur de
cassettes vidéo Blockbuster.
C'est encore l'alliance d'un groupe de 111.000 personnes avec une
entreprise de 46.000 employés pour former un empire qui aurait
généré l'an dernier, assurent les artisans de la fusion,
21 milliards de dollars de revenus.
La leçon de cette première opération est que l'on voit se
constituer des empires à la fois dans la production de contenus et dans
la distribution à travers pratiquement tout l'éventail des
secteurs médiatiques : câble, réseau hertzien, affichage
publicitaire, Internet, production de films et de programmes
télévisés.
Mais, l'événement majeur est sans doute l'annonce à la
mi-janvier de l'acquisition du premier groupe de presse et de loisirs dans le
monde, Time Warner par AOL, numéro un mondial des services en ligne, qui
consomme le mariage entre les médias et Internet.
Le nouvel ensemble aura une capitalisation boursière de l'ordre de 350
milliards de dollars et un chiffre d'affaires de plus de 30 milliards de
dollars.
La nouvelle société, baptisée " AOL Time Warner ", alliera
anciens et nouveaux médias. Elle sera présente tout à la
fois dans l'Internet, l'édition (Time), la musique (Warner Music), le
cinéma (Warner Bros), la télévision (HBO, CNN) et les
loisirs. Ainsi les 22,2 millions d'abonnés (dont 3,5 millions
à l'étranger) aux services en ligne d'AOL et de sa filiale
CompuServe se trouveront rejoindront les 13 millions de
téléspectateurs branchés sur les réseaux
câbles de Time Warner aux Etats-Unis, ainsi que ses 35 millions
d'abonnés à la chaîne HBO sans oublier toutes les personnes
qui, à travers le monde ont accès à la chaîne
d'informations CNN.
AOL, qui est une des rares sociétés rentables du secteur, a
enregistré l'an dernier un bénéfice de 762 millions
de dollars, est valorisée, à 164 milliards de dollars pour
4,8 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit un cours
représentant 214 fois son résultat par action (PER). De son
côté, Time Warner, qui a affiché en 1999 un chiffre
d'affaires de 26,8 milliards de dollars et un léger profit de 168
millions de dollars , est valorisé à quelque 97 milliards de
dollars, avec un PER de 140.
Compte tenu de ces éléments, la transaction qui a pris la forme
d'un échange de titre peut être estimée à 168
milliards de dollars.
On mesure l'importance de ces opérations en considérant que la
capitalisation boursière de TF1 ne représente " que "
5 milliards de dollars.
M. Jean Drucker a insisté, lors de son audition par le groupe de
travail, sur l'insuffisante concentration des entreprises de communication
françaises, estimant que leur taille était, à l'heure
actuelle, trop petite comparée aux groupes anglo-saxons. A titre
d'exemple, il a indiqué que la capitalisation boursière de Canal
Plus était inférieure aux bénéfices d'Intel.
Votre rapporteur, retient de ces ordres de grandeur que les entreprises
françaises de l'audiovisuel sont des proies d'autant plus faciles pour
de grands prédateurs internationaux que leur capital est parfois
dispersé.
A cet égard, à peine trois jours après l'annonce de la
fusion AOL Time Warner, on voit, toujours à la mi-janvier 2000,
l'aboutissement des négociations entre Canal Plus et Lagardère,
qui aboutit à la création d'une alliance stratégique qui
se caractérise également par le mariage entre deux
opérateurs qui ont chacun la caractéristique d'être
producteur de contenus et résolument tournés vers Internet.
Lagardère fait son entrée dans le bouquet Canal Satellite
à hauteur de 34 % et devient l'un des trois premiers actionnaires de
l'éditeur de chaînes Multithématiques (27,4 %). Les deux
groupes créent trois sociétés communes. La première
(51% Lagardère / 49% Canal Satellite) éditera des services
interactifs "à partir des contenus médias de Lagardère".
Une autre structure à 50/50 développera les projets de
chaînes "basées sur les marques internationales" de
Lagardère. Par ailleurs, une société commune regroupera
les chaînes existantes de Lagardère.
Sur la base d'une valorisation de CanalSatellite à 17 milliards de
francs, Lagardère devra payer 5,8 milliards de francs sa participation
de 34 % dans cette entreprise ; son entrée dans
Multithématiques à hauteur de 27,4 % lui coûtera
1,5 milliard de francs supplémentaire.
Il ne s'agit que d'une alliance entre deux groupes qui restent concurrents en
matière d'Internet, l'un étant dans AOL France, l'autre dans Club
Internet mais cela pourrait néanmoins constituer l'amorce d'un grand
groupe français de la communication numérique, présent sur
toute la chaîne audiovisuelle, de la conception des programmes à
la diffusion en passant même la production audiovisuelle.
2. Le besoin de règles du jeu stables
Dans un
marché mondialisé, éminemment mouvant, tant sur le plan
technologique qu'économique, les opérateurs nationaux industriels
et commerciaux ont besoin d'un horizon stable pour affronter la concurrence.
La création d'une instance de régulation, dont le rôle est
d'adapter à la réalité, en toute indépendance, les
principes édictés par le Parlement, contribue à cette
stabilité.
Dans un monde audiovisuel en mutation, la régulation, pour reprendre les
formules exprimées par M. Hervé Bourges est " la
forme moderne de l'intervention de l'État dans un secteur
économique. C'est une intervention qui, préservant un certain
nombre de principes intangibles, qui ne doivent pas pouvoir être remis en
cause par les lois du marché, permet néanmoins de laisser la plus
grande liberté et la plus grande autonomie aux acteurs
professionnels. "
C'est de ce point de vue que l'on peut analyser, même si la question
semble aujourd'hui tranchée par le Gouvernement en faveur du libre
accès, le problème de l'exclusivité accordée
à TPS par les chaînes publiques.
Au départ, il y a une série de principes généraux
qui ne sont pas contestables pris isolément mais qui aboutissent en
l'occurrence à des choix contradictoires :
· les chaînes du secteur public doivent pouvoir être
reprises par tous les distributeurs de services, en accès libre ;
· l'autonomie de gestion des entreprises publiques doit être
préservée d'une façon qui conserve ses chances de
résister à la concurrence et lui permette d'acquérir le
savoir faire d'un distributeur d'offres de services et pas seulement d'un
simple éditeur de chaînes ;
· l'exclusivité doit être examinée dans une
perspective d'équilibre dynamique des marchés afin de savoir si
elle se justifie par la nécessité de favoriser l'apparition d'une
offre concurrente à celle de Canal Satellite ;
De toute façon, il apparaît rétrospectivement souhaitable
que les chaînes publiques aient pu participer à TPS et aient eu
ainsi l'occasion d'acquérir le savoir-faire d'un opérateur de
bouquet. En outre si elles s'étaient cantonnées dans un
rôle d'éditrices de programmes, elles auraient pu devenir
dépendantes des distributeurs pour la diffusion de ces programmes.
Par ailleurs, M. Jean Drucker a plaidé devant le groupe de travail pour
le maintien de l'actuelle exclusivité, au moins pour un temps. TPS ne
dispose actuellement que de la moitié des abonnés de Canal
Satellite, et a besoin - afin de conforter son lancement commercial - de cet
atout.
Maintenant, avec l'avènement du numérique, qui fait cesser la
pénurie de canaux, et avec l'arrivée du numérique
terrestre, il ne s'agit plus que d'un problème de transition.
Tôt ou tard, France Télévision devra sortir de TPS et
percevoir une belle plus-value au passage, dont le groupe aura besoin pour ses
investissements dans le numérique terrestre.
Une autre question est celle de l'affectation de la redevance. M. Etienne
Mougeotte a indiqué devant le groupe de travail qu'il lui semblait
indispensable de consacrer les fonds provenant de la redevance à des
missions de service public, et ceux provenant des recettes commerciales
à des actions commerciales.
Même s'il est évident que la redevance n'est pas destinée
à permettre au secteur public de faire de la surenchère en
matière de droits audiovisuels, il n'est pas sûr qu'un tel
principe, qui a le mérite de la cohérence et de la
simplicité, soit vraiment opérationnel. En effet, il y a
suffisamment d'incertitude sur le contenu du service public pour que
l'affectation d'un supplément de redevance n'aboutisse dès lors
que des activités pouvant relever du service public sont
déjà financées sur des ressources commerciales, à
rendre disponibles des pour de tous autres usages.
En tout état de cause, le problème sera sans doute à
revoir en fonction de la façon dont les autorités de Bruxelles
entendront appliquer les règles de concurrence à l'audiovisuel
public.
3. L'épée de Damoclès européenne
Le
problème de la concurrence entre le secteur public et le secteur
privé se trouve aujourd'hui relancé par les suites données
par la commission de Bruxelles à une plainte déjà ancienne
déposée par un certain nombre d'opérateurs privés
européens.
La société TF1 avait déposé, en 1993, une plainte
accusant les deux chaînes publiques, France 2 et France 3, de concurrence
déloyale. C'est toute la question du droit des chaînes publiques
à avoir recours à la publicité qui est ainsi mis en cause.
Pour justifier sa plainte, TF1 fait valoir qu'il n'est pas possible que les
chaînes publiques bénéficient à la fois de
crédits publics et de recettes publicitaires. La chaîne affirme
que "les subventions que l'État a accordées à France 2
et France 3, confèrent à ces entreprises un avantage
économique sur leurs concurrents". Elle relève
également que "France 2 et France 3 se taillent une part importante
du taux d'écoute et des recettes publicitaires disponibles" et note que
"la possibilité, pour une entreprise, de bénéficier de
fonds publics interdits à ses concurrents peut lui permettre d'offrir
des prix plus compétitifs pour son espace publicitaire".
La Commission a procédé à une première
procédure informelle en 1996 mais sans prendre de décision.
Condamnée pour carence en septembre 1998 à l'occasion d'un litige
opposant la télévision publique espagnole à la
société privée Telecinco, la Commission a relancé
la procédure contentieuse et adressé une lettre en date du 28
février 1999 à la France, à l'Espagne et à
l'Italie, demandant que lui soit démontré la compatibilité
du financement public avec la prohibition des aides directes prévues aux
articles 92 et suivants du Traité de Rome.
Dans sa lettre, la Commission aurait estimé que le fait que
l'État soutienne financièrement France 2 et France 3 "peut aussi
empêcher des investisseurs étrangers d'investir sur le
marché français de la radiodiffusion" et aurait abouti à
la conclusion que : "il en découle que les aides accordées
à France 2 et à France 3 faussent la concurrence et pourraient
affecter les échanges intra-communautaires au sens de l'article
92. "
En conséquence, la Commission a demandé au Gouvernement
français de lui fournir la désignation officielle "de la mission
de service public" confiée à France 2 et France 3.
Toute la question est de savoir dans quelle mesure le protocole d'Amsterdam du
17 juin 1997 consacré à l'audiovisuel, protège les
secteurs audiovisuels publics des menaces que constitue une application
rigoureuse des règles de la concurrence et notamment de celles
relatives aux aides d'État et dans quelle mesure l'exercice de
missions de service public peut-il bénéficier de l'exception de
service public contenue à l'article 90.2. En effet, l'article 90.2
exempte, sous certaines conditions, les entreprises chargées d'un
service d'intérêt économique général des
règles de concurrence.
Certes, en faisant référence à la "mission de service
public telle qu'elle a été conférée, définie
et organisée par chaque Etat membre", le protocole d'Amsterdam
réaffirme le droit de chaque Etat membre de définir et
d'organiser librement cette mission de service public en déterminant les
obligations soit générales, soit particulières, relevant
de cette mission. C'est ce que fait la loi française sur l'audiovisuel
du 30 septembre 1986 et les cahiers des charges qui en découlent en
disposant, à titre d'exemple, des missions de respect du pluralisme, de
promotion de la langue française, d'adaptation des diffusions aux
malentendants, de service minimum, et de diffusion des communications du
gouvernement, de l'expression du Parlement, et d'émissions à
caractère religieux et d'informations spécialisées,
éducatives ou sociales.
Mais, il faut enfin rappeler que le protocole d'Amsterdam assortit cette
reconnaissance d'une condition que "le développement des échanges
ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à
l'intérêt de la Communauté". Cette règle
interprétée strictement n'interdit pas aux autorités de
Bruxelles de faire jouer le droit de la concurrence et, de ce point de vue, le
secteur public n'est pas à l'abri d'une remise en cause de son mode de
financement voire de son mode de fonctionnement. Le changement de titulaire des
compétences en matière de concurrence au sein de la commission de
Bruxelles peut toutefois laisser espérer une certaine souplesse dans la
gestion de ce contentieux.
B. FRANCE TÉLÉVISION : ENCORE TROP DE HANDICAPS FONCTIONNELS
La
création d'une société holding regroupant l'audiovisuel
public prévue par le projet de loi audiovisuelle actuellement soumis au
Parlement, était une mesure nécessaire. Elle n'est pas
suffisante. Loin s'en faut.
Il n'était que temps de créer la société holding
réclamée depuis longtemps par le Sénat et de donner
à France Télévision une réalité juridique en
faisant qu'elle cesse d'être une sorte d'union personnelle à la
manière de l'Autriche-Hongrie.
Une telle mesure paraît, même si l'on peut discuter de
l'étendue du nouveau groupe de nature à éviter que
l'audiovisuel public n'aille affronter la concurrence en ordre dispersé.
On a pris conscience de ce que les opérateurs publics devaient
s'insérer sur un marché très concurrentiel de plus en plus
internationalisé, dans lequel notamment pour les achats de droits, il
convenait que l'audiovisuel s'avance groupé.
Maintenant, un tel changement de structure n'a des chances de déboucher
sur des résultats que s'il s'accompagne d'une clarification des
responsabilités et d'un assouplissement des contraintes sociales pesant
sur l'entreprise, faute de quoi on n'aboutirait qu'à recréer une
nouvelle ORTF.
Le problème est de permettre à la nouvelle entité de
lutter, sinon à armes égales du moins, avec le minimum de
handicaps face à une concurrence de plus en plus vive, à la fois
de la part des sociétés privées, comme on l'a vu mais
également de nouveaux acteurs appelés à occuper une place
croissante sur le paysage audiovisuel : les télévisions
locales.
1. les conditions de l'esprit d'entreprise : autonomie et responsabilité
Les
chaînes et stations de l'audiovisuel public devraient être, du
point de vue de leur gestion, des entreprises comme les autres. Un bon exemple
peut être donné avec l'investissement, dont on doit se demander
si, moyennant des garanties adéquates, il ne pourrait pas donner lieu
à emprunt dès lors qu'il y aurait des recettes engendrées
de son fait. La fin, le service public, ne justifie pas que sur le plan des
moyens, les sociétés de programme ne soient pas soumises aux
mêmes impératifs d'efficacité et de responsabilité.
Il n'est pas de responsabilité sans un partage clair des rôles
entre les gestionnaires et les actionnaires, en l'occurrence l'État.
Il est grand temps que l'on accorde, en toute transparence, une autonomie
normale aux entreprises publiques de communication audiovisuelle. Les
interférences, même animées des meilleures intentions,
peuvent aboutir à une confusion des responsabilités peu propice
à la gestion des crises.
On a toutes les raisons de croire que si le partage des rôles entre
l'État et les gestionnaires des chaînes était plus clair,
une crise comme celle de la grève de France 3 en 1997 aurait
trouvé une solution plus rapide. On n'aurait pas eu à
gérer les inquiétudes suscitées par telle ou telle
formule, plus ou moins déformée, des responsables politiques,
tandis que les responsables des chaînes n'auraient pas eu à
négocier à la fois avec les syndicats et avec le Gouvernement.
Les responsables des chaînes ne doivent pas être mis dans
l'obligation de négocier sur deux fronts. Ce n'est pas dans
l'intérêt de l'entreprise.
D'une façon générale, les responsables doivent être
jugés sur leurs résultats. Cela veut dire que le contrôle a
priori, surtout s'il prend la forme d'ingérences " à
chaud " dans la gestion d'un dossier, doit laisser la place au
contrôle a posteriori. Telle est d'ailleurs l'opinion qu'a
exprimée devant le groupe de travail, Mme Véronique Cayla, membre
du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui a fait valoir que l'on a trop
tendance à faire appel au décret et à susciter les
interventions de la tutelle, pour des organismes publics dont le mode de
gestion doit se rapprocher de celui des entreprises.
Pour être responsable, l'entreprise a donc besoin d'autonomie. Il
convient à cet égard de rappeler quelques évidences.
Il n'est pas d'autonomie réelle sans un mandat long,
réclamé depuis longtemps par le Sénat, qui a d'ailleurs,
en 1995, adopté une proposition de loi de M. Jean Cluzel étendant
à cinq ans la durée du mandat des présidents de
chaînes.
En effet, la longévité des responsables du secteur audiovisuel
privé n'a d'égale que la brièveté du mandat de ceux
du secteur public, qui, à peine nommés, doivent songer à
assurer leur reconduction.
La durée est la condition d'une vraie responsabilité : la
valse des présidents, mais aussi celle des directeurs des programmes,
notamment, empêche de relier les résultats d'une gestion à
une équipe dirigeante.
La contrepartie de l'autonomie devrait être l'application, de la base au
sommet, du principe de responsabilité.
Responsabilité au sommet en premier lieu.
Force est d'abord de constater que les instances de contrôle statutaires
peinent à jouer leur rôle, notamment pour les conseils
d'administration dont les pouvoirs sont plus formels que réels : il
est indispensable que les administrateurs qui représentent l'actionnaire
aient le temps et les moyens de se consacrer à leur tâche et
qu'ils ne puissent être nommés ès qualité. Le
rapport de M. Jean-Louis Missika propose à cet égard " une
procédure d'audition par les commissions compétentes du Parlement
des personnalités pressenties par le gouvernement préalablement
à leur désignation définitive. " Le principe, si ce
n'est les modalités de cette suggestion, mériterait d'être
pris en compte.
Mais, la question fondamentale reste celle de la nomination du président
lui-même. Là encore on ne peut que constater que la nomination par
une instance indépendante reste tout à fait formelle, si le
pouvoir financier reste du côté de l'exécutif.
Tout se passe comme si pour assurer l'autonomie politique de l'audiovisuel
public et prévenir des ingérences gouvernementales longtemps
traditionnelles, on avait mis en place un système largement
déresponsabilisant.
Le Gouvernement n'avait abandonné son pouvoir de nomination au profit du
Conseil supérieur de l'audiovisuel que pour exercer de façon
occulte son pouvoir d'actionnaire, le cas échéant au
détriment de l'intérêt de l'entreprise.
Si la nomination d'un président est apparemment indépendante des
pouvoirs publics -mais on peut penser que des tractations s'effectuent en
coulisses-, le maintien en fonction dépend de fait de l'État qui
est en mesure par sa plus ou moins grande volonté à financer sa
politique d'obtenir son départ.
L'État, unique actionnaire - mais minoritaire au sein du conseil
d'administration - se trouve dans la situation paradoxale de devoir
contrôler la gestion d'un président d'une entreprise publique
qu'il ne peut ni nommer ni révoquer, tandis que l'instance qui le nomme
et peut le révoquer, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, ne
peut contrôler sa gestion et n'exerce pas d'influence sur les
financements mis à sa disposition.
L'État établit déjà le cahier des charges qui
assigne leurs missions aux chaînes et les statuts des entreprises ;
il détermine, après approbation du Parlement, le montant des
ressources publiques qui leur sont allouées, et contrôle, via le
contrôle d'État et la direction du Budget, la gestion des
entreprises et approuve enfin les comptes.
La situation actuelle traduit une confusion des genres qui ne permet ni
à l'État d'exercer ses responsabilités d'actionnaire, ni
aux présidents d'assurer leurs responsabilités de gestionnaires.
Il conviendrait donc de réfléchir au moyen de rendre à
l'actionnaire ses responsabilités, sans pour autant rétablir le
cordon ombilical entre l'audiovisuel et l'État.
Responsabilité à tous les niveaux, ensuite, de façon
à stimuler à tous les échelons l'esprit d'initiative, dans
un contexte de vérité des coûts.
La BBC, qui a systématiquement décentralisé sa gestion,
voire filialisé certaines activités, semble avoir réussi
à diffuser l'esprit d'initiative qui lui permet notamment de
dégager d'importantes recettes commerciales. Pourquoi, par exemple, ne
pas donner plus d'autonomie à l'échelon central aux unités
de programmes et sur le terrain aux directions régionales de
France 3, qui deviendraient alors comptables de leurs résultats
comme de leurs moyens ?
La mesure des performances suppose probablement que l'on réforme les
relations entre les chaînes. Le rapport Missika, déjà
cité, met ainsi l'accent sur un certain nombre de prestations gratuites,
qui ne sont pour lui que des subventions déguisées
derrière les obligations de service public.
Le projet de loi qui met fin aux obligations de transferts de droits des
chaînes vers l'INA, tout en préservant le rôle indispensable
de cet organisme en matière d'extraits, va dans la bonne direction. Mais
il faut aller plus loin et s'interroger comme le fait le rapport Missika sur
les relations des chaînes avec TDF celui-ci envisage soit l'abandon du
monopole juridique dont cette entreprise bénéficie pour la
diffusion des programmes de l'audiovisuel public, soit une baisse autoritaire
des prix. Sans doute la première formule qui fait jouer la concurrence
serait-elle préférable à la seconde qui comportera
toujours une part d'arbitraire.
Mais, la responsabilisation des gestionnaires implique également et
fondamentalement que l'on rénove les relations sociales au sein de
l'audiovisuel public pour les adapter aux nouvelles conditions de travail de
l'ère du numérique.
2. La difficulté du dialogue social
Le
maintien en l'état de la convention collective actuelle,
dépassée par l'évolution technologique, handicape le
secteur public dans sa compétition avec le secteur privé et finit
par susciter une attitude de repli face à la concurrence.
Seule une évolution du cadre conventionnel peut garantir que la
société holding, dont la création est prévue par le
projet de loi en discussion, n'aboutisse pas à la recréation de
l'ex-ORTF.
La convention collective de la communication et de la production audiovisuelles
(CCCPA), signée le 31 mars 1984, est applicable aux personnels
techniques et administratifs (personnels techniciens et administratifs) dans
les sociétés et organismes membres de l'Association des
employeurs du secteur public audiovisuel, qui regroupe la plupart d'entre
eux8(*).
Les formes prévues pour renégocier la convention sont si
contraignantes qu'il est en fait impossible aux partenaires sociaux de discuter
sereinement de son évolution dans la " fenêtre " de
quelques mois pendant laquelle la révision est possible.
Après avoir espéré pouvoir faire en sorte que les
procédures de dénonciation et de révision puissent
à l'avenir être engagées à tout moment, en
transformant cette convention en convention à durée
indéterminée, l'association des employeurs n'a obtenu que la
révision des modalités de révision.
De fait, l'avenant du 23 juin 1996 permettant la révision de la
convention, à tout moment et portant la durée maximale des
négociations de 3 à 5 mois offre la possibilité de faire
évoluer le cadre conventionnel sur plusieurs points et en particulier
sur les systèmes de classification des salaires et sur la durée
du travail.
Toutefois, la situation paraît bloquée. En effet, depuis la fin
1998, les partenaires sociaux subordonnent, la poursuite des
négociations à la révision du champ d'application de cette
convention. Ils fixent comme préalable son application à toutes
les entreprises audiovisuelles publiques et à leurs filiales.
Il s'agit d'un blocage regrettable, même si comme certaines
sociétés l'on fait remarquer à votre rapporteur, il
paraît difficile de mener de front la négociation sur la
réduction du temps de travail et celle sur l'adaptation du cadre
conventionnel.
3. L'émergence des télévisions locales
Pour
votre rapporteur, qui a pu se rendre compte par lui-même de la situation
au Canada, où il a vu fonctionner des télévisions locales
sur le câble avec des budgets guère supérieurs à un
million de francs par an, il est évident que les
télévisions locales au sens le plus large ne connaissent pas en
France le développement que permet la technologie.
Pourquoi alors cette atrophie des télévisions d'initiative locale
en France ?
Sans doute cela tient-il effectivement à des problèmes
" d'économie ". Il n'est pas facile de trouver les recettes
publicitaires suffisantes pour assurer la rentabilité des stations.
Au moment où se répandent des caméras numériques
permettant à un minimum de personnes de réaliser des
émissions au moindre coût, il est anormal que les
télévisions locales n'émergent pas dans notre pays.
Sans donner à cette remarque un caractère trop
général, votre rapporteur a tendance à penser que le prix
demandé par TDF pour leur diffusion n'est pas étranger au petit
nombre d'initiatives viables.
La conviction de votre rapporteur est que demain, le satellite, comme le
numérique terrestre, constitueront l'occasion de développer des
programmes locaux ; qu'il s'agisse du satellite pour lequel les
coûts de diffusion bien qu'élevés, 5 millions de francs
environ, ne sont pas hors de portée -en partenariat- d'une
collectivité territoriale, région, département, voire
agglomération ; qu'il s'agisse du numérique terrestre qui
apparaît encore plus sûrement offrir à des opérateurs
locaux publics ou privés des moyens peu coûteux de toucher une
population locale.
A cet égard, votre rapporteur estime indispensable de faire
évoluer le cadre législatif de façon à permettre
l'intervention des collectivités territoriales, dont l'aide pourrait
utilement contribuer au décollage économique des
télévisions locales et assurer, au moins au début,
l'équilibre financier de certaines stations émettant sur le
câble ou par la voie hertzienne.
En ce qui concerne le calendrier de déploiement des chaînes
locales, deux thèses s'affrontent.
D'un côté, il y a ceux qui comme MM. Jean-Pierre Cottet et
Gérard Eymery se sont déclarés, dans le rapport qu'ils ont
remis au ministre de la culture et de la communication, favorables à un
gel des fréquences analogiques - le temps que soit établi un plan
national des fréquences - afin de préserver l'avenir des
fréquences numériques.
MM. Maurice Levy ou Jean Drucker, se sont placés devant le groupe de
travail sur la même ligne en considérant l'attribution de
chaînes hertziennes en anticipation du numérique comme une forme
de gaspillage. Ce dernier a ainsi pu s'interroger devant le groupe de travail
sur les intentions du gouvernement, qui, de façon contradictoire, semble
favorable au développement du numérique hertzien tout en laissant
distribuer des fréquences analogiques en province, voire à Paris.
M6 réalise avec succès des décrochages régionaux au
cours de ses journaux d'information. La chaîne collabore avec des grands
quotidiens régionaux . Il a regretté que ces mêmes
quotidiens aient des velléités de création de
chaînes télévisées de plein exercice.
De l'autre, on trouve notamment certains représentants de la presse
régionale et en particulier, M. Fabrice Nora du groupe du Parisien, qui
s'est félicité devant votre commission de ce que, depuis un
récent arrêt du Conseil d'État, le Conseil supérieur
de l'audiovisuel soit tenu d'effectuer un appel d'offres sur les
fréquences hertziennes terrestres libres dès lors qu'un
intervenant en faisait la demande. Il ne s'agit pas pour lui de s'opposer au
numérique terrestre mais d'anticiper sur sa venue : la demande de
M. Fabrice Nora et des acteurs de la presse régionale d'obtenir des
fréquences analogiques avait pour objet de leur permettre d'être,
d'ores et déjà présents sur le marché de l'image et
donc d'être partie prenante au moment de la mise en place, dans les 3
à 5 ans à venir, des réseaux numériques sur
l'ensemble des grandes agglomérations françaises.
M. Gilles Crémillieux a précisé, devant le groupe de
travail, la démarche du groupe La Montagne Centre-France, pour leur
projet de télévision à Clermont-Ferrand, projet que le
Conseil supérieur de l'audiovisuel allait autoriser quelques semaines
plus tard : face au recul de la pénétration de
l'écrit, sous toutes ses formes, notamment dans les
agglomérations, au sein des catégories sociales les plus
défavorisées et chez les plus jeunes, la télévision
locale représente le moyen supplémentaire pour
pénétrer dans tous les foyers afin de rétablir cette
relation citoyenne et de favoriser l'intégration de tous en encourageant
particulièrement la vie associative.
Le projet comporte en multidiffusion un programme d'informations (remis
à jour régulièrement), des magazines traitant de la vie
des quartiers, de l'actualité sportive, de la vie culturelle et des
aspects économiques et sociaux. Le budget prévisionnel
s'élève à 12 millions de francs par an, pour trente
emplois créés, dont onze de journalistes.
Les rédactions du quotidien et de la chaîne de
télévision seront distinctes afin de garantir le pluralisme.
Enfin, les charges seraient couvertes par la publicité -à hauteur
d'un tiers par la publicité locale, les deux autres tiers ne pouvant
être apportés qu'à travers une commercialisation nationale
commune d'une quinzaine de télévisions locales de même
format.
Pour assurer la viabilité économique des
télévisions locales, le projet s'appuie sur un système de
syndication publicitaire à l'exemple de ce que pratique la presse
quotidienne régionale, avec sa formule 66-3. Ce système
présenté au groupe de travail par M. Jean-Charles Bourdier du
Républicain Lorrain, permettrait aux annonceurs de diffuser leurs spots
sur l'ensemble des stations locales, tout en n'ayant qu'un seul interlocuteur
commercial et technique. Pour illustrer son propos, il a cité l'exemple
les chaînes TLT (à Toulouse) et TLM (à Lyon), qui, ne
bénéficiant pas de cette syndication publicitaire, perdent
chacune plus de 10 millions de francs par an.
Il semble que les positions sur la question de l'attribution de
fréquences analogiques se soient rapprochées, puisque le
directeur général adjoint de TDF a reconnu que " l'avenir
des télévisions sur le numérique commence sans doute par
l'analogique. Démarrer en analogique permet sans doute d'initier une
audience. "
Indépendamment du problème des fréquences hertziennes, il
est apparu clairement à votre rapporteur qu'il ne saurait y avoir
d'avenir pour des télévisions d'expression locale qui tireraient
leurs ressources du seul marché publicitaire local.
C. L'HYPOTHÈQUE FINANCIÈRE
Un coup
d'oeil sur l'histoire récente, démontre que le vrai tuteur du
secteur public audiovisuel ne se situe pas rue de Valois mais quai de Bercy.
Les vicissitudes qu'a connu le texte actuellement soumis au Parlement,
confirment que la plupart des difficultés que le ministre de la culture
et de la communication a dû surmonter pour faire aboutir son projet, ont
été de nature financière.
Après de multiples hésitations et revirements, des solutions ont
pu être trouvées à court terme. Le rapporteur a de bonnes
raisons de penser qu'elles n'ont pas de caractère durable et qu'elles ne
sont pas à la mesure du défi que doivent affronter les
sociétés nationales de programmes et ne correspondent pas aux
besoins d'investissements engendrés par le numérique terrestre.
Aussi, parce que l'équation budgétaire -dont le Gouvernement
s'est plu lui-même à compliquer les termes- apparaît non
résolue, votre rapporteur estime-t-il nécessaire d'adapter la
redevance aux besoins à moyen terme du secteur public.
1. Numérique terrestre : des investissements nécessaires
La
stratégie défendue par le nouveau président de France
Télévision repose fondamentalement sur le numérique
terrestre qui constitue, effectivement, la dernière chance pour le
secteur public de ne pas être progressivement marginalisé.
Toutefois, l'atout qu'il constitue, suppose des investissements importants. Le
numérique terrestre doit s'accompagner d'une multiplication de l'offre
de programmes et d'une offre complémentaire de services. Il implique
également une mise à niveau de l'outil technique. On peut
rappeler que les concurrents accélèrent le mouvement. On note
à cet égard que M. Etienne Mougeotte, directeur
général de TF1, a indiqué devant le groupe de travail que
la chaîne de production de TF1 serait entièrement
numérisée à la fin de l'année 2000 ; pour
l'information, les cassettes devraient totalement disparaître entre 2001
et 2002.
Prenant acte de ce que, faute de moyens, la télévision publique
française a, pour ainsi dire, raté le premier train du
numérique, laissant au secteur privé un rôle de locomotive
en la matière, M. Marc Tessier, le nouveau Président de
l'entreprise, ne veut pas manquer ce qu'il considère comme la seconde et
dernière chance de France Télévision.
Pour concrétiser ses ambitions, il a annoncé la création
par France 2 et France 3 d'une structure commune baptisée
France Télévision Interactive, qui aura pour objet de
développer tous les programmes interactifs du groupe ayant pour vocation
d'être diffusés par tous les opérateurs.
Les services et les programmes interactifs de France Télévision.
qui devraient être développés conjointement par
France 2, France 3 et la Cinquième-Arte, devraient s'articuler
autour de deux axes : le développement des sites Internet sous la marque
FranceTV.fr, et la télévision interactive sur les réseaux
Internet à haut débit (ADSL).
France Télévision Interactive disposerait d'une capacité
d'investissement de " plus de 200 millions de francs sur trois ans". Elle
devrait être dotée d'un apport en capital qualifié
" d'à la hauteur du projet ".
L'enveloppe des investissements et des coûts de fonctionnement sera
fonction du nombre de multiplexes accordés à France
Télévision lors de la répartition de la capacité
totale de diffusion en numérique hertzien entre les différents
opérateurs. En l'occurrence, France Télévision revendique
l'attribution de deux multiplexes pour le secteur public.
Ces investissements devraient d'abord en partie être autofinancés
au moyen de la redevance, la publicité, le produit des applications de
la télévision numérique, ainsi que des recettes de
partenariat avec les collectivités publiques, sans oublier le produit
des abonnements aux chaînes thématiques.
Effectivement, le projet de développement de France
télévision sur le numérique hertzien majoritairement
gratuit comportera également une offre payante. Le nouveau
président de France Télévision a indiqué que, si
l'information restera dans la partie gratuite, il y a dans le partage entre
l'offre en clair et l'offre payante " une zone frontière qui reste
à définir ".
Une recapitalisation est de toute façon indispensable. Outre les
problèmes de trésorerie à reconstituer, il est normal que
l'État actionnaire accomplisse son devoir lorsqu'il invite l'entreprise
qu'il détient à se lancer dans un nouveau domaine
d'activité. Or, la situation actuelle de l'entreprise ne lui permet pas
d'autofinancer ce développement. Le chiffre de 1,5 milliard de
francs a été mentionné par M. Marc Tessier dans la
presse. Votre rapporteur n'a pas pu obtenir auprès du Gouvernement des
informations sur ses modalités de calcul.
Compte tenu de calendrier prévu pour la mise en route de ce projet
-étude et préfiguration en 2000, ce qui " est compatible
avec le budget 2000 ", première dotation en capital en 2001, puis
montée en puissance de la fin 2001 à 2003-, M. Marc Tessier a
indiqué que le projet du numérique hertzien doit être
conçu pour pouvoir être initialisé sur les autres
services ". Il a, à cet égard, démenti les rumeurs
d'un départ imminent du capital de TPS, affirmant qu'il " n'avait pas de
projet de vente des actions de TPS "
Enfin, pour donner un contenu à son offre numérique, il a
confié à M. Jean-Pierre Cottet, ancien directeur
général chargé de l'antenne de France 2, coauteur
avec Gérard Eymery, d'un rapport sur le numérique hertzien - qui
a été entendu par le groupe de travail - d'une " mission de
conseil sur le contenu éditorial des programmes et des services de
l'offre numérique du groupe ".
Votre rapporteur, qui estime qu'il s'agit, a priori, d'un projet
cohérent, considère néanmoins que ce pari
nécessaire sur le numérique n'est pas financé. Cette
remarque lui paraît d'autant plus évidente qu'en Grande-Bretagne
-où il s'est rendu pour y observer la mise en place du numérique
terrestre- la question est clairement posée et fait l'objet d'un vaste
débat technique et politique, axé, chez eux, autour la
création d'un éventuel supplément de redevance
numérique.
Quelle que soit la solution qu'on y apporte, la question du financement doit
être posée.
2. Comment résoudre l'équation budgétaire ?
Lors de
son audition par le groupe de travail, M. Marc Tessier, nouveau
président de France Télévision, a d'emblée
posé le problème en ces termes : TF1 voit ses
dépenses d'exploitation et d'investissement croître de
7 à 9 % par an, tandis que le budget de France
Télévision, lui, ne progresse que de 3 % environ.
C'est de ce décalage évoqué par votre rapporteur dans la
première partie de ce rapport que résulte cette sorte de
quadrature du cercle budgétaire dans laquelle l'État actionnaire
enferme l'audiovisuel public.
L'évolution du budget de l'audiovisuel public tend à être
calquée sur celle du budget de l'État, alors que celui de ses
concurrents privés augmente à la vitesse d'un marché en
plein développement.
C'est sur ces bases que votre rapporteur a tenté de projeter à
partir d'hypothèses nécessairement simplificatrices mais
significatives, l'effort public nécessaire pour permettre au secteur
public de rester dans la course.
Le principe est de donner au secteur public des moyens qui croissent de
façon non disproportionnée avec ceux de ses concurrents
privés. On doit souligner qu'un même taux de croissance des moyens
aboutit à renforcer le déséquilibre en valeur
absolue : bien que cela soit une évidence, il est nécessaire
de rappeler que les points de croissance ne pèsent pas le même
poids selon que l'on part de 5 ou de dix milliards de francs de recettes
publicitaires...
Sans même anticiper des taux de croissance de 7 à 9 %
comme ceux évoqués par le nouveau président de France
Télévision, pourtant tout à fait possibles compte tenu du
retour de la croissance, votre rapporteur a simplement souhaité
déterminer les besoins du secteur public par rapport à une
hypothèse de 4 à 5 % des ressources de ses concurrents
TF1 et M6.
Evitant de gérer des effets de phasage dans le temps de l'augmentation
des ressources et en restreignant son raisonnement à France 2 et
France 3, votre rapporteur s'est contenté, avec les informations
dont il dispose, de se poser une question simple : Quelles devraient
être les ressources courantes de France télévision -dans sa
configuration actuelle- en 2005.
A ce calcul de besoins courants, il faudra ajouter :
· les ressources qui doivent venir compenser la diminution des
recettes de France 2 et France 3 consécutives à la
réduction progressive de la durée maximale des écrans
publicitaires (8 minutes contre 12 en heures glissante) ;
· d'éventuelles recapitalisations dues à la
nécessité de reconstituer les fonds de roulement des
chaînes : M. Marc Tessier a indiqué devant le groupe de
travail que la trésorerie de France 2 est négative de
400 millions, alors que, par ailleurs, votre rapporteur a
été informé de ce que la trésorerie de
France 3, traditionnellement positive, était proche de zéro
à la fin 1999 ;
· des dotations en capital justifiées par les
investissements que doit effectuer France télévision, si le
nouveau groupe veut présenter une offre numérique
cohérente et crédible.
Il y a une certaine interdépendance entre les besoins courants
calculés par rapport à ceux des concurrents et c'est pour cela
que votre rapporteur propose de projeter les besoins de France
Télévision suivant deux cas de figure :
· un calcul assez large des besoins courants estimés par
rapport à un taux de croissance de 4 % par an en moyenne
jusqu'à 2005, avec en contrepartie une évaluation au plus juste
des besoins en capital à un niveau de l'ordre de 500 millions de
francs ;
· une évaluation moins généreuse des besoins
courants calculés sur la base d'une augmentation de 3 % par an en
moyenne jusqu'à 2005, mais assortie en revanche d'une estimation
beaucoup plus large des besoins en capital portés dans cette
hypothèse à 1,5 milliard de francs, chiffre
évoqué par M. Marc Tessier et repris dans la presse.
L'évolution des dépenses publicitaires sur la période
2000-2005 prête à anticipations divergentes.
L'annexe jaune prévoit une diminution de près de 900 millions de
francs des recettes publicitaires entre 1999 et 2000. Ce chiffre, qui n'est
manifestement pas indépendant des crédits alloués en
compensation des exonérations de redevance, est sans doute quelque peu
surestimé, compte tenu de la bonne conjoncture et donc de la
raréfaction des écrans. Tandis que la moins-value pourrait
atteindre 1,2 milliard, selon des sources publiques, les publicitaires se
montrent plus optimistes. M. Maurice Lévy a estimé devant le
groupe de travail que les dépenses publicitaires consacrées
à la Télévision Publique régresseront de 5 à
8 %, seulement. Cette estimation est cohérente avec celle parues
dans la presse émanant de professionnels, qui évaluent à
700 millions au maximum la perte de recettes du secteur public.
Pour un certain nombre d'observateurs en effet, le Gouvernement, en se
contentant d'abaisser de 12 à 8 minutes le plafond de la
publicité par heure glissante au lieu des 5 initialement prévues,
limite à la fois l'effet d'aubaine pour TF1 et M6 et les
répercussions négatives sur le budget des chaînes. En
outre, en dépit de quelques inconvénients techniques, on peut
espérer qu'une meilleure répartition des espaces sur l'ensemble
de la journée, ainsi qu'une moindre exposition à l'effet
" tunnel " permettront à France 2 et France 3 de mieux
valoriser ses espaces, surtout si le nouveau système de vente aux
enchères des espaces publicitaires fonctionne dans des conditions
satisfaisantes.
Partant de la double hypothèse simplificatrice que en tout état
de cause, ces pertes de recettes publicitaires seront compensées et que
l'évolution de l'audience, actuellement en baisse ne devrait pas
permettre, même si elle se redressait, de faire progresser de
façon significative les recettes publicitaires, votre rapporteur en
déduit simplement que l'intégralité de l'augmentation des
ressources de France 2 et France 3 devra provenir de la redevance ou de
crédits budgétaires.
Considérant que les besoins de reconstitution des fonds de
roulement peuvent être évalués au minimum à 300
millions de francs9(*) et ce en calculant les
besoins au plus juste, il ressort de ce tableau qu'il faut trouver en francs
constants soit :
· 3 milliards de francs de ressources publiques
supplémentaires, à l'horizon 2005, auxquelles il faut ajouter
500 millions de francs pour le financement des investissements vraiment
exceptionnels en vue du lancement du numérique terrestre et
300 millions pour la remise à niveau des trésoreries des
entreprises, à verser immédiatement ;
· 2,2 milliards de francs de ressources publiques
supplémentaires à l'horizon 2005, auxquelles il faut ajouter les
trois cents millions de francs pour les trésoreries, à verser
immédiatement, ainsi que 1,5 milliard de francs de dotation en
capital au titre du numérique terrestre, dont la mise à
disposition pourrait cependant être échelonnée sur la
période.
En fait, il faut également y ajouter la compensation annuelle des pertes
de recettes publicitaires - quel que soit l'habillage juridique qu'on donnera
à cette compensation soit environ 800 millions de francs dans une
hypothèse moyenne.
Bref, il
résulte de cet exercice nécessairement sommaire qu'il faut
trouver à l'horizon de cinq ans entre 3 et 3,810(*) milliards de francs de ressources publiques courantes
annuelles et entre 800 et 1800 millions de francs de dotation en capital. Et
ce, sans compter, ni le coût de 35 heures, ni la satisfaction des besoins
des autres sociétés de l'audiovisuel, et notamment de celles qui
ne seront pas intégrées dans la nouvelle société
holding : Radio France mais également l'INA, RFI ou RFO doivent,
elles aussi, disposer des moyens d'accomplir leurs missions et de s'adapter au
numérique.
Dans ces conditions, votre rapporteur débouche sur les deux conclusions
suivantes :
· il ne semble guère réaliste de priver le secteur
public des recettes courantes qui lui sont nécessaires pour rester sinon
compétitif du moins attractif, au moment où le secteur
privé tend à monopoliser les programmes
" premium " ;
· il faut avoir le courage politique de dire aux Français
qu'ils doivent payer le prix de l'indépendance et de la
démocratie audiovisuelle en acceptant une augmentation de la redevance,
ou, à défaut de dégager des ressources
budgétaires.
3. Adapter la redevance à moyen terme aux besoins du secteur public
La
redevance a fait l'objet de multiples développements dans les rapports
budgétaires, qui dispensent votre rapporteur d'un examen
détaillé de la question et lui permettent d'aller à
l'essentiel.
La question fondamentale est de savoir si la redevance, dans ses
modalités de recouvrement comme dans son montant, est adaptée aux
besoins de l'audiovisuel public.
On connaît les chiffres-clés de la redevance : un produit de
13 milliards de francs en 1999, correspondant à une redevance de
744 francs pour près de 21 millions de comptes, dont
3,5 millions d'exonérés.
Les modalités de recouvrement sont couramment dénoncées
comme un exemple d'administration inutile. Sans idées
préconçues à ce sujet, votre rapporteur s'est rendu avec
le groupe de travail au centre de la redevance de Rennes. Il y a vu des agents
publics organisés de façon efficace, accomplissant au mieux les
tâches qui leur étaient assignées compte tenu des pouvoirs
limités dont ils disposent. Le coût de perception égal
à 3,5 % des encaissements lui est apparu raisonnable au regard
d'autres services de l'État comparables.
Certes, on pourrait toujours imaginer d'autres systèmes de perception ou
même un renversement de la charge de la preuve, sachant que le taux
d'équipement des ménages atteint 95 %. Mais, adjoindre la
redevance à une autre feuille d'impôt n'est pas sans
inconvénients : elle pourrait créer des confusions, à
la fois parce que pourraient se superposer des régimes différents
d'exonération et parce que le redevable pourrait ne pas voir le lien
entre le paiement et le service rendu.
Bref, à l'heure actuelle, on peut dire, pour plagier une
célèbre formule, que la redevance est le pire des systèmes
mais qu'on en n'a pas trouvé de meilleur. Dans l'avenir, on pourrait
imaginer, lorsque les Français seront équipés d'appareil
prévus pour le numérique et équipés de lecteurs de
cartes, en faire une carte à puce que l'on achèterait dans les
bureaux de tabac, comme la vignette automobile... Mais c'est pour l'instant de
la fiction administrative.
La redevance s'est révélée, ces dernières
années, une recette très " dynamique " pour reprendre
l'expression consacrée.
Excédents du produit de la redevance depuis 1998
(En millions de francs)
Années |
Loi de finances initiale |
Montant à répartir |
Excédents |
Excédents en % |
1998 |
7.165,13 |
7.241,67 |
76,54 |
+ 1,07 |
1989 |
7.514,00 |
7.523,29 |
9,29 |
+ 0,12 |
1990 |
7.933,50 |
8.012,69 |
79,19 |
+ 1,00 |
1991 |
8.349,70 |
8.352,74 |
3,04 |
+ 0,04 |
1992 |
9.348,80 (1) |
9.447,88 |
99,08 |
+ 1,06 |
1993 |
9.481,40 (2) |
9.617,78 |
136,38 |
+ 1,44 |
1994 |
10.070,00 |
10.091,50 |
21,50 |
+ 0,21 |
1995 |
10.914,60 |
10.918,43 |
3,83 |
+ 0,04 |
1996 |
11.449,22 |
11.527,17 |
77,92 |
+ 0,68 |
1997 |
11.638,37 |
11.762,34 |
123,97 |
+ 1,07 |
1998 |
12.415,20 |
12.697,40 |
282,20 |
+ 2,22 |
(1)
Dont loi de finances rectificative : 171,8 millions de francs
(2) Dont loi de finances rectificative : 152,8 millions de francs
Source : Service de la redevance
282 millions de francs d'excédents en 1998 et a priori
à peu près autant en 1999, 123,9 millions de francs en 1997,
77,9 millions de francs en 1996...Faut-il pour autant anticiper une
amélioration continue du taux de recouvrement indépendamment de
toute augmentation du montant de la redevance elle-même ? Il serait
sans doute bien optimiste de le croire, car l'on, peut penser que l'effet
" taxe d'habitation ", consistant pour le service de la redevance
à pouvoir croiser ses fichiers avec ceux de la taxe d'habitation - une
initiative du Sénat pour lutter contre l'évasion - va sans doute
s'atténuer ces prochaines années.
Si l'on compare l'évolution du produit de la redevance depuis 1995
à celui du montant de la redevance elle-même, on constate que,
tandis que le premier a augmenté de 19 %, le second a connu une
évolution plus modérée de 11 %. Exprimé en
terme de taux de croissance annuel moyen, ce différentiel de croissance
atteint 1,7 % par an, ce qui peut être interprété
comme une sorte d'effet " volume ", dû à
l'amélioration des conditions de recouvrement.
On note que ces conditions de recouvrement correspondent à des
phénomènes de nature très différente :
amélioration de l'efficacité de la recherche des postes non
déclarés, diminution du nombre des comptes exonérés
par suite du durcissement des conditions d'exonération, ainsi que de
l'importance des remises gracieuses accordées aux foyers en
difficulté.
A l'avenir, et toutes choses égales par ailleurs11(*), il faut sans doute considérer que cet effet
" volume " va s'atténuer et sera sans doute plus près
de 1% que de 1,5% compte tenu de l'atténuation probable de l'effet
" taxe d'habitation " et d'un assouplissement tendanciel des
modalités d'octroi des remises gracieuses, même si la tendance
récente à l'augmentation du nombre de postes
accélère naturellement la mise à jour des fichiers.
Pour reprendre le fil de l'exercice de projection en 2005 entrepris
précédemment, on peut estimer que sur la base de
13 milliards d'encaissement en 1999, l'effet " volume " produira
à raison de 1 % par an environ 800 millions de francs de
recettes supplémentaires.
Si l'on considère que sur les 2,4 milliards de francs de
remboursement de redevance - chiffre généralement avancé-,
800 millions viendront compenser des moins-values de recettes
publicitaires, cela donne un produit de 2,4 milliards de francs pour l'ensemble
de l'audiovisuel public. En prenant le ratio actuel " Redevance
attribuée à France 2 et France 3/ensemble de la redevance ",
soit à peu près 50%, on aboutit à supplément de
ressources publiques pour France 2 et France 3 de 1,2 milliard de francs, soit
entre 1 et 1,8 milliard de francs en dessous des besoins de financement
évalués plus haut.
Traduit en terme de montant de la redevance, cela revient à dire qu'il
faudrait en 2005 aboutir en francs constants à une redevance
supérieure d'un montant compris entre 60 et 110 francs par rapport au
niveau de 1999.
Une façon d'atténuer la hausse serait de modifier l'assiette de
la redevance. Si l'on peut rester prudent sur les résultats d'une
généralisation de la définition des appareils
récepteurs dans la mesure où il paraît peu réaliste
de vouloir contrôler la commercialisation des cartes permettant de
recevoir la télévision sur un ordinateur, on pourrait
effectivement envisager des mesures ponctuelles consistant par exemple à
supprimer le taux pour les postes " noir et blanc " ou à
modifier le régime applicable aux résidences secondaires qui est
actuellement établi de telle manière que ne payent que ceux qui
le veulent bien.
Une comparaison montre qu'une telle augmentation - qui ne serait
justifiée que par les seuls besoins de France 2 et France 3 -
continuerait de faire de la redevance audiovisuelle française une des
moins élevées d'Europe.
Taux de la redevance en Europe pour l'année 1999
(En francs français, cours au 26 avril 1999)
* Pour
la Norvège : francs français, cours au 6 mai 1999
Compte tenu du niveau modéré de la redevance audiovisuelle, votre
rapporteur ne croit pas qu'il soit nécessaire d'envisager comme en
Grande-Bretagne, la création d'une redevance spécifique pour le
numérique, même si la démarche est suffisamment
intéressante, pour qu'il ait jugé utile de faire figurer en
annexe un résumé du rapport de M. Gavyn Davies, qui l'a
préconisée.
En revanche, on pourrait se donner comme objectif d'articuler la redevance sur
des indicateurs de nature à faire évoluer son montant au
même rythme que le niveau de vie des Français.
Le
tableau ci-dessus montre également que la part que représente le
produit de la redevance dans le PIB a tendance à se situer à un
minimum historique ces trois dernières années, sensiblement
inférieur aux maxima atteint au milieu des années 80.
En ce qui concerne l'évolution des taux, on constate si la redevance sui
à peu près l'inflation d'une année sur l'autre, on note
que le retard pris en 1987 n'a été rattrapé qu'en
1995-1996.
La référence au salaire minimum de croissance est
également éclairante puisqu'elle montre qu'exprimé en
nombre d'heures de travail payées au SMIC, la redevance a tendance
à baisser de prix de façon très importante depuis le
début des années 1980 : quand il fallait presque
24 heures de travail au salarié au SMIC pour payer sa redevance en
1980, il en faut à peine 18 aujourd'hui.
Une autre façon de présenter cette évolution est de
considérer que, si l'on voulait maintenir la valeur de la redevance
exprimée en taux horaire du SMIC et en prenant la valeur moyenne des
cinq premières années de la décennie 1980, soit 22 heures,
on doit fixer le montant de la redevance à près de 900 francs.
Les enseignements que l'on peut tirer de ce tableau sont que :
1°) le mode de fixation de la redevance tend à faire
évoluer son montant comme son produit moins vite que le produit
intérieur brut, ce qui marque une baisse du budget consacré
à la télévision publique par les Français ;
évolution que l'on ne peut pas ne pas rapprocher du développement
rapide dans notre pays de la télévision payante dont on a vu
qu'elle représentait désormais une dépense sans doute deux
fois supérieure à celle de la redevance ;
2°) le cycle " stabilisation/rattrapage " que l'on constate
quand on compare l'évolution de la redevance par rapport au prix et
à la croissance en valeur est un facteur peu favorable au
développement des chaînes publiques qui ont besoin de
stabilité des ressources : de ce point de vue, une indexation
aurait l'intérêt de garantir la stabilité des ressources de
l'audiovisuel public dans le respect de l'ordonnance organique qui limite les
prorogatives du Parlement s'agissant d'une taxe parafiscale et en interdit une
fixation pluriannuelle compte tenu du principe de l'annualité
budgétaire ;
3°) un paradoxe et non des moindres, est, de ce point de vue, qu'au
moment où l'on parle de relancer l'audiovisuel public, on semble
entré dans une phase de stabilisation, ce que la traduit la hausse de la
redevance pour 2000, qui a été calquée sur celle du budget
et donc des prix et non sur celle du marché de l`audiovisuel, dont le
dynamisme est à la mesure de celui de la croissance
générale.
En conclusion de cette analyse, on peut dire qu'une remise à niveau de
la redevance pour faire face aux besoins calculés
précédemment, maintiendrait le niveau de la redevance largement
en dessous de son niveau en termes de pouvoir d'achat par rapport au
début des années 1980.
La
conviction profonde du groupe de travail est que le Gouvernement ne donne pas
aux sociétés nationales de programmes les moyens à la
mesure de ses ambitions audiovisuelles.
Pis encore, au nom d'un idéal de pureté plus nostalgique
qu'adapté à l'air du temps, il les prive de recettes
publicitaires, alors qu'elles ont besoin de toutes les ressources disponibles
pour faire face aux investissements qu'exigent le numérique et la
situation financière précaire dans laquelle se trouvent la
plupart des sociétés de radio et de télévision.
Certes, ces moins-values doivent être compensées en principe par
l'Etat, mais l'expérience a montré que ce genre d'engagement
résiste mal à la pression des réalités
financières.
Bref, en prétendant renforcer le service public, on ne fait que le
fragiliser.
Le projet que le Gouvernement nous soumet n'est pas cohérent ; il
réduit les ressources du secteur public, tout en lui demandant
d'être présent sur tous les fronts. Sans moyens adaptés aux
objectifs multiples qu'on lui assigne, sans véritable doctrine,
l'audiovisuel public est en danger.
Sauver l'audiovisuel public eût demandé plus de réalisme et
surtout de courage politique pour prendre les mesures qui s'imposent,
même si elles sont difficiles, à commencer par des réformes
de structure et l'augmentation de la redevance au niveau de celles des pays
comparables.
La conviction du groupe est que l'insuffisance de financement public pourrait
conduire à remettre en cause le périmètre du secteur
public audiovisuel.
Défendre l'audiovisuel public est une cause nationale, qui
mérite, au moment où l'on risque d'être noyé sous un
flot d'images venues d'ailleurs, qu'on y mettre le prix. Il incombe au
Parlement et au gouvernement de l'expliquer aux Français. La
lucidité, le courage et la détermination sont indispensables
s'agissant d'évolutions technologiques, économiques et sociales
qu'il faut suivre parce qu'elles mettent en cause les fondements mêmes de
la démocratie française.
Réunie le mardi 18 janvier 2000, sous la présidence de
M. Alain Lambert, président, la commission a entendu une
communication de M. Claude Belot, relative aux conclusions de son groupe
de travail sur le financement de l'audiovisuel public.
Le rapporteur a tout d'abord rappelé les conditions dans lesquelles le
groupe a travaillé et notamment indiqué qu'il avait
procédé à une vingtaine d'auditions et organisé
deux visites, l'une à Londres pour examiner les conditions de mise en
oeuvre du numérique terrestre en Grande-Bretagne et l'autre à
Rennes, pour y visiter d'une part un centre de redevance et d'autre part
l'émetteur de Saint-Pern de TDF où est menée une
expérience de diffusion numérique terrestre.
Il a ensuite évoqué le contexte dans lequel évolue
l'audiovisuel public qui se caractérise par des changements
technologiques et économiques très rapides : sur le plan
technologique, la diffusion numérique est une réalité
appelée à se généraliser dans les prochaines
années ; sur le plan financier, on voit se constituer, à la
suite de " méga-fusions " des groupes géants, dont le
plus important, vient d'être constitué entre le distributeur de
services en ligne AOL et Time Warner. Il a souligné l'importance de la
capitalisation boursière de ces groupes qui atteint un montant du
même ordre de grandeur que le budget de la France.
Puis, il a présenté la principale conclusion du groupe de
travail : l'audiovisuel public est en danger parce qu'on ne lui donne pas
les moyens financiers de son développement. Il a précisé
que le groupe avait considéré que cette insuffisance de
financement public pourrait, à terme, conduire à réviser
le périmètre du secteur audiovisuel public.
A l'issue de cette présentation, la commission a donné acte au
rapporteur de sa communication, et décidé d'en publier les
conclusions sous forme d'un rapport d'information.
Comptes
rendus des auditions du groupe de travail
· M. Francis BECK, Président de l'INA
· M. Jean-Marie CAVADA, Président directeur
général de Radio France
· Mme Véronique CAYLA, Membre du Conseil supérieur de
l'Audiovisuel
· M. Bruno CHETAILLE, Président directeur
général de Télédiffusion de France
· M. Roger CHINAUD, membre de l'autorité de
régulation des télécommunications (compte-rendu en attente
de validation)
· M. Jean-Paul CLUZEL, Président directeur
général de Radio France Internationale
· M. Jean-Pierre COTTET, chargé de mission à France
Télévision
· M. Jean DRUCKER, Président directeur général
de M6
· M. Jacques ESPINASSE, Directeur général de
Télévision par satellite, M. Gilles MAUGARS,
directeur technique et informatique et M. Bernard PRADES,
délégué général de Suez-Lyonnaise
· M. Bertrand LARRERA DE MOREL, Président de l'IFCIC et
de Mme Elisabeth Flury-Herard, Directeur général
· M. Maurice LEVY, président du directoire de Publicis SA
· M. Etienne MOUGEOTTE, Vice-président et Directeur
général de TF1
· M. Jean-Claude MOYRET, Directeur de l'audiovisuel
extérieur et des techniques de communication du ministère des
affaires étrangères
· M. Fabrice NORA, Directeur général adjoint du
groupe Amaury
· M. Jérôme SEYDOUX, Président de
Pathé
· M. Frank SOLOVEICIK, Président directeur
général de M5
· M. Bernard SPITZ, Maître des requêtes au Conseil
d'Etat
· M. Marc TESSIER, Président directeur général
de France télévision
Audition de M. Francis Beck
Président de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA)
Mercredi 15 septembre 1999
M.
Francis Beck a tout d'abord rappelé le contexte particulier dans
lequel se déroulait son audition. En effet, elle se situait à la
veille d'importantes décisions, pour l'avenir de l'INA, que devait
prendre son Conseil d'administration et qui s'inscrivaient dans le processus
législatif en cours.
Il a évoqué en premier lieu l'accord cadre avec France
Télévision, le principal partenaire de l'Institut, qui
constituera une mutation importante dans son mode de financement. Il a ainsi
précisé que les modalités de facturation des prestations
d'archivage, ainsi que le système de dévolution des droits de
propriété intellectuelle sur les archives trois ans après
diffusion, seraient revus.
Il a précisé en second lieu que le projet de plan
stratégique pour la période 1999-2003 devait également
être soumis à l'approbation du Conseil d'administration. Pour
permettre à l'entreprise une visibilité à moyen terme, un
contrat d'objectif et de moyens avec le gouvernement sur quatre années
devra être signé. En effet, selon lui, les incertitudes pesant sur
l'avenir de l'Institut avaient suscité une réelle
inquiétude dans son personnel, au point de provoquer le
déclenchement d'une procédure de droit d'alerte en mars dernier.
Le Conseil d'administration allait également être amené
à y répondre le lendemain.
M. Francis Beck a ajouté qu'en contrepartie, l'INA s'engagerait
dans une stabilisation de ses charges, notamment celles de la masse salariale
qui représente 60 % de son coût de fonctionnement. Il a
indiqué que l'objectif de stabilisation de la masse salariale
entraînerait une réduction de l'ordre de 2 % par an
déjà mise en oeuvre dès 1999. Cette anticipation du
contrat pluriannuel prévu dans le projet de loi, se fera sans plan
social et sans licenciement. Il a précisé que d'autres
économies seraient effectuées sur les frais
généraux et grâce à une meilleure gestion des achats.
Répondant à M. Claude Belot et à Mme
Marie-Claude Beaudeau, il a ensuite abordé les projets en
matière de sauvegarde et de numérisation du fonds patrimonial de
l'INA. Le site Internet de l'INA permettra de disposer de la commande
électronique par messagerie et à terme, lorsque les
réseaux seront suffisamment développés, la mise en service
du télévisionnage en ligne avec télépaiement. Il a
également déclaré que l'INA grâce à son
expérience et à ses investissements en matériels
performants représentait la compétence la plus poussée
pour la gestion d'extraits d'émissions mais que face à un stock
de plus d'un million d'heures d'archives, il ne pouvait, en l'état
actuel de ses moyens, toujours répondre complètement à la
demande. Il a regretté que sur 450.000 heures de programmes, qui
représentaient 80 kilomètres de rayonnage et s'accroissaient
au rythme de 35.000 heures par an, la moitié était
menacée de disparition.
Enchaînant sur le problème de la sauvegarde, M. Francis
Beck a constaté que si " conserver et mettre en valeur le
patrimoine " figurait parmi les missions réaffirmées
à l'Institut dans le projet de loi, son métier était
également de trier ce qui méritait d'être conservé.
Il a indiqué que si seulement 5.000 heures avaient
été transférées sur support numérique en
1998, pour 1999 on en était d'ores et déjà à
18.000 heures, avec un objectif total de 88.500 heures fin 2003 dans
le cadre du plan de sauvegarde et de numérisation. Il a également
précisé qu'il était affecté à ce plan
pluriannuel de sauvegarde et de numérisation, 23 millions de francs
en 1999 et qu'il en était prévu 30 pour 2000. Il a surtout
estimé que le coût total de cette opération
s'élèverait à 500 millions de francs (300 pour
200.000 heures télévision et 200 pour 300.000 heures
radio).
Confirmant à M. Claude Belot que la commercialisation de ses
archives constituait un objectif majeur de l'INA, il a souligné que la
réponse " à la demande " serait progressivement
associée à une offre plus thématique. Il a rappelé
qu'en ce qui concernait le dépôt légal, cette mission de
l'Institut était réaffirmée dans le projet de loi pour
toutes les émissions des chaînes hertziennes nationales. Pour ce
qui concerne les sociétés nationales de programme, l'exploitation
des programmes en dehors des oeuvres de fiction revenait de droit à
l'INA, passé un délai de trois ans après la diffusion.
Cette dévolution ne concernerait plus à l'avenir que la gestion
des extraits, mais dans un délai d'une année.
Après avoir précisé que le budget annuel de l'INA, hors
amortissements de programmes, s'élevait à 650 millions de
francs, M. Francis Beck a conclu en rappelant que le projet de loi
réaffirmait très fortement la priorité donnée
à la mission patrimoniale tout en réaffirmant la
nécessaire convergence des autres activités de production, de
recherche et de formation.
Audition de M. Jean-Marie Cavada
Président directeur général de Radio France
Mardi 14 septembre 1999
Dans un
propos introductif, M. Jean-Marie Cavada a souligné que Radio
France, première radio sur le marché national avec 28,5 %
d'audience, a conforté sa position, au cours des derniers mois, avec une
progression de 525.000 auditeurs, dont plus de 200.000 pour la seule
station France Musique.
Après avoir souligné les bons résultats de Radio France,
en saluant au passage la culture d'entreprise des personnels,
M. Jean-Marie Cavada a évoqué les réformes en
cours, notamment l'affirmation de l'identité de chaque station sous le
signe d'une marque administrée par une direction monocéphale.
Ainsi, Radio France procède à une contraction des services
généraux après avoir réformé les antennes.
M. Jean-Marie Cavada s'est montré inquiet pour l'avenir,
estimant que le budget actuel ne permet pas de faire face aux priorités
qu'il a définies : numérisation des outils de production et de
diffusion, politique sociale favorisant les départs volontaires et
l'embauche de jeunes, meilleure agressivité sur le marché. Il a
indiqué qu'avec le budget actuel, la numérisation ne pouvait
être mise en oeuvre, et qu'il lui paraissait fondamental d'achever la
numérisation en trois ans. Il a exprimé le souhait de
réaliser l'entrée de Radio France sur de nouveaux supports.
Répondant à M. Claude Belot, M. Jean-Marie Cavada a
rappelé que le transfert des oeuvres vers l'INA interdisait toute
exploitation ultérieure de ce fonds, pourtant indexé et
stocké par Radio France. Il a émis le voeu que les
négociations à intervenir dans le cadre de l'OMC règlent
la question des droits d'exploitation de ce fonds.
A une question de M. André Vallet, M. Claude Norek, directeur
général délégué à la gestion et
à la production a fait valoir que les fonds disponibles, celui de France
Culture notamment, ne pouvaient être utilisés par les
Universités que pour autant qu'on puisse les transférer sur bases
de données, ce qui supposait de les numériser au préalable.
S'agissant de la présence sur Internet, M. Jean-Marie Cavada a
souligné le très faible volume des crédits mis à la
disposition de son entreprise, comparativement aux montants alloués
à la télévision ou aux fonds dont disposent des radios
étrangères telles la BBC.
M. Paul L'Ollivier, directeur des finances et du contrôle de
gestion, a précisé que Radio France produisait ses programmes, la
gestion de l'outil de production intégré supposant des
coûts qui ne laissent de place ni à la souplesse, ni au
développement technologique.
Abordant la question des radios locales, M. Jean-Marie Cavada a
insisté sur la place prise par cette activité. Il a
évoqué la réussite spectaculaire de certaines d'entre
elles, rappelant que les programmes purement locaux représentaient
environ 12 heures d'émission quotidienne. Il a regretté le manque
de moyens financiers conduisant Radio France à rétrocéder
des fréquences disponibles, au détriment de la couverture du
territoire national, 38 fréquences locales desservant
43 départements. En réponse à M. Vallet, il a
confirmé que France Info ne couvrait que 60 % de la population
répartie sur 40 % du territoire.
M. Sylvain Anichini, directeur général adjoint
chargé des technologies nouvelles, a souhaité que le
développement du numérique hertzien résolve une partie des
problèmes des radios locales, en rapprochant l'information des
utilisateurs pour éviter l'encombrement du réseau national.
Répondant à M. Belot, M. Jean-Marie Cavada a
évalué à 188 millions de francs par an, pendant deux
à trois ans, le coût des investissements jugés
indispensables.
M. Jean-Marie Cavada a conclu en invitant le législateur
à définir une véritable politique de la radio publique,
une importante réflexion s'avérant nécessaire. Il a
émis le souhait que le pays se donne les moyens de soutenir la radio,
industrie véritable qui devra encore faire face aux défis sociaux
que constituent la révision des accords collectifs et l'application de
la législation sur les 35 heures de travail hebdomadaire.
Audition de Mme Véronique Cayla
Membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel
Mardi 22 juin 1999
Mme
Véronique Cayla a tout d'abord affirmé que la
révolution numérique lui paraissait un phénomène
inéluctable, tout en notant qu'il était compréhensible
que, compte tenu de l'avance de la France dans le satellite et des
investissements déjà réalisés en ce domaine, les
opérateurs actuels ne soient guère enclin à
accélérer le passage au numérique terrestre.
Elle a souligné que si le montant de l'investissement n'est pas encore
connu, le coût de la diffusion numérique hertzienne sera nettement
moins élevé que celui de la diffusion analogique : à
terme -sans doute dix ans- la diffusion analogique doit disparaître, ce
qui libérera des fréquences. Par ailleurs, cette perspective
aboutit à poser en termes différents la question des
télévisions locales, à un moment où les esprits
évoluent comme le montre le revirement de la Presse quotidienne
régionale.
Elle a évoqué le problème d'accès aux
événements sportifs majeurs en attirant l'attention sur le
problème de la définition de ces événements.
Au sujet de la publicité sur les télévisions de service
public, Mme Véronique Cayla a indiqué qu'en Allemagne
où il n'y avait pas de publicité à l'heure du
" prime time " et en Angleterre où la publicité est
interdite par la charte, les règles du jeu étaient claires mais
coûteuses, tandis qu'en France, il faut gérer un système
mixte. La redevance rapporte 30 milliards de francs en Allemagne, 20
milliards de francs en Angleterre contre 13 milliards de francs dans notre
pays. A cet égard, elle a fait savoir qu'il fallait se méfier des
réglementations par trop tatillonnes, naturellement difficiles à
appliquer.
D'une façon générale, Mme Véronique Cayla a
mis l'accent sur la nécessité en matière audiovisuelle, de
faire plus de place aux contrôles a posteriori qu'aux contrôles a
priori : on a trop tendance à faire appel au décret et
à susciter les interventions de la tutelle, pour des organismes publics
dont le mode de gestion doit se rapprocher de celui des entreprises.
En ce qui concerne la production audiovisuelle, elle a d'abord noté que,
compte tenu de la nature d'une activité caractérisée par
des marges faibles, -les émissions de flux se révélant
d'ailleurs plus rentables que les émissions de stocks- , le
système des SOFICA fonctionnait moins bien que dans le cinéma.
Plus généralement, elle a rappelé qu'il n'y a pas encore
de réel marché européen de la production audiovisuelle en
dépit des systèmes d'encouragements mis en place au niveau de
l'Union Européenne et que les programmes américains
constituaient, de fait, le vrai dénominateur commun culturel du paysage
audiovisuel en Europe.
Evoquant enfin les enjeux culturels, Mme Véronique Cayla a
fait remarquer que les évolutions en cours à TV 5 allaient
dans le sens d'une présence audiovisuelle accrue.
Audition de M. Bruno Chetaille
Président directeur général de Télédiffusion
de France (TDF)
Mercredi 15 septembre 1999
Dans un
propos introductif, M. Bruno Chetaille a brièvement
présenté l'entreprise qu'il dirige. TDF est, depuis 1990, une
société anonyme, filiale à 100 % de France
Télécom. Son chiffre d'affaires, pour 1998, s'est
élevé à 4,2 milliards de francs. A cela s'ajoutent
500 millions de francs en provenance de ses filiales françaises. TDF est
également présente à l'étranger, notamment au
Royaume Uni où elle détient 20 % de CCICUK qui assure la
diffusion des programmes de la BBC et de On Digital (Chiffre d'affaires
d'1 milliard).
Il a expliqué, qu'en France, TDF exerce trois activités :
la diffusion des chaînes de télévision hertziennes.
Cette activité représente 50 % du chiffre d'affaires
(environ 2,4 milliards de francs) et régresse de 2 % environ en
raison de la baisse des prix pratiqués par l'entreprise ;
la diffusion des radios. Cette activité représente
20 % du chiffre d'affaires (environ 1 milliard de francs). Les prix
pratiqués décroissent mais le volume augmente, les recettes sur
ce poste restent donc stables ;
l'activité de radiocommunications, notamment avec les
opérateurs Itinéris, SFR et Bouygues Telecom. Ce secteur qui
représente 20 % du chiffre d'affaires est le moteur de croissance
de l'activité de TDF sur le marché français.
Il a expliqué que TDF pratiquait une égalité de traitement
entre ses clients. Lorsqu'une offre est faite à une chaîne ,
elle est immédiatement répercutée aux autres. Il a
indiqué que TDF avait un contrat de 7 ans avec TF1, de 6 ans avec M6, de
5 ans avec F2 et F3 et 4 ans avec Canal +. Les prix pratiqués ont
baissé de 2,5 % au cours de 5 dernières années.
Abordant la question de la diffusion en numérique sur le réseau
hertzien, M. Bruno Chetaille a souligné que TDF ne
demandait pas un monopole sur ce nouveau marché. Il a expliqué
que la plupart des pays européens s'étaient engagés ou
s'apprêtaient à s'engager dans cette mutation technologique. Il a
notamment indiqué que la Grande-Bretagne et la Suède avaient
déjà démarré et que l'Espagne s'apprêtait
à le faire en 2000. Il a rappelé que TDF avait placé son
action dans un cadre européen : au niveau des études et
recherche dans le cadre des programmes Eureka, au niveau de la normalisation au
travers des groupes DVB - une norme européenne a été
définie en 1996 - et maintenant au niveau opérationnel avec sa
présence au Royaume Uni et en Espagne.
Il a souligné que la diffusion numérique hertzienne permettait de
diffuser 6 réseaux nationaux avec pour chacun de l'ordre de 6
chaînes, l'offre audiovisuelle pouvant être complétée
par des services (ex : Internet diffusé). A ces réseaux
nationaux peuvent également s'ajouter des multiplex locaux ou
régionaux. Il a indiqué que ce type de diffusion était
moins performant en matière d'interactivité que le câble
mais présentait l'avantage de s'adresser rapidement à l'ensemble
du territoire et de garantir l'entrée de tous les foyers français
dans la société de l'information.
Il a rappelé que la diffusion numérique hertzienne pourrait
fonctionner en complémentarité avec la diffusion par satellite
(couverture géographique).
En réponse à M. Claude Belot, qui l'interrogeait au sujet
du délai de mise en place de ce type de diffusion, M. Bruno Chetaille
a indiqué que 18 mois seraient nécessaires à
compter de la décision. En France, il a estimé que le
système serait opérationnel - fin 2001.
Audition de M. Roger Chinaud
Membre de l'autorité de régulation des
télécommunications (ART)
Mardi 21 septembre 1999
M.
Roger Chinaud a observé que la France n'avait mesuré ni
l'ampleur de la révolution numérique en cours, ni les nouvelles
facultés de transport que l'on pouvait en espérer.
Il a expliqué que le gouvernement avait lancé une consultation au
cours de l'été au sujet de la télévision
numérique hertzienne, à la suite du rapport de Messieurs Cottet
et Emery et a relevé quatre éléments, à ses yeux
primordiaux :
- la qualité de service qu'autorisera le numérique
- la baisse du coût de la diffusion
- la multiplication du nombre des chaînes
- la naissance de bouquets mis à la disposition des grandes
chaînes de télévision .
Il a indiqué que cette révolution impliquait un renouvellement du
parc des téléviseurs et une meilleure gestion du spectre
hertzien. A ce sujet il a précisé que la France se trouvait
actuellement en situation de pénurie de fréquence, et a
estimé que cette situation disparaîtrait avec l'avènement
de la diffusion numérique terrestre.
M. Roger Chinaud a ensuite fait remarqué que le mot
" Internet " ne figurait pas dans la loi, qui en 1996 a
créée l'ART, illustrant ainsi la rapidité des
évolutions des techniques. Il a retracé la très importante
progression l'usage du téléphone portable en Europe, soulignant
que la prochaine génération de téléphones portables
(UMTS) comporterait des dispositifs permettant d'utiliser Internet.
Il a indiqué que la principale préoccupation des
opérateurs de téléphonie mobile était de
fidéliser leur clientèle ; pour ce faire le
développement des services interactifs est indispensable. Les recettes
sont à venir, pour l'instant chaque nouvel abonné coûte
entre 2.000 et 2.300 francs à l'opérateur.
Il a estimé que dans les trois années à venir, les
opérateurs feraient cadeau du transport de la voix, celui des
données étant le véritable enjeu de la prochaine
décennie.
Abordant, à la demande de M. Claude Belot, l'avenir du
réseau câblé français, M. Roger Chinaud a
estimé qu'il se développerait en réseaux de fibre optique,
destinés notamment à l'exploitation des liaisons satellitaires.
Il a cité l'exemple de plusieurs communes qui développent des
réseaux fermés. Bien souvent le retour sur investissement est
effectué en 18 mois seulement. Tout en préconisant la
prudence, il s'est dit favorable à ce genre d'initiative.
En réponse à M. Claude Belot, qui l'interrogeait sur le
sort réservé aux fréquences du spectre hertzien qui
seraient libérées par l'avènement du numérique,
M. Roger Chinaud a indiqué qu'une partie pourrait servir à
la troisième génération de téléphone mobile.
Par ailleurs il a fait remarquer qu'un certain nombre d'entre elles
étaient aujourd'hui attribuées à l'armée -qui ne
les utilise pas toujours- et a souhaité en rationaliser l'affectation.
Audition de M. Jean-Paul Cluzel
Président directeur général de Radio France Internationale
Mardi 14 septembre 1999
M.
Jean-Paul Cluzel a tout d'abord rappelé que RFI avait une triple
caractéristique : un statut de droit commun ; un double financement
public (ses recettes proviennent pour 60 % du ministère des affaires
étrangères et pour 40 % du ministère de la culture); des
émissions en FM et ondes courtes presque exclusivement destinées
à l'étranger, à l'exception de l'émetteur
situé en région parisienne.
RFI possède des relais FM dans 80 villes du monde et est repris dans
180 autres villes par des radios étrangères. Sa
présence sur le dispositif de diffusion satellitaire directe est
assurée en Europe, par le biais d'Astra, ainsi qu'en Amérique du
Nord et en Amérique latine ; elle dispose également d'un
réseau satellitaire professionnel lui permettant d'être repris, au
niveau mondial, par tout particulier ou radio possédant la parabole
nécessaire. Elle est également présente sur Internet. Dans
ce cadre international, elle dispose de 30 millions d'auditeurs dans le
monde, pour moitié de langue française, l'autre moitié se
répartissant entre 19 langues étrangères. M. Jean-Paul
Cluzel a signalé en outre l'importance de RMC Moyen-Orient, filiale
de RFI, qui reprenait 1 h 30 d'émissions françaises, et
qui compte par ailleurs 15 millions d'auditeurs arabophones. Il a tenu
à préciser que ces chiffres ne reflétaient pas un
auditoire potentiel mais un auditoire effectif et souligné l'importance
de RFI dans le paysage audiovisuel extérieur de la France puisqu'il est
le seul organe 100 % français dont dispose la nation pour faire entendre
sa voix sur le plan international et qu'en outre ses émissions
reflétaient la diversité d'opinion des médias
français.
Face à cet enjeu et au nombre de ses auditeurs, les recettes de RFI
apparaissent bien faibles : son budget en 1999 s'élevait à
725 millions de francs, soit 3,9 % du total du budget de l'audiovisuel public
et 5,6 % des ressources publiques affectées à ce secteur. Depuis
plusieurs années RFI connaît un traitement budgétaire
défavorable. Pour des raisons structurelles, d'abord car la subvention
du ministère des affaires étrangères dont le budget est
chaque année reconduit ou en régression, ne lui permet pas de
faire face au dynamisme de ses frais de personnel qui représentent 44 %
de son budget ; pour des raisons conjoncturelles ensuite, car RFI a
dû faire face à des mesures de régulation
budgétaire : 60 millions de francs en 1996 et 14 millions de francs
en 1997 ; en 1999, l'apport du ministère des affaires
étrangères a été diminué de 20 millions de
francs et celui de la culture de 10 millions de francs. Au total les concours
publics octroyés à RFI en loi de finances initiale ont
diminué de 1,7 % entre 1997 et 1999 contre une augmentation de
6,3 % pour l'ensemble du secteur audiovisuel public. Si RFI avait
bénéficié d'une évolution de ses ressources
comparable, elle aurait perçu environ 60 millions de francs de plus au
cours des deux derniers exercices.
Cette politique budgétaire a conduit RFI à faire des ajustements
importants, portant essentiellement sur les ondes courtes, et à
réaliser des économies notamment grâce à la
numérisation. La gestion rigoureuse mise en place a permis de renouer
avec l'équilibre budgétaire en 1999. M. Jean-Paul Cluzel a
énuméré les priorités de son budget : la
modernisation des équipements afin de les adapter à la
numérisation ; l'adaptation des moyens de diffusion aux attentes et
à la diversité des auditeurs, grâce au maillage du
réseau de FM et à l'enrichissement des sites Internet ; la
situation au Kosovo exigeant le renforcement du dispositif de diffusion en FM
ainsi que l'extension des émissions en serbe et en croate et la mise en
place d'émissions en albanais et en macédonien.
M. Jean-Paul Cluzel a souhaité qu'on donne à RFI les
moyens de poursuivre le développement du réseau de FM, de mener
une politique de communication adaptée à sa présence
internationale, de renforcer le contenu des émissions, notamment en les
régionalisant, en enrichissant les magazines, en développant les
programmes en langue étrangère. Il a conclu en soulignant combien
ces coûts étaient négligeables face à l'impact
décisif qu'ils entraîneraient pour l'image de la France à
l'étranger.
En réponse à M. Claude Belot qui évoquait la
puissance de la BBC, M. Jean-Paul Cluzel a reconnu que le
système anglais était certainement plus efficace mais qu'il
était difficilement transposable en France. Il souhaitait une mise en
commun des ressources de l'audiovisuel public sur la base des avantages
relatifs à chacun, notamment pour réformer le réseau des
correspondants à l'étranger. M. Claude Belot s'est
étonné de ce que le budget de la BBC, qui ne comprend pas de
recettes publicitaires, et celui de l'ensemble de l'audiovisuel français
soient du même ordre.
Les radios francophones, a déclaré M. Jean-Paul Cluzel, se
portaient plutôt bien, ainsi qu'en faisait état un rapport
récent de Médiamétrie qui dégageait deux
catégories principales d'auditeurs : les décideurs et les
jeunes. Le succès rencontré par la radio dans le monde
francophone et non francophone s'expliquait par le fait qu'il s'agissait
là d'un média particulièrement économique et
accessible.
M. Jean-Paul Cluzel s'est attaché à préciser qu'il
tenait à ce que RFI garde sa spécificité dans le monde et
ne vienne pas en concurrence avec les autres radios du monde francophone mais
apporte un complément en mettant l'accent sur l'information et la
culture. C'est volontairement que RFI n'avait pas développé une
politique de radios de proximité afin de laisser place aux radios
locales. En trois ans, RFI avait réussi à reconstituer son
audience et à l'augmenter dans de nombreux pays en se repositionnant sur
le créneau de l'information.
M. Claude Belot a reconnu que le budget de communication de RFI,
s'élevant à 3 millions de francs, était insuffisant
et a suggéré que RFI pourrait se faire l'écho des
régions françaises à l'étranger et dégager
ainsi des recettes supplémentaires. M. Jean-Paul Cluzel s'est
déclaré très intéressé par cette perspective.
Audition de Monsieur Jean-Pierre Cottet
Chargé de mission à France Télévision
Mardi 21 septembre 1999
M.
Jean-Pierre Cottet a expliqué que M. Gérard Emery
et lui même étaient convaincus de l'avènement du
numérique dans toute la chaîne de la production audiovisuelle,
tant dans la production d'images que dans le stockage, le montage et la
diffusion.
Il a indiqué que la généralisation de la diffusion
numérique terrestre permettrait d'engager une meilleure gestion du
spectre hertzien français. 150 émetteurs actuellement en
service couvrent 85% de la population. Ils seraient susceptibles de permettre
le développement de la télévision locale, si la loi
autorisait la syndication - condition essentielle à l'équilibre
financier de tels projets-. La technique de l'Adsl et la transmission par
satellite permettraient aux 15% de population restante, l'accès aux
programmes Il a rappelé qu'aucune mesure n'obligeait les diffuseurs,
même publics, à couvrir l'intégralité du territoire,
et qu'une réflexion mériterait d'être menée à
ce sujet.
En réponse à M. Claude Belot, M. Jean-Pierre
Cottet a souligné que le gouvernement avait besoin de geler un
certain nombre de fréquences analogiques afin de préserver les
espaces nécessaires au transport des six futurs multiplexes -
destinés aux six grandes chaînes actuelles - et un réseau
interville. Il est souhaitable de réserver quelques canaux à de
nouveaux acteurs.
Il a rappelé que la presse quotidienne régionale souhaitait
investir rapidement les fréquences actuellement libres et diffuser des
programmes analogiques, qui, même s'ils ne sont pas rentables, les
placeront dans une position de marché confortable le jour où le
mode numérique se généralisera. Il a insisté
à nouveau sur l'impérieuse nécessité de
réformer la loi sur la syndication faute de quoi les
télévisons locales se développeraient dans un esprit de
" patronage ".
M. Jean-Pierre Cottet a cité l'exemple d'une
télévision locale parisienne. Il a expliqué que
l'investissement de départ s'élevait environ à
200 millions de francs, et que l'espoir de rentabilité
n'intervenait pas avant au moins six ans. Il a souligné que les
chaînes locales n'échappaient pas aux grands combats d'audience
que représentent les créneaux horaires 18-20 heures et 21-22
heures. Pour des raisons de rentabilité, les télévisions
locales ne peuvent se limiter à une audience de journée dont les
programmes sont dédiés aux inactifs.
En réponse à M. Alain Joyandet qui s'interrogeait sur la
nécessité d'appliquer les standards nationaux aux
télévisions locales, M. Jean-Pierre Cottet a
expliqué que la paysage audiovisuel français permettait la
création d'une télévision différente mais aucune
chaîne ne peut se passer de ressources publicitaires.
Abordant -à la demande de M. Alain Joyandet- la question de
l'entrée de nouveaux acteurs dans la télévision
numérique, M. Jean-Pierre Cottet a indiqué qu'ils
s'installeraient vraisemblablement dans le secteur de la
télévision locale par le biais du réseau interville. Ces
nouveaux projets auront besoin de mesures d'accompagnement législatives
et réglementaires, ainsi que de partenaires locaux. Au cours de la
nécessaire transition technique, ces nouvelles chaînes ne
bénéficieront pas de leur diffusion simultanément en
numérique et en analogique contrairement aux chaînes historiques.
Il a toutefois souhaité que la transition ne soit pas trop longue.
En réponse à M. Claude Belot, M. Jean-Pierre Cottet
a abordé la question de l'interactivité de la
télévision et a défendu la technique du numérique
terrestre. Il a expliqué que la diffusion par satellite ne permettait
pas une grande interactivité car le retour des informations n'est
guère possible.
Il a plaidé en faveur de la substitution de l'analogique par le
numérique hertzien pour des raisons politiques d'une part. En effet,
l'Etat conserve la possibilité de maîtriser l'émission du
signal, ce qui n'est pas le cas avec le satellite. Les diffuseurs ont le choix
d'émettre à partir d'un pays étranger. D'autre part, la
diffusion hertzien permet de rendre les postes de télévision
" portables ", car l'antenne disparaît. Cette
possibilité rendrait possible la diffusion dans les moyens de transport
et engendrerait une modification des modes de consommation.
Commentant l'exemple donné par M. Claude Belot, qui faisait
allusion à une expérience québécoise de diffusion
en boucle d'un programme local quotidien numérique, M. Jean-Pierre
Cottet a émit des voeux d'une plus grande richesse des
programmes des futures télévisions locales françaises.
Audition de M. Jean Drucker
Président directeur général de M6
Mardi 22 juin 1999
M. Jean
Drucker a tout d'abord retracé l'histoire du service public de
l'audiovisuel au cours des dernières années. Il a remarqué
que, lors de la privatisation de TF1, les chaînes publiques n'avaient pas
été dotées d'un exécutif stable et qu'elles
n'avaient pas reçu d'objectifs clairs. Les chaînes privées
ont bénéficié d'une grande stabilité de leurs
équipes dirigeantes ; cette pérennité -que les politiques
revendiquent pour conduire leur action- est également nécessaire
aux entreprises publiques.
Il s'est montré inquiet sur l'avenir de France 2 estimant que la
prochaine loi sur l'audiovisuel constituerait pour la chaîne sa
dernière chance tant la concurrence est rude (chez les moins de 50 ans
l'audience du journal de M6 est supérieure à celle de France 2 ).
Il a critiqué le lancement concomitant du plan câble et d'une
chaîne de télévision à péage sur le
réseau hertzien, le succès de cette dernière expliquant
l'échec du premier.
Il a souligné que la création d'Arte avait engendré une
fuite des programmes culturels ou intellectuels vers cette chaîne aux
dépens de France 2. Dans l'hypothèse d'une privatisation,
France 2 lui a semblé mieux placée que France 3. Il a
redouté cette perspective, en raison notamment des répercussions
très néfastes sur le marché publicitaire.
A l'invitation de M. Claude Belot , M. Jean Drucker s'est ensuite
livré à une analyse des évolutions technologiques
récentes et à leur impact sur le paysage audiovisuel
français. En premier lieu il a évoqué le succès
dans notre pays des bouquets diffusés par satellite. Il a observé
que les chaînes thématiques, à vocation culturelle,
coûtent chères à produire, alors qu'elles ne connaissent
pas de véritable succès d'audience ; cependant, elles
représentent un investissement pour l'avenir et pourront constituer, des
programmes destinés à des chaînes diffusées en
numérique hertzien.
Il s'est ensuite interrogé sur les intentions du gouvernement dans ce
secteur, qui, de façon contradictoire, semble favorable au
développement du numérique hertzien tout en laissant distribuer
des fréquences analogiques en province, voire à Paris. M6
réalise avec succès des décrochages régionaux au
cours de ses journaux d'information. La chaîne collabore avec des grands
quotidiens régionaux tels que Sud Ouest pour la région de
Bordeaux. Il a regretté que ces mêmes quotidiens aient des
velléités de création de chaînes
télévisées de plein exercice.
En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogeait sur les
nouvelles technologies de diffusion et sur l'avenir du câble en France,
M. Jean Drucker a expliqué que l'environnement français
semblait favorable au développement du numérique hertzien,
encouragé par la société Télédiffusion de
France (TDF) et l'industrie électronique qui voit là l'occasion
d'un renouvellement des postes de télévision.
Il a répété qu'à son sens le câble
était un échec en France et que le réseau actuel servirait
sans doute demain à autre chose qu'à la diffusion de
chaînes de télévision.
Il a remarqué que la communication est une industrie de l'offre. Les
téléspectateurs n'ont pas besoin fondamentalement de nouveaux
programmes, mais ils en ont simplement envie. Dans ces circonstances, le prix
devient une donnée subjective, non discriminante, sauf lorsque la
concurrence voit le jour. C'est la raison pour laquelle les Français
assistent aujourd'hui à une bataille serrée, au niveau des prix,
entre TPS et Canal satellite.
M. Jean Drucker s'est ensuite exprimé au sujet de l'amendement
"Mathus" adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale, au cours de la discussion de la loi relative
à la liberté de communication. Cette disposition tend à
rendre nulle l'exclusivité que possède TPS, de diffuser sur son
bouquet les chaînes France 2 et France 3. Il a plaidé pour le
maintien de l'actuelle exclusivité, au moins pour un temps. TPS ne
dispose actuellement que de la moitié des abonnés de Canal
satellite, et a besoin -afin de conforter son lancement commercial- de cet
atout. Il a indiqué qu'en cas d'adoption de cet amendement dans le texte
définitif de la loi, TPS continuerait à diffuser ces
chaînes sur son bouquet.
En réponse à M. Yann Gaillard qui évoquait les
travaux de M. René Trégouët, selon lesquels l'avenir de la
télévision passerait par le choix donné aux
téléspectateurs de sélectionner leurs propres programmes
et le développement de l'interactivité, M. Jean
Drucker, sans exclure ce nouveau marché, s'est montré
optimiste sur l'avenir des chaînes généralistes et la
coexistence des deux systèmes.
Pour conclure il a plaidé pour une concentration des entreprises de
communication françaises, estimant que leur taille, était
à l'heure actuelle, trop petite comparée aux groupes
anglo-saxons. A titre d'exemple, il a indiqué que la capitalisation
boursière de Canal Plus était inférieure aux
bénéfices d'Intel.
Audition de Messieurs Jacques Espinasse , Directeur
général et Gilles Maugars, directeur technique et informatique de
Télévision par satellite (TPS) ainsi que de Monsieur Bernard
Prades, délégué général de Suez-Lyonnaise
Mercredi 15 septembre 1999
M.
Bernard Prades a tout d'abord retracé brièvement l'historique
du développement du câble en France. Il a rappelé que le
lancement du câble en tout fibre optique en France avait
été un échec. On a d'abord rencontré des
difficultés techniques. Ensuite le démarrage de la
commercialisation de TV Câble en décembre 1986 s'est
déroulé dans de mauvaises conditions, tant du fait du lancement
simultané de Canal + et de deux chaînes hertziennes gratuites que
des relations délicates avec France Télécom. Par ailleurs,
France Télécom, n'a pas favorisé le développement
technique de l'accès à Internet par le câble. L'entreprise
publique ne souhaite se voir concurrencée sur la boucle locale dont elle
détient le monopole. Il a par ailleurs regretté que
l'autorité de régulation des télécommunications
peine à obtenir la levée de ce monopole. Il a conclu en se
déclarant convaincu que le câble constitue la vraie
" autoroute de l'information " de demain.
M. Claude Belot a fait remarquer qu'une large partie du territoire
national serait exclu de cette autoroute. M. Bernard Prades a
expliqué que seules les entreprises - environ 20% de clients potentiels
- auraient l'utilité de l'énorme débit qu'offre le
câble, les particuliers n'auront l'usage que du débit,
déjà important, de l'ADSL. Il a précisé qu'il
était toujours possible d'installer un câble pour une entreprise
qui serait située dans une zone géographique isolée.
M. Jacques Espinasse, a ensuite précisé que les malheurs
du réseau câblés français n'étaient pas
à l'origine du succès de la télévision par
satellite. Il l'a attribué à la géographie de notre pays
et la faible densité de population constatée dans certaines
régions qui ne permet pas une généralisation des
branchements dans des conditions économiques raisonnables. Il a
indiqué, qu'en terme de coût, la diffusion par satellite
était en France, la meilleure marché. Il a également
rappelé que l'attribution à Canal Plus d'un réseau
crypté analogique, la création de la Cinq et M6, de façon
concomitante au lancement du plan câble, n'avaient pas favorisé sa
réussite.
M. Jacques Espinasse a ensuite retracé l'histoire de TPS,
rappelant que sa création avait eu lieu en 1996 et que sa diffusion
était assurée par le satellite Eutelsat. Il a indiqué que
les pertes cumulées s'élèveraient au
31 décembre 1998 à 1,9 milliard de francs. Le chiffre
d'affaires pour 1999 est estimé à la même somme, et les
pertes pour cette même année à 900 millions de francs.
Le seuil de rentabilité sera atteint lorsque TPS comptera
1,3 million d'abonnés. Elle en comptait - en septembre 1999- 800
0000.
Abordant la composition du bouquet M. Jacques Espinasse a rappelé
que l'exclusivité faite à TPS, pendant 10 ans, de diffuser les
chaînes publiques avait été remise en cause par un
amendement du député Didier Mathus. Il a souhaité
conserver cet avantage -tout en reconnaissant que la durée initiale
pourrait être réduite- ce qui lui paraît d'autant plus
nécessaire que les chaînes thématiques du service public
font elles aussi partie du bouquet.
Audition de Monsieur Bertrand Larrera de Morel
Président de l'Institut de Financement du Cinéma et des
Industries culturelles (IFCIC)
et de MadameElisabeth Flüry-Hérard
directeur
général
Mercredi 15 septembre 1999
M.
Bertrand Larrera de Morel a expliqué que le rôle de l'IFCIC
consistait à alléger les risques pris par les banques
lorsqu'elles financent des productions audiovisuelles, ou des projets
culturels. Le plus souvent ce sont des productions cinématographiques ou
des programmes destinés à la télévision.
Il a indiqué qu'à une époque, le financement de ce type de
production par le capital risque, avait été tenté mais
sans succès. C'est la raison pour laquelle le système de garantie
qu'apporte l'IFCIC, reste aujourd'hui l'un des moyens les plus efficaces pour
permettre le montage financier des opérations.
M. Bertrand Larrera de Morel a ensuite expliqué, que le plus
souvent, le financement d'un film était assuré à 60 %
par les chaînes de télévision dont Canal Plus, et le reste
partagé entre le Centre national du cinéma -20 % environ-,
les fonds propres du producteur, les distributeurs.
Le risque majeur de ce type d'industrie réside dans
l'éventualité que le produit ne soit pas livré, ceci est
très rare. En effet la raison la plus courante pour laquelle une
livraison ne serait pas effectuée est liée au manque d'argent en
cours de tournage ; dans ce cas les banques n'hésitent pas à
consentir un prêt complémentaire, évitant ainsi de perdre
l'ensemble des fonds engagés précédemment. L'IFCIC
garantit le nouveau prêt.
M. Bertrand Larrera de Morel a expliqué que ce dispositif
permettait de pré-financer la production.
Abordant la question du financement de ce secteur, Mme Elisabeth
Flüry-Hérard a indiqué que les SOFICA
représentaient 180 millions de francs et que le reste, -environ 2,2
milliards de francs- provenaient des acteurs du secteur. Elle a
précisé que l'IFCIC garantissait le capital à l'exclusion
des frais d'agios. Ce sont les banques, et non les producteurs qui
bénéficient de cette garantie. A titre indicatif, elle a
estimé à 638 millions de francs le montant des garanties
consenties en1998.
Sur cette enveloppe, 4 à 10 millions présentent des risques
sérieux.
M. Bertrand Larrera de Morel a ensuite indiqué que le taux de
sinistre s'élevait à 1 ou 2 % des crédits accordés.
Il a expliqué que des assureurs britanniques avaient tenté de
fournir le même service que l'IFCIC sur notre territoire. Ce fut sans
succès. Il a émis l'idée de relancer le capital risque sur
ce secteur, ce qui supposerait une forte sélection. Il a expliqué
que huit films sur dix n'étaient pas rentables, et que sans les fonds
versés par les chaînes de télévision, la production
française n'existerait plus.
Madame Elisabeth Flüry-Hérard a signalé notamment la
faiblesse des exportations des productions françaises. Cette faiblesse
est due à plusieurs causes :
- domination de masse du film anglo-saxon, et surtout concurrencé
sur les marchés exports par les productions locales. Entre les deux, le
film français ou européen trouve de moins en moins sa place,
à quelques exceptions près comme " le 5ème
élément " ou " Astérix et
Obélix " ;
- en ce qui concerne l'audiovisuel, les problèmes viennent des
formats pratiqués en France -les films de 90 minutes ne
correspondent pas aux standards internationaux- et de l'effet volume :
pour vendre à l'étranger, il faut pouvoir proposer des
séries très longues, que la faiblesse quantitative de notre
production -handicapée par des diffuseurs moins riches que ceux de nos
voisins- nous interdit de proposer à la vente ;
- en ce qui concerne les films, la solution est sans doute à
chercher du côté d'une adaptation en amont aux standards du
marché international d'une partie de la production
française : pour vendre, il faut d'abord concevoir pour le
marché international. Cette ambition n'est pas incompatible avec le
développement d'un secteur de films d'art et d'essai vivant, secteur qui
constitue aujourd'hui une réussite, du point de vue artistique, de la
production française. Il faut cependant comprendre que ces deux secteurs
n'ont pas le même public, ni la même économie, ni la
même commercialisation.
D'une façon générale, elle a souligné que l'essor
du secteur de la production ne pourrait provenir que du renforcement de la
capacité financière des producteurs indépendants,
aujourd'hui trop faibles pour pouvoir se développer dans le moyen terme.
En effet, l'insuffisance chronique de fonds propres les met en situation de
vulnérabilité lorsqu'ils négocient avec les diffuseurs.
Ils gardent, du coup, très peu de droits sur des oeuvres qu'ils
produisent, et ne peuvent dégager, au surplus, qu'une marge minimale sur
la production. Ainsi se perpétue une situation de
précarité financière qui leur interdit toute perspective
d'entrée en Bourse, moyen normal de lever des capitaux pour une
entreprise en croissance.
C'est pourquoi l'urgence paraît être de leur garantir une part de
négatif -et donc de droits sur les recettes futures- plus importantes
sur les oeuvres qu'ils produisent, seul moyen, pour eux, de se
développer sur une base ambitieuse, et de se dégager de la
dictature à court terme des besoins et des méthodes
éditoriales des chaînes françaises.
Audition de Monsieur Maurice Lévy
Président du directoire de Publicis SA
Mardi 29 juin 1999
M.
Maurice Lévy a débuté son propos en faisant observer
que la publicité était le programme préféré
des Français, tandis que M. Claude Belot évoquait
l'idée de " coupure-souillure " qui sous-tend le nouveau
projet de loi sur la liberté de communication.
M. Maurice Lévy s'est montré dubitatif sur les errements
de la politique gouvernementale depuis de nombreuses années, et ce
quelle que soit l'appartenance politique, en matière de
définition de service public de l'audiovisuel. La mise en concurrence de
France télévision avec TF1 a entraîné un
renchérissement du coût des programmes et donc un accroissement du
financement par la publicité. Le gouvernement n'a jamais clairement
privilégié la qualité ou l'éducation et a toujours
hésité entre rentabilité et Audimat, au détriment
de la notion de service public.
Evoquant la décision du gouvernement de diminuer l'espace
réservé à la publicité sur les chaînes
publiques, il a jugé cette proposition absurde et surtout
regretté que le vrai problème ne soit pas abordé et
qu'aucune décision concernant les lignes éditoriales n'aient
été prises. Les dirigeants de l'Audiovisuel Public ne se voient
pas confier une mission de projet industriel ou un cahier des charges
précis. Il a également déploré l'absence de
recherche dans le secteur du numérique. Il a remarqué que cette
nouvelle loi faisait rejaillir dans l'inconscient collectif le fantasme de
l'ancienne ORTF (sans la radio toutefois).
M. Maurice Lévy a ensuite analysé les conséquences
de cette nouvelle donne pour le marché de la publicité.
Inéluctablement, la limitation des écrans publicitaires sur les
chaînes publiques va entraîner un renchérissement du prix de
l'espace publicitaire à la Télévision. Les chaînes
privées n'accroîtront probablement pas le temps
réservé à la publicité mais simplement leurs prix.
L'espace, sur les chaînes publiques, sera vraisemblablement
redistribué tout au long de la journée au bénéfice
des heures de nuit et des heures de moindre écoute dans la
journée : les recettes baisseront donc mais dans une proportion
probablement moindre que la baisse du temps.
Plusieurs solutions s'offrent aux annonceurs : le report partiel des
investissements publicitaires sur les chaînes thématiques
diffusées par le câble et le satellite et, dans une proportion
beaucoup plus faible, vers la presse quotidienne et régionale. Quoiqu'il
en soit, il est probable que les dépenses publicitaires
consacrées à la Télévision Publique
régresseront de 5 à 8% et que ces sommes là ne seront pas
redistribuées.
M. Maurice Lévy a rappelé la philosophie qui avait conduit
dès les années 60, les pouvoirs publics à ouvrir la
télévision au marché publicitaire : favoriser
l'égal accès de toutes les entreprises à ce support.
Certes, depuis la disparition de la Régie française de
publicité, cet état d'esprit ne règne plus
réellement. Mais cette nouvelle loi -entraînant un
renchérissement des coûts- privera totalement les entreprises de
taille moyenne de la possibilité de promouvoir leurs produits à
l'écran.
M. Claude Belot a ensuite invité M. Maurice Lévy a
s'exprimer sur la dispersion de l'audience que provoque la multiplication des
offres de chaînes. Celui-ci a livré les résultats d'une
enquête menée par son groupe sur les souhaits d'abonnements des
Français pour l'année à venir : la
télévision arrive en tête. Il a expliqué que dans
les pays où les chaînes thématiques étaient
très implantées, les chaînes classiques conservaient 50
à 60% de l'audience. Les chaînes thématiques constituent
donc un marché potentiel intéressant ; il a précisé
-à titre d'exemple- que la Cinquième coûterait
120 millions de francs et Arte 150 millions de francs, si la
publicité y avait sa place.
A la demande de M. Claude Belot, il a décrit l'abonné type
des chaînes payantes : ce n'est pas le cadre supérieur qui le plus
souvent consacre ses soirées et son temps libre à des
activités culturelles et sociales, mais le cadre moyen ou
l'employé qui rentre tôt de son travail, habite des zones
suburbaines où les loisirs sont moins nombreux qu'en centre ville et
dont les déplacements de fin de semaine sont plus rares. Il a
estimé que les programmes interactifs et le développement de
l'Internet (diffusion prochaine de films, commerce électronique
affranchi de toute règle nationale et internationale)
bénéficieront, en premier lieu, à ces mêmes
catégories de consommateurs. Il a parié sur un taux de
réception des chaînes câblées et diffusées par
satellite d'environ 70% des ménages français à l'horizon
2005-2010.
En réponse à M. Claude Belot qui s'interrogeait sur
l'avenir des grandes chaînes généralistes, M. Maurice
Lévy a expliqué que TF1 se devait de conserver sa position
dominante dans le but de pérenniser "la prime au leader" dont elle
bénéficie à l'heure actuelle dans le domaine de la
publicité. Cette volonté explique la part active jouée par
la chaîne dans TPS. L'intérêt des annonceurs est d'offrir
à leurs clients des audiences de plus en plus ciblées, c'est
pourquoi la publicité tiendra une place non négligeable sur les
chaînes payantes, même si l'audience y est plus faible. Le
processus actuel ne condamne pas les chaînes de télévision
généralistes mais conduit seulement à une fragmentation de
l'audience. Il a rappelé que l'homme est un animal d'habitude,
fidèle aux programmes et aux présentateurs qu'il connaît.
En réponse à M. Yann Gaillard, M. Maurice Lévy a
indiqué qu'Internet représentait à l'heure actuelle
0,11 % des recettes publicitaires du marché français
et 2 % du marché nord américain.
A l'invitation de M. Claude Belot, M. Maurice Lévy a donné
son opinion sur l'avenir des chaînes de service public. Il a
approuvé la nomination de M. Marc Tessier à la
tête de France Télévision. Il y a vu une possibilité
pour les chaînes, de clarifier leurs lignes éditoriales, de
procéder à une modernisation de leurs structures, et d'avancer
dans le numérique, l'Internet et l'interactivité. Il a
déploré le malaise observé entre les pouvoirs publics et
leurs chaînes depuis 1968. La tentation d'intervention demeure importante
et s'exprime à travers les journaux d'information. Pris de mauvaise
conscience, les pouvoirs publics renoncent alors à donner des
orientations sur les programmes, ce qui s'avérerait pourtant
nécessaire.
Abordant les projets locaux de la Télévision Presse
Régionale et sa syndication publicitaire, il s'est montré
sévère quant à la réduction des coûts pour
les annonceurs et le retard technique qu'engendrera le développement de
la télévision locale en analogique dans la course au
numérique qui est aujourd'hui engagée au niveau mondial.
Audition de M. Etienne Mougeotte
Vice-Président et directeur général de TF1
Mercredi 22 septembre 1999
M.
Etienne Mougeotte a indiqué qu'il aborderait trois points, à
ses yeux essentiels en matière de service public de l'audiovisuel. Il a
remarqué que la question du financement ne concernait pas uniquement la
France mais plus largement l'Union Européenne, qu'une confusion existait
au sujet des sources et des structures de financement et enfin que des
solutions équitables étaient possibles.
S'agissant du financement des télévisions publiques -qui est
assuré par la publicité et la redevance- M. Etienne
Mougeotte a rappelé qu'une plainte avait été
déposée par TF1, auprès de la Commission européenne
le 10 mars 1993. A la suite de l'arrêt rendu en première
instance, le 3 juin 1999, la commission a ouvert une procédure
pré-contentieuse envers la France, engageant notre pays à
s'expliquer. Le gouvernement a formulé, en août 1999, un pourvoi
contre cet arrêt. Les chaînes privées portugaises ont elles
aussi entrepris les mêmes démarches, auprès de la
Commission européenne et ont obtenu des explications de la part de leur
gouvernement .
Il a souligné que l'objectif de TF1 dans cette procédure
n'était pas de remettre en cause le double financement des
télévisions publiques dans notre pays, mais de déterminer
précisément l'affectation de la redevance et celle des recettes
publicitaires. M. Etienne Mougeotte a indiqué qu'il lui
semblait indispensable de consacrer les fonds provenant de la redevance
à des missions de service public, et ceux provenant des recettes
commerciales à des actions commerciales.
Il a ensuite abordé le problème de la confusion française
-et non l'exception française- en matière de financement et de
structure.
Il a regretté la concurrence, à ses yeux peu loyale, que les
chaînes de service public exercent sur le marché de l'achat des
programmes. Il a émis un doute quant à la possibilité
qu'auraient ces chaînes, si elles achetaient avec leurs seules recettes
publicitaires, de faire monter les prix comme elles le font actuellement sur
certains secteurs tels que les retransmissions sportives. Il a conclu sur ce
thème en démontrant que le produit de la redevance n'était
guère affecté à l'achat ou la production d'émission
de service public mais plutôt faire de la surenchère sur le
marché des programmes.
Évoquant l'éventuelle création d'une holding -tel que le
prévoit le projet de loi sur la liberté de communication- il l'a
dénoncée, estimant que le bénéfice d'une telle
structure constituerait pour les chaînes publiques un privilège
exorbitant par rapport à leurs concurrentes privées. En effet
elles seraient en possession d'un outil qui leur permettrait de mieux
coordonner leurs programmes. Elles le font déjà, en diffusant par
exemple le dimanche soir en première partie de soirée, un
programme destiné aux téléspectateurs de moins de 50 ans
sur France 2 (série " Urgences "), et un programme
destiné aux téléspectateurs de plus de 50 ans sur France 3
(la série " Derrick "). Il en est de même pour les
diffusions sportives à l'exemple des basculements d'une chaîne
à l'autre lors de la diffusion du Tour de France ou du tournoi de tennis
de Roland-Garros. M. Etienne Mougeotte s'est ému de cette
situation qu'il a jugée inégalitaire au vu des mesures de nature
anti-concentrationnelles imposées aux chaînes privées.
En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau qui s'interrogeait
sur l'avenir, M. Etienne Mougeotte a ensuite exposé ses
préconisations.
Il a recommandé de préciser les missions du service public de
l'audiovisuel. Pour illustrer son propos il s'est interrogé sur
l'opportunité pour France 2 d'avoir programmé une édition
spéciale du jeu " les z'amours " au moment ou TF1 diffusait le
premier épisode du téléfilm " Balzac ".
Il a revendiqué un mieux disant déontologique. A ce titre il a
rappelé que le service public avait consacré une émission
à une jeune infirmière ayant reconnu avoir pratiqué
l'euthanasie, alors qu'elle faisait l'objet d'une procédure judiciaire.
Il a insisté également sur le lourd dispositif interdisant la
concentration qui pèse sur les télévisions privées.
Il a souhaité une évolution dans ce domaine afin de permettre aux
chaînes privées de prendre des participations significatives dans
des entreprises de communication.
Il a plaidé pour un allégement des contraintes qui
séparent le producteur du diffuseur, pour un assouplissement des
modalités d'application des quotas de diffusion et pour une
réadaptation des obligations de production. S'agissant d'oeuvres
co-produites par les chaînes de télévision,
M. Etienne Mougeotte a rappelé que seules trois diffusions
en quatre ans étaient autorisées. Ensuite les droits reviennent
au producteur. Il s'est montré inquiet quant aux dispositions contenues
dans le projet de loi sur la liberté de communication à ce sujet.
Il a rappelé qu'il n'existait plus en France de producteurs
indépendants et qu'ils était tous adossés à des
chaînes de télévision.
Il a souhaité qu'une différence de statut juridique soit
instaurée entre des séries classiques et des productions plus
importantes du type " Monte-Cristo " pour lesquelles l'investissement
de la chaîne est considérable.
M. Etienne Mougeotte a ensuite abordé les évolutions
liées au mode de diffusion numérique. Il a exprimé le
désir de TF1 d'être présente sur Internet. Il a
indiqué que 100 millions de francs y seraient consacrés en
2000. Le développement de l'interactivité fait également
l'objet d'études. Les recettes escomptées pour 1999 pour la seule
activité Internet, pourraient atteindre 6 millions de francs. Il a
indiqué que la politique menée par TF1, dans le but de conserver
sa place de leader dans le paysage audiovisuel français, était de
produire le plus grand nombre de magazines, de documentaires et de programmes
en général, afin d'être prêt à créer
des chaînes à haute valeur ajoutée.
En réponse à M. Claude Belot qui
l'interrogeait sur la percée du numérique M. Etienne
Mougeotte a indiqué que la chaîne de production de TF1 serait
entièrement numérisée à la fin de l'année
2000 ; pour l'information les cassettes devraient totalement
disparaître entre 2001 et 2002. Il a précisé que les locaux
de LCI seraient transférés vers ceux de TF1, afin de rationaliser
la gestion. Les résultats financiers de LCI seront
équilibrés, en 1999, comme prévu dans son business plan.
M. Etienne Mougeotte a expliqué que TF1 possédait une
participation d'un tiers dans le capital d'Eurosport. En outre, trois
chaînes sont prêtes à être lancées : l'une
mini-généraliste (TF2), l'autre destinée à la
jeunesse et enfin une dernière consacrée aux séries
télévisées. Le lancement des chaînes se fera sur le
câble et le satellite dans un délai qui reste à
définir.
Il a indiqué à M. Claude Belot que la
télévision locale n'était pas la vocation de TF1. Il a
précisé que le cahier des charges ne le permettait pas et a
estimé que la presse quotidienne régionale lui semblait la plus
à même de réaliser ce type de projet.
Audition de M. Jean-Claude Moyret
Directeur de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication
du Ministère des Affaires étrangères
Mercredi 23 juin 1999
M.
Jean-Claude Moyret a tout d'abord présenté les objectifs de
son ministère dans le domaine de l'audiovisuel. Ceux-ci s'articulent
autour de quatre thèmes, hors Internet.
Le premier concerne la partie juridico-multilatérale et recouvre les
questions européennes et les questions internationales liées
à l'organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, les textes
européens comme ceux de l'OMC ont une forte incidence sur le secteur
audiovisuel.
S'agissant des premiers, une directive européenne a fixé un
corpus minimum à respecter mais celui-ci ne se traduit pas par un
système juridique égalitaire. En fait, le système est plus
favorable à Londres qu'à Paris car la directive y est bien
appliquée. S'agissant de la télévision, la liberté
de réception est la règle mais l'Etat d'émission doit
faire respecter la directive. Ce mécanisme européen est difficile
à mettre en oeuvre et difficile à faire respecter, plus
particulièrement, avec le satellite. Cette directive de 1989 fera
l'objet d'une nouvelle négociation en 2002 sur les quotas de diffusion.
L'autre dossier concerne la négociation sur les services dans le cadre
de l'OMC. A partir de 2000, les négociations vont reprendre avec les
américains. Ils vont tenter de revenir sur l'exception culturelle qui
concerne l'audiovisuel, en s'appuyant sur la diffusion par Internet et la
convergence technologique.
M. Claude Belot a alors souhaité savoir comment réguler la
diffusion sur Internet.
M. Jean-Claude Moyret a répondu que cette régulation
serait possible dans le cadre de la lutte contre le piratage. En effet, lorsque
Internet diffusera de l'image et des films, les grandes firmes de production
devront protéger leurs intérêts financiers. Les
américains vont trouver un système de cryptage qui permettra
d'identifier l'acte de consommation et d'empêcher la duplication illicite
du produit chargé.
M. Jean-Claude Moyret a ensuite abordé le deuxième axe
d'intervention du ministère qui concerne la vente de programmes. A cet
égard, il a rappelé que France télévision pouvait
vendre pendant 3 ans ses productions et qu'au-delà de ce terme, elle
devait remettre ces programmes à l'INA. Cependant, cette règle ne
s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une coproduction avec un opérateur
privé, ce qui est très souvent le cas pour les oeuvres de
fiction. Il a rappelé qu'en matière de diffusion internationale,
le système français des droits d'auteur constituait un handicap
par rapport au système américain de copyright. Il a cependant
indiqué que la France vendait bien ces programmes, soit 1,4 milliard de
francs par an. Les ventes de documentaires et les dessins animés
progressent de plus de 10 % et sont les produits les plus porteurs, suivis
par les oeuvres de fiction. Un rapport de M. Soloveicik a récemment
fait un bilan sur les exportations des contenus audiovisuels et
multimédia.
S'agissant de l'exportation de cinéma français, il existe une
réelle volonté de soutenir son mode financement
spécifique. Malheureusement, les ventes stagnent à 400 millions
de francs par an depuis plusieurs années.
Le système de répartition des aides est subtil et très
difficile à réformer d'autant plus que les intérêts
divergent entre ceux qui sont plutôt liés aux Américains et
ceux qui veulent un financement unique et public. L'ensemble de ces questions
est traité par M. René Bonnel dans son rapport d'audit sur
l'avenir d'Unifrance.
Le troisième axe de réflexion concerne les opérateurs
publics, RFI et ses filiales, et plus particulièrement leur mode de
diffusion. L'évolution technologique a, en effet, conduit les auditeurs
à déserter l'onde courte au profit de la bande FM. L'onde courte
a donc été arrêtée sur l'ensemble de l'Europe,
l'Amérique latine et l'Amérique du Nord. Il a également
indiqué que les moyennes ondes allaient bientôt disparaître.
Dans certaines zones géographiques, la diffusion par Internet devrait
prendre sous peu, le relais. Il a expliqué qu'à terme, ce mode de
diffusion serait également utilisé par la
télévision.
Interrogé par M. Claude Belot sur la diffusion en Espagne des
chaînes publiques françaises, M. Jean-Claude Moyret a
indiqué que La cinquième, Arte et TV5 sont diffusées sur
Eutelsat, Astra diffuse pour sa part TV5 en mode numérique.
Il a rappelé que d'autres chaînes sont diffusées, avec plus
ou moins de succès, à l'étranger. Si TF1 n'a pas
réussi son implantation en Afrique du Sud ou en Hongrie, tel n'est pas
le cas de Canal Plus (en Espagne et en Europe de l'Est).
Evoquant son quatrième axe, les incitations envers les opérateurs
privés à lancer des chaînes sur les bouquets
numériques, M. Jean-Claude Moyret a regretté le peu
d'attrait des opérateurs français pour le secteur international.
En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogerait sur la
diffusion des programmes en numérique hertzien, M. Jean-Claude Moyret
n'a pas jugé indispensable l'adoption de cette technologie pas les
grandes chaînes françaises, au regard du coût d'une telle
opération, sauf si elles y sont obligées par la concurrence.
Pour conclure, il a indiqué que quelques postes d'attachés
audiovisuels seraient créés -en Pologne, en Afrique de l'Ouest et
au Portugal entre autres- afin de promouvoir le secteur audiovisuel
français à l'étranger. Il faudra ainsi faire face à
la suppression des postes occupés par les volontaires du service
national à l'étranger.
Audition de M. Fabrice Nora
Directeur général adjoint du groupe Amaury
Mardi 22 juin 1999
M.
Fabrice Nora a indiqué qu'en sa qualité de membre du
directoire du groupement d'intérêt économique (GIE) de
" Télévision Presse Régions " (TPR), il
était un représentant des intérêts des 17 quotidiens
régionaux, à l'exception de ceux de la région de Tours
(NRCO) et de Rennes (Ouest France). Il a indiqué l'intérêt
de la presse quotidienne régionale pour la télévision
locale, et son désir -exprimé depuis 1998- de développer
ce type de média. Cette volonté s'est déjà
concrétisée par une collaboration avec M6 pour
l'élaboration de cinq des dix décrochages locaux effectués
par la chaîne dans ses journaux télévisés et par une
déclaration commune d'être opérateur de
télévision locale dès le lancement d'appel à
candidature.
M. Jean-Charles Bourdier, directeur du développement du
Républicain Lorrain, en tant que membre du directoire du GIE
" TPR " a précisé que, depuis un récent
arrêt du Conseil d'Etat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel
était tenu d'effectuer un appel d'offres sur les fréquences
hertziennes terrestres libres dès lors qu'un intervenant en faisait la
demande. Cette situation n'est pas sans rappeler la naissance des radios libres
dans les années 80. La presse quotidienne régionale a, suite
à ce changement, effectué des études de marché dont
il ressort que les télévisions locales pourraient
représenter jusqu'à 800 millions de francs de recettes
publicitaires.
M. Jean-Charles Bourdier a fait valoir que, pour être
économiquement viables, les chaînes de télévision
locales se trouvaient dans l'obligation de faire appel au marché
publicitaire national. C'est la raison pour laquelle une nouvelle syndication
publicitaire serait mise en place, à l'exemple de ce que pratique la
presse quotidienne régionale, avec sa formule 66-3. Ce
système permettrait aux annonceurs de diffuser leurs spots sur
l'ensemble des stations locales, tout en n'ayant qu'un seul interlocuteur
commercial et technique. Pour illustrer son propos, il a cité l'exemple
les chaînes TLT (à Toulouse) et TLM (à Lyon), qui, ne
bénéficiant pas de cette syndication publicitaire, perdent
chacune plus de 10 millions de francs par an. En d'autres termes, il ne
saurait y avoir d'avenir pour des télévisions d'expression locale
qui tireraient leurs ressources du seul marché publicitaire local.
Il a informé le groupe de travail que TPR avait fait parvenir une lettre
ouverte à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture, lui demandant
de ne pas geler l'attribution par le Conseil supérieur de l'audiovisuel
des fréquences hertziennes terrestres. En effet, le ministère
aurait l'intention de favoriser le développement de la diffusion en
numérique des programmes.
M. Claude Belot, président du groupe de travail a fait remarquer
que le passage à la diffusion numérique de programmes analogiques
lui semblait une évolution technologique inéluctable en raison de
la qualité des retransmissions, de la multiplicité des programmes
proposés et de l'interactivité que permet cette technique.
M. Jean-Charles Bourdier a rappelé que les quotidiens
régionaux regroupés dans " TPR " étaient
défavorables au développement du numérique hertzien. Leur
demande d'obtenir des fréquences analogiques avait pour objet, d'ores et
déjà d'être présents sur le marché de l'image
et donc d'être partie prenante au moment de la mise en place, dans les 3
à 5 ans à venir, des réseaux numériques sur
l'ensemble des grandes agglomérations françaises.
M. Gilles Crémillieux, directeur de la diversification, a ensuite
apporté son témoignage sur la démarche du groupe La
Montagne Centre-France. Un dossier, en vue d'obtenir une fréquence
hertzienne sur l'agglomération de Clermont-Ferrand, est en effet
à l'étude. Ce choix a été justifié par le
constat du recul de la pénétration de l'écrit, sous toutes
ses formes, notamment dans les agglomérations, au sein des
catégories sociales les plus défavorisées et chez les plus
jeunes. A ses yeux, la télévision locale représente le
moyen supplémentaire pour pénétrer dans tous les foyers
afin de rétablir cette relation citoyenne et de favoriser
l'intégration de tous en encourageant particulièrement la vie
associative.
Le projet comporte en multidiffusion un programme d'informations (remis
à jour régulièrement), des magazines traitant de la vie
des quartiers, de l'actualité sportive, de la vie culturelle et des
aspects économiques et sociaux. Le budget prévisionnel
s'élève à 12 millions de francs par an, trente
emplois seraient créés, dont onze de journalistes. Les
rédactions du quotidien et de la chaîne de
télévision seront distinctes afin de garantir le pluralisme.
Enfin, les charges seraient couvertes par la publicité -à hauteur
d'un tiers par la publicité locale, les deux autres tiers ne pouvant
être apportés qu'à travers une commercialisation nationale
commune d'une quinzaine de télévisions locales de même
format-.
M. Fabrice Nora a regretté le manque de lisibilité de la
volonté gouvernementale. Si elle allait dans le sens d'un gel de la
distribution des fréquences hertziennes, les petits projets seraient
handicapés : le coût des programmes numériques
s'avérant être élevé, seules les grandes
chaînes nationales, -dont les recettes publicitaires sont aujourd'hui
saturées-, pourraient conquérir ce nouveau marché. Il a
insisté sur la nécessaire libéralisation du secteur afin
de laisser se développer l'esprit d'entreprise.
M. Jean-Charles Bourdier a, pour conclure, remarqué que les
opérateurs américains s'intéressaient de très
près au réseau câblé français. Il a
déploré que la problématique autour du câble, en
tant qu'infrastructure de base dans le cadre du développement des
nouvelles technologies, n'ait pas encore vraiment été
abordée en France.
Audition de M. Jérôme Seydoux
Président du Groupe Pathé
Mercredi 22 septembre 1999
M.
Claude Belot a tout d'abord interrogé M. Jérôme
Seydoux sur la situation du secteur audiovisuel public français et
l'évolution du groupe Pathé.
M. Jérôme Seydoux, après avoir indiqué qu'il
n'avait pas qualité pour se prononcer sur la situation du secteur
public, a déclaré que la télévision était un
axe majeur du développement de Pathé.
Pathé possède deux chaînes de
télévision : Voyage et Pathé Sport12(*). M. Jérôme Seydoux a
rappelé que son groupe travaillait à développer d'autres
chaînes sur le câble et le satellite et souligné qu'il
saisirait les opportunités qui apparaissent aujourd'hui pour les
opérateurs indépendants de renforcer leur présence, qu'il
s'agisse du lancement du numérique terrestre ou du renouveau des
télévisions locales.
En ce qui concerne la production audiovisuelle, M. Jérôme
Seydoux a indiqué que Pathé Télévision, au sein
du groupe, produit des fictions et des documentaires pour le service public
aussi bien que pour les chaînes privées. Il a indiqué que
ce métier est, en France, difficile et peu rémunéré.
Interrogé sur la chaîne Pathé Sport, M.
Jérôme Seydoux a indiqué que Pathé avait
racheté l'année dernière AB Sport au groupe AB. Un effort
important a été consenti depuis lors pour cette chaîne,
désormais dénommée Pathé Sport. Elle dispose d'un
budget d'une centaine de millions de francs. Sa programmation est aujourd'hui
fortement renforcée par les droits dont elle dispose dans des
disciplines telles que le basket, le handball, le volley-ball qui ont un grand
attrait pour le public, notamment les jeunes.
M. Claude Belot a interrogé M. Jérôme Seydoux
sur les évolutions du secteur audiovisuel.
M. Jérôme Seydoux a estimé que l'enjeu
déterminant aujourd'hui est le passage au numérique de la
diffusion hertzienne, qui va permettre de multiplier par 5 ou 6 le nombre des
chaînes que pourront recevoir tous les foyers avec leurs postes et leurs
antennes actuels, moyennant seulement l'ajout d'un décodeur de faible
coût. Le rythme de sa mise en place n'est pas connu, mais ce changement
majeur est de toute façon inéluctable.
M. Jérôme Seydoux a indiqué que le numérique
constituait un défi pour les chaînes hertziennes existantes,
notamment du service public, qui devront réussir le passage de
l'analogique au numérique.
Il a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une menace pour la câble et
le satellite, qui compte déjà de nombreuses chaînes :
le numérique terrestre disposera de moins de chaînes que le
satellite ou le câble, une trentaine contre deux cents environ. C'est un
avantage important des systèmes actuels de diffusion (câble et
satellite) sur une offre concurrente éventuelle de chaînes
payantes diffusées en numérique terrestre.
M. Jérôme Seydoux a souligné enfin que le
numérique terrestre ouvrait l'opportunité de faire créer
des chaînes supplémentaires par de nouveaux entrants et de donner
ainsi plus de choix au public et plus de débouchés à la
création. La saturation actuelle des espaces et la croissance du
marché publicitaire montrent que ces chaînes nouvelles, dont le
nombre restera limité, seront en mesure de trouver leur financement.
M. Claude Belot a souhaité savoir si les règles sur les
quotas de production française pourraient être maintenues avec ces
nouvelles chaînes.
M. Jérôme Seydoux a précisé que le
législateur aurait la maîtrise de la réglementation des
chaînes du numérique terrestre, qu'il n'y avait pas de raison de
remettre en cause, à l'occasion d'une évolution des modes de
diffusion, un dispositif mis en place en faveur de la création
française et européenne, qu'il pourrait cependant être
nécessaire d'aménager ces règles au départ, pour
les chaînes nouvelles, de façon à leur permettre de trouver
leur économie.
M. Claude Belot a enfin interrogé M. Jérôme
Seydoux sur les liens entre la télévision et le cinéma.
Le Président de Pathé, producteur notamment d'Astérix
et Obélix contre César en 1999, a rappelé que, dans
notre pays, les liens entre le cinéma et la télévision
avaient été organisés d'une façon intelligente qui
permet aujourd'hui à la France d'avoir la première industrie
cinématographique d'Europe. Il a, plus généralement,
rappelé les relations de complémentarité, et non de
concurrence, qui existent entre le cinéma et la
télévision : le cinéma fournit à la
télévision un de ses principaux moteurs d'audience ; la
télévision apporte une part déterminante au financement
des films, y compris comme co-producteur.
Audition de M. Frank Soloveicik
Président directeur général de M5 S.A., auteur d'un
rapport remis à M. Jacques Dondoux, ministre du commerce
extérieur, sur l'exportation des contenus audiovisuels et
multimédia
Jeudi 24 juin 1999
En
introduction, M. Frank Soloveicik a rappelé qu'il
était l'auteur de deux rapports consacrés à l'audiovisuel,
le premier avait été écrit pour le ministère
d'Alain Carignon en 1992, le second à la demande de Jacques Dondoux,
actuel ministre du commerce extérieur. Il a remarqué que la
question de l'exportation des programmes audiovisuels relevait de
compétences transversales au sein du gouvernement.
M. Claude Belot a rappelé son attachement à la
présence française à l'étranger, et a
remarqué l'incapacité de notre pays à pallier la faiblesse
de ce secteur. A titre d'exemple, il a cité la société
Expand- productrice du célèbre jeu Fort Boyard- qui
réalise 640 millions de francs de chiffre d'affaires à
l'exportation, et qui est quasiment la seule en France à le faire.
M. Frank Soloveicik a expliqué que les professionnels
français ont longtemps opposé à la noblesse de l'art la
vilenie du marché. Ils se posent la question de savoir si le film est
une oeuvre ou un simple produit commercial. M. Frank Soloveicik a
expliqué, qu'à son avis, le film possède ces deux
caractéristiques.
Il a mis en exergue la qualité des moyens mis en oeuvre par les pouvoirs
publics afin d'aider le secteur en ce qui concerne le contenu des productions.
Il s'est toutefois montré admiratif vis-à-vis de la politique
audiovisuelle publique canadienne, qui a permis à sa composante
québécoise de préserver son exception culturelle et sa
langue. Les Canadiens ont su inventer une vraie industrie audiovisuelle dont la
capitalisation boursière est très importante. M. Frank
Soloveicik a évoqué le fort développement du
multimédia au Canada et le nouveau programme d'aide à
l'exportation des programmes mis en oeuvre pour un montant de 200 millions de
francs.
M. Frank Soloveicik a ensuite plaidé pour un accroissement des
incitations fiscales en France et une politique d'aide aux "start-up", afin de
relancer le secteur de la production. Évoquant le compte de soutien, il
a indiqué que de telles incitations seraient susceptibles
d'entraîner un effet d'aubaine : doté de 40 millions de francs
à l'heure actuelle, son montant pourrait s'en trouver multiplié
par cinq.
En réponse à M. Claude Belot qui s'interrogeait sur les
problèmes posés par les droits d'auteurs lorsqu'un film est vendu
à l'étranger, M. Frank Soloveicik a répondu que la
circulation des oeuvres pose le problème de la patrimonialité, de
l'usufruit et des droits. Les producteurs français manquent d'argent et
de ce fait ne peuvent s'approprier leurs droits. Aux Etats-Unis la question ne
se pose pas : les producteurs sont automatiquement propriétaires des
droits. Un effet pervers ressort de la conception française du droit
d'auteur : à force de vouloir protéger les acteurs, les
ventes de film à l'étranger s'affaiblissent, et finalement les
acteurs ne touchent plus de droits.
M. Frank Soloveicik a également plaidé, dans le cadre de
l'Organisation Mondiale du Commerce, pour une renégociation des droits
des distributeurs au Québec. Dans ce pays le distributeur ne peut
être étranger.
Puis à la demande de M. Claude Belot, il a évoqué
les techniques de traductions et de doublage. Il a indiqué que le Centre
national du Cinéma aidait les producteurs dans ces opérations
coûteuses. Il a exposé l'intérêt du sous titrage, qui
est peu coûteux et permet de conserver à l'oeuvre son
authenticité. Quant au doublage, plus onéreux, il se fait partout
sauf chez les anglo-saxons. Il a plaidé pour une certaine modestie face
aux diffusions, estimant que le passage, à l'étranger, d'un film
français sous titré en deuxième partie de soirée
est toujours préférable à une absence de passage. Il a
estimé que la langue n'était pas un obstacle à la
diffusion.
Évoquant ensuite la commercialisation des productions françaises
des télévisions publiques, M. Frank Soloveicik a
expliqué qu'elles étaient la propriété de
l'Institut National de l'Audiovisuel trois ans après leur sortie. Avant
ce délai elles restent dans les chaînes, qui s'occupent elles
mêmes de leur commercialisation. Il a expliqué que les productions
et, que le plus souvent, les programmes faisaient l'objet de coproduction avec
des acteurs privés.
Il a ensuite suggéré plusieurs initiatives afin de
développer l'exportation de programmes français. Tout d'abord, la
Coface pourrait s'investir dans ce domaine et octroyer des prêts ; le
ministère des finances pourrait également mieux intégrer
l'idée que la rentabilité des biens immatériels a de
l'intérêt, et mener dans ce sens ces discussions au sein de l'OMC.
L'IFCIC a également besoin d'une réforme afin de rendre plus
efficace le fonds dont il est doté. Il a également plaidé
en faveur d'un recours au "parterre", comme cela se pratique aux Etats-Unis. Il
déploré le manque de formation professionnelle des jeunes dans le
métier de la commercialisation des programmes. Afin d'y remédier,
il a expliqué qu'un contrat de prospective était en cours de
réalisation en partenariat avec les grandes écoles de commerce.
Il a également envisagé, dans la perspective de la fin du service
national -et donc de la fin du recrutement des Volontaires Service National
à l'étranger (VSNE)- un nouveau système de stage pour les
jeunes français dans les entreprises audiovisuelles
étrangères. Il a enfin regretté le manque de rapports
commerciaux entre les Européens, et plaidé pour que se tiennent
des Etats généraux de la communication au cours de la prochaine
présidence française de l'Union européenne.
Audition de M. Bernard Spitz
Maître des requêtes au Conseil d'Etat
auteur d'un rapport sur la
révolution numérique pour la Fondation Saint-Simon
Mardi 21 septembre 1999
M.
Bernard Spitz a débuté son exposé en soulignant que la
révolution numérique avait eu pour effet de substituer sur le
plan économique à la distinction traditionnelle service
public-privé celle de services payants - services gratuits.
Face à la numérisation le service public doit choisir entre
subir, accompagner ou anticiper. La multiplication des chaînes, rendue
possible par la réduction des coûts de diffusion, rend urgente
l'élaboration d'une stratégie, notamment pour déterminer
si l'on maintient le rôle fédérateur de la
télévision publique et si l'on décide de faire payer
l'utilisateur ou non pour l'accès à des chaînes
thématiques supplémentaires.
A la demande de M. Claude Belot, M. Bernard Spitz a défini la
mission de la télévision publique : instrument
d'information, de loisir et d'accès à la culture, elle joue le
rôle d'éveilleur auprès du grand public. Cette
spécificité jointe au fait qu'elle n'est pas assujettie au
critère unique de l'audience, plaide en faveur du maintien du service
public. M. Bernard Spitz s'est prononcé en faveur d'un
schéma regroupant une multiplicité de chaînes dont la
programmation serait étroitement coordonnée autour d'un petit
noyau de chaînes généralistes, mais il s'est demandé
si la France était prête à investir dans sa
télévision publique car elle y consacrait moins de moyens que ses
voisins.
M. Claude Belot ayant fait état du budget de la BBC
équivalent à celui de la télévision
française, M. Bernard Spitz a expliqué que la BBC, dont
les ressources restaient supérieures, tirait en particulier 25 % de
celles-ci de ses propres recettes commerciales, le reste étant
composé de recettes publiques, et qu'elle n'avait pas de recettes
publicitaires. En réponse à M. Yann Gaillard, M.
Bernard Spitz a reconnu que le fait de ne pas du tout dépendre des
recettes publicitaires avait une incidence sur la gestion du service public
bien qu'il soit ne soit pas réaliste ni légitime au regard de la
bonne utilisation de l'argent public d'éliminer totalement le
critère de l'audience.
La contradiction de l'audiovisuel en France tenant notamment à
l'ambiguïté de son financement, la suppression de la
publicité sur les chaînes publiques pourrait avoir des effets
pervers sur la programmation et sur la concurrence. M. Bernard Spitz a
ensuite énuméré les problèmes essentiels relatifs
au fonctionnement du service public : rôle, identité,
périmètre d'action (chaînes généralistes ou
thématiques), nature et importance du financement, type de
fonctionnement (choix des dirigeants, structuration, organisation,
problèmes sociaux, etc.).
Abordant ensuite la question de la redevance dont le système de
perception, par les coûts qu'il engendre et le niveau de fraude qu'il
tolère, prive le budget de l'audiovisuel public d'environ
1 milliard de francs par an, M. Bernard Spitz a proposé
de la collecter systématiquement en liaison avec une perception de
recettes déjà existante et d'en exonérer les personnes
fournissant une déclaration sur l'honneur. Cette méthode aurait
l'avantage de dégager du personnel et des ressources et de
réduire la fraude. M. Yann Gaillard a déclaré que
la redevance représentait la borne entre le secteur public et
privé et, tout comme M. Bernard Spitz, il s'est
déclaré favorable à son maintien dans les circonstances
actuelles.
M. Claude Belot ayant abordé la question de
l'amélioration de la production audiovisuelle publique, M. Bernard
Spitz a défendu les télévisions publiques qui sont
certes perfectibles, mais qui assurent des programmes nationaux de
qualité avec moins de moyens que leurs homologues anglais et allemand.
M. Claude Belot s'étant déclaré inquiet de la
concurrence des grands groupes audiovisuels qui s'apprêtent notamment
à mettre en oeuvre l'interactivité, M. Bernard Spitz
a déclaré que le marché audiovisuel français
comportait encore une marge d'accroissement mais que les chaînes
généralistes publiques étaient condamnées à
se montrer innovantes et attractives sous peine de voir leur part se
réduire de plus en plus, alors que les coûts en matière de
droits cinématographiques ou sportifs notamment, continuaient leur
inflation.
En réponse à M. Claude Belot, M. Bernard
Spitz a observé que la révolution numérique impliquait
une révision générale de notre réglementation, en
particulier s'agissant du système des quotas, dans la perspective de la
convergence entre Internet et la diffusion de programmes.
M. Claude Belot s'étant ensuite interrogé sur
l'éventualité d'une récession économique et les
conséquences qu'elle aurait sur l'audiovisuel public, M. Bernard
Spitz a répondu que donner la priorité à ce secteur
était une question de volonté politique et que la
représentation nationale avait à cet égard un rôle
à jouer dans la mise en oeuvre d'une telle stratégie volontariste
lors de la discussion du projet de loi de finances.
M. Claude Belot a déclaré qu'il lui semblait que les
moyens étaient suffisants mais mal employés. M. Bernard
Spitz a reconnu l'existence de dysfonctionnements tout en affirmant qu'ils
ne devaient pas servir de prétexte à éluder les choix
politiques et la mise en oeuvre d'une réforme en profondeur. La dotation
de moyens supplémentaires devait être selon lui la contrepartie
d'une modernisation manageriale et d'une adaptation du périmètre
d'action de la télévision publique.
M. Claude Belot ayant enfin abordé la question du
numérique hertzien et de ses conséquences sur les acteurs du
marché de l'audiovisuel, M. Bernard Spitz a répondu
qu'il aurait pour effet d'élargir la concurrence, d'où
l'importance de la question des conditions d'accès à ce
marché à de nouveaux opérateurs éventuels. Il a
signalé comme piste de réflexion, ainsi que cela avait
été étudié en Angleterre, l'instauration d'une
nouvelle redevance basée sur l'utilisation d'un décodeur
numérique.
Audition de M. Marc Tessier
Président directeur général de France
Télévision
Mardi 14 septembre 1999
En guise
de propos introductif, M. Marc Tessier a dressé un bilan
satisfaisant de l'audience du service public au cours de l'été.
Il a indiqué que la rentrée s'annonçait bien, France 2
ayant devancé TF1 a plusieurs reprises en prime-time.
A l'invitation de M. Claude Belot, M. Marc Tessier s'est exprimé
sur l'avenir de la télévision publique. Il a jugé que les
mécanismes actuels de financement conduisaient à la
marginalisation du secteur public : les budgets étant votés
chaque année à l'équilibre, aucun investissement
significatif ne peut donc être envisagé.
Il a souligné que TF1 voit ses dépenses d'exploitation et
d'investissement croître de 7 à 9 % par an, tandis que le budget
de France Télévision, lui, ne progresse que de 3% environ. En
effet son budget est calculé par rapport à la croissance de celui
de l'Etat, alors que l'évolution du secteur audiovisuel est absolument
sans rapport. Cette situation engendre de graves problèmes de
gestion : la trésorerie de France 2 est négative de
400 millions.
M. Marc Tessier a expliqué que le renchérissement des
droits de retransmission des programmes sportifs absorbait la totalité
de l'augmentation allouée par l'Etat. Il a regretté que l'Etat
ait refusé de participer à l'augmentation de capital de la
société TPS ; France Télévision a dû, de
ce fait, se résoudre à voir sa participation passer de 25
à 8%. Manquant de moyens, le service public ne représente que 5 %
de l'offre sur le marché des chaînes thématiques, avec des
chaînes consacrées à l'histoire, à la musique
classique, à la fiction et aux régions.
Il a conclu en observant que la pénurie financière
observée ces dernières années, a conduit la
télévision publique à n'occuper qu'une position marginale
sur le câble et sur le satellite.
Abordant le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public,
M. Marc Tessier a indiqué que la société
holding qui pourrait être créée, serait dotée d'un
capital, aurait des objectifs de résultat, pourrait financer son
développement et aurait la faculté de contracter des emprunts. Il
s'est montré satisfait par ce projet.
En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogeait sur la
publicité, M. Marc Tessier a déclaré que les
" tunnels publicitaires " étaient rendus nécessaires
par l'interdiction faite au service public de couper les programmes par de la
publicité, soulignant qu'on aurait pu faire le choix d'autoriser ces
coupures tout en diminuant la durée de la publicité.
Abordant le problème de la diffusion numérique, M. Marc
Tessier a développé l'idée d'une
complémentarité des dessertes pour France
Télévision : diffusion hertzienne sur la plus grande partie
du territoire et diffusion satellitaire pour les zones marginales. Après
avoir évoqué la question de la participation de France
Télévision dans TPS, il a manifesté sa volonté de
développer une offre de chaînes majoritairement gratuites sans
écarter les offres spécifiques payantes en partenariat. Pour
assurer une période de transition M. Marc Tessier a
évoqué la possibilité d'un switch-off progressif par zone
géographique. Il s'est dit convaincu par ailleurs, que pour la
distribution de la télévision, une véritable
révolution viendrait de la transmission, à terme, des images par
lignes téléphoniques.
Il a indiqué que le développement de la télévision
numérique terrestre permettrait au service public d'offrir des
programmes locaux, une information et des services encore plus proches des
téléspectateurs, et de développer des programmes
interactifs.
En conclusion M. Marc Tessier a indiqué que le projet de loi
portant réforme de l'audiovisuel public représentait, sans doute,
pour le service public, la dernière chance.
En réponse à M. Yann Gaillard qui l'interrogeait sur les
novations attendues en matière de programme, M. Marc Tessier a
insisté sur l'importance de l'information dans la grille du service
public. Il a indiqué que la régionalisation, au sens large de
l'information constituerait la principale nouveauté. Il a ajouté
que l'interactivité et la possibilité pour le
téléspectateur de choisir l'horaire auquel il souhaite visionner
une émission seraient mises en oeuvre. Il a rappelé que les
chaînes thématiques de service public trouveraient sans doute leur
place au sein de bouquets payants sur le câble ou le satellite.
A M. Claude Belot, il a réaffirmé son intention de
promouvoir les chaînes locales en insistant sur le fait que de tels
programmes existent déjà sur France 3, de ce fait le service
public aura une longueur d'avance sur la concurrence.
A. DÉPLACEMENT AU CANADA DU 7 AU 11 JUIN 1999
Personnalités rencontrées
·
Alain MASSE, Attaché audiovisuel à l'Ambassade de France au
Canada,
· Mme Micheline VAILLANCOURT, Directrice générale de
Radio Canada,
· Mme Françoise BERTRAND, Présidente du Conseil de la
Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes, (CRTC),
· M. Paul RACINE, Premier Vice-Président de BCE Média
(première entreprise canadienne de communication par satellite),
· M. Guy GOUGEON, Président de TV5 Québec-Canada,
· M. Pierre GAGNON, Vice-Président de Vidéotron
(deuxième cablo-opérateur canadien),
· M. Hervé FISCHER, Président du Marché
International du Multimédia (MIM),
· M. Pierre-Luc DUMAS, Directeur général du la
Cité du multimédia Montréal,
· M. André PROVENCHER, Président de TVA
International.
B. PROGRAMME DU DÉPLACEMENT À LONDRES LES 1er ET 2 SEPTEMBRE 1999
Mercredi 1er septembre
|
- ITC (Independant Television Council) : Mr Gary
TONGE (Director of Engineering)
|
Jeudi 2 septembre
|
- British Sky Broadcasting : Mr Ray GALLAGHER (Director of Public Affairs) |
. déjeuner |
avec M. John WARD (chief of Digital Television Project de la société Castel Tower International |
. après-midi |
- BBC : Mr Michael GLEAVE (Technical Policy Advisor in New Technologies) accompagné de Mr Wilf WHITE (Senior Policy Advisor) |
C. PROGRAMME DU DÉPLACEMENT À RENNES LE 5 OCTOBRE 1999
I. - Centre de la Redevance de Rennes
- Matin |
- Présentation du service de la Redevance par Michel
GOBBO, Trésorier-Payeur Général, Chef du Service
|
II. - Visite des installations de Télédiffusion de France SA
- Après-midi - Arrivée à l'émetteur de Rennes St-Pern, de TDF - Présentation de la TV numérique terrestre (les
avantages, la chaîne de la valeur, le calendrier de déploiement en
France) par M. Marc RENNARD, Directeur général adjoint de
Télédiffusion de France SA
- Démonstrations des services interactifs |
(1) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 2 (1990-1998)
(2) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 3 (1990-1998)
(3) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE L'INA (1990-1998)
(4) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE RADIO FRANCE (1990-1998)
(5) ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA CHAÎNE ARTE (1993-1999)
(6) ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA CINQUIÈME (1994-1999)
(7) ÉVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (1990-1999)
(8) PRESENTATION DU COMPTE ANALYTIQUE CONSOLIDE DE TF 1 (1990-1998)
(9) RECETTES BRUTES DE PUBLICITÉ ET DE PARRAINAGE (1990-1998)
EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 2 (1990-1998)
(en MF) |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Ressources publiques |
1.314,0 |
2.502,6 |
2.532,0 |
2.509,1 |
3.011,0 |
2.640,9 |
2.613,3 |
2.404,3 |
2.478,8 |
Ressources commerciales |
1.733,2 |
1.674,8 |
2.111,8 |
2.145,3 |
2.490,6 |
2.575,3 |
2.797,0 |
3.008,8 |
3.028,0 |
Total ressources |
3.047,2 |
4.177,4 |
4.643,8 |
4.654,4 |
5.501,6 |
5.216,2 |
5.410,3 |
5.413,1 |
5.506,8 |
% ressources commerciales sur total ressources |
56,88% |
40,9% |
45,48% |
46,09% |
45,27% |
49,37% |
51,70% |
55,58% |
54,99% |
% ressources publiques sur total ressources |
43,12% |
59,91% |
54,52% |
53,91% |
54,73% |
50,63% |
48,30% |
44,42% |
45,01% |
% redevance sur total ressources publiques |
100,0% |
69,50% |
90,11% |
88,57% |
81,21% |
94,61% |
99,12% |
99,11% |
93,82% |
Charges de personnel |
697,0 |
743,1 |
664,2 |
704,7 |
791,4 |
748,3 |
830,2 |
818,0 |
903,7 |
Charges d'exploitation |
5.583,2 |
5.605,7 |
6.601,8 |
6.781,3 |
7.492,2 |
7.514,3 |
8.160,8 |
7.968,5 |
8.480,3 |
% charges de personnel sur charges d'exploitation |
12,5% |
13,3% |
10,1% |
10,4% |
10,6% |
10,0% |
10,2% |
10,3% |
10,7% |
EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE
3 1990-1998
ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES
CHARGES DE L'INA 1990-1998
ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE RADIO FRANCE
1990-1998
Extraits du rapport remis le 28 juillet 1999 à M. Chris Smith, secrétaire d'Etat à la Culture au sports et aux médias par le groupe de travail présidé par M. Gavyn Davies.
(Traduction indicative du secrétariat de la Commission des
Finances du Sénat)
AVANT PROPOS DU PRÉSIDENT :
UNE MEILLEURE BBC POUR
L'ÈRE DU NUMÉRIQUE
Le
groupe d'évaluation est parvenu aux conclusions suivantes :
· la BBC doit conserver un rôle central dans la fourniture du
service public de radiodiffusion au cours des premières années de
l'ère du numérique, au moins jusqu'à la révision de
la charte en 2006 ;
· en vue d'atteindre cet objectif, la BBC aura besoin d'améliorer
son offre globale de service tant analogique que numérique de
façon sensiblement plus rapide que pendant les années 1990 ;
· l'option pour le statu quo consistant à augmenter la redevance au
même rythme que l'inflation après 2001 ne peut, en
conséquence, être retenue ;
· la source principale de nouveaux financements pour des services
supplémentaires doit être trouvée en " interne "
(self-help) sous la forme de gains de productivité, de revenus
commerciaux accrus et de ressources de privatisation ;
· la source de financements subsidiaires qui s'élève
à environ 150 à 200 millions de livres par an doit provenir
d'une augmentation de la redevance ;
· l'augmentation de la redevance principale constitue la voie la plus
commode pour ses fonds supplémentaires, mais non la voie la meilleure,
dans la mesure où il n'est pas juste de faire supporter aux foyers
recevant les programmes analogiques le développement de programmes
numériques qu'ils ne peuvent recevoir ;
· la méthode la plus adaptée est de créer un
supplément de redevance numérique venant s'ajouter à la
redevance principale, supplément qui serait égal en moyenne
à 1,57 Livre Sterling par mois pendant sept ans jusqu'en 2006, et
qui tomberait à 0,99 Livre Sterling à la fin de la
période ;
· le supplément de redevance numérique a besoin
d'être géré dans le temps afin de permettre d'anticiper la
fin de la diffusion analogique ;
· la BBC doit chercher à obtenir une injection significative de
capitaux privés dans BBC Worldwide et doit vendre le plus gros de BBC
Ressources ;
· la BBC doit chercher à développer ses services
commerciaux, ce qui ne doit pas entrer en conflit avec sa fonction de
radiodiffuseur de service public, étant entendu que de nouvelles mesures
doivent être mises en oeuvre pour assurer que les règles de la
concurrence sont respectées de façon stricte en toute
transparence ;
· les règles relatives au régime de faveur en
matière de redevance pour les personnes vivant en maison de retraite ou
en asile doivent être conservées ;
· un nouveau tarif de la redevance à moitié prix doit
être créé pour les aveugles tandis que la BBC doit de
façon urgente définir ses objectifs en matière de
sous-titrage ;
· le rôle et le mode de financement de la BBC doivent faire l'objet
d'une remise à plat radicale au moment où doit être revue
la charte, en 2004-2006,
Contexte de l'évaluation
La BBC concerne chacun d'entre nous. A la seule exception, peut-être, du
service national de santé, il s'agit de l'organisme qui suscite le plus
parmi les citoyens britanniques un sentiment de propriété
commune. Nous passons en sa compagnie plus de temps que nous ne le faisons avec
aucun autre organisme au cours de notre vie, à part les écoles et
les lieux de travail. Nous sommes tous propriétaires d'une fraction de
la BBC et nous nous sentons presque personnellement blessés si notre
société nous laisse tomber.
Il y a quinze ans, le futur de la BBC était loin d'être
assuré. Le climat politique était hostile, le marché de la
télévision privée était en expansion, et il
était difficile de ne pas avoir le sentiment que la BBC ne nous avait
pas laissé tomber. Du fait d'une productivité insuffisante, on
assistait au gaspillage de l'argent public. La BBC considérait avec
dédain le besoin de dégager des revenus commerciaux. Ses
producteurs n'acceptaient pas la nécessaire irruption des forces du
marché dans leur fief personnel. C'était la dernière
industrie nationalisée à l'abri des réformes. Elle
semblait une cible désignée des changements radicaux de type
d'inspiration thatcherienne.
Le gouvernement créa la commission Peacock en 1985 avec l'espoir qu'elle
se déclarerait en faveur de l'introduction de la publicité sur
les écrans de la BBC. Pour le meilleur et pour le pire, le
résultat semblait donner raison à la BBC de Lord Reith.
Alors, trois phénomènes intervinrent.
Premièrement, Alan Peacock rejeta sagement l'option de l'introduction de
la publicité. Il dit que cela aurait déclenché une
compétition frontale avec ITV pour les parts d'audience, et que cela
aurait été désastreux pour " l'écologie "
de la radiodiffusion au Royaume-Uni. A la place, cependant, il annonça
que les changements technologiques finiraient par éliminer le
problème de la rareté des fréquences, et que la question
des déficiences du marché en matière de radiodiffusion
allait largement disparaître. En conséquence, il préconisa
que la BBC devienne plus dépendante des revenus des abonnements dans un
monde caractérisé par une offre abondante. Cette recommandation
fut laissée de côté pour des raisons variées,
techniques et politiques (bien que cela puisse commodément resurgir
comme une option à vingt ans d'intervalle au moment de la
définition de la nouvelle charte). Néanmoins, une étape
cruciale a été passée -les forces en faveur d'un
changement radical se sont atténuées, de telle façon que
le statu quo est venu comme un sursis de dernière minute-.
Deuxièmement, les partisans de la BBC se sont redonnés confiance
à eux-mêmes. Certains d'entre eux, dans le secteur privé de
la télévision, se sont alarmés de la menace que
constituait l'introduction de la publicité à la BBC et en
conséquence, se sont ralliés au système de la redevance.
Mais, plus généralement, le respect et l'attachement du public
pour l'organisme se sont révélés fortement
enracinés. Il n'y a aucune preuve d'un attachement particulier pour le
système de la redevance (en fait c'est l'inverse), mais il n'y a pas non
plus de grandes pressions pour un changement. Même Mme Thatcher dont
l'irritation à l'encontre de la BBC allait croissante, ne s'est jamais
sentie capable de l'emporter sur cette force silencieuse.
Troisièmement, la BBC s'est engagée dans un processus de
réforme interne. L'efficacité a été accrue
jusqu'à ce qu'elle atteigne des niveaux comparables avec ceux du secteur
privé. Des incitations commerciales, soumises à un encadrement
très strict ont été mises en place (quoique très
lentement) dans l'organisme à travers BBC Worldwide. La BBC conserva ses
parts de marché de façon bien plus importante qu'on ne l'avait
prévu. Et, avec l'apparition de vents politiques moins hostiles à
l'idée de redevance, le statu quo est resté le statu quo.
Jusqu'à présent.
La fonction de la redevance
Dans la perspective qui nous a été assignée, il nous a
été demandé de supposer que la redevance resterait la
principale source de financement de la BBC jusqu'en 2006, et de rechercher les
voies de développer ce financement pour le service public à
partir d'autres sources. Cette tâche est clairement définie, mais
tel que les choses se sont présentées, nous n'aurions pas
souhaité, en tout état de cause, recommander de changements
radicaux dans la conception de la redevance. Nous avons pris en
considération un certain nombre d'options pour le financement de la BBC
au regard d'un vaste ensemble de critères -comprenant l'accès,
l'universalité, la qualité du service, la diversité, la
loyauté, le choix et la transparence-. Nous n'avons pas
été convaincus de ce qu'aucune des alternatives les plus
évidentes à la redevance était sensiblement
supérieure du point de vue de ces critères. Evidemment, une de
nos principales recommandations - un supplément numérique
à la redevance actuelle - s'appuie nettement sur la tradition
britannique d'un aménagement de la redevance de façon à ce
que ceux qui bénéficient de la nouvelle technologie soient aussi
ceux qui en supportent l'essentiel des coûts de développement.
Nous espérons que cela permette à la BBC de faire face au service
public de radiodiffusion sur de nouvelles plates-formes jusqu'en 2006, sans
préjuger les décisions importantes qui devront être prises
alors.
Le futur à long terme de la redevance appartient au processus de
révision de la charte et nous croyons qu'il serait
prématuré, étant donné le rythme des changements
technologiques en matière de radiodiffusion à l'heure actuelle,
de se précipiter pour former un jugement définitif dès
maintenant. Néanmoins, nous dressons au chapitre 5 les raisons pour
lesquelles nous pensons que le principe de la redevance puisse après la
révision de la charte rester plus justifiée que beaucoup de
personnes ne le pensent actuellement.
Le fait que nous recommandions d'accorder des ressources additionnelles
à la BBC pour les sept prochaines années suppose que nous pensons
que cet organisme le mérite. C'est effectivement le cas bien que, en
contrepartie, nous proposions des mesures pour s'assurer que la BBC maintienne
et accélère le rythme des réformes atteint dans les
années 1990. Nous croyons que la BBC continue à être
incitée à compter sur ses propres forces, qu'il s'agisse de
gains de productivité ou de ressources commerciales
supplémentaires. Nous croyons que le BBC doit devenir plus transparente
et plus responsable devant les usagers et que la régulation de ces
engagements en matière de concurrence doive être renforcée.
Oui, nous croyons que certaines parties de la BBC - par exemple le plus gros de
BBC ressources - doive être privatisé et que BBC World Wide doit
bénéficier d'une injection de capitaux privés.
La direction actuelle de la BBC va sans doute manifester son opposition
à ces recommandations et sera déçue que nous ayons
rejeté l'essentiel des demandes ambitieuses de la BBC pour des
financements supplémentaires. Mais, un des principes de base de notre
analyse a été que, tandis que la redevance est une bonne
manière de financer le secteur public de radiodiffusion, elle est un
très mauvais moyen de lever l'impôt. Et, à la seule
exception de la recommandation relative aux aveugles, nous avons rejoint les
conclusions d'un certain nombre de commissions antérieures dans leur
incapacité à identifier des voies permettant de rendre le
système sensiblement plus juste. Le système actuel des tarifs de
faveur pour ceux qui vivent en asile ou en maison de retraite présente
un certain nombre d'inconvénients évidents, et en particulier un
système arbitraire résultant du fait que les personnes payant la
redevance sont parfois plus pauvres que celles qui bénéficient de
régime de faveur, mais globalement, nous sommes persuadés que
l'aménagement progressif de ce régime serait en lui-même un
changement régressif.
Nous nous trouvons face à une exigence contradictoire. Il nous a
été demandé de supposer le maintien de la redevance, et en
tout état de cause, nous sommes d'accord pour considérer qu'il
s'agit du meilleur moyen de financer la BBC, mais il est important de ne pas
faire dépendre un changement sur une charge régressive qui
pèse le plus lourdement sur ceux qui ont les plus bas revenus sur notre
société. Nous avons géré cette contradiction de
deux manières :
en suggérant un supplément numérique à la
redevance, nous respectons le principe qu'il est juste de faire payer seulement
ceux qui bénéficient des nouveaux services numériques de
la BBC ;
plutôt que de financer le montant maximum de ce que la BBC peut
dépenser de façon utile (un montant presque sans limite), nous
nous contentons de financer le niveau minimum de production de la BBC qui se
révèle nécessaire pour maintenir la masse critique de
service critique de radiodiffusion nécessaire dans un environnement de
marché mouvant : suffisance sans excès a été notre
maître mot.
Définir ce minimum n'est pas tâche facile, cela relève plus
de l'art que de la science. En décidant de l'importance des nouvelles
activités de la BBC à financer, nous avons dû nous attaquer
à une série de questions : le rôle du secteur public de
radiodiffusion, l'impact des changements technologiques, les besoins financiers
de la BBC pour s'acquitter de son rôle de service public dans un monde en
mutation, des résultats récents de la BBC, les
possibilités pour la BBC de trouver des ressources en interne et les
perspectives de financement externe. Une bonne partie de notre rapport concerne
ces questions, mais il est utile d'en résumer les grandes lignes ici.
La place du secteur public de radiodiffusion
Un certain nombre de personnes interrogées par le groupe
d'évaluation ont dit très logiquement que nous ne pouvions pas
décider du montant des financements dont la BBC a besoin, sans avoir au
préalable tenté de définir ce que la BBC doit faire. Ils
ont ajouté incidemment que cela impliquerait à la limite
que l'on donne une nouvelle définition du service public de
radiodiffusion.
Nous ne nous sommes pas donné des objectifs aussi ambitieux pour les six
mois qui nous étaient laissés.
Quand nous nous sommes efforcés de donner une définition du
service public de télédiffusion, nous avons spontanément
vu surgir des mots très familiers : information, éducation,
élargissement des horizons, impartialité, indépendance,
accès universel, forfaitisation, traitement des minorités,
absence de motivation commerciale, etc... Nous avons décidé que
nous n'étions peut-être pas capables de proposer une
définition du service public de télédiffusion, mais nous
avons tous néanmoins considéré que nous étions
capables de le reconnaître lorsque nous étions en face de lui. Non
seulement nous partageons la conception de base de ce qu'il signifie, mais
encore, nous pensons que cela devrait être le cas de la plupart des gens,
probablement de la majorité de la population.
En voici les grandes lignes :
le premier principe est que tandis que la BBC est un diffuseur du secteur
public, cela ne signifie pas que tout ce qu'il fait appartient au service
public de télédiffusion. Cela signifie encore moins que la
production des autres diffuseurs sort de la définition du service
public. Pour justifier le maintien de la BBC comme le
bénéficiaire d'un prélèvement obligatoire
universel, nous avons besoin de supposer à la fois qu'une large part de
l'activité de l'organisme relève du service public, mais aussi,
que, en aucune façon, se soit le cas de ce qui est produit par le
secteur privé ;
le second principe est qu'il doit y avoir une forme de déficience
du marché à la base du concept du secteur public de
télédiffusion. Au delà du recours au leitmotiv que le
secteur public de télédiffusion doit "informer, éduquer et
divertir", nous devons ajouter "informer, éduquer et divertir" d'une
manière telle que le secteur privé ne le ferait pas
spontanément. En d'autres termes, pourquoi ne pas laisser ce domaine
entièrement au secteur privé ?
le troisième principe est que, en vue de croire en une
" grande " BBC, nous devons reconnaître que la combinaison d'un
secteur privé mu par le profit et des interventions régulatrices,
n'est pas suffisante pour pallier les insuffisances du marché et nous
offrir ce que nous voulons. Après tout, la présence
d'éléments de service publics, sur ITI et le succès de
Channel Four, montrent qu'une partie du service public peut être fournie
par le secteur privé. Afin de justifier le maintien d'une organisation
coûteuse affectée au service public télévisuel, nous
devons recevoir la preuve que la régulation du secteur privé
n'est pas suffisante en elle-même.
Le groupe de travail a considéré de façon unanime que
l'adoption de ces trois principes, aujourd'hui, plaide en faveur d'un large
secteur public comme la BBC sur le marché britannique. Ce qui est mis
sur le marché de la télédiffusion semble largement
satisfaisant. Nous avons été mis en garde plusieurs fois par les
personnes entendues contre la tentation de prétendre que le Royaume-Uni
a la meilleure télévision du monde, mais nous prétendons
simplement qu'il a la meilleure télévision du monde pour le
public britannique. Cela peut paraître ne pas vouloir dire grand chose,
mais, dès lors que l'alternative pourrait d'être d'importer encore
plus de programmes américains faits pour les goûts
américains, cela est probablement un argument en faveur de la structure
actuelle. Le groupe voudrait même aller plus loin en disant, que, en
l'état actuel de la technologie, il serait très risqué
d'essayer de se passer d'une " grande " BBC, étant
donné que celle-ci s'est montrée capable d'agir dans le sens de
l'amélioration sur l'ensemble des comportements de marché
("l'écologie" audiovisuelle).
Mais la question-clé pour la prochaine décennie est d'essayer de
savoir si cette situation va se maintenir dans le nouvel environnement. Si nous
pensons qu'elle va se maintenir -ou même qu'elle pourrait le faire- alors
il y a des raisons de trouver des financements suffisants pour permettre
à la BBC de poursuivre, au moyen des nouvelles technologies ses
objectifs à longs termes.
La quatrième révolution audiovisuelle
Au coeur de l'argumentation de la BBC pour un financement
supplémentaire, il y a le fait que l'organisme se trouve actuellement
à un carrefour. Soit la BBC reçoit des fonds
supplémentaires pour lui permettre d'être compétitive dans
l'arène numérique, soit elle est en fait condamnée
à la mort lente, enfermé dans des technologies
déclinantes. Au cours de notre travail, on nous a exposé maints
exemples de cas où la technologie va changer, pour presque tout le monde
son expérience de l'audiovisuel. Il est frappant, cependant, que le
public est presque totalement inconscient des changements qui l'attendent.
La télévision numérique, même dans son état
actuel relativement primitif, n'est pas bien comprise par la plupart des
acheteurs potentiels, ce qui explique pourquoi le décodage des nouveaux
moyens de transmission s'est révélé initialement
plutôt lent.
Lorsque cela est compris, le changement est perçu comme un moyen
d'accéder à de nouvelles chaînes dont le contenu est
incertain. Les gens sont de plus en plus conscients de ce que la qualité
de l'image et du son va s'améliorer avec les technologies
numériques et ne sont que faiblement conscients que l'écran large
pourrait représenter une amélioration significative des services
rendus aux téléspectateurs.
Mais, nous avons quelques doutes quant à la perception par les
utilisateurs des pleines possibilités des technologies
numériques : nombre illimité de chaînes, plein
accès aux archives de programmes, création de chaînes
virtuelles correspondant aux goûts individuels, portabilité totale
des équipements, convergence entre Internet et la
télévision, convergence entre ceux-ci et les communications
personnelles, interactivité entre les foyers, les fabricants de
programmes et les fournisseurs commerciaux de toutes sortes de biens de
consommation, enfin entre myriades de nouveaux services qui ne sont qu'à
peine esquissés dans la tête de leurs inventeurs. Ceci
définit, sans aucun doute, une quatrième révolution
audiovisuelle, qui viendrait après l'invention de la radio, celle de la
télévision et l'apparition de la couleur. Il y a toujours une
fraction importante de la population qui croit que tout le battage relatif au
monde numérique se révélera surfait et que ces derniers
progrès connaîtront le même sort que le son en quadriphonie.
Ceux-là ont de façon écrasante toutes les chances d'avoir
tort. Bien évidemment, cette quatrième révolution
audiovisuelle pourrait être aussi profonde que les trois qui l'ont
précédée, ne serait-ce que parce que l'on est loin de ce
que nous définissons actuellement comme étant de la
télédiffusion.
Dans leurs témoignages, les représentants de la BBC ont
émis l'hypothèse qu'une famille moyenne serait en mesure dans les
années 2010 d'utiliser " leur poste de
télévision " pour effectuer les opérations suivantes
le même jour :
- autoriser les enfants à regarder au petit-déjeuner des
programmes pour enfants choisis par les parents et stockés dans les
décodeurs (set top box) ;
- regarder une émission de cuisine de Delia Smith au milieu de la
matinée, commander et se faire livrer tous les ingrédients
nécessaires à la réalisation d'un menu par un simple
" clic " sur la télécommande ;
- consulter le site Internet du médecin de famille à propos
d'une maladie persistante et obtenir des médicaments d'une pharmacie
" en ligne " ;
- participer à une liaison en direct avec la réception
organisée pour le 70ème anniversaire de
Grand-Mère en Australie ;
- rattraper les derniers épisodes de son feuilleton favori dans le
train ;
- rentrer à la maison et y trouver un courrier électronique
lui rappelant qu'il peut télédécharger et regarder le
dernier épisode de l'émission favorite de la famille sur la vie
sauvage ;
- aider les enfants à réviser leurs examens grâce
à une série historique pleinement interactive disponible
grâce à BBC Knowledge ;
- regarder le match Southampton/Manchester United avec paiement à
la séance en décidant exactement où on serait assis dans
le stade virtuel et se repasser le but de la victoire de Southampton à
volonté à partir de 8 angles différents.
Le groupe de travail diverge, comme sans doute le reste de notre
société, sur le point de savoir si cette vision du futur est
vraiment séduisante. Une partie du groupe pense que cela correspond
à un monde fragmenté ayant perdu ses valeurs communautaires et
sérieusement dépourvu de cette force unificatrice que les
réseaux de télévision ont exercée sur nos vies
depuis les années 1950. Le groupe a regretté le fait que chaque
membre de la famille ait bientôt son propre poste de
télévision ou ordinateur personnel pour en user
conformément selon son moindre caprice. D'autres pensent que cela
constitue un retour heureux à l'âge de
l'avant-télévision, c'est-à-dire à un moment
où l'on était forcé de s'appuyer sur ses propres
capacités de divertissement dans une bien plus large mesure
qu'aujourd'hui. L'un d'entre nous a fait savoir que tout irait pour le mieux
aussi longtemps que Southampton battrait véritablement Manchester
United. Mais, quoique nous pensions de la désirabilité de ce
nouveau monde, nous nous rejoignions pour estimer qu'il approchait de nous avec
un élan irrésistible.
La technologie procède par bonds, et nous nous trouvons clairement
à l'heure actuelle au milieu d'un de ces bonds. Les efforts faits
antérieurement pour anticiper les effets de tels sauts ne nous
encouragent pas à être dogmatiques sur les conséquences qui
en résultent. Mais, nous pensons vraiment que d'ici à
10 ans, la société britannique se trouvera en suspension
instable dans quelque chose que nous appelons " le monde 80/80 ".
Nous avons besoin d'esquisser les grandes lignes de ce monde avant de
décider quel rôle la BBC peut y tenir.
Le monde 80/80
Il y a dix ans, presque tous les foyers étaient égaux sur le plan
audiovisuel. Virtuellement, presque tout le monde avait accès à
4 chaînes de télévision, et c'était tout.
Aujourd'hui, près de 30 % des foyers ont accès à un
nombre important de chaînes par le câble et le satellite et il se
fait jour déjà un large ressentiment parmi une majorité de
la population britannique qui ne peut accéder en direct à de
nombreux événements sportifs y compris le championnat de
première division et ne peut pas regarder des films de premier choix. Un
choix plus vaste a été un progrès considérable,
mais seulement pour une minorité de la population. La majorité
des gens ont probablement moins de choix pour certains types de programmes
cruciaux qu'ils n'en avaient, il y a dix ans. Avec l'élargissement du
choix, on assiste à une plus grande inégalité des
expériences. De façon surprenante, cela semble avoir
été accepté avec une grande sérénité
par ceux qui ont perdu.
Dans une dizaine d'années, il est probable que les foyers se
répartiront entre différents états technologiques comme le
montre l'encadré de la page suivante.
L'inégalité deviendra une question beaucoup plus complexe qu'elle
ne l'est aujourd'hui. Un certain nombre de personnes vont
bénéficier massivement d'un choix accru, tandis que d'autres vont
ressentir de façon aiguë qu'elles en sont exclues. Finalement, au
fur et à mesure que s'accroîtra le revenu national, presque tout
le monde pourra accéder à la nouvelle technologie tout comme
aujourd'hui, chacun bénéficie de la télévision
couleur ; mais, il se pourrait qu'intervienne une période de
transition inconfortable au cours de laquelle certaines personnes souffriront
d'une détérioration de leur pratique audiovisuelle. La BBC a un
rôle important et continu dans le traitement de ces questions.
Il est évident qu'il n'y aura pas deux foyers qui se trouveront dans la
même situation durant cette période de transition.
Néanmoins, il est utile de caractériser le monde multiple des
années 2010 de la façon suivante :
- 80 % de la population pourrait bien accéder, à leur
domicile ou au bureau, au média numérique et/ou aux immenses
archives télévisuelles à travers Internet. Ils feront
partie en conséquence du monde numérique,
- 80 % de la population pourrait continuer à regarder les
chaînes hertziennes à partir de postes de télévision
répartis chez eux. Ils feront partie en conséquence du monde
analogique.
Il y aura une large proportion de la population qui n'occupera ni l'ancien ni
le nouveau monde. Elle occupera les deux.
La révolution numérique
L'environnement complètement numérique va comprendre
de multiples services, appareils et chaînes de distribution. Aujourd'hui,
les guides de programmes électroniques, les appareils de recherche et
les guides Internet vont probablement converger pour créer des
navigateurs média très souples capables de permettre
d'accéder à tous les types de contenus. La révolution
digitale va probablement se dérouler en trois étapes
caractérisées par la technologie et le degré de
fonctionnalité :
Phase 1 : des décodeurs comportant plus de
200 chaînes numériques. Mise à disposition croissante
des écrans larges 16/9ème, quelques services de
quasi-videos à la demande et autres services interactifs.
Téléchargement de vidéo de faible qualité.
Phase 2 : décodeurs de la nouvelle génération
permettant le stockage et offrant une voie de retour, amélioration des
services interactifs et de l'accès aux archives, bonne qualité
des vidéos téléchargeables.
Phase 3 : pleine convergence de la télévision
numérique et des appareils Internet avec des navigateurs média
intégrés. Pleine portabilité et mobilité,
interactivité totale et plein accès aux archives.
La BBC estime que la pénétration de ces nouvelles technologies
peut être illustrée par le tableau ci-dessous, un démarrage
progressif des nouveaux services suppose que peut-être aux alentours de
2008, les foyers seront séparés en groupes ayant accès
à différents niveaux de fonctionnalité numérique.
Si le potentiel de la révolution numérique n'est pas contestable,
il est important de se rappeler que la télévision
numérique reste une industrie naissante. Il y a une grande incertitude
au sujet de la vitesse de la révolution numérique. Depuis que
l'on met sur le marché des décodeurs numériques
" gratuits ", on dit que B Sky B a peut être gagné
60.000 abonnés tandis que ON Digital a trouvé 40.000
nouveaux clients par semaine. Le nombre des abonnés actuels se situe aux
environ de 1,2 million mais beaucoup de consommateurs restent
embarrassés et dans l'ignorance de ce que la télévision
numérique leur apporte.
En terme de bouquets de télévision numérique, il y aura quatre types différents d'utilisateurs simultanément. On s'attend à ce que le démarrage soit plus fort pour le satellite, particulièrement du fait qu'un nombre d'utilisateurs passeront de l'analogique au numérique.
Cela
fait de la fin de la diffusion analogique un problème politique. Mais il
est important que ce problème soit résolu, étant
donné qu'il est économiquement souhaitable de libérer
cette partie du spectre hertzien qui est actuellement utilisé pour la
diffusion des chaînes analogiques. Même si ce spectre
s'avère d'une valeur limitée pour le Gouvernement en cas de mise
aux enchères, ce qu'on ne peut pas savoir à l'heure actuelle, le
Royaume-Uni ne peut vouloir rester en arrière des autres pays de l'Union
européenne lorsqu'ils rendront le spectre disponible pour de nouveaux
usages économiques. En conséquence, nous avons établi nos
recommandations de façon à ce qu'elles n'entrent pas en conflit
en aucune manière avec la possibilité d'une fin de la diffusion
analogique dans à peu près dix ans. Seules des petites
modifications à ce plan seraient nécessaires si l'on souhaitait
avancer cette date.
Après la fin de la diffusion analogique, chacun aura accès au
service numérique, mais la principale caractéristique de ce
paysage audiovisuel 80/80 devrait encore persister : 80 % de la population
serait économiquement et informatiquement capable de tirer avantage de
larges strates de la nouvelle technologie, tandis que 80 % de cette population
continuera de regarder les chaînes traditionnelles pendant de longs
moments chaque semaine. C'est une question non tranchée de savoir si les
chaînes hertziennes traditionnelles occuperont une plus ou moins grande
place qu'actuellement dans un paysage audiovisuel "80/80". D'un
côté, ces chaînes seront regardées beaucoup moins
chaque semaine qu'elles ne le sont aujourd'hui. De l'autre, elles resteront le
seul moyen de rendre accessible une large audience aux fournisseurs de
programmes publicitaires, hommes politiques ou acteurs du monde du sport.
Qu'est-ce que tout cela signifie pour le rôle présent et futur de
la BBC ? Nous croyons qu'il est tout à fait concevable que le
paysage audiovisuel évolue dans la direction envisagée par le
rapport PEACOCK, avec suffisamment de personnes en mesure d'accéder et
de payer pour un nombre suffisant de programmes ou de chaînes de telle
façon à ce que la radiodiffusion fonctionne d'une manière
raisonnablement proche d'un marché parfait.
Si le marché de la radiodiffusion fonctionnait un jour dans des
conditions assez proches du marché du livre, il deviendrait plus douteux
que la BBC et la redevance puissent continuer à se justifier sous leur
forme actuelle. Ceci fait naturellement partie des sujets à examiner
lors de la révision de la charte.
Cependant, pour le moment, nous voudrions préciser les points suivants :
Nous ne sommes pas encore dans un paysage audiovisuel "80/80". A l'heure
actuelle, il s'agit plutôt d'un paysage audiovisuel "5/100", c'est
à dire - un monde dans lequel il y a 5 usagers numériques, pour
100 usagers en mode analogique - qui reste dominé par les grandes
chaînes hertziennes. En conséquence, rien n'a vraiment encore
changé. Les arguments d'une déficience des mécanismes du
marché en matière de télédiffusion continuent
d'être valables ;
Mais lorsque nous entrerons dans le paysage audiovisuel "80/80", 20 % de
la population restera piégé dans un état qui ne
différera pas de la situation actuelle, tandis que 80 % sera encore en
mesure d'accéder à une grande quantité d'émissions
comme ils le font encore aujourd'hui. C'est pourquoi le problème actuel
du mécanisme de la faillite des marchés persistera : même
lorsque nous serons dans un paysage audiovisuel "100/0", en faveur des
nouvelles technologies, il sera tout à fait discutable de savoir si
toutes les causes d'imperfections du marché vont disparaître de la
façon attendue par le rapport PEACOCK. L'annexe 8 expose en
détail lesquelles des imperfections du marché vont devenir encore
plus flagrantes et lesquelles vont s'atténuer dans le nouveau paysage
audiovisuel.
Le résultat de ces arguments est qu'il y a toujours de bonnes raisons de
croire que le rôle traditionnel de la BBC se justifie dans l'état
actuel du marché de la télédiffusion. En outre, ce
rôle a toutes les chances de se justifier au cours de la transition que
l'on va connaître dans 10 ans. Même dans 25 ans, le marché
peut se développer de telle façon que la BBC reste
nécessaire bien que nous soyons plus sceptiques sur ce point. Ce qu'il
nous a semblé clair, c'est qu'il serait prématuré de
suggérer des changements majeurs dans le rôle de la BBC, et que
-si nous souhaitons faire le choix de permettre à la BBC de continuer
à agir dans le nouveau paysage audiovisuel jusqu'à un futur
indéfini - nous avons besoin de nous donner les moyens de
développer la plate-forme numérique aujourd'hui.
La BBC au régime
La BBC a, bien sûr, déjà dépensé beaucoup
d'argent pour la diffusion numérique et sur Internet ; environ
10 Livres Sterling sont prélevées sur la redevance actuelle
pour le financement des nouveaux médias. Cela a donné à
cet organisme la possibilité de mettre un pied dans la
télévision numérique et dans les sites Internet, mais il
doit être dit qu'une partie de l'offre numérique de la BBC
était composée d'émissions rediffusées et que cette
offre a eu pour conséquence de distraire des fonds vitaux pour des
services analogiques qui en ont subi des conséquences néfastes.
Tout cela s'est passé parce que la BBC a été mise à
un strict régime budgétaire depuis de nombreuses années.
Au cours des années 1990, les ressources de la redevance de la BBC ont
crû de seulement 1 % par an, tandis que le revenu du secteur privé
a augmenté à peu près 10 fois plus vite. Il faut admettre
que la croissance du secteur privé résulte presque
entièrement de services accessibles sur abonnement, alors que ITV ne
témoigne que peu ou pas de croissance relativement à la BBC. Cela
est significatif, dès lors que ITV reste, et de loin, le concurrent le
plus important de la BBC.
Néanmoins, la BBC a été nettement mise sous pression,
lorsque la croissance de ses revenus a faibli (heureusement que la diffusion
presque complète de la télévision couleur a permis le
basculement presque complet de la redevance noir et blanc moins chère
vers la redevance couleur), tandis que la souscription d'abonnements a
crû rapidement. En conséquence de quoi, les redevances de la BBC
exprimées en pourcentage du revenu de télévisions
privées est tombé de 42 % en 1993, a 31 % en 1998. La
croissance du revenu pour les 7 prochaines années serait de 0,45 %
par an, avant de prendre en compte une amélioration des méthodes
de collecte. Pendant ce temps, des revenus du secteur privés vont
probablement augmenter à un taux compris entre 4,5 et 7 % par an.
Cela signifie que la part de la BBC dans les ressources du marché de la
télédiffusion pourrait tomber à a peu près
20 % aux alentours de 2008.
Bien sûr, un certain nombre de régimes peuvent être bons
pour la santé, et celui que la BBC a dû suivre, a eu pour
conséquence de rendre l'organisme actuel plus maigre et en meilleure
forme que celui existant il y a 10 ans. Les gains de productivité
se sont maintenus au taux annuel remarquable de 8 à 10 % par an par
rapport aux coûts de référence pendant plusieurs
années. L'organisme est aussi parvenu à préserver la
valeur du nom de BBC d'une façon que beaucoup de sociétés
privées pourraient envier. Bien sûr, il nous a été
signalé pendant nos auditions que les trois lettres "BBC" constituent
l'une des marques britanniques les plus respectées. Son impact est tout
à fait extraordinaire, par exemple, il nous a été dit que
celui-ci est nettement plus important sur une base hebdomadaire que celui dont
bénéficient annuellement des marque comme Heinz, Kellogs, et
Coca-Cola. Au surplus, la BBC est parvenue à maintenir sa part
d'audience dans une bien plus large mesure que ce à quoi l'on
s'attendait il y a quelques années.
Il est difficile de ne pas suspecter que cela a été rendu
possible en rendant plus médiocre ou en rabaissant le niveau du
produit : un processus dont la BBC nous a assuré qu'il serait
aujourd'hui inversé. Néanmoins, notre sondage d'opinion
témoigne de ce que le consommateur est tout à fait satisfait de
la BBC et que cet organisme continue d'être perçu comme
étant particulièrement bon pour offrir des émissions de
télévision relevant nettement du service public : en
particulier les grands événements de l'information, de
l'éducation et tout ce qui s'en rapproche. De façon
encourageante, la BBC n'est pas considérée comme étant
particulièrement bonne pour les " talk-shows " et les jeux ,
qui sont des genres d'émissions pour lesquelles le secteur privé
est efficace. Il est tout à fait extraordinaire que les deux tiers des
élèves de l'enseignement secondaire ont utilisé le site
Internet de la BBC pour effectuer leurs révisions l'année
dernière.
Jusqu'à présent, le régime auquel a été
soumise la BBC a été réussi. Mais, des régimes
peuvent aussi être poussés trop loin et la BBC croit que celui
qu'on lui a infligé a commencé à réduire la force
musculaire de l'organisme.
La
vision de son avenir par la BBC
La BBC a exposé devant un groupe de travail un ensemble de propositions
passionnantes pour développer de nouveaux services numériques. Il
est tout à fait fondé de croire que ces services constitueraient
nettement un accroissement significatif de l'offre de service public
audiovisuel au Royaume-Uni. Mais, le coût et une question clé. La
mise en oeuvre de ce que la BBC veut faire pour 2006 implique une augmentation
de l'offre de programmes de 57 % sur huit ans, soit une croissance
d'environ 5 % des dépenses de 1998 à 2006. A la fin de cette
période, la BBC devrait dépenser environ 700 millions de
Livres Sterling dans les services numériques qui viendraient s'ajouter
aux 200 millions de Livres Sterling déjà
dépensés actuellement. Afin de rendre cet objectif possible, le
groupe de travail devrait proposer des mesures destinées à
augmenter les ressources de la BBC d'environ 650 millions de Livres
Sterling en 2006.
La question est de savoir si le gain attendu vaut l'effort financier.
Même avec une part de marché de 30 %, la BBC devrait
être encore l'acteur le plus important au Royaume-Uni. Et le choix d'un
accroissement des ressources de redevance, sous toutes ses formes
envisageables, est une option coûteuse. La redevance est une charge
régressive, dès lors que le consommateur n'a pas le
véritable choix en ce qui concerne l'importance des services que lui
fournit la BBC. Dans ces circonstances, nous ne nous croyons pas fondés
à demander à ceux qui paient la redevance de supporter des
coûts supplémentaires, sauf si nous sommes absolument convaincus
que cela est nécessaire pour maintenir une saine
" écologie-audiovisuelle " au Royaume-Uni.
Bien sûr, transformer ces principes en chiffres précis demande
réflexion. Après des débats approfondis, le groupe de
travail ne s'est pas trouvé convaincu par les arguments
développés par la BBC pour justifier sa demande de financement de
650 millions de Livres Sterling pour 2006. Pour les raisons
énoncées au chapitre I, il a considéré qu'un
plan raisonnable serait de mettre en oeuvre des mesures permettant
d'accroître les ressources de la BBC d'un montant de l'ordre de 150
à 200 millions de Livres Sterling par an entre 2002 et 2006. Cela
correspond à une croissance réelle des revenus de la BBC de
l'ordre de 2 à 2,5 % par an, ce qui correspond à peu
près à celle du produit national brut. La dépense pourrait
croître en termes réels d'environ 3,5 % par an, la
différence étant fournie par des gains de productivité et
d'autres formes de ressources internes.
Notre recommandation devrait permettre de financer un tiers ou un tout petit
peu moins de l'augmentation annuelle de la dépense que la BBC a
proposée, pour les dernières années de la période
couverte par la charte actuelle, mais cette proportion serait plus importante
les années suivantes. Nous croyons que cela sera suffisant pour
permettre à la BBC à la fois d'améliorer la qualité
des services existants et d'investir dans la numérique, mais cela veut
aussi dire que la BBC aura à hiérarchiser ses activités
numériques et ne pas chercher automatiquement à se
développer dans tous les nouveaux domaines. Cela veut aussi dire que des
gains accrus de productivité et de ressources commerciales seront
nécessaires si la BBC veut réaliser pleinement ses objectifs.
Les choix pour un financement supplémentaire.
En principe, il serait possible d'engendrer les revenus nécessaires en
faisant évoluer la BBC vers un comportement plus proche de celui d'un
diffuseur commercial, par exemple, en lui permettant de trouver des ressources
de publicité, de parrainage ou des abonnements. Mais, chacun de ces
moyens d'action pourrait soit porter atteinte à la BBC comme diffuseur
de service public soit entraîner une compétition frontale
indésirable avec les diffuseurs privés, voire les deux. Comme
cela est expliqué au chapitre II, nous pensons que ces options
seraient tout à fait préjudiciables à
" l'écologie audiovisuelle " au Royaume-Uni.
Cela laisse deux voies possibles : un accroissement de la redevance de
base ou la création d'un supplément numérique. Nous
préférons l'une ou l'autre de ces options à celle du statu
quo qui consisterait à ne rien faire. Cependant, en contrepartie, nous
pensons qu'un supplément numérique à la redevance a de
nets avantages sur l'augmentation de la redevance de base et s'accorde mieux
avec la tradition britannique d'introduction de nouvelles technologies sur le
marché.
Un supplément numérique à la redevance aurait une
série d'avantages déterminants :
- cela prolongerait la pratique bien établie selon laquelle les
gens doivent payer plus lorsqu'il y a un changement majeur dans les
capacités techniques de leur récepteur : introduction de la
télévision et, plus tard, apparition d'un tarif pour la
couleur ;
- cela réduirait le mécontentement de tous ceux qui n'ont
pas encore adopté les technologies numériques du fait que
seulement 10 % de la redevance sont consacrés à des services
dont ils ne bénéficient pas ;
- cela offrirait une source de revenus dynamique à la BBC au fur et
à mesure du démarrage du numérique ;
- enfin, après la décision initiale du Gouvernement, cela
soustrairait la redevance aux controverses politiques pour un certain nombre
d'années à venir.
De l'autre côté, un certain nombre d'inconvénients doivent
être soupesés :
- il y aura des inquiétudes parmi les opérateurs de
bouquets, On digital BSkyB et les autres, de ce qu'une redevance plus
élevée pour les télévisions numériques
puissent entraver le démarrage de la diffusion numérique ;
- cela renforcerait la difficulté du passage au numérique
pour les plus démunis ;
- on peut avoir des difficultés d'application, en particulier
lorsqu'un certain nombre de postes numériques étaient
déjà utilisés avant l'introduction du supplément
à la redevance ; cela ferait peser une incertitude sur les recettes
de la BBC qui dépendraient du taux de pénétration du
numérique.
Le principal argument contre un supplément numérique à la
redevance est constitué par ses effets dissuasifs sur le
démarrage des technologies numériques. Il ne serait pas
raisonnable de prétendre que cet effet n'existe pas, mais, au niveau
où se place le groupe, nous ne croyons pas que les effets
néfastes -mesurés sur une certaine période de temps-
seront importants. Cela apparaît d'autant plus le cas que la BBC sera
fortement motivée à développer une diffusion rapide du
numérique. Nous avons examiné les arguments avancés par
toutes les parties et nous n'envisagerions pas de recommander cette voie si le
freinage du démarrage du numérique était apparu être
probablement substantiel. Un supplément à la redevance
n'étouffera pas plus la révolution numérique comme le
tarif couleur a empêché la diffusion des postes de
télévision couleur.
L'ensemble de mesures spécifiques que nous proposons a été
étudié pour éviter de susciter des problèmes au
moment de la fin de la diffusion analogique, dans la mesure où ce
supplément est graduellement éliminé pour 2010. Par
conséquent :
- un supplément numérique à la redevance de
1,99 Livre Sterling par mois devrait être introduit à partir
d'avril 2000. Ce supplément devrait être réduit à
0,99 Livre Sterling par mois en avril 2006 et disparaîtrait
progressivement pour 2010 ;
- cela veut dire que le montant total de la redevance demandé aux
usagers de la télévision numérique resterait à peu
près stable au niveau de 126/128 Livres Sterling par an en terme
nominal pendant toute la période jusqu'en 2006 (à supposer que le
Gouvernement respecte son objectif d'inflation de 2,5 % par an) ;
- la redevance analogique suivrait un chemin de croissance inchangé
par rapport à la tendance actuelle : elle connaîtrait une
croissance réelle de 3,5 % au cours des deux prochaines
années et par la suite elle augmenterait au même rythme que
l'inflation ;
- il résulterait de tout cela qua la redevance analogique
augmenterait progressivement pour arriver au niveau de la redevance
numérique au fur et à mesure que l'on s'approcherait de la date
de fin de diffusion analogique.
Cette
option a d'énormes avantages :
- le supplément moyen de redevance numérique serait sur
l'ensemble de la période de 1,57 Livre Sterling par mois,
étant entendu que les gens sauraient que ce supplément tomberait
à seulement 0,99 Livre Sterling à la fin de la
période. Nous sommes persuadés que cela ne constitue pas un frein
important au démarrage du numérique ;
- la parité entre la redevance analogique et la redevance
numérique serait obtenue en 2010. Si le Gouvernement désirait
avancer la date de la fin de la diffusion analogique, il serait facile
d'ajuster soit la redevance analogique à la hausse soit la redevance
numérique à la baisse pour réaliser une parité
anticipée ;
- à la différence de l'option consistant à augmenter
uniformément la redevance, il n'y a pas là d'augmentation
perpétuelle des ressources de la BBC dans la mesure où la
redevance est la même, au moment de la convergence, à ce qu'elle
serait si l'on était resté au statu quo sur la base de la
poursuite de la tendance actuelle. (la façon la plus commode d'en
prendre conscience est de réaliser que le supplément
numérique à la redevance disparaît graduellement, tandis
que le tarif de la redevance analogique est augmenté au même
rythme qu' actuellement) ;
- cela signifie que cela n'anticipe pas sur les décisions relatives
au financement de la BBC qui doivent être prises au moment de la
révision de la charte. A ce moment, la BBC aura besoin de
présenter une argumentation entièrement nouvelle pour obtenir des
financements supplémentaires. Nous considérons que cela est un
avantage ;
- le supplément numérique à la redevance
décroît avec le temps. Cela a l'inconvénient de faire
apparaître que le frein au démarrage du numérique est plus
important au cours des premières années, mais ce schéma
est inévitable dès lors qu'il a été
décidé de l'éliminer pour 2010. Il y a aussi, une
compensation des avantages à ce schéma : il implique que des
charges plus élevées pèsent sur les premiers usagers (qui,
a priori, n'attachent aucune importance aux nouvelles technologies), ce qui
veut dire que le prix des services numériques va diminuer avec
l'augmentation du nombre d'utilisateurs, permettant ainsi aux coûts du
service numérique d'être répartis sur un plus grand nombre
d'utilisateurs.
En dépit de ces avantages, nous reconnaissons qu'un certain nombre de
personnes vont préférer augmenter simplement la redevance ;
aussi, on a défini une variante permettant dans cette hypothèse
de lever le même montant de financement pour la BBC jusqu'en 2006. Cela
suppose que l'on accroisse la redevance de 5 Livres Sterling en 2000 et en
2001 au lieu de l'augmenter de 1,60 Livre Sterling au cours de ces deux
années comme cela est envisagé dans l'accord quinquennal venant
à expiration en 2001.
Au total, le groupe de travail préfère l'option du
supplément de redevance numérique à celle d'une
augmentation de la redevance, principalement parce qu'elle permet de satisfaire
au principe suivant lequel l'usager doit payer pour les services qu'il
consomme. Nous considérons cela comme fondamentalement plus juste que de
faire peser tous les coûts du numérique sur les usagers
analogiques.
Cependant, nous admettons que l'option numérique crée un effet
dissuasif sur le démarrage de la nouvelle technologie. Bien que nous
n'estimions pas que cet effet sera important, il n'en est pas moins
entièrement négligeable. Le groupe croit que si le Gouvernement
ne se décidait pas en faveur de l'option numérique, l'option
analogique est préférable au statu quo.
Les sauts technologiques et la redevance
Il est important de placer notre proposition de supplément à la
redevance numérique dans le contexte de la façon dont le
Royaume-Uni a géré les précédents sauts
technologiques sur le marché audiovisuel. Nous considérons que
notre système s'appuie sur la tradition britannique qui s'est
révélée une voie réussie dans les cas
antérieurs.
Les données rétrospectives montrent que chaque progrès
technologique majeur dans la télédiffusion intervenu depuis
50 ans a été accompagné par l'introduction de
nouveaux tarifs qui tous marquaient une différence importante. Les
redevances noir et blanc et couleur ont été toutes les deux
placées à un niveau double de celles du tarif antérieur
(on est passé de 1 à 2 Livres Sterling en 1964 et de 5
à 10 Livres Sterling en 1968). Le supplément de redevance
numérique que nous recommandons, constituerait un surcoût de
seulement 13 % en moyenne au cours de la période allant
jusqu'à sa disparition par rapport au tarif de la redevance analogique.
Sur le long terme, les suppléments de redevance associés aux
nouvelles technologies ont eu pour conséquence la forte croissance des
ressources de la BBC et la redevance au nouveau tarif est devenue dans les deux
cas très rapidement la principale source des revenus de la BBC. Le
développement des services de la BBC, fondé sur la redevance
s'est révélé une force très puissante en faveur de
la diffusion des nouvelles technologies.
Bien que les fortes variations du niveau de la redevance aient initialement
conduit à une rapide augmentation de la dépense audiovisuelle du
consommateur dans les deux cas ce pourcentage a fléchi relativement au
PNB par tête sur la durée de vie de la technologie.
Finalement, la part de revenus absorbés par la dépense
consécutive à la nouvelle technologie a reculé pour se
trouver au même niveau que celui correspondant à l'ancienne
technologie. Tel est le processus cumulatif de croissance économique qui
fait que nous bénéficions aujourd'hui d'une
télévision couleur pour le même coût réel (en
termes de nombre d'heures de travail) qu'il était nécessaire de
supporter pour les télévisions noir et blanc en 1970.
En
outre, en dépit des accroissements de la redevance, le démarrage
des nouvelles technologies a suivi une tendance fortement croissante et a eu
pour résultat final un taux d'équipement de près de
100 %. Le caractère très attractif des services rendus,
accessibles par les nouvelles technologies, a plus que compensé les
effets dissuasifs dus à des coûts plus élevés et
notamment à une redevance plus coûteuse.
Pour l'introduction de la télévision numérique nous ne
voyons pas pourquoi le résultat devrait être différent.
Certaines personnes peuvent avancer que les avantages de la
télévision numérique sont moins évidents que ceux
de la télévision couleur et il faut reconnaître que cela
semble le cas aujourd'hui pour beaucoup de consommateurs. Mais, les
consommateurs potentiels de télévision numérique en sont
à un stade très précoce de leur compréhension de ce
que la nouvelle technologie va finalement leur apporter. Chercher à
expliquer aujourd'hui à quelqu'un à quoi va ressembler le paysage
audiovisuel d'ici vingt ans revient à essayer de faire comprendre les
merveilles de la télévision à quelqu'un en 1937. En outre,
la perspective de la fin de la diffusion analogique, qui n'existe pas dans les
précédents sauts technologiques a toutes les chances
d'accélérer le transfert.
Les diffuseurs privés qui sont opposés à un
supplément numérique de redevance, sont dans une position
où ils affirment simultanément que les nouvelles technologies
vont créer un nouveau monde, qu'elles vont offrir une hausse
irrésistible dans l'approvisionnement de services et qu'un
supplément de 1,57 Livre Sterling par mois pour la redevance va
tuer la nouvelle technologie. Le groupe de travail est plus enclin à
croire les premiers arguments que les derniers.
Activité commerciale et respect de la concurrence
Il est souvent affirmé que les objectifs de la BBC comme diffuseur du
service public entrent directement en conflit avec son objectif affiché
d'accroissement de ses revenus d'origine commerciale. Nous ne croyons pas que
cela soit le cas. En fait, nous considérons l'exploitation commerciale
des archives de la BBC comme tout à fait désirable du point de
vue de ceux qui paient la redevance et comme étant probablement de
nature à favoriser les buts de la politique audiovisuelle. Les archives
ont été sous-exploitées depuis trop longtemps.
La stratégie de la BBC dans ce contexte devrait être de maximiser
les revenus provenant des activités commerciales sous réserve de
seulement deux contraintes :
- que la BBC dans son ensemble sauvegarde son éthique de service
public,
- qu'elle respecte ses engagements en faveur d'une concurrence loyale.
En faisant ceci, des barrières supplémentaires sont
nécessaires, non seulement pour s'assurer que la BBC se comporte comme
un compétiteur loyal sur le marché audiovisuel privé mais
aussi pour s'assurer que la BBC est clairement perçue par le public
comme se comportant ainsi. Beaucoup de ceux qui ont témoigné
devant le groupe de travail ont décrit la BBC comme un organisme non
transparent et l'on a noté que nombreux étaient ceux qui
s'inquiétaient de ce que la BBC puisse abuser de sa position dominante
sur le marché en vue de développer ses activités
commerciales. De nouveau, la BBC a fait beaucoup de chemin ces dernières
années, à la fois pour développer des règles de
concurrence loyale et pour rendre ses comptes et sa gestion plus transparents
pour le public. Néanmoins, des progrès supplémentaires
sont nécessaires à ces deux niveaux.
Avec ces considérations en tête, nous avons fait des propositions
destinées à la fois pour injecter un nouvel esprit d'entreprise
à la BBC (par exemple en introduisant des capitaux privés dans
BBC Worldwide au niveau de la holding) et pour rendre ses engagements en
matière de concurrence loyale plus transparents (par exemple en
demandant à la Cour des comptes -National audit office- d'examiner la
façon dont la BBC respecte les règles de la concurrence).
Nous admettons qu'il y a une certaine contradiction entre ces recommandations,
dans la mesure où l'engagement en faveur de la concurrence limite
déjà la possibilité pour les organes commerciaux de la BBC
de faire des profits. Il serait bien entendu beaucoup plus facile de gagner des
recettes accrues si on faisait moins attention à la concurrence.
Symétriquement, il y aurait moins d'inquiétudes au sujet de la
concurrence si la BBC mettait une sourdine à ses objectifs commerciaux.
Mais, cette contradiction est le prix inévitable à payer pour le
développement d'activités commerciales au sein d'un organisme qui
est essentiellement financé par une redevance. Dans les bonnes
circonstances, nous pensons que cela peut devenir une contradiction
féconde.
Tarifs de faveur
Nous avons probablement reçu plus de témoignages sur les tarifs
de faveur que sur aucun autre sujet. Cependant, à l'exception d'une
recommandation tendant à accorder une redevance à moitié
prix pour les aveugles, ainsi que de la nécessité de prendre de
façon urgente des mesures pour développer le sous-titrage, nous
n'avons pas de suggestions à faire dans ce domaine. Un examen complet
des questions très épineuses relatives au régime des
tarifs préférentiels est faite au chapitre IV. Tandis que
nous croyons que le régime actuel a de nombreux désavantages, sa
suppression frapperait un groupe en général pauvre et
vulnérable de façon très dure et aboutirait à
rétrocéder de l'argent aux redevables moyens. Nous ne
recommandons pas cela pour des raisons évidentes. Cependant, nous ne
pensons pas que la BBC doive être utilisée comme un
département annexe de la sécurité sociale, telle est la
raison pour laquelle nous ne recommandons pas d'assouplir le régime au
détriment de ceux qui payent la redevance.
Conclusion
Tout ensemble de mesures qui donne plus d'argent à la BBC par
l'intermédiaire de la redevance emporte un certain nombre
d'inconvénients que nous avons pesés en aboutissant à ces
recommandations. Si ce plan est mis en oeuvre, il doit être
accompagné par de nouvelles mesures pour augmenter l'efficacité,
la transparence, la responsabilité ainsi que pour accroître le
respect de la concurrence et les privatisations. Les différentes et
multiples mesures permettant d'atteindre ces objectifs sont mentionnées
dans les recommandations du groupe de travail.
Mais, à la fin, il reviendra au Gouvernement de décider de ce
qu'il retiendra des vues de la BBC sur le numérique. Fondamentalement,
nous pensons que la BBC mérite qu'on lui laisse une chance de
réussir dans le monde numérique, bien que ce soit une chance
beaucoup plus limitée que celle qu'ils ont eux mêmes
demandée.
Restreindre la BBC au cours des cinq prochaines années à ses
services analogiques traditionnels serait signer son arrêt de mort d'une
façon à peu près aussi sûre que si l'on avait en
1970 voulu la limiter aux téléviseurs noir et blanc. Comme par le
passé, nous devons donner à la BBC une chance de se
développer avec les nouvelles technologies.
HISTORIQUE DE L'ÉTUDE :
TERMES DE
RÉFÉRENCES ET MÉTHODOLOGIE
Historique de l'étude
Il nous a été demandé de procéder à cette
étude sur les bases suivantes.
La charte royale de la BBC garantit l'avenir de la société
jusqu'au 31 décembre 2006. Un accord séparé du
Gouvernement avec la BBC garantit la redevance jusqu'au 31 mars 2002 et
prévoit avant cette date un examen des modalités de financement
pour les années 2002 à 2006 à la lumière des
développements technologiques et autres.
Le Gouvernement a déclaré que son objectif pour cet examen
était de s'assurer de la capacité continue de la BBC à
faire face effectivement à ses obligations de service public tout en
s'assurant que celles-ci conservent la possibilité d'agir de
façon efficace sur un marché compétitif.
Le Gouvernement a décidé que cet examen devrait être
étroitement défini. Il n'a pas considéré que le
moment était venu de se livrer à une évaluation
très large des buts et de la gestion de la BBC ; ceci serait plus
approprié dans les années 2003-2004 quand approchera le moment du
renouvellement de la charte.
Le Gouvernement a aussi décidé qu'il n'était pas
approprié à ce stade de chercher des solutions alternatives
à la redevance comme principale source de financement. Bien que
conscient que la redevance est un moyen imparfait de financement, le
Gouvernement estime qu'il est le meilleur moyen de fournir à la BBC avec
une sécurité suffisante les moyens de faire face à ses
obligations. Le Gouvernement a décidé en conséquence que
l'évaluation partirait du postulat que la redevance peut être
maintenue au moins jusqu'à la date de révision de la charte.
Le groupe d'évaluation avait reçu pour mission de se concentrer,
dans le cadre existant, sur un certain nombre de questions spécifiques
étroitement définies comme précisé dans les termes
de référence. Il nous était demandé d'adopter une
perspective stratégique de haut niveau par rapport à ces
questions.
Termes de référence
" Le groupe d'évaluation devra :
(i) par opposition à une attente tendant à faire de la redevance la principale source persistante de financement du service public pour la durée de la charte :
- considérer les voies par lesquelles le financement
du service public peut être élargi à d'autres
sources ;
- rechercher d'autres mécanismes de financement de la BBC dans le
long terme particulièrement au regard des évolutions
technologiques
(ii) réfléchir à la façon de trouver un équilibre approprié entre les activités publiques et commerciales de la BBC et évaluer les mécanismes qui assurent le respect des engagements de concurrence loyale vis-à-vis du secteur commercial ;
(iii) examiner la structure actuelle du régime des tarifs de faveur pour voir s'il existe une autre structure convenable.
Le groupe d'évaluation remettra son rapport avant la fin du mois de juillet au secrétaire d'Etat qui procédera à des consultations sur le résultat du groupe de travail. "
Résumé des conclusions et recommandations
Chapitre 1 : parvenir à la suffisance sans excès
Les besoins de financement de la BBC jusqu'à la révision de la
charte
Nous
recommandons que :
la BBC soit dotée de financements suffisants pour lui permettre de
rester pleinement un diffuseur de service public sur un marché
audiovisuel britannique en croissance rapide ;
l'option de statu quo consistant à faire évoluer la
redevance aussi vite que l'inflation après 2001 ne soit pas
adoptée puisque cela aurait pour conséquence d'exclure la BBC du
monde numérique, qui doit probablement constituer l'audiovisuel du
futur ;
les revenus de la BBC s'accroissent de 2 à 2,5 % par an en
termes réels jusqu'à 2006, soit un taux du même ordre que
celui du PNB ;
la BBC soit autorisée à s'approprier les gains
supplémentaires de productivité et de recettes commerciales qui,
réunis, permettent au financement des programmes de croître de 3
à 3,5 % par an. Tout gain de productivité ou recette
commerciale supplémentaire au-delà de ces objectifs doit
également être conservé par la BBC pour le
développement de son offre de programmes ;
les gains de productivité de la BBC soient périodiquement
examinés par des consultants extérieurs désignés
par le secrétaire d'Etat à la culture, aux médias et aux
sports ;
enfin, que le directeur général s'assure que les
dépenses engagées au niveau des services centraux et
l'administration de la BBC soient en proportion équivalentes à
celles des sociétés privées.
Chapitre 2 : parvenir à une saine écologie
audiovisuelle
Bonnes et mauvaises options pour les financements supplémentaires
Nous
recommandons (à l'exception de M. James Gordon) que :
ne soient pas introduits de publicité de parrainage ou de
systèmes d'abonnement sur les services de la BBC ;
BBC Online soit étendue à de nouveaux services non
britanniques, qui doivent accepter la publicité et les recettes de
commerce électronique ;
une attention soit portée aux développements
ultérieurs du site Internet de la BBC sans exclure une possible
injection de capital privé dans l'opération ;
dans le futur, la redevance ainsi que tout supplément de redevance
numérique, soient exprimés sur une base mensuelle ;
l'arrangement quinquennal pour la redevance ne soit pas remis en
cause ;
la redevance principale (analogique) soit augmentée au même
rythme que l'inflation après 2002 ;
un supplément numérique à la redevance soit
perçu sur les mêmes bases que la redevance actuelle
(c'est-à-dire par foyer et payable au moment de l'installation du
premier récepteur digital ou du premier décodeur) ;
le supplément numérique à la redevance soit
introduit du 1er avril 2000 au niveau de 1,99 Livre
Sterling par mois et ce supplément doit revenir à 0,99 Livre
Sterling par mois en 2006 ;
ceci soit vu dans le contexte d'un plan tendant à annoncer une
date ferme pour la fin de la diffusion analogique (qui dépendra des
seuils de pénétration atteints pour les systèmes
numériques) ;
les revenus issus du supplément numérique à la
redevance couvrent, grosso modo, le coût des services offerts aux
personnes payant cette redevance numérique, la BBC devant dans son
rapport annuel rendre des comptes sur la façon dont ce principe est
appliqué ;
un accroissement de la redevance analogique de 5 Livres Sterling en
2000 et 2001 soit une option, ce qui est préférable au statu quo,
si le supplément à la redevance numérique est
rejeté ;
enfin, la BBC affecte une partie de ses revenus accrus issus du
supplément numérique à la redevance au lancement de
campagnes pour informer et éduquer le public au sujet de la diffusion
numérique et d'Internet ainsi que pour faire que ses services
numériques et en ligne soient accessibles à un plus large public
sur une base permanente.
Chapitre 3 : parvenir à un terrain de jeu de
niveau
Activité commerciale, concurrence et privatisation
Nous
recommandons (à l'exception de Mrs Helen Black pour les deux
premières recommandations) que :
la BBC vende suffisamment d'intérêts dans BBC Worldwide pour
permettre une participation effective d'opérateurs privés,
jusqu'à 49 %, avec l'objectif d'une meilleure exploitation de ses
capitaux et d'un meilleur rendement pour les personnes qui paient la
redevance ;
la BBC vende l'essentiel de BBC Ressources Ltd ;
des propositions pour de nouveaux services de la BBC soient
publiées et discutées de façon approfondie au regard des
critères utilisés par le secrétariat d'Etat à la
culture pour savoir s'il faut ou non autoriser le lancement de tels
services ;
la révision de la charte prenne en considération le fait de
savoir si ces nouveaux services de la BBC continuent de répondre aux
critères de service public ;
la BBC fasse la preuve chaque année, dans son rapport annuel, pour
chacun des services existants, qu'elle continue à remplir ses
obligations de service public ;
la BBC s'assure que les objectifs de BBC Worldwide soient
cohérents avec les siens propres et fabrique des programmes disponibles
pour BBC Worldwide au prix du marché dans des formats d'émissions
et des régimes de droit adaptés ;
il doit y avoir une séparation de comptable et de gestion
très claire entre la BBC et ses filiales commerciales et une
transparence accrue dans les règles comptables de la BBC ;
le Gouvernement demande à la commission de la concurrence (Office
of fair trading) d'examiner, dans les 12 mois, la pertinence des documents
de la BBC intitulés : " engagement de concurrence loyale et
règles de politique commerciale " ;
le Gouvernement demande à la Cour des comptes (National audit
office) de mener, dans les prochains 12 mois, deux études
distinctes sur les comptes et les procédures de la BBC :
- le premier doit se concentrer sur la façon dont la BBC respecte
les obligations de concurrence loyale à la fois sur le plan interne et
externe ;
- le second doit examiner si la BBC donne une image transparente de ses
activités, notamment dans son rapport annuel et sa
comptabilité ;
la BBC, en liaison avec le Secrétariat d'Etat à la culture
désigne une firme d'audit pour les questions de concurrence, distincte
de celle qui réalise actuellement l'audit financier : le rapport de
cette firme d'audit doit être publié par la BBC ;
la BBC publie trimestriellement un bulletin sur les plaintes relatives
aux questions de concurrence loyale et de transparence.
Chapitre 4 : parvenir à la justice
Les tarifs de faveur
Nous
avons conclu que :
le régime actuel de tarifs de faveur pour les logements en
résidence doit être maintenu en dépit de ses effets
pervers, dès lors qu'aucune meilleure alternative, fondée sur la
redevance a pu être trouvée.
Nous recommandons que :
les recettes de redevance et plus généralement les
ressources issues de la télédiffusion ne soient pas
utilisées pour accroître les exonérations actuelles pour
les retraités ;
au sujet du sous-titrage des nouveaux services numérique -y
compris BBC Choice, BBC New 24 et BBC Knowledge-, la BBC se donne pour
objectif de parvenir à sous-titrer 50 % des programmes au cours des
cinq prochaines années et 100 % pour 2009 ;
le rabais accordé actuellement aux aveugles soit porté
à 50 % de la redevance couleur, et que le rabais soit limité
aux aveugles enregistrés et qu'il ne soit pas limité aux foyers
ne comportant que des aveugles ;
enfin, le régime actuel de paiement (Cash Easy Entry) soit mis sur
une base similaire à celle du " Monthly Cash Plan "
réduisant ainsi les paiements de ces utilisateurs durant le second
semestre de l'année.
Chapitre 5 : parvenir à la viabilité
Le financement de la BBC après la révision de la charte
Nous
recommandons que :
dans la planification de son offre de service public, la BBC
définisse clairement les objectifs de chaque service ;
les nouveaux services mis à la disposition du public soient
testés à travers une large consultation en particulier avec le
consommateur ;
le conseil des gouverneurs insiste pour que soient définis plus
clairement les critères de l'action de la BBC et continuent de porter
toute son attention sur ces forces distinctives ;
au moment de la révision de la charte, une attention soit
portée à une meilleure définition des obligation de
service public de la BBC d'une façon telle qu'elle puisse être
aisément traduite en critères de performances en vue d'une
évaluation de son action, quels que soient les arrangements qui vont
s'appliquer à la fin de l'application de la présente charte ;
le Gouvernement amende la charte royale afin de donner à la Cour
des comptes (National audit office) des droits d'inspection lui permettant de
mener des audits financiers périodiques des comptes de la BBC et de ses
engagements en matière de concurrence loyale ;
enfin, il doit être clairement précisé les termes de
référence permettant cet examen périodique des
comptes : la Cour des comptes doit se concentre sur les questions
d'efficacité administrative de gestion strictement financière et
de comptabilité et non mettre en question les problèmes de
programmation et de politique générale ainsi que les
matières relatives à la liberté éditoriale et aux
jugements artistiques.
La
France vit toujours sous le régime de la loi ultra libérale de
1986. La dernière chance de l'audiovisuel public français
réside dans son remplacement par une loi nouvelle reconnaissant un
secteur public créatif et non de simple gestion. Ce que ne
reconnaît pas le rapport qui ne souhaite pas entraver le
développement du secteur privé.
La France consacre à l'audiovisuel la moitié des crédits
accordés en Angleterre, le tiers en Allemagne. Notre pays est le seul en
Europe à avoir vendu une chaîne publique, TF1 au groupe Bouygues.
Aujourd'hui, du fait de financements publics insuffisants, Antenne 2,
à son tour, risque de disparaître, ouvrant la porte aux
privatisations et créant une situation unique en Europe.
Un financement de l'ordre de 1 % du PIB permettrait alors de
rétablir la responsabilité publique face à la constitution
de " grands groupes " mêlant audiovisuel,
téléphonie, informatique, Internet.
AOL ne vient-il pas de racheter TIMES WARNER ?
L'enjeu pour ces " grands groupes ", constitués à
l'échelon mondial, est dans la possession des réseaux permettant
le contrôle des contenus. Sur ce terrain des contenus, le rapport
présenté est insuffisant, à l'image d'ailleurs de nombre
de nos partenaires européens. Ce n'est pas l'AUDIMAT qui doit guider
l'audiovisuel public, mais bien plus la place accordée au spectateur
ayant des besoins culturels à honorer.
Enfin, deux derniers éléments ne sont vraiment pas pris en
compte : la nécessité de la démocratisation du CSA et
la création d'un fonds de garantie européen pour la
création audiovisuelle, une politique européenne
d'investissements pour la production de programmes audiovisuels ou de
logiciels.
1 Le groupe de travail, qui a tenu sa
réunion constitutive sous la présidence de M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, le 31 mars 1999, était
composé de :
Président-rapporteur : M. Claude Belot
(UC-Charente-maritime)
Vice-président : Mme Marie-Claude Beaudeau (CRC-Val d'Oise)
M. Joël Bourdin (RI - Eure)
Membres : M. Jean-Pierre Demerliat (Soc. - Haute Vienne)
M. Yann Gaillard (RPR - Aude)
M. Alain Joyandet (RPR - Haute-Saône)
M. François Trucy (RI - Var)
M. André Vallet (RDSE - Bouches-du-Rhône)
2 BSkyB avait lancé une OPA d'un montant de 575 millions
de livres sterling (858,5 millions d'euros) sur Manchester United, le plus
profitable des clubs britanniques cotés en Bourse. Considérant
que BSkyB est actuellement le seul fournisseur au Royaume-Uni des chaînes
thématiques à dominante sportive, la concentration
envisagée aurait, selon la Merger and Monopolies Commission (MMC),
renforcé la position dominante de BSkyB sur le marché des droits
de diffusion télévisuelle de la première League
britannique. Cette restriction permanente à l'accès d'autres
opérateurs sur le marché de l'approvisionnement des chaînes
sportives aurait de surcroît provoqué une entrave à la
concurrence sur le marché connexe de la télévision
payante. Enfin, ce rachat aurait permis à BSkyB, acquéreur
potentiel de droits, de participer directement aux décisions prises au
sein de la première League, notamment sur la possibilité de
certaines de ses équipes de participer au projet de Superligue...
3 les télespectateurs continuent à passer de plus en
plus de temps devant le petit écran: 3h25 par jour en 1998 en Europe
occidentale contre 3h19 en 1997 (temps moyen).
4 L'accord prévoit que la société britannique
BSkyB, contrôlée par Rupert Murdoch, prend 24 % de
KirchPayTV, pour 1,47 milliard d'euros. Elle paiera 510 millions
d'euros en numéraire et le reste en actions. KirchPayTV va ainsi obtenir
78 millions d'actions BSkyB, émises pour l'occasion, soit une
participation de 4,3 % dans la société britannique
équivalente à 970 millions d'euros
5 On note les acquisitions récentes des réseaux
français de Time Warner, de Vidéopole et de réseaux
câblés de France par UPC (280.000 abonnés), de cinq
réseaux de France télécom câble par NTL
(76.000 abonnés).
6 Au premier semestre 1999, l'efficacité des écrans
publicitaires diffusés par France Télévision diminue de 11
à 12 % par rapport aux 6 premiers mois de l'année
précédente ; par rapport à 1996, la chute est de - 24 %
sur France 2 et de - 17 % sur France 3.
7 L'analyse fait la part des risques liés, d'une part, à la
programmation, à la tarification des écrans publicitaires et,
d'autre part, à l'achat des campagnes TV.
Concernant les 2 premiers types de risques, cette analyse consiste à
comparer les performances des écrans par tranche horaire à la
moyenne réalisée par la chaîne sur le passé
récent sur la cible ménagère < 50 ans.
Concernant le 3ème type de risque, elle consiste à analyser le
coût GRP " objectivé " d'une campagne TV, à savoir
reconstituer les coûts/GRP que le client s'attendait à obtenir en
effectuant son choix d'écrans sur France Télévision. Il
est ainsi possible d'évaluer la part de responsabilité des
investisseurs publicitaires dans un éventuel " mauvais " choix
d'écrans.
8 N'en font pas partie, Arte, La Cinquième et les organismes
de l'audiovisuel extérieur.
9 Mais si l'on raisonnait sur l'ensemble secteur public ce chiffre
devrait sans doute être porté à 500 millions de francs,
compte tenu notamment de la situation de RFI et de RFP.
10 Montant qui serait à porter à 4,6 milliards de
francs si l'on se fixait un objectif de 5 % de croissance des ressources du
secteur public audiovisuel
11 Il en serait différemment si l'on envisageait d'autres
mesures de recoupement de fichier ce qui ne semble pas à l'ordre du jour.
12 A la date de l'audition, le 22 septembre 1999, Pathé a,
le 20 décembre 1999, porté à 66 % sa participation
dans la chaîne Comédie !